samedi 31 août 2013

Danger division



Après, dans l'ordre chronologique, Stéphane Monnoyer (centriste), Yannick Lejeune (FN), Michel Garand (PS), Olivier Tournay (PCF), c'est une cinquième candidature aux prochaines élections municipales de Saint-Quentin qui a été révélée hier, assez discrètement, dans le Courrier picard : Guy Fontaine (communiste Front de gauche), figure bien connue du milieu politique et syndical local, déjà candidat aux dernières élections législatives.

Mais c'est une tête de liste différente des autres, car elle n'a pas forcément vocation à le rester : sa désignation est en vue de "mener des contacts avec nos partenaires politiques", selon René Jaffro, secrétaire de la section du PCF (comme les socialistes, les communistes sont répartis à Saint-Quentin dans deux sections qui, bien que du même parti, défendent des lignes politiques différentes). Traduction : le Front de gauche (auquel appartiennent les communistes de Jaffro, mais pas ceux de Bécourt) va négocier sa présence sur une autre liste. Objectif : "préserver l'union de la gauche et rassembler au maximum". J'approuve entièrement, mais l'annonce de cette candidature et l'impression qui en ressort à la lecture de l'article me posent plusieurs problèmes et questions :

1- Comment les membres d'un même parti peuvent-ils figurer sur des listes différentes, donc entrer en concurrence ? Ca me semble difficilement concevable, politiquement insoutenable (au parti socialiste, ça vaudrait exclusion). La tonalité de l'article donne le sentiment que les deux sections communistes vont se rapprocher, sous l'égide de leur fédération, et participer à la même liste, qui ne peut être que celle conduite par Olivier Tournay.

2- Si la cohérence et l'unité communistes en sortent victorieuses, ce n'est pas le cas pour ce qui concerne l'unité de la gauche, sa capacité à rassembler et par conséquent sa chance de l'emporter. A Saint-Quentin, la gauche ne gagnera qu'unie, ou bien elle perdra. Si nous étions forts, si nous étions les sortants, nous pourrions nous payer le luxe de candidatures multiples, qui ratissent large au premier tour et permettent de gagner au second tour, dans le prolongement de leur dynamique. Mais quand on est faible et dans l'opposition, avant d'envisager la victoire, il faut envisager de passer le premier tour : divisée, la gauche saint-quentinoise n'y parviendra jamais, JAMAIS, puisque, même rassemblée, elle y parvient difficilement. Quand René Jaffro dit qu'il veut "préserver l'union de la gauche et rassembler au maximum", il ne faut pas qu'il se paie de mots, il faut qu'il en tire toutes les conséquences politiques.

3- Le Front de gauche est-il incompatible avec la social-démocratie ? Non, absolument pas. J'ai connu l'époque où le parti communiste, alors stalinien, s'alliait avec les socialistes ouverts aux rocardiens ; alors ... Ce qui compte dans le scrutin municipal, ce ne sont pas les divergences nationales, parfois fortes, mais c'est le contexte local : quand on a face à soi Xavier Bertrand, on n'a pas le droit de se diviser, on fait tout pour s'unir ! Demain, dans le canton thiérachien d'Aubenton, le PS soutient dès le premier tour la candidate du Front de gauche ; alors ... A Saint-Quentin, l'important n'est pas de savoir si on est socialiste ou communiste (j'exclus bien sûr l'extrême gauche, qui n'a rien à voir avec nous), mais si on veut gagner ou pas. Or, je l'ai déjà dit et je le répète, tant qu'il le faudra : la gauche, après bientôt vingt ans d'opposition, ne peut pas se permettre une nouvelle défaite.

4- Le Front de gauche peut-il se reconnaître dans la démarche politique d'Olivier Tournay et Corinne Bécourt ? Certes, ils sont communistes les uns et les autres. Mais la section historique de Saint-Quentin est dans une dissidence, une déviance qui l'apparente plus à l'extrême gauche qu'à la gauche. Et l'irresponsabilité socialiste à les réunir dans une liste unique en 2008 a aggravé cet état de fait, l'a même encouragé. Nous n'avons pas fini d'en payer les conséquences négatives, qu'il faut maintenant rattraper au prix fort. Tournay et Bécourt sont anti-Front de gauche : comment le Front de gauche pourrait-il les rejoindre ? Quand les communistes légalistes trouvent que Jean-Luc Mélenchon va trop loin dans l'invective contre les socialistes (voir les derniers propos de Pierre Laurent, secrétaire national du PCF), les communistes dissidents saint-quentinois estiment que Mélenchon ne va pas assez loin dans sa dénonciation de la social-démocratie, qu'il est trop accommodant parce que toujours socialiste, bien qu'ayant quitté le parti. Je vois mal Jaffro s'accorder avec un tel point de vue.

5- Comment dénouer ce dilemme cornélien du Front de gauche local ? Rejoignant les socialistes, ils divisent les communistes ; rejoignant les communistes orthodoxes, ils empêchent l'union de la gauche et sa victoire sur Xavier Bertrand. La solution, outre la cohérence des convictions, est dans ce qui fait la nature de la politique, c'est-à-dire le pouvoir, et pour le dire plus trivialement, les places : avec Olivier Tournay, les communistes du Front de gauche n'en gagneront aucune, parce que Olivier ne sera ni le prochain maire de Saint-Quentin, ni le futur leader de l'opposition ; avec les socialistes, que ceux-ci l'emportent ou qu'ils perdent, le Front de gauche aura sa place, ses élus. En politique comme dans la vie, il y a des choses qui ne se refusent pas. Ou alors c'est qu'on est tombé sur la tête.

vendredi 30 août 2013

Questions pour des champions



C'est le week-end de la rentrée politique, dans l'Aisne à la foire aux fromages de La Capelle, à Saint-Quentin dans plusieurs manifestations très différentes : le défilé de la Saint-Fiacre, la présentation des prochaines expositions à Saint-Jacques, les cérémonies patriotiques autour de la Libération de la Ville et, lundi, la grande braderie. Que ces événements soient festifs, culturels, historiques ou populaires, les candidats aux élections municipales seront présents, c'est certain. A six mois du scrutin, ce sera l'occasion de prendre la température, de mesurer l'enthousiasme, d'évaluer la capacité de mobilisation, d'observer l'habileté médiatique, d'apprécier le sens du contact de nos candidats.

Je ne sais plus qui donnait cette définition minimaliste de la politique : "dire des choses à des gens". Oui, je crois que c'est exactement ça : la politique, c'est aller vers les autres et leur parler, ce qui suppose d'avoir quelque chose à leur dire qui retienne leur attention. C'est une volonté, un art, un métier, sûrement un plaisir, quelquefois une passion qu'on aura donc le loisir de tester ce week-end auprès de nos postulants au fauteuil de maire.

Les deux favoris, de droite et de gauche, ont chacun leur difficulté dans cet exercice de style. Xavier Bertrand, dès ce week-end et dans les prochains mois, risque d'être fort entouré par tous ceux qui aspirent à conserver leur place ou à en obtenir une. La droite va souffrir de l'excès. Sur sa liste, les places seront chères et les sacrifices inévitables. Il va donc falloir que les candidats putatifs jouent des coudes, se fassent remarquer, se posent en personnage indispensables, incontournables. Déjà bien entouré, Xavier Bertrand risque littéralement d'être étouffé par les solliciteurs. Il n'y a pas de roi sans sa cour, mais là, dans l'agitation, l'empressement, les allégeances démonstratives et la multitude des prétendants, ce sera la basse-cour.

A gauche, la difficulté sera inverse : non pas l'excès, mais le défaut. A sa première sortie publique, lors du jazz aux Champs-Elysées, le Courrier picard avait épinglé Michel Garand : tout seul, pas entouré. Détail qui tue, mauvaise image, vite rattrapée, vite corrigée : pour les cérémonies du 14 juillet et du Vel' d'Hiv', Michel avait sa suite, comme les mariés ont leur traîne (autre définition de la politique, de moi cette fois : faire de la politique, c'est être suivi, au sens moral comme au sens physique du terme). Même le secrétaire de section de Saint-Quentin, actuel chef de file de l'opposition, qu'on voit rarement dans ce genre de manifestations, s'était déplacé. Il faut maintenir tenir six mois de campagne, puis six ans dans la majorité ou dans l'opposition. Quel métier !

De cette rentrée de nos politiques, les journalistes vont être les témoins et observateurs scrupuleux, comptant les présents et les absents, regardant ce qui va se faire, écoutant ce qui va se dire, pour notre intérêt et notre plus grand plaisir de lecteurs. S'ils n'étaient pas là, que saurions-nous ? Rien du tout, il faudrait se contenter des tracts et discours officiels, et attendre le résultat de l'élection (qui est le juge ultime, définitif et absolu en démocratie). Si j'étais journaliste, je poserais quatre questions à nos champions :

1- Xavier Bertrand (UMP) : va-t-il se représenter, oui ou non ? Quand la loi sur le non cumul des mandats sera adoptée, que choisira-t-il entre maire et député ?

2- Olivier Tournay (PCF) : la liste "ouverte" qu'il dit vouloir constituer inclura-t-elle ou non l'extrême gauche, ses trois actuels élus municipaux et des représentants du Front de gauche ?

3- Michel Aurigny (POI) : présentera-t-il sa propre liste, comme en 2001, et fera-t-il alliance avec ceux qui lui sont politiquement proches, le NPA et LO ?

4- Nora Ahmed-Ali (EELV) : en tant qu'élue et responsable écologiste, s'oriente-t-elle vers une union avec le PS dès le premier tour ?

Voilà quelques questions simples, précises et déterminantes auxquelles nos élus pourraient répondre, en ce week-end de rentrée. Ne le doivent-ils pas aux citoyens électeurs ?

jeudi 29 août 2013

La guerre des gaules



La politique est une activité de plus en plus difficile, surtout au niveau local. On finit par se demander qui a envie de se présenter à une élection, de se porter candidat sur une liste, quand on voit le divorce et l'incompréhension entre les élus et leurs administrés. Je me suis encore fait cette réflexion en lisant L'Union du 17 août dernier, édition de Soissons, page 3, consacrée à une querelle proprement surréaliste entre les pêcheurs du coin et le maire de la ville, à propos de la construction d'un ponton. C'est une histoire de fous, entre gens raisonnables !

Le premier magistrat, Patrick Day, que je connais bien, homme d'ouverture, sensible et modéré, a entrepris d'aménager les berges de l'Aisne, afin de permettre aux personnes handicapées d'y accéder pour pouvoir pêcher. Voilà une bonne intention et une belle réalisation, un large ponton en bois, conçu par un cabinet d'architecte, après études. A Saint-Quentin, nous avons un site semblable, quai Gayant, non loin du cinéma. Je connais bien le problème : gamin, j'étais pêcheur, je sais que ce loisir est impossible pour les personnes en fauteuil roulant, dangereux même. Les berges de terre et d'herbes sont pour eux impraticables. Le ponton est donc une merveilleuse solution, qui devrait normalement susciter l'unanimité et l'enthousiasme de tous les pêcheurs.

