samedi 8 octobre 2011

Chevalier Bou.

Il y a le chevalier du ciel, le chevalier de la table ronde, le chevalier Kadosh et bien d'autres encore, la France étant une ancienne terre de chevalerie. Ce soir, à Saint-Quentin, c'est un chevalier dans l'ordre national du mérite qui a été honoré, Yvonne Bou, une camarade. Et c'est un ministre, le maire de la ville Xavier Bertrand, qui lui a remis l'insigne (et pas la médaille ! comme l'a rappelé le colonel Dutel dans sa traditionnelle savante explication, en ajoutant que cette reconnaissance était sacramentelle, qu'on ne pouvait pas en démissionner, un peu comme un curé reste curé même défroqué).

Qu'est-ce que le mérite ? Voilà une question philosophique qui nous mènerait trop loin. Xavier Bertrand, entouré du sous-préfet et de la députée, a exposé celui d'Yvonne : 60 ans d'engagement associatif ! qui ont commencé par la création d'une bibliothèque dans le quartier Saint-Martin. Habile, il a évoqué les idées politiques de son ancienne collègue au conseil municipal, en la gratifiant d'appartenir à la gauche "pas fermée, non sectaire" (à qui pensait-il ?).

A son habitude, il a fait l'éloge du rassemblement dans l'action publique, reléguant aux second plan les clivages partisans. Malicieux, le maire a remarqué qu'Yvonne Bou rassemblait ce soir la gauche ... et la droite ! Et comme pour illustrer concrètement son propos, il a révélé que Pierre André et Yvonne Bou, adversaires politiques au sein du conseil régional de Picardie, partaient ensemble en voiture pour Amiens ! (imaginez aujourd'hui Monique Ryo et Anne Ferreira dans le même véhicule ...). Serviable, Xavier Bertrand est allé chercher dans le sac de la dame socialiste les lunettes qu'elle n'y trouvait pas.

Ce genre de cérémonie ne me branche pas trop. Je participe, je respecte mais ce n'est pas mon truc. Néanmoins, je ne m'y ennuie jamais, parce que j'apprends toujours quelque chose, parfois d'étonnant. Ainsi, j'ai d'Yvonne Bou l'image d'une militante radicale, ouvriériste, presque révolutionnaire, une incarnation de l'aile gauche du parti, critique envers la social-démocratie qui m'est chère. Or, bizarrement, ce soir, à entendre ses propos, c'est moi cette fois-ci qui me sentait plus à gauche qu'elle !

Je sais bien qu'une cérémonie protocolaire n'est pas une réunion de section, mais tout de même ... Ce n'est pas tant le socialisme qu'elle a mis en exergue que l'humanisme, sous les regards approbateurs de Xavier Bertrand. Et puis, j'ai été surpris d'apprendre que son engagement syndical avait débuté à la CFTC, qui n'est pas une organisation très favorable à la lutte de classes ! Plus étonnant encore, sa création chez les Scouts de France d'une section de louveteaux (à laquelle a appartenu Alain Gibout, devenu plus tard comme Yvonne adjoint aux associations !).

Dans ce type de discours, il faut noter tout particulièrement les personnes qui sont citées : il y a eu peu de politiques, aucun socialiste local actuel, mais essentiellement des militants associatifs. L'un pourtant n'excluait pas l'autre, d'autant qu'Yvonne a eu un riche parcours d'élue, conseillère municipale, conseillère régionale et adjointe au maire. Prudence de sa part ?

Observant Xavier Bertrand, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à ce qu'il pouvait penser, lorsque ses regards vers l'assistance tombaient sur Jacques Wattiez et Jean-Pierre Lançon, accusés quelques jours plus tôt, à quelques mètres de là, dans la salle du conseil municipal, d'avoir fomenté un "putch" contre le président de l'agglo, Denis Lefèvre. L'ambiance n'était plus à ça, les fleurs, le champagne et les compliments détendent. La politique exige de vite oublier, de rester souriant, puis de reprendre l'offensive le moment venu. Quel métier !

Yvonne Bou a même insisté sur la "convivialité", qui est en politique à peu près la même que sur un champ de bataille. En avouant son amour pour la salle des mariages dans laquelle se déroulait la cérémonie, plusieurs anges sont passés. Moi, je suis entré en méditation, écoutant ainsi parler celle que certains appellent encore, par une coquetterie qui ne la gêne nullement, qui la flatte peut-être, mademoiselle Bou, qu'ils pourront désormais qualifier de chevalier.

A la fin, au moment où les verres s'entrechoquent et où les langues se délient, les propos des uns et des autres sont nettement différents, tranchent sur l'aspect consensuel de la cérémonie. C'est la vie : si chacun disait continûment ce qu'il pense, il n'y aurait plus d'existence collective possible. Ce luxe est réservé à quelques-uns qui ne craignent ni n'attendent rien.

La cérémonie proprement dite s'est achevée par les félicitations au nouveau chevalier. Anne Ferreira a pris des photos pour son blog et moi des notes dans ma tête pour le mien. Les adversaires de gauche et de droite se sont mêlés, ont discuté par petits groupes faisant presque penser à des amis. Ce n'était ni l'amour ni le mariage, malgré la salle, non plus le rassemblement prôné par Xavier Bertrand, mais les vertus de l'alcool, du jus d'orange et des gâteaux secs.

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