samedi 22 octobre 2011

Wargnier censuré !

Mon livre "Les Saint-Quentinois sont comme ça", qui sortira en décembre, a été expurgé de quelques chapitres jugés litigieux par mon éditeur et son avocat. Quelle époque ! Nous vivons en République et il faut un homme de loi sur son épaule avant de s'exprimer. Victime de cette (auto)censure, un texte consacré à Daniel Wargnier, dont parle beaucoup, ces temps-ci, L'Aisne Nouvelle. Je me suis dit que je pouvais vous offrir ce passage que personne d'autres que vous ne lira jamais. Du coup, je vous laisse juge de ma prudence, excessive ou justifiée. Lecteurs, vous êtes les seuls juges entre les mains desquels j'accepte d'être livré.

Quant à Daniel Wargnier, il m'en voudra peut-être de ne l'avoir pas immortalisé sur papier, au beau milieu de quatre-vingt autres personnalités et personnages de Saint-Quentin. Tant pis, la presse locale le vengera. Pour ce qui est des propos qui suivent et que j'ai reproduit dans leur intégralité, je suis sûr qu'il ne m'en voudra pas : il a trop d'humour pour s'offusquer, jouer les divas outragées. Voici donc l'extrait en question :


Daniel Wargnier, retraité de l’Education Nationale, traîne ses guêtres dans de nombreuses manifestations municipales, sans qu’on sache très bien pourquoi. Dans la rue, il donne souvent l’impression de se parler à lui-même. Sa bouche qui maugrée, son allure d’éternel bougon laisse à croire qu’il s’engueule avec sa propre personne. C’est un rustaud de corps et de tête. Son visage a des airs de poupon gentil les bons jours et de Popeye furieux les mauvais jours. C’est un poète-né qui n’aurait pas évolué ou mal grandi. Il récite à l’impromptu des vers de son cru, fait des références littéraires invérifiables.

C’est un autodidacte sauvage à dominante scientifique, qui a des intentions de pédagogue. Il propose régulièrement des conférences sur des sujets divers et variés. Sur l’eau, à la Maison de l’Environnement, il est même arrivé à Daniel Wargnier d’attirer deux personnes. Quand il parle, on ne sait pas très bien ce qu’il veut dire. C’est un savoir ésotérique pour public de catacombes. Sa tête est une pâte à modeler dont un enfant aurait fait un bonhomme rigolo. Sa bouche semble retenir les mots et les phrases, à la façon d’un bovin en train de ruminer, les malaxant et les rendant incompréhensibles.

Wargnier est ce qu’on appelle un personnage. Comme les OVNIS, il semble venu de nulle part et aller n’importe où sans qu’on comprenne pourquoi. Il participe activement au salon Art et Littérature au côté de Madame Polvent, Esmeralda qui aurait trouvé sur le tard son Quasimodo. Il dispute des parties de boules aux Champs-Elysées, s’engage dans des initiatives de protection de la nature au sein du parc d’Isle. Car la grande affaire politique de sa vie, c’est l’écologie.

Cet homme à la faconde spontanée, au bagout ténébreux, était condamné à faire de la politique comme d’autres font des omelettes, en cassant beaucoup d'oeufs. Ce bavard baveux aux postillons redoutables transforme n’importe quelle rencontre en copain. Les femmes craignent ses baisers mouillés de limace. Sa grosse voix monte parfois, ses petits yeux deviennent furibonds, ses rires d’ours inquiètent un peu, mais il ne fait vraiment peur qu’aux très jeunes enfants qui croient voir en lui un ogre ou un méchant de bande-dessinée.

Daniel Wargnier est trop inclassable pour avoir fait un choix politique classique : son souci de l’environnement, sa tendance volontiers protestataire auraient pu le conduire chez les Verts. Mais c’est à Génération Ecologie qu’il a posé ses valises, auprès de Jean-Robert Boutreux. Ce mouvement a connu son époque de gloire il y a une vingtaine d’années, en participant à des majorités et des gouvernements de gauche. Aujourd’hui, il s’est égaré dans le ciel politique de la droite.

Wargnier a défendu ces couleurs dans des élections cantonales. Sa face de baroudeur ronchon a été ainsi dupliquée à des milliers d’exemplaires par voie de tracts, affiches et professions de foi. Wargnier est devenu une vedette, grand parmi les grands, le temps d’un scrutin et d’une campagne. Il n’a récolté que quelques pourcentages de voix, mais cette présence dans la cour d’honneur suffit à son bonheur. C'est un OVNI qui se plaît à jouer les étoiles filantes.

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