Eh bien pas du tout ! C'est même le contraire qui s'est produit à Soissons. Une personne handicapée a adressé une lettre ouverte au monde de la pêche (1 500 adhérents !) pour critiquer vertement le ponton, en affirmant qu'il était complètement inutile, non seulement aux personnes handicapés mais à n'importe quel pêcheur ! Un ponton pour rien ? C'est bien ce qu'il semble. Publiée sur internet, la lettre a provoqué de nombreux commentaires autour de ce ponton de la discorde, qualifié de "tape-à-l'oeil" et de "honteux". C'est le ponton par qui vient le scandale ...

Je me méfie toujours des indignations anonymes. Mais quand c'est le président des pêcheurs soissonnais qui s'exprime es-qualité, j'en rabats un peu. Et il n'y va pas par le dos de la cuillère (à lancer, si vous me permettez de détendre l'atmosphère). En effet, Jean-Paul Rabier confirme, selon lui, l'ineptie du ponton, va plus loin en le qualifiant de "pharaonique" (pas comparable pourtant à Gizeh). L'affaire tourne carrément à la politique, puisque le président accuse la Municipalité de "gâchis" et "d'argent public dépensé". Là, ça devient sérieux. L'Union est allé bien sûr interroger le maire, qui ne trouve rien à redire à ce ponton et qui ne comprend pas les récriminations des pêcheurs, valides ou handicapés.

Mais au fait, que lui reproche-t-on, à ce fameux ponton ? La réponse est dans la lettre ouverte : quand on est installé dessus et qu'on déploie sa gaule, le fil trempe ... dans les herbes de la berge !!! Bref, un ponton construit pour pêcher interdit de pêcher. Ou alors, il faudrait une canne à pêche de 15 mètres de long, ce qui évidemment n'existe pas plus que la fourmi de 18 mètres de long de Jacques Prévert. Je me demande même si une gaule d'une telle longueur ne finirait pas par rejoindre la berge d'en face ! Et puis, il faudrait une épuisette elle aussi longuette, quand on a affaire à du gros. Et puis, comment faire, à cette distance, avec la bourriche ? Je ne parle même pas du bouchon difficile à voir, des touches à déceler, du ferrage à réussir avec une perche aussi grande qu'un poteau électrique ...

Y a-t-il une explication rationnelle à ce problème de ponton ? Oui : les nénuphars. Pourquoi ? Parce que ces plantes qui poussent n'importe comment dans l'eau ont proliféré devant le ponton, sans rien demander à personne, ni aux pêcheurs, ni au maire. A bien y réfléchir, le scandale ne vient pas de la construction du ponton, mais de l'invasion des nénuphars, qui neutralisent une large zone de pêche. Sauf qu'un nénuphar est une créature innocente : on ne peut pas lui reprocher d'être ce qu'elle est, de se trouver là où elle se trouve. Des nénuphars ne sont pas condamnables. En revanche, un ponton est une construction de mains d'hommes, sa présence résulte d'une décision, il y a des messieurs et des dames dans des bureaux qui l'ont conçu dans leurs têtes et sur le papier. Donc, les honteux, les scandaleux, ce sont eux !

Dans une polémique publique, surtout quand elle prend une tournure politique, qu'elle implique des autorités civiles, chacun est sommé de choisir son camp, en l'occurrence les pêcheurs en colère ou le maire bien intentionné. Je ne vais pas me dérober. En tant qu'ancien pêcheur, je suis tenté de rallier ce parti, localement très puissant. Mais en tant que socialiste, Patrick étant un camarade en qui j'ai toute confiance, je suis porté à la discipline : c'est donc, par principe, après réflexion et aussi de bon coeur, que je me range de l'avis de la Municipalité. Mais vous, vous faites comme vous voulez ...

mercredi 28 août 2013

Feuille de route et ligne de front



Le gouvernement est allé très vite et a bien fait. Hier, je prévoyais quelques heures ou quelques jours avant l'annonce de la réforme des retraites : dans la soirée, tout était bouclé. Après le pacte de compétitivité, la réforme du marché du travail et les emplois aidés (contrats de génération et d'avenir), c'est la dernière importante réforme en date du gouvernement Hollande. Je la crois très réussie. Pour tous les socialistes, c'est une feuille de route à défendre, une ligne de front sur laquelle se battre, dont la réception dans l'opinion sera cruciale pour la suite.

Il y a 40 ans, la retraite n'était pas un sujet politique majeur. Dans le Programme commun de gouvernement, dans les débats entre socialistes et communistes, il était surtout question d'emplois, de salaires, de politique industrielle ; le système des retraites n'était pas un objet de réflexion, parce que cette période de fin de vie retenait moins alors l'attention que celle qui précède. Depuis 20 ans, tout a changé : avec l'allongement de la durée de l'existence, la retraite ne consiste plus en quelques années de repos bien mérité avant la mort, mais elle représente toute une tranche de vie, une bonne vingtaine d'années où les gens ne se sentent plus "vieux" mais encore actifs, consommateurs et ... pleins d'avenir. La retraite n'est plus la fin de la vie, c'est le début d'une autre vie, d'une nouvelle vie que la société doit donc aménager, économiquement, financièrement. C'est une mutation culturelle.

Bien sûr, on peut penser, comme les signataires de la pétition "Socialistes pour les retraites" (voir mon billet d'hier), que cette situation nouvelle ne pose pas foncièrement de problème nouveau : avec le retour de la croissance, la reprise de l'emploi, le regain démographique, les actifs vont cotiser et assurer la retraite des inactifs. J'ai dit ce que j'en pensais, le gouvernement Ayrault aussi, puisqu'il s'est senti obligé de dégager 7 milliards d'euros pour garantir l'avenir du système, que toute personne raisonnable sait menacé si rien n'est fait. Laissons les spéculations optimistes et les hypothèses hasardeuses aux irresponsables : c'est quand même l'avenir des futurs générations dont il est question. François Hollande et Jean-Marc Ayrault y ont répondu excellemment.

D'abord parce qu'ils n'ont pas cédé à la tentation folle et électoralement désastreuse d'augmenter la fiscalité, c'est-à-dire la CSG. Pourtant, le rendement aurait été important et l'effort équitablement réparti. Mais comme je l'ai dit dans un récent billet ("Stop impôt"), il faut arrêter la pression fiscale, qui est devenue insupportable. Et il faut pourtant de l'argent pour les caisses de retraite ! Le plus sage, je n'ose pas dire le plus indolore, c'était d'augmenter les cotisations sociales. C'est aussi le plus juste, le plus conforme à notre système de retraite, qui repose sur les cotisants, non sur les contribuables.

Ensuite, il fallait bien tirer les conséquences de l'allongement de la durée de vie, non pas en touchant à l'âge légal de départ, mais en augmentant la durée de cotisation pour une pension à taux plein. Là aussi, ce n'est que justice. Ces deux mesures mises bout à bout, relèvement des cotisations et prolongement de leur durée, le système est préservé jusqu'en 2020. Après, on verra, il ne faut pas être dogmatique dans une matière qui concerne l'avenir, qui est donc largement incertaine, fluctuante. Mais il était impossible de ne rien faire ou de différer la réforme, n'en déplaise à mes camarades de "Maintenant la gauche".

La droite proteste, elle est dans son rôle. Mais quand elle dénonce une nouvelle hausse fiscale, elle confond cotisation et impôt. Si on la suivait dans ce raisonnement, tout serait fiscal, y compris quand je paie mon gaz et mon électricité. La droite dénonce également une réforme qui n'en est pas une, selon elle. Là aussi, entendons-nous sur les mots : je suis bien d'accord que le gouvernement n'a pas procédé à une réforme structurelle de notre système de retraite, puisque le mode de calcul n'a pas fondamentalement changé. Mais justement ! L'objectif de la gauche était bel et bien de préserver le système par répartition, pas de le chambouler. Et je comprends le regret de la droite, dont nous connaissons les ambitions, au demeurant louables quand on est de ce bord-là, en matière de réforme des retraites : elle veut certes garder le socle de la répartition, mais lui adjoindre une part de capitalisation, dont le parti socialiste ne veut pas entendre parler. Voilà la différence, qu'il faut avoir à l'esprit quand on parle de réforme des retraites.

La réforme actuelle est essentiellement et nécessairement conjoncturelle : elle concerne le financement du système, pas la modification de son architecture. Cependant, l'inclusion de la pénibilité est un vrai changement de fond. La gauche en discutait depuis des années : arrivée au gouvernement, elle le fait, et c'est une donnée complètement nouvelle dans le calcul des retraites. Je n'ai pas besoin d'en démontrer l'utilité ni l'évidente justice. A quoi il faut ajouter, dans cette réforme Hollande-Ayrault, des mesures socialement très importantes, avantageant les femmes, les apprentis, les étudiants, les salariés à temps partiel notamment. Au total, c'est une grande et belle réforme à laquelle nous avons affaire, dont tout socialiste doit être fier, dont il doit se faire le pédagogue auprès de l'opinion.

Oui mais voilà, la politique reste un combat : la feuille de route a beau être excellente, il va falloir monter au front pour la défendre, et se battre. Tant mieux, j'aime ça, et avec moi tous ceux qui aiment la politique ! En tout cas, personne ne se battra à la place des socialistes. Comme dans toutes les grandes batailles, un double front se constitue : c'est le propre des armées de conquête. Sur notre droite, l'UMP, parce qu'elle est dans sa fonction d'opposant, et le patronat, parce qu'il refuse qu'on augmente ses cotisations ; sur notre gauche, les partis radicaux, parce qu'ils sont hostiles à la social-démocratie, et les syndicats de la confrontation sociale, CGT, FO, SUD, FSU, qui exercent légitimement leurs mandats, ne croient qu'au rapport de force et font, pour certains, de la protestation un réflexe systématique.

Ca fait beaucoup de monde contre la réforme gouvernementale ? Tant mieux, parce que ces multiples forces en même temps sont opposées les unes aux autres et en quelque sorte s'annulent. Elles n'offrent aucune perspective politique de remplacement. La social-démocratie, elle, tient bon sur une ligne de continuité et de cohérence. Ses gros bataillons, ce sont les électeurs, car bien peu de Français sympathisent avec les intérêts du patronat ou les espérances révolutionnaires : le réformisme est dans la majorité des têtes. Je suis donc confiant, d'autant que cette réforme est soutenue ou bien accueillie par les syndicats du compromis social, CFDT, UNSA, CFTC, qui misent, eux, sur le dialogue social, pas sur le rapport de force.

Il y a donc tout lieu d'être optimiste. A une condition cependant : cette belle réforme des retraites doit être assumée, portée, défendue et expliquée par tous les socialistes, sur une même ligne de front, feuille de route en main. Les sections, les élus devront se mobiliser, dès le débat parlementaire, pour remporter la seule bataille qui compte dans une démocratie, la seule dont on puisse être fier, à côté de quoi les manoeuvres d'appareil sont minables : la bataille de l'opinion, qui précède la victoire aux élections. A quelques mois des municipales, il faut l'avoir à l'esprit.

mardi 27 août 2013

Pétition de principes



Jean-Marc Ayrault a terminé aujourd'hui ses consultations avec les partenaires sociaux en vue d'une réforme des retraites dont nous connaîtrons le contenu demain ou dans les prochains jours. Pour le gouvernement, pour le parti socialiste, pour la gauche, ce sera l'heure de vérité, le dossier le plus chaud depuis la victoire présidentielle de l'an dernier, le rendez-vous qu'on ne peut pas rater, pour lequel nous sommes attendus. Sur ce coup-là, nous le savons, la gauche radicale risque de se cabrer. La bataille de l'opinion, dès la rentrée, sera rude : les socialistes ne peuvent pas caler là-dessus, c'est leur avenir, leur crédibilité qui sont en jeu.

Je ne sais pas ce que seront les arbitrages de l'Etat, les choix fondamentaux : allongement de la durée de cotisation, hausse des cotisations sociales, augmentation de la CSG ... Ce que je sais, c'est que le dialogue social a joué à plein, que le gouvernement est ouvert au compromis, y compris avec le patronat, que l'orientation choisie sera réformiste, qu'en tant que telle, tout socialiste aura le devoir de la soutenir. Je le dis avec solennité parce que je pense que ce genre de dossier est apte à faire tomber le gouvernement, si son projet n'est pas soutenu et expliqué (dans le même ordre d'idées, j'ai en tête ce qui s'est malheureusement passé en son temps avec la réforme des 35 heures).

Parmi les socialistes, les propositions sont multiples, le débat est animé, comme il est normal dans une organisation démocratique aux diverses sensibilités. Mais quand le chef de l'Etat aura tranché, il ne devra plus y avoir qu'une seule voix. Au nombre des contributions, je viens de recevoir un texte à signer, intitulé "Socialistes pour les retraites", dont le contenu m'a sauté aux yeux, tant il est aberrant, indigent et surréaliste, rédigé pourtant par d'éminents camarades, responsables nationaux, Marie-Noëlle Lienemann, Emmanuel Maurel, Gérard Filoche, Julien Dray (dont les positionnements politiques divers et variés me sont devenus illisibles), Anne Ferreira. Cette pétition est initié par le courant "Maintenant la gauche" (à ne pas confondre avec "Un monde d'avance" d'Hamon et Emmanuelli, qui ne sont heureusement pas sur cette ligne radicale), c'est-à-dire l'aile gauche de l'aile gauche.

Attention, il y a plein de choses dans ce texte avec lesquelles je suis d'accord, car on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre : maintien de l'âge légal de départ à 60 ans, sauvegarde du système par répartition, défense du niveau des pensions, prise en compte de la pénibilité, égalité hommes-femmes, etc. C'est en vérité une pétition de principes, sur lesquels on ne peut que s'accorder quand on est socialiste. Tout ça pour ça ? Tout ça pour quoi ? Car derrière les constats unanimes, les analyses évidentes, les chiffres incontestables, quel message veut faire passer cette pétition ? Il est génialement contenu dans la formule de titre : "Pas un trimestre de plus, pas un euro de moins".

Voilà qui a le mérite de la clarté, mais d'une clarté insoutenable à l'oeil et à la pensée. Que revient-elle à dire ? Il ne faut pas bouger, il ne faut rien changer, il faut écarter toute réforme des retraites. Et ça, c'est politiquement insoutenable. Car à quoi servent les consultations du Premier ministre, à quoi servent les intentions et les directives du président de la République si c'est pour prétendre, finalement, que notre système de retraites n'a pas besoin d'être réformé ? Il y a des phrases dans cette pétition qui sont définitives : "Rien n'oblige à reculer l'âge de départ, rien n'oblige à augmenter les annuités, rien n'oblige à baisser le niveau des pensions". Non, en effet, rien n'oblige à rien quand on veut tout conserver.

Mais alors, on fait comment pour régler le problème du financement des retraites ? Simple comme bonjour : on nie qu'il y ait un problème, comme les lambertistes nient que la Sécurité sociale soit en déficit (le fameux "trou", pour eux, c'est en réalité une montagne, celle des exonérations patronales, qu'ils veulent supprimer d'un trait de plume, à coup de décret : ils ont au moins une excuse, ce sont des révolutionnaires). C'est encore une fois écrit noir sur blanc : "Il n'y a pas d'urgence à une nouvelle réforme des retraites". Oui, vous avez bien lu, et retenez-le : la réforme des retraites que s'apprête à dévoiler le gouvernement n'a pas lieu d'être, quel que soit son contenu. Imaginez un peu dans quel embarras sont plongés le Premier ministre et le chef de l'Etat, avec un tel positionnement de militants issus de leurs rangs, censés au contraire les soutenir ?

A vrai dire, la pétition "Socialistes pour les retraites" est beaucoup plus d'inspiration syndicale que politique. Elle ne dégage aucune perspective nouvelle, elle ne propose pas de réforme alternative des retraites (et pour cause, elle pense que la réforme n'est pas nécessaire !). Je l'ai dit : elle répète des principes, elle rassemble autour de leur défense. Mais l'action politique ne consiste pas en un rappel de principes, aussi excellents soient-ils : c'est une prise de décisions en fonction de l'avenir, et c'est ce que va faire dans les prochaines heures ou les prochains jours le gouvernement.

Le 10 septembre, une journée d'action syndicale en faveur des retraites est prévue. C'est un mouvement parfaitement légitime au regard des mandats que défendent les organisations interprofessionnelles participantes. Mais les syndicats réformistes ne seront pas présents, parce qu'ils estiment qu'on ne peut pas échapper à une réforme de notre système de retraites. Je ne conçois pas que des socialistes, responsables ou militants, participent à cette journée de mobilisation. S'ils le faisaient, ce serait contribuer à troubler l'image de la gauche auprès de l'opinion. Ce serait entrer en contradiction avec leur parti et leur gouvernement. Sur des sujets mineurs et secondaires, les désaccords sont admissibles, moi-même j'en ai parfois quelques-uns. Mais sur la question fondamentale des retraites, qui engage la responsabilité et la crédibilité du gouvernement socialiste, aucun militant ne doit manquer à l'appel.

lundi 26 août 2013

Une ville de gauche



La dernière édition de L'Aisne Nouvelle est allée chercher un drôle de personnage, un socialiste saint-quentinois inconnu des socialistes saint-quentinois, Théo Chino, dont le nom ne me dit strictement rien. Alors que nous espérons donner un maire de gauche à Saint-Quentin, le camarade en question veut carrément ravir la municipalité de New-York ! Et même chez nous, Théo n'est pas sans ambition, mais "personne ne m'a sollicité", dit-il en souriant. Ah bon : c'est un socialiste du genre attentiste, qui espère qu'on vienne le chercher. Pourquoi pas chercher à s'imposer ? Quand on veut croquer la Grosse Pomme, on ne craint pas la cité des Pastels (à mon tour de dire des choses en souriant). A.W., qui l'a interrogé, en conclut que le PS a peut-être son candidat pour les municipales de 2020 !

Attention, Théo Chino est quelqu'un de sérieux : il a été candidat aux primaires socialistes pour les sénatoriales et a fait partie aux législatives de l'équipe de la candidate socialiste (dans les élections concernant les Français de l'étranger). Il est même revenu des Etats-Unis pour participer à l'université d'été de La Rochelle, ce qui prouve son degré d'engagement. Mais songe-t-il à un avenir politique à Saint-Quentin ? Car il est toujours inscrit sur les listes électorales de notre ville ! Pour le moment, son militantisme consiste "à ce que les 200 Saint-Quentinois de l'étranger toujours inscrits sur les listes électorales à Saint-Quentin aillent voter en 2014". Je suppose qu'il les incite à voter PS, et pas UMP ! Théo est donc un agent électoral très précieux pour les socialistes locaux : 200 voix, c'est plus qu'il en aurait fallu à Anne Ferreira pour dépasser Xavier Bertrand dans la ville de Saint-Quentin, aux législatives de l'an dernier. Théo le bien nommé serait-il notre sauveur, ayant entre ses mains les clés de la victoire ?

Une remarque de sa part vient cependant freiner ma ferveur : "J'aimerais que le PS l'emporte [aux prochaines élections municipales] mais je pense que Saint-Quentin est davantage à droite qu'à gauche". Autant dire qu'il ne croit pas en une victoire socialiste ... Mais là, le camarade Théo se trompe. Son exil américain lui aura troublé la mémoire et le jugement. Il est vrai qu'il n'est pas le seul. Je me souviens, lors de la claque des dernières cantonales qui avait réédité à l'échelle locale le 21 avril 2002, d'une socialiste, Saint-Quentinoise de très longue date, me disant que le résultat n'était pas trop surprenant puisque "Saint-Quentin n'est pas pas une ville de gauche" ! J'étais abasourdi : comment la mémoire peut-elle être à ce point infidèle ? J'ai immédiatement cité le nom de Le Meur, député-maire communiste, mais rien n'y a fait : dans l'esprit de la camarade, Saint-Quentin, à part quelques années presque accidentelles, était quasiment une ville de droite. 18 ans de présence et de victoires continues de l'UMP ont fini par effacer le passé de gauche ! (pas dans toutes les têtes, heureusement)

A Théo Chino et à ces camarades oublieux de leur propre histoire, j'affirme au contraire, en dépit des apparences, que Saint-Quentin est davantage à gauche qu'à droite, pour trois raisons principales :

1- Une raison historique : par le passé, la gauche a régulièrement gagné les élections locales. La ville a même été une municipalité communiste, ce qui n'est pas rien. La séquence 1995-2013, où la droite domine, est exceptionnelle et inédite. Mais elle ne fait pas de Saint-Quentin, loin de là, une ville de droite.

2- Une raison électorale : lors des élections nationales, les Saint-Quentinois votent largement à gauche, par exemple aux dernières présidentielles. Mais lorsque le scrutin est local, ils votent à droite. L'an dernier, ils ont choisi massivement François Hollande, mais à la législative, ils ont préféré de peu Xavier Bertrand. Saint-Quentin est l'exemple d'une ville de gauche qui vote localement à droite ( il arrive que des villes de droite votent localement à gauche, Lyon par exemple).

3- Une raison sociologique (qui est la plus puissante) : Saint-Quentin, pour faire simple, est une ville ouvrière, une ville pauvre, durement et durablement touchée par la crise économique. De ce point de vue, elle est une ville propice à la gauche. Les villes fondamentalement de droite sont bourgeoises, Neuilly, Bordeaux, Lyon.

Il faut donc le clamer haut et fort avant que ne commence vraiment la campagne des municipales : Saint-Quentin est une ville de gauche ! Elle l'est historiquement, électoralement, sociologiquement, il ne dépend que de la gauche qu'elle le soit politiquement. En faisant quoi ? Je laisse le dernier mot à l'invité de ce billet, Théo Chino : "Maintenant, c'est au PS d'être à la hauteur afin de convaincre les habitants".

dimanche 25 août 2013

Stop impôt



L'université d'été du parti socialiste (ah mes souvenirs !) avait deux objectifs principaux : lancer une vaste campagne contre l'extrême droite, si menaçante pour les élections municipales (St-Quentin, ah ma douleur), redonner à Harlem Désir (que j'ai connu flamboyant en 1984) des habits de chef. Mais comme souvent en politique, rien ne se passe comme prévu et l'actualité nous rattrape. D'abord, la politique pénale et le débat Valls-Taubira se sont invités, paraît-il au profit de la seconde à l'applaudimètre. Ce n'est pas avec cet engin qu'on mesure le bien-fondé d'une ligne politique. Et puis, en tant que socialiste, j'applaudis toujours plus fort un socialiste qu'une non socialiste. Surtout, dès l'ouverture, il y a eu la question fiscale.

Je n'ai pas bien compris ce qu'a fait le ministre de l'écologie chez les écologistes. Au départ, comme beaucoup de monde, j'ai pensé que sa contribution climat-énergie était un nouvel impôt, parfaitement justifié par ailleurs : de toute part, on nous dit que l'avenir de la planète est menacé, que le climat se réchauffe dangereusement, que les ours polaires vont bientôt dériver sur des blocs de banquise, qu'il faut absolument modifier nos modes de consommation et de vie, sinon il y aura pour nos enfants péril en la demeure. Ca vaut bien un impôt en plus, non ? Y compris quand on est contre l'impôt, étant donné l'enjeu. La droite ne devrait rien trouver à en redire, puisqu'elle a tenté mais raté, avec sa taxe carbone (que j'avais défendue sur ce blog, vous vous en souvenez).

Sauf que la France n'est pas la planète entière et que notre pays souffre d'une autre surchauffe, fiscale celle-là, à laquelle les socialistes ne sont pas insensibles (moi le premier). Certes, la gauche, à la différence de la droite libérale, n'est pas l'ennemie de l'impôt : au contraire, elle le défend comme un instrument indispensable de redistribution des richesses et donc de justice sociale. Mais il ne faut pas abuser des bonnes choses : il y a un moment où trop c'est trop. Nous sommes entrés dans ce moment-là. Et puis, l'égalité fiscale est surtout valable pour l'impôt progressif sur le revenu ; la fiscalité au sens large (taxes de toute sorte, fiscalité locale) est souvent inégalitaire, et elle finit par devenir injustement confiscatoire. En tout cas, elle rogne sur le pouvoir d'achat. L'impôt, censé frapper la tête de la société, sape sa base.

Dans ce débat fiscal, les socialistes avaient acté cette surdose fiscale, en promettant d'arrêter là les frais. C'est pourquoi j'ai fait la grimace en entendant parler de cette contribution climat-énergie : une bonne idée ne fait pas forcément une bonne mesure politique. Je me suis dit que c'était pour faire plaisir aux écolos : mais pour ça, il y a des places, au gouvernement, au Parlement, n'importe où ailleurs, mais pas des impôts nouveaux. Alors, il y a eu rectificatif : ce ne sera pas un impôt nouveau, mais une reconfiguration de la fiscalité environnementale existante, qui ne va rien augmenter du tout. Ouh là là, il fallait le dire dès le départ, en rouge et souligné trois fois ! Franchement, une parole de ministre devant une assemblée politique, on se dit que l'annonce est nouvelle et importante, que ce n'est pas un simple réaménagement.

Ce matin, Jean-Marc Ayrault a remis de l'ordre dans les têtes. Le patron, après Dieu, a été comme toujours très bien, très clair : pas d'impôt nouveau, pas d'augmentation du niveau de prélèvements. Ouf ! Il a ajouté, mais il l'avait déjà dit : une seule ligne politique au gouvernement. J'espère que l'applaudimètre a fait un tabac. A Saint-Quentin, pour les municipales, j'ai aussi préconisé que la gauche s'engage solennellement à ne pas augmenter les impôts. Sinon, on aura l'air malin : Xavier Bertrand aura beau jeu de dire qu'il continuera à faire aussi bien, et même mieux, sans augmenter la fiscalité. Un homme qui promet ça, on ne peut que voter pour lui ! Alors attention : stop impôt, et le dire plus clairement que le ministre de l'écologie, qui est excellent, mais pas très bon communicant.

samedi 24 août 2013

La dernière énigme



Ce sera la dernière énigme de l'été, dont vous avez été très friands, si j'en crois le nombre de consultations. A chaque fois, vous avez deviné. Mais cette fois ? J'ai rencontré cet après-midi à Paris mon super-héros préféré. Mais à quel endroit exactement ? Observez bien la vignette. Allez-vous une fois de plus l'emporter, ou vais-je enfin réussir à vous coller ? J'attends vos réponses ... ou votre silence.

vendredi 23 août 2013

Bonne rentrée



La rentrée des classes approche, un moment très attendu, parfois redouté, qui concerne plusieurs millions de jeunes, de familles, de personnels de l'Education nationale. La rentrée 2013 sera-t-elle bonne ? D'avance, nous pouvons dire que oui. D'abord, pour les étudiants de l'enseignement supérieur, il y a eu cette revalorisation des bourses saluée par tous, qui n'est que le début d'une réforme plus ambitieuse pour un système plus juste, plus adapté, plus égalitaire de financement des études. Les syndicats d'étudiants ont salué et encouragé ce progrès.

Surtout, il y a cette immense nouveauté, ce choix politique d'envergure, socialement remarquable : la titularisation des AVS, auxiliaires de vie scolaire, qui sont chargés de l'accompagnement et du suivi des enfants handicapés. C'est incontestablement la mesure la plus spectaculaire de cette rentrée : leur situation était précaire, leur formation se faisait sur le tas (c'est-à-dire ne se faisait pas, alors qu'il y avait nécessité : imaginez un peu vous occuper d'enfants handicapés, même scolairement !). Ils bénéficieront désormais d'un CDI et d'une professionnalisation. Ce n'est pas rien, 28 000 AVS sont concernés.

Et puis, il y aura le chantier de la réforme des rythmes scolaires, qui a suscité l'an passé tant de doutes, de réticences et de résistances, parce que certains élus sont sans imagination, parce que certaines collectivités préfèrent mettre l'argent ailleurs que dans les activités scolaires, parce que certains enseignants font passer leur confort personnel avant l'intérêt des élèves, parce que un certain nombre de Français veulent bien réformer à condition de ne rien changer ! C'est ce qu'on appelle le conservatisme, que je suis parfois surpris de constater y compris chez des personnes de gauche ...

Mais la réforme passera, comme bien d'autres avant elle, qui ont soulevé autant de contestations, puis ont été applaudies et défendues (je pense en particulier aux 35 heures). 2014, ce sera cette fois-ci le passage obligatoire à la semaine de 4,5 jours, avec activités périscolaires l'après-midi. Ce sera aussi un beau débat pour les prochaines élections municipales. A cette occasion, nous verrons bien quelles sont les équipes capables d'offrir aux enfants et aux familles un vrai projet éducatif, solide et utile, en liaison notamment avec les associations.

Comment réagit l'opposition de droite à l'approche de cette rentrée ? Comme d'habitude, en ne trouvant pas meilleure idée (c'est-à-dire la pire) que de contester le versement de l'ARS, allocation de rentrée scolaire, attribuée aux familles dans le besoin, en proposant, au lieu de l'argent, des bons d'achat. C'est en tout cas la suggestion du député UMP Edouard Courtial.

Si la gauche a un problème avec les riches en les caricaturant parfois, la droite a un problème avec les pauvres en les soupçonnant de mauvaises pensées : incapables d'éduquer leurs enfants, dilapidant l'argent en dépenses de loisirs et de confort, foncièrement égoïstes ou plus simplement inconscients, voilà l'état d'esprit des pauvres, voilà pourquoi il ne faut pas leur verser l'ARS mais leur distribuer charitablement des bons d'achat, pour être certain que le dispositif ira bien aux fournitures scolaires. Voilà le raisonnement de l'homme de droite (pas de tous, heureusement !), qui touche aussi parfois des personnes qui se prétendent de gauche. Les uns et les autres ont du mal à cacher le mépris qu'ils éprouvent envers les classes populaires (les classes moyennes, en revanche, sont formidables, sages, raisonnables !) et qu'ils dissimulent derrière de fausses bonnes intentions.

Non, des bons d'achat, ce n'est plus un droit ! Et pendant qu'ils y sont, pourquoi pas des bons d'achat pour les allocations familiales ? Mais non, suis-je bête, ce n'est pas possible puisque tout le monde les perçoit, y compris les riches, qui eux sont forcément responsables, à la différence des pauvres. Cette polémique est une rengaine lamentable, minable, qui n'honore pas la droite. J'ose espérer que le député Courtial est très minoritaire dans son propre camp. Bonne rentrée !

jeudi 22 août 2013

Vive Valls !



Manuel Valls est depuis quelques jours au coeur de la polémique, critiqué de toute part, y compris par certains camarades socialistes. Je dis stop : qu'on l'aime ou pas, qu'on soit d'accord avec lui ou non, il est le ministre le plus populaire du gouvernement. Alors, quand on est socialiste, on se réjouit : vive Valls ! Ou bien c'est qu'on est devenu politiquement fou, aussi fou que se donner le moins bon candidat à une élection (ce qui arrive parfois) !

Mais je sais que l'argument ne suffit pas, qu'il faut répondre aux reproches et critiques les uns après les autres. Valls en ferait trop, se montrerait partout, se baladerait à l'excès dans les médias ? Mais ça fait partie du job de ministre ! C'est un bon communicant, qui s'en plaindra ? Ah si, je vois : les mauvais communicants, ceux qu'on ne voit nulle part. Récemment, je suis tombé sur une photo de ministre dont je ne connaissais ni le nom, ni la tête (je ne dévoilerai pas, par pitié, son identité, d'autant que je l'ai déjà oubliée !). On ne va tout de même pas regretter que Valls passe trop souvent à la télé !

Bien sûr, il y a ses idées, qui froissent parfois les consciences de gauche. Mais quelles idées ? Donnez-moi une seule idée de Valls qui ne soit pas aussi celle de Hollande et de tout le gouvernement. Ne perdez pas votre temps à chercher, vous ne trouverez pas. Manuel Valls est un bel exemple de solidarité gouvernementale. On ne peut pas en dire autant de tous les ministres. Ce n'est pas lui que vous entendrez critiquer le budget ou une mesure gouvernementale.

Cet été, il y a certes eu son différend avec Christiane Taubira. Mais l'Intérieur et la Justice ont chacun leur point de vue sur la politique pénale, respectivement légitime. Il y a eu échange de courriers, pas destiné à être rendu public, et c'est le Premier ministre et le chef de l'Etat qui arbitreront. Le cas de figure est normal et traditionnel. Sous Mitterrand, entre Defferre et Badinter, on a déjà connu ça. L'important est que les deux ministres se rangent derrière la conclusion présidentielle. Valls a prévenu, et c'est l'essentiel : il n'y a pas de désaccord politique fondamental avec Taubira.

Et puis, il y a eu ce séminaire de rentrée, où Manuel Valls aurait choqué par sa remise en cause du regroupement familial et son interrogation sur la compatibilité entre l'Islam et la démocratie. Mettons les bruits de couloir de côté : qu'a répondu le ministre à ces accusations ? Qu'on l'avait mal compris, que ses propos avaient été déformés. Ce sont des choses qui arrivent. Mais basta, l'affaire est close puisque Valls dément. En ce qui me concerne, aucun problème : je suis entièrement favorable au regroupement familial, droit humain élémentaire qu'on doit à Giscard d'Estaing, et je sais, d'expérience historique, que la religion musulmane est autant compatible avec la République que la religion catholique, malgré une coexistence qui n'a pas toujours été facile.

Alors, où est le problème Valls ? Nulle part, seulement dans la tête des esprits chagrins. C'est une question d'image : on n'imagine pas un homme de gauche en défenseur de l'ordre, de l'autorité, de la sécurité et des lois. Ce en quoi on a tort : Valls fait tout simplement son boulot, qui ne peut pas être autre chose que défendre rigoureusement l'ordre, l'autorité, la sécurité et les lois. Quand on a de la mémoire, on se souvient que le "problème" était le même avec Jean-Pierre Chevènement en son temps.

Non, Valls ne sourit pas, il serre les mâchoires, met le menton en avant, jette des regards de policier inquiet, a les cheveux noir corbeau et tient un discours martial : c'est le métier qui veut ça, une superposition de Javert et de Clémenceau. Un ministre de l'Intérieur doit physiquement montrer qu'il est le premier flic de France. Manuel Valls le fait très bien, tant mieux. Alors, soutenons-le sans réserve, applaudissons-le sans retenue (je m'adresse à la gauche, bien sûr). Reprenez avec moi : vive Valls !

mercredi 21 août 2013

L'esbroufe et la menace



Le Courrier picard de lundi annonçait une édition du lendemain assez prometteuse pour quiconque s'intéresse à la politique locale : A sept mois des municipales, où en sont les politiques ? Les vacances estivales ne sont pas terminées pour tout le monde. A sept mois des élections municipales, qui s'agite, qui prend son temps, qui réfléchit ? Des éléments de réponse. J'étais tout émoustillé. Mine de rien, il s'est passé à Saint-Quentin des choses en politique cet été, que je connais et sûrement que je ne connais pas. Je m'attendais à un tour d'horizon des forces en présence, savoir où en sont les listes, les projets et les équipes de campagne.

Le lendemain, c'est-à-dire hier, je ne peux pas dire que j'ai été déçu, puisque tout ce qui est politique me concerne, mais j'ai été surpris. Une pleine page, un gros titre, une belle photo, oui, mais pas ce que je croyais, uniquement sur le Front national, "déjà en ordre de bataille", que vous prenez comme une claque quand vous êtes de gauche et anti-FN. Mais je me suis calmé, j'ai lu attentivement, j'en suis sorti perplexe et inquiet.

Ainsi, l'extrême droite serait la première force politique saint-quentinoise à entrer en fanfare dans la campagne des municipales, avec sa liste "bouclée", fin prête, alors même que les vacances ne sont pas terminées, que la rentrée (politique) n'est pas faite. Les partisans du FN vont applaudir, mais ses adversaires vont s'inquiéter, mais aussi s'interroger. Monter une liste de 45 noms, ce n'est facile pour personne, y compris les grandes formations politiques : il faut les trouver, les choisir, les convaincre, s'assurer de leur éligibilité. L'exercice est délicat.

Les lepénistes en ont plus qu'il ne faut, une soixantaine, prétendent-ils. C'est à voir, je doute beaucoup. La présence frontiste dans notre ville est récente en termes de militantisme. Leurs bons scores électoraux ne préjugent pas de la capacité à entraîner des personnes dans un affichage public qui, quoi qu'on dise, reste lourd à assumer et ne rapporte individuellement pas grand chose. L'être humain est ce qu'il est : du côté du manche, on se dispute les places ; dans l'opposition, il faut être très militant, très ambitieux ou très inconscient.

Les responsables du FN affirment que leur liste rassemblera "des hommes et des femmes de tous horizons", pour reprendre les termes mêmes de l'article. Quels horizons ? Je ne vois, en ce qui les concerne, que la ligne bleue de l'extrême droite, et aucune autre. Ou alors, qu'ils s'expliquent, qu'ils lèvent le voile sur ces "horizons" que pour ma part j'ai du mal à percevoir.

Des noms de professions libérales figureraient, paraît-il, sur la fameuse liste. Professions libérales, on pense à commerçant, petit patron, avocat, médecin, architecte, ça fait sérieux, crédible, honorable, et quand on est ni sérieux, ni crédible, ni honorable, on en a bien besoin. Pourquoi pas des notables ? Sauf qu'aucun nom ne sort du chapeau. Sur une soixantaine, les responsables du FN devraient être capables d'en citer au moins un, puisqu'ils sont certains d'avoir "bouclé" leur liste. Mais non, rien.

Ah si, une précision, la seule sur la composition de la liste : "il y aura même des blacks", déclare la tête de liste, Yannick Lejeune. Il se croit peut-être drôle, mais ça ne me fait pas rire. Il emploie le langage tendance, mais ça reste un facho. Mais je suis bien obligé de reconnaître que l'extrême droite, en doublant tout le monde, réalise un joli coup médiatique. D'autant que, par contraste, la situation de la gauche paraît peu enviable : les "autres partis en sont à phosphorer sur leurs partenaires futurs pour mars 2014" (c'est bien sûr le PS qui est visé), il est "loin d'être exclu" que la gauche parte "ultra-divisée", avec pour conséquence de possibles élus FN, pour la première fois à Saint-Quentin.

L'article termine en se demandant si les propos des frontistes locaux relèvent de "l'esbroufe" ou représentent "une véritable menace". Il n'y a pas selon moi alternative : les deux réponses sont valables. L'extrême droite exagère ses capacités, qui en même temps sont réelles et inquiétantes. Le signal d'alarme a été tiré aux dernières élections cantonales, quand les candidats socialistes ont été battus dès le premier tour par le FN, résultat extravagant et anormal.

Que peut faire la gauche, que doit faire la gauche ? D'abord, prendre conscience que la situation est grave : la cote d'alerte a été dépassée, l'extrême droite à Saint-Quentin est sortie de son lit, il y a péril en la demeure pour la gauche, qui ne doit pas croire, calcul cynique et erroné, qu'un fort score du FN fera battre Xavier Bertrand. Non, c'est tout le contraire : ce parti prospère dans l'électorat populaire, celui qui revient historiquement au parti socialiste. Il faut bien intégrer cette équation : une voix en plus pour le FN, c'est une voix en moins pour le PS.

Ensuite, la gauche doit mener la bataille de la communication, ne laisser rien passer, n'accorder aucun répit à ses adversaires. Si la campagne est pépère, conventionnelle, le PS ne passera pas le premier tour, comme les deux fois précédentes. Il faut agir au coup de sang, mettre du nerf et de la passion (je parle de la forme bien sûr : le fond doit demeurer maîtrisé et rationnel, avec des arguments et pas des invectives). Surtout, il ne faut pas tarder : le sort d'une élection se joue très en amont, d'autant qu'à Saint-Quentin les socialistes ne partent pas favorables. Raison de plus pour appuyer sur le champignon, avec cette motivation dans les têtes : après 19 ans dans l'opposition, les socialistes n'ont plus le droit de perdre.

mardi 20 août 2013

Le smic des toubibs



Pendant longtemps, les médecins avaient des vies de notable : un bon salaire, une belle maison, une belle voiture, de beaux enfants et une belle femme. Dans les régions de droite, ils devenaient adjoint au maire ou conseiller général. Un enfant de bourgeois rêvait de devenir médecin, parfois comme papa. Patron, ce n'est pas toujours bien vu ; mais toubib, personne ne conteste : au contraire, c'est l'admiration. Le métier se présente plutôt comme une vocation, voire un sacerdoce, un peu comme prof ou instit. Il a le mérite, assez rare, presque contradictoire, de conjuguer la vertu et l'argent, l'utilité sociale et le profit personnel, un vrai dévouement et un bon compte en banque. Bien sûr, je suis dans l'image, mais aussi dans la réalité.

Cependant, les temps ont changé, depuis un certain temps déjà. Les docs ont maintenant leur smic, mais plus élevé que celui des smicards : 3 640 euros nets mensuels, et pas partout, seulement dans ce qu'on appelle bizarrement les "déserts médicaux". De ce point de vue, la Picardie c'est le Sahara ! Ce n'est pas que la France manque de médecins : la profession reste attractive. Mais les jeunes docs sont comme les jeunes profs : ils ne veulent pas s'installer n'importe où, ils tiennent à leur confort de vie, ils n'ont pas envie de se retrouver chez les petzouilles, de même qu'un professeur agrégé ne demandera jamais sa mutation pour la Thiérache.

Et puis, les médecins d'aujourd'hui ont envie de bouger, puisque tout le monde parle de mobilité : fini le médecin de famille qui restait quarante ans au même endroit, qui soignait parents, enfants et petit-enfants. Enfin, mutation dans la profession, beaucoup d'entre eux sont désormais d'origine étrangère, un peu comme les curés dans les paroisses rurales. Le temps est révolu d'un Céline, docteur avant d'être grand écrivain, soignant gratuitement les pauvres, jusqu'à ne pas compter ses heures.

L'Aisne a mis en place des prêts à taux zéro sur quatre ans. Des logements de fonction sont proposés, des primes versées par l'Etat, par les régions ... Mais rien n'y fait vraiment. Donc, le salaire minimum, pourquoi pas, c'est une bonne idée. Jusqu'à présent, les mesures ont surtout été incitatives. C'est bien, mais ça ne suffira sans doute pas. Il faudra certainement, à un moment ou à un autre, passer à la coercition, parce que le sujet est d'intérêt national.

Mais il va falloir bousculer des habitudes, des intérêts, des rentes de situation. Pas facile : la droite ne peut pas, les toubibs sont une réserve électorale pour elle ; la gauche n'ose pas trop, le médecin étant une figure populaire et influente, à laquelle on ne touche pas sans dommages. La réforme est délicate parce qu'elle doit faire évoluer des mentalités. L'argent et les moyens matériels n'ont pas réponse à tout. Comme les enseignants, mais à un autre niveau, les médecins ont sans doute une impression de déclassement. Mais à 3 640 euros par tête de pipe, on peut quand même vivre.

lundi 19 août 2013

Grognon, Simplet et Dingo



Il y a deux personnages qui m'amusent beaucoup dans l'univers de Walt Disney : ce sont les nains de Blanche-Neige, Grognon et Simplet. Ils se sont fondus magiquement ce week-end en un seul seul, bien réel celui-là : Mélenchon (dont le nom d'ailleurs sonne comme un personnage de Disney). Avez-vous lu hier le JDD ? Ce n'est plus de la grogne, c'est de la haine ; ce n'est plus du simplisme, c'est de la diffamation. Je me demande vraiment jusqu'où va aller Jean-Luc Mélenchon.

Cet entretien fera date dans la violence de Mélenchon contre le PS et le gouvernement. Je n'exagère pas, je vous en donne un florilège : Hollande est "enfermé dans sa bulle", "il n'a de vision sur rien", "il pratique une politique de droite", il a rompu avec la "gauche traditionnelle" mais aussi la "nouvelle gauche" (sic), il répand "la démoralisation et la démobilisation", il a "divisé tout le monde", "le gouvernement conduit dans le mur", "le parti de Hollande peut s'effondrer" (aux élections européennes). Ca, c'est pour les grandes largeurs. Entrons maintenant dans quelques détails :

Le rebond économique enregistré par l'INSEE ? "Un spasme, comme dans une agonie". La réforme des retraites ? Elle va "faire reculer une conquête sociale", "c'est un drame". La politique de Manuel Valls ? "Une manière cynique d'utiliser une situation malsaine pour installer son personnage : un dur et violent qui chasse sur les terres de Mme Le Pen, pour défendre la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy". Même la réception à Matignon des enfants en vacances grâce aux associations d'éducation populaire n'entraîne pas son adhésion : c'est "la réception annuelle des pauvres au palais", "glauque" (re-sic).

Si nous ne savions pas que Jean-Luc Mélenchon était un homme de raison, et même intelligent, nous pourrions croire qu'il est devenu fou (mais l'intelligence protège-t-elle de la folie ?). Que propose-t-il, après ce déluge d'insanités ? Que Montebourg, Bartelone et l'aile gauche du PS se retournent contre Hollande et Ayrault ! Ce n'est plus Grognon et Simplet, c'est Dingo ! L'effet inattendu et salvateur de cette interview scélérate, c'est qu'elle a rapproché les deux ministres sus visés dans leur soutien sans faille au gouvernement. C'est très bien. J'espère que l'aile gauche réagira de même, dans le sens de la solidarité.

En attendant, ces nouveaux propos de Mélenchon, un degré supérieur dans l'escalade anti-PS, rendent problématique et même inconcevable toute alliance avec le Parti de gauche pour les élections municipales. Reste à savoir maintenant comment va réagir le PCF, qui n'est pas réductible aux mélenchonistes. A Saint-Quentin, le Front de gauche se limite au parti communiste. Mais sa section dissidente, qui va présenter sa propre liste, ne pousse pas à l'union. Pourtant, c'est la formule indispensable pour que la gauche l'emporte. Dans d'autres villes, où le PS est puissant ou à la tête de la Municipalité, le problème est moins flagrant. En tout cas, la ligne politique devra être à 100% réformiste, pour bien marquer l'écart avec les mélenchonistes, les communistes dissidents et tous les adversaires locaux de la social-démocratie.

samedi 17 août 2013

Deux jours sans vous



Il n'y aura pas de billets ce week-end. A l'instar de Jacques Vergès, je vais disparaître, pas pendant sept ans (ne vous inquiétez pas), seulement pendant deux jours. Mais il n'y aura pas de mystère. Comme je suis très joueur cet été, je vous laisse trois réponses possibles de villégiature, à vous de découvrir la bonne :

1- Une visite à EuroDisney, à Marne-La-Vallée.

2- Une rencontre conviviale du courant de Pierre Moscovici, à Montbeliard.

3- Une retraite au monastère russe de Bussy-en-Othe.


Réponse en photo lundi. Bon week-end à vous aussi !

vendredi 16 août 2013

Admirable Vergès



Il y a quelques années, Jacques Vergès était venu à Saint-Quentin, sur la scène du Splendid, pour réciter des textes. J'y suis allé, sans hésiter, je ne l'aurais raté pour rien au monde, tellement le personnage m'a toujours fasciné. Pourquoi ? Parce que cet homme a réussi ce que peu d'hommes entreprennent : cultiver sa singularité, aller au bout de soi-même, ne pas chercher à plaire.

Quand on regarde bien autour de nous, on constate que les êtres humains se copient les uns les autres, réagissent les uns par rapport aux autres, sont les produits de leur société et de leur temps. Même les plus radicaux prennent une posture attendue, cèdent à la mode. Jacques Vergès, fait très rare, n'était que le produit de lui-même. C'est pourquoi il dérangeait, parfois scandalisait. Au sens profond du terme, il était original. C'est pourquoi, à sa mort, aucune voix officielle ne s'est levée pour le saluer, et c'est très bien ainsi : il était trop non conventionnel pour susciter, y compris à sa disparition, des discours ou hommages conventionnels.

Moi-même qui d'une certain façon l'admirais, j'étais dérangé par lui, qui méprisait souverainement la social-démocratie et la république parlementaire, à ses yeux moralement compromises et corrompues, surtout dans le colonialisme. Si ça n'était que cela ... Mais lorsque j'étais étudiant à Paris et que j'écoutais, entre autres, Radio Courtoisie, je surprenais Vergès à fricoter allègrement avec l'extrême droite, lui qui provenait de l'extrême gauche. La liberté de l'esprit est à ce prix, le choix de demeurer soi-même peut conduire jusque-là, qui ne me plaît pas. Mais encore une fois, Jacques Vergès, contrairement à la plupart des hommes, ne cherchait pas à plaire, et c'est bien sûr ce qui faisait son charme.

J'ai tout de même des raisons plus objectives pour justifier mon admiration à son égard. D'abord, dans son extrême originalité, à travers sa pratique professionnelle, Jacques Vergès faisait éclater une vérité : toute société repose sur le mensonge, la loi est toujours celle des vainqueurs de l'Histoire. A partir de là, par son métier d'avocat, Vergès était toujours du côté des perdants, héros ou salauds, libérateurs ou bourreaux. De ce fait, et paradoxalement, il confortait l'esprit de la démocratie et l'Etat de droit, qui exigent que tout accusé soit présumé innocent, et défendu en tant que tel.

Jacques Vergès a appliqué ce principe à la lettre, en prenant comme clients Carlos ou Barbie. C'est ce qui le rend admirable, tant de bons citoyens, tout républicains qu'ils sont, préférant de loin instituer ces deux-là en monstres absolus, sans autre forme de procès. C'est un cliché que de faire de Vergès "l'avocat du diable", mais ce n'est pas faux, quitte à ce qu'il devienne lui-même un peu diable dans cette tâche. Il avait inventé une stratégie, la défense de rupture, qui consiste à délégitimer les institutions en s'adressant aux médias et à l'opinion publique. Les provocations de Jacques Vergès n'étaient pas un exercice narcissique, mais l'élément d'une stratégie de défense.

Dans une société conformiste et vertueuse, Jacques Vergès jouait avec délectation le rôle du méchant, celui qu'on aime haïr. Il est révélateur qu'il ait terminé sa vie dans un rôle de comédien, sur une scène de théâtre. Il avait une bonne bouille, des traits asiatiques, un sourire de Bouddha, des yeux malicieux, une distance d'aristocrate. Même son cigare était une provocation, dans une société qui interdit bêtement de fumer. Les imbéciles se sentaient méprisés par lui, et pour une fois ils avaient raison.

Et puis, Jacques Vergès était fascinant par le mystère qui a accompagné sa vie : dans les années 70, il a disparu pendant sept ans, sans que personne ne sache où il se trouvait, encore aujourd'hui. C'est fascinant parce que le laps de temps est relativement long, que Vergès, selon ses dires, n'était pas alors "sur la Lune", qu'il a croisé durant cette période de nombreuses personnes ... mais c'est toujours l'obscurité totale. Journalistes, historiens, témoins, investigateurs de toute sorte, aucun, avec les moyens modernes d'enquête, n'a réussi à lever l'énigme. Vergès a-t-il été agent de la RDA, conseiller de Pol-Pot, prisonnier de services secrets ou réfugié dans un monastère ? La multitude des hypothèses ne fait que renforcer le mystère. "Je suis passé de l'autre côté du miroir", a-t-il expliqué. Nous n'en saurons pas plus, ou un jour quelqu'un parlera ...

Enfin, Jacques Vergès avait d'admirables sa maîtrise de la langue française et sa grande culture. De ce point de vue, c'était un homme d'un autre temps, un peu précieux de style, délicieusement suranné. Ce qui est épouvantable aujourd'hui, c'est qu'il y a de plus en plus de cultureux et de moins en moins de cultivés.

Ces derniers mois, Jacques Vergès n'était plus physiquement lui-même. Très amaigri, son visage autrefois si plein était devenu osseux. Il y avait quelque chose de déjà mort en lui. Mais, à 88 ans, et c'est à nouveau ce qui est admirable, il avait gardé toute sa tête, comme on dit, alors même que le corps le lâchait. Lent de parole, mais vif d'esprit, comme nous aimerions tous finir. Il paraît que personne n'est indispensable : Jacques Vergès l'était, même à ses dépens. J'espère qu'il sera très vite remplacé. Il a rendu l'âme, dit-on, dans la chambre où Voltaire a rendu son dernier souffle : c'est trop beau pour être vrai, mais si c'est vrai, quelle belle mort, tellement conforme à sa vie !

jeudi 15 août 2013

Nouvelles du front social



Le Premier ministre a dignement pris le relais du chef de l'Etat : pas de vacances pour la politique ! Pendant l'été, un tas de gens travaillent : c'est à eux qu'il faut penser, pas à ceux qui sont en congés sur les plages. Le front social tient sur deux positions, que s'est donné le gouvernement : l'emploi des jeunes, la réforme des retraites. La gauche au pouvoir sera jugée sur ces deux sujets ultra-sensibles, pour lesquels les socialistes ont déjà bien avancé.

Le problème de la gauche réformiste, ce n'est pas la droite, dont les valeurs, les références et les pratiques sont connues : pas de surprise, le clivage est clair et net. La vraie difficulté de la gauche réformiste, c'est la gauche radicale, qui campe sur les mêmes valeurs, les mêmes références ... mais pas les mêmes pratiques : c'est là où il y a confusion dans l'électorat, y compris parfois jusque chez les militants réformistes. Sur les retraites, la position de la gauche radicale est simple : ne pas toucher aux cotisations, aux pensions, à l'âge de départ, ne toucher à rien du système en cours, mais ponctionner les patrons et les riches pour renflouer les caisses. C'est un point de vue plaisant, confortable et radical : ce n'est pas le mien ni celui du parti socialiste.

Jean-Marc Ayrault a fait une proposition concrète, qui n'est qu'un élément de réforme parmi d'autres, mais fondamental : des points accordés aux métiers les plus pénibles, afin de partir plus tôt en retraite, se reconvertir en cours de carrière ou accéder à du temps partiel en fin de parcours. C'est tout de même plus intelligent et novateur qu'en rester à jouer sur la modulation des trois paramètres, montant des retraites, niveau des cotisations et durée d'activité. En bon réformiste, le Premier ministre a fixé le coût de la mesure : 2,1 milliards d'euros par an. Ce n'est pas une paille ! Je le fais remarquer à la gauche radicale, qui croit qu'on trouve de l'argent sous les sabots d'un cheval.

Autre nouvelle sur le front social, deuxième objectif de la gauche de gouvernement (que la gauche de contestation va sûrement ... contester) : l'allocation pour les jeunes isolés et sans ressources, qui ont moins de 25 ans, qui sont de fait dramatiquement exclus de la société et qui bénéficieront d'un équivalent RSA, ainsi qu'un accompagnement à l'insertion professionnelle. 100 000 jeunes seront chaque année concernés. L'Aisne adoptera ce dispositif en 2014. Faites le calcul : là non plus, ce n'est pas une paille ! Voilà ce que j'appelle une politique authentiquement de gauche (mais pas révolutionnaire, j'en conviens : aucun bourgeois ne restera ... sur la paille) : une aide financière importante en faveur des plus défavorisés, sans rien céder à la politique de rigueur budgétaire.

Nouvelles du front social, mais aussi du front économique : la croissance, clé pour la reprise et la création d'emplois, est légèrement repartie au deuxième trimestre, avec une progression du PIB de 0,5% (0,3% dans la zone euro), selon l'INSEE. La droite va relativiser et la gauche radicale va faire la gueule. Mais ce qui importe, c'est que le gouvernement trace son sillon et ne se préoccupe que d'un seul jugement, celui des Français.

mercredi 14 août 2013

Le jeu de l'été



Comme mon petit jeu de l'été rencontre un succès de fréquentation, je recommence, mais en corsant un peu l'énigme, avec des indices peut-être un peu moins explicites. Voici quatre photographies, ci-dessus, prises au même endroit, intérieur et extérieur, cet après-midi : une galerie de peintures, une statue équestre, un tableau de paysage et un temple antique. A vous de découvrir où se trouvent-ils. Je compte sur votre sagacité et votre culture.

mardi 13 août 2013

Catherine Hekking



Je tiens Hervé Cabezas pour l'un des hommes les plus intelligents de Saint-Quentin, mais ils sont nombreux. Ce qui distingue le conservateur du musée Antoine Lécuyer, c'est son esprit, c'est-à-dire son sens de la répartie. Je me dis que l'ambiance des salons, qui était celle dans laquelle Maurice-Quentin De La Tour évoluait, l'inspire encore aujourd'hui, lui qui vit au milieu de ses pastels. A quoi il faut ajouter ses attaches parisiennes, qui en font un individu particulièrement racé.

Un exemple : lorsque, en début juillet, MATELE pose dans la rue, à des passants, la question "Dans quel animal aimeriez-vous être réincarné ?", les réponses, très attendues, tournent autour du chien, du chat, de l'oiseau, du cheval ... Sous la pluie et sous son parapluie (c'était alors le déluge), Hervé Cabezas a immédiatement rétorqué : "me réincarner tout simplement en être humain". Voilà une saillie qui marque et élève, qui en fait, au sens propre du terme, un homme distingué.

Aujourd'hui, ce n'est pas par un Monsieur le conservateur que j'ai envie d'interpeller Hervé Cabezas, mais plutôt Monsieur le commissaire : non pas qu'il commence une carrière tardive et parallèle dans la police, mais parce qu'avec Pomme Legrand, directrice de l'école de dessin De La Tour, ils sont les organisateurs d'une très belle exposition de dessins et pastels, que l'on doit à Catherine Hekking et que je vous invite vivement à visiter (en vignette, la couverture du catalogue).

Ce que je retiens d'abord du travail de l'artiste, c'est ce mélange de nature et d'artifice, principalement des figures géométriques, qui rend une atmosphère étrange : une palissade sur fond de montagne, une fenêtre et porte qui ouvrent sur un paysage, une barrière dans un champ, avec une prédilection pour ces formes qui surgissent de l'élément liquide, une échelle, un ponton, un vivier. C'est une peinture qui joue avec les lignes droites, qui les croise et les entrecroise, qui quadrille, si on peut dire, le réel. On retrouve cette intention dans les pastels d'étangs et surtout de granges, dont la belle série a ma préférence. La vignette ci-dessus en donne un magnifique exemple : le bois de la charpente à la fois écrase et est attaqué par le mur de pierre.

Je ressens chez Catherine Hekking une fascination pour la géologie dans ce qu'elle a de brut, de primitif, de mystérieux : ses plis, sa présence, sa puissance. Dans cet univers d'eau, de pierre et de bois, le règne minéral est souverain, c'est la véritable chair du monde, à laquelle le végétal est soumis (par exemple, Le Bois de l'archevêque, Bleurville, 1982). Quant à l'animal et à l'homme, ce ne sont que des accidents : l'être humain ne se signale que par ses réalisations presque à l'abandon, dont il est curieusement absent.

L'exposition est visible jusqu'au 14 octobre : vous auriez tort de la manquer. Elle s'adresse à tout public. Avec des enfants, c'est très simple : prenez une poignée de cailloux et demandez-leur de les peindre ou de les dessiner, avant et après l'expo. Vous les aurez ainsi introduits dans l'étrange travail de l'artiste, vous leur en aurez donné le goût. Merci à Catherine Hekking, Pomme Legrand et Hervé Cabezas.

lundi 12 août 2013

Monsieur Scrogneugneu



Connaissez-vous Monsieur Scrogneugneu ? Vous l'avez sans doute, comme moi, rencontré régulièrement, un peu partout. Je l'ai surnommé Monsieur Tonteu, parce qu'à la fin de chacune de ses interventions, il termine par : c'est honteux ! L'an dernier, à la même date, sachant que j'étais socialiste, voilà ce qu'il me disait :

Vot' président, tout juste élu, il va prendre des vacances au fort de Brégançon, en slip de bain sur la plage, et sa dame en bikini. Pendant ce temps-là, les Français souffrent. C'est honteux !

Il faut que je vous dise : Monsieur Scrogneugneu pense rarement à lui, mais très souvent à la souffrance des Français. La semaine dernière, je l'ai revu, voilà les propos qu'il m'a tenus :

Vot'président, il est sacrément gonflé, de se balader comme ça à travers la France, à faire son malin. Il part pas en vacances, mais qu'est-ce que ça change ? Y'a des Français qui souffrent, et lui il fait sa com'. C'est honteux !

Ce matin, je l'ai à nouveau croisé, sans avoir le temps de changer de trottoir. Il m'a interpellé de cette façon :

Vot' président, il est à la Lanterne maintenant. Pas gêné ! C'est socialiste et ça prend des vacances dans le château de Versailles. Bonjour l'image ! Est-ce qu'il pense de temps en temps aux Français qui souffrent ? Franchement, c'est honteux.

J'ai laissé parler, j'ai fait semblant d'écouter, il a même du croire que je l'approuvais, tout content de convaincre un socialiste. Il m'arrive parfois, distraitement, de m'enquérir de ses opinions politiques. J'ai l'impression qu'il critique tout le monde (au moins, ça me rassure, si on peut dire). Pourtant, il va voter, mais je ne parviens pas à cerner ses idées : quand il vote à droite, il me dit que c'est surtout contre la gauche ; et quand il vote à gauche, il me dit que c'est avant tout contre la droite. Bref, je ne suis pas plus avancé.

Je crois que je n'ai pas fini de vous parler de Monsieur Tonteu, que je connais, de loin, depuis longtemps. Mais ôtez-moi un doute : Monsieur Scrogneugneu, ce n'est pas vous, au moins, qui êtes en train de me lire en ce moment ?

dimanche 11 août 2013

Le cimetière mystère



Les lecteurs anciens et assidus savent que je suis spécialisé dans les visites de cimetières. Ce matin, j'en ai mis un nouveau à mon tableau, original et mystérieux. Comme le week-end dernier, je vous propose de deviner, à l'aide des quatre photos ci-dessus.

D'abord, à quelques dizaines de mètres de l'entrée, cet étrange éléphant qui semble monter la garde (vignette 1) ; ensuite, à l'intérieur de l'enceinte, cette église au drôle de clocher (vignette 2) ; et puis, ces croix bizarres dans un cimetière qui ne l'est pas moins, puisque les arbres y sont aussi nombreux que les tombes (vignette 3) ; enfin, cet exemple de tombe, somptueuse, attribuée à une personnalité du monde artistique, que j'aimerais que vous deveniez (vignette 4, observez attentivement).

Je ne vous donnerais qu'un seul indice géographique, plutôt ténu : je suis parti ce matin de Saint-Quentin vers 8h00, je suis arrivé dans ce cimetière unique en son genre en fin de matinée. Je ne vous en dis pas plus : cherchez, et vous trouverez, j'en suis certain. La semaine dernière, la bonne réponse avait été donnée vingt minutes après avoir posté le billet.

samedi 10 août 2013

Mes vacances à St-Quentin



A part quelques incursions parisiennes, je passe mes vacances à Saint-Quentin. En prévision de ma désignation à la tête de liste socialiste, j'avais prévu de rester, de commencer la campagne en occupant le creux de l'été, le vide médiatique, un peu à la façon de François Hollande (pas de Berry cette année !). Ca ne se fait pas, mais je ne pars pas pour autant, je n'aime pas trop de toute façon. Et puis, les vacances à Saint-Quentin, c'est formidable ! Pourquoi aller loin ? Je veux vous entretenir de mes sorties habituelles, vous donner peut-être à votre tour envie. Non pas les destinations traditionnelles, touristiques : Champs-Elysées, parc d'Isle, plage de l'Hôtel de Ville. Non, il y a des itinéraires plus originaux, trois principalement, à vous évoquer.

J'aime beaucoup la lecture. Lire en plein air, c'est agréable. Mais où ? Il ne faut pas être dérangé par le bruit des voitures, les cris des enfants, les allers et venues des passants. Bref, il faut un coin tranquille. Ce n'est pas si facile à trouver. J'en ai un de prédilection, à vous conseiller, inattendu, tant il est vrai qu'on n'y pense pas : le cimetière Saint-Jean ! Mais oui, c'est le calme assuré, sa fréquentation est rare durant l'été, les quelques personnes qui le visitent ne s'attardent pas. Petit inconvénient : pas d'herbe où s'allonger, pas d'arbre pour se protéger. Je recommande vivement le port du chapeau.

Le cimetière a beau être grand, vous n'avez guère de choix pour la lecture : il faut un siège, et il n'y en a pas, sauf un banc qui se trouve près du monument pyramidal, sur le plus haut point de la nécropole. En jouant avec le soleil, vous pouvez éventuellement profiter de son ombre. Un avantage : le point de vue assez joli sur les quartier Europe et Remicourt, pour ceux qui craindraient le voisinage pas très avenant des croix et des tombes, dont on fait vite abstraction. A cet endroit, avec un livre, vous êtes le roi du monde, le maître de la ville, vous éprouvez même, dans la solitude, au milieu du silence, un sentiment d'éternité.

Mais je ne me résous pas non plus à des vacances de misanthrope. J'aime la foule autant que l'isolement. Mais pas n'importe quelle foule, surtout pas celle des corps sur la plage ou dans l'eau. Il me faut des gens debout, normaux, en nombre et en mouvement. La terrasse d'un café de centre vile, c'est surfait. Ma préférence, à laquelle personne ne pense, c'est le buffet de la gare, qui ne sert généralement que lorsqu'on prend le train. C'est un tort.

D'abord, le café et les croissant y sont très bons. Ensuite, on peut y acheter et lire la presse, locale et nationale. Enfin, c'est un lieu d'observation et de rencontre unique en son genre. Le flux de circulation est passionnant. On y croise forcément des connaissances et un tas d'anonymes. Il y a toujours un peu de monde, même lorsque n'arrive ou ne part aucun train. Aller y prendre son petit déjeuner, c'est un moment délicieux dans une journée de vacances. J'apprécie tout particulièrement de regarder les tableaux désormais électroniques qui indiquent les destinations et les étapes : c'est quelque chose qui fait rêver. Tous ces gens qui vont et viennent, on se demande ce qu'ils font, vers quoi ils se dirigent ...

Enfin, il n'y a pas de vacances réussies sans une forme de shopping. Il faut bien acheter, consommer, c'est aussi un plaisir de la vie. Je n'aime pas du tout faire les boutiques, encore moins me rendre dans les grandes surfaces. Mais je me régale à fréquenter un espace d'achat auquel on ne pense pas : le dépôt Emmaüs, chemin de Lehaucourt, que vous pouvez faire avant ou après le moment de lecture à Saint-Jean, puisque c'est tout à côté. Il ne faut pas se laisser rebuter par des apparences d'entrepôt de ferrailleur ; en vérité, c'est une caverne d'Ali Baba.

Les idées de décoration pour la maison sont nombreuses et originales. Rares sont les besoins pratiques qui ne trouvent pas ici leur solution. Côté vêtements, une fois dépassées les appréhensions petites-bourgeoises (car certains grands et vrais bourgeois n'hésitent pas à franchir le pas, à s'encanailler), on peut dénicher de belles occasions, se construire si on veut un style. Mais le rayon de mon choix, que je connais par coeur, c'est celui des bouquins, très variés et très bien classés (ce n'est pas le cas dans tous les Emmaüs) : on peut tomber sur des perles rares, des titres oubliés, qu'on ne trouve même plus en librairie.

Quand vous aurez fait Saint-Jean, la gare et Emmaüs, vous serez comme moi : adieu vacances fatigantes et inutiles loin de Saint-Quentin, vous resterez ici. On est tellement mieux chez soi ! Il y a illusion à croire qu'on trouvera mieux ailleurs. Le bonheur est là où l'on est.

vendredi 9 août 2013

Clochemerle-sur-Aisne



Il y a des jours, à Saint-Quentin, où l'on aurait presque honte d'être de gauche. Hier encore, dans la presse locale, et depuis plusieurs jours, s'étalent des divisions syndicales. Non pas pour de nobles et légitimes motifs idéologiques, par exemple entre organisations réformistes et organisations plus radicales, mais pour des histoires de Clochemerle : la CGT des employés municipaux accusent SUD d'enregistrer et de diffuser illégalement le contenu de réunions paritaires, SUD accuse la CGT de manipulation à quelques mois des élections professionnelles, les autonomes prennent fait et cause pour les cégétistes, FO écrit au maire pour qu'il soit en quelque sorte un juge de paix.

Ce serait comique si ce n'était pas triste : Xavier Bertrand va devoir départager des sections syndicales qui s'affrontent ! Les époux Gayraud, à la tête de SUD, sont des figures locales et ont du répondant. Mais la CGT et ses alliés occasionnels ne se laissent pas non plus faire. Se rendent-ils compte, les uns et les autres, que l'effet médiatique est désastreux ? On sent, derrière tout ça, des règlements de compte, des conflits personnels. L'image qui est donnée du syndicalisme est déplorable. Vu de l'extérieur, on n'y comprend pas grand chose. On se dit bien sûr que SUD exagère, qu'on ne divulgue pas des informations à l'insu des gens. Mais ce qui reste, ce sont ces affrontements dérisoires, très éloignés des intérêts des salariés. Le syndicalisme, ce n'est tout de même pas fait pour ce que nous en montre ce spectacle !

J'en parle parce que cette affaire n'est pas purement syndicale ; elle a des conséquences politiques. La mairie est l'un des plus gros employeurs de la Ville. Le poids électoral des employés municipaux est important. Beaucoup d'entre eux ont connu la Municipalité de gauche, ont parfois été recrutés par elle. Même si les syndicats sont indépendants, leur histoire est liée à celle de la gauche, nationale et locale. Ce conflit déplorable qui éclate en plein été n'est pas anodin, ni sans effet sur ce qu'on peut appeler la mouvance de gauche. Les divisions syndicales augurent mal de l'unité politique. La bonne santé de la gauche ou de la droite ne se limite pas à leurs partis respectifs mais aussi à leurs relais dans l'opinion. A Saint-Quentin, et c'est ancien, la désunion à gauche est une maladie, à laquelle on ne fait même plus attention tellement on y est habitué, dont on finit par ne plus mesurer l'impact. L'anomalie devient normale, plus personne ne songe à s'en plaindre. Pour ma part, je m'en offusque. J'ai parlé de honte, mot très fort, au début de ce billet. Mais il y a vraiment de quoi !

Est-ce que j'ai une solution à proposer ? Directement, non : c'est une tâche qui revient aux premiers concernés, aux syndicats. Mais je crois que ce climat délétère est aussi entretenu par une ambiance générale qui résulte, à gauche, d'une absence de cadres, de références, d'arbitrages et de perspectives. Dans les villes où la gauche est forte, rassemblée, pleine d'espoir, une dynamique d'ensemble se crée, qui dépasse très largement les partis politiques pour entraîner le camp progressiste, dans l'unité, vers la victoire. C'est pourquoi les militants politiques ont indirectement leur part de responsabilité dans la situation. A Saint-Quentin, j'en parlais dans le billet d'hier, il y a pourtant quelques signes positifs, encore modestes mais réels, et puis aussi, hélas, des rechutes condamnables.

A la place qui est la mienne, je ne peux être qu'une sorte de lanceur d'alertes, même si j'aurais souhaité le rôle plus ambitieux de leader. Le pire serait de se voiler la face ou de se taire. Il faut en juger sur le moyen et le long terme, pour reprendre un peu espoir : le chemin parcouru par les socialistes, en seulement quelques semaines, est énorme, et même inespéré. Puisse l'ensemble de la gauche, ses partis et ses syndicats, suivre la même voie. Au PS, Clochemerle c'est fini (mais je touche quand même du bois ...) ; aux syndicats des agents municipaux d'en finir à leur tour, d'arrêter leur guéguerre.

jeudi 8 août 2013

Les poignards au vestiaire



Les élections municipales à venir, nous le savons, ne seront pas faciles pour les socialistes, et à Saint-Quentin encore moins qu'ailleurs. C'est pourquoi la solidarité au sein du PS doit être sans faille, à quelque niveau que ce soit. Depuis juin, les sections locales se sont rapprochées et ont adopté une nouvelle ligne politique, plus lisible, beaucoup plus en cohérence avec la politique nationale. Les responsables du parti sont un peu plus présents dans l'actualité locale. Ainsi, des années de déchirements internes ont pris fin et une prise de conscience s'est faite. Mais l'unité, surtout quand elle est récente, est toujours fragile. C'est ce que je constate et déplore, en lisant dans le Courrier picard d'hier et encore de ce matin la réaction du MJS de l'Aisne (Mouvement des jeunes socialistes), par la bouche de sa responsable, par ailleurs Saint-Quentinoise, Mathilde Goffart-Rigaud.

Je pèse mes mots : c'est inacceptable. Mathilde envoie un communiqué de presse rédigé avec un stylo qui ressemble à un poignard. Elle s'en prend à un sujet électoralement très sensible : la suppression des bourses départementales. Je ne reviens pas sur le fond de l'affaire, puisque je l'ai déjà traité sur ce blog. Mais attaquer une mesure du Conseil général de l'Aisne en des termes que ne désavoueraient pas les jeunes UMP, c'est insupportable. Mathilde va même plus loin que ne le ferait un jeune pop, puisqu'elle dénonce les dépenses consacrées à l'Observatoire du Chemin des Dames. Après le coup de poignard dans le ventre, c'est le coup de poignard dans le dos !

Il faut savoir que cet Observatoire est une magnifique réalisation, dans le cadre du centenaire de la Grande Guerre, une oeuvre originale, unique, à visée non seulement mémorielle, mais aussi pédagogique et touristique, dont l'impact est national, qui a eu l'honneur d'être visité et inauguré par un ministre. Souligner le coût de cette opération, qui émarge à des lignes budgétaires spécifiques, pour laisser croire que l'argent aurait mieux servi aux étudiants, c'est du mensonge, de la démagogie, une honte. Je le dis avec colère et tristesse à Mathilde : même l'UMP n'aurait pas frappé aussi bas ...

Mathilde Goffart-Rigaud sera probablement en bonne place sur la liste municipale. Je lui conseille de venir faire un petit tour dans les séances du Conseil, comme je le fais depuis des années : elle verra comment Xavier Bertrand s'attaque, dès qu'il le peut, au Conseil régional de Picardie et au Conseil général de l'Aisne. Elle comprendra alors qu'elle vient de lui faire un joli cadeau, dont il se souviendra, car cet homme-là, comme moi, n'oublie rien. Je le répète : la droite utilisera nos moindres contradictions pour enfoncer son couteau et le retourner dans la plaie. Combien de voix allons-nous perdre à cause de cela, alors que nous n'avons le droit d'en laisser échapper aucune, tant le combat sera difficile ? Car il faut le savoir, là aussi : une quatrième défaite consécutive des socialistes aux élections municipales, et c'est le couvercle du cercueil qui se refermera pour longtemps, en attendant une très lointaine résurrection ... Ou alors, la gauche locale n'a pas l'intention de gagner et elle se contente du statut d'éternels opposants, qui ne me convient pas du tout.

Attention : le MJS comme le PS sont entièrement libres de débattre et de critiquer au sein de leurs instances respectives, mais l'expression publique d'un désaccord en des termes polémiques est très malvenue (la discussion idéologique autour de lignes politiques différentes, c'est autre chose, nécessaire à la démocratie interne). Aux yeux de l'opinion, nous perdons toute cohérence, toute crédibilité, et les adversaires s'en donnent à coeur-joie.

Quand on veut jouer du couteau, il faut se méfier. Moi aussi, j'ai toute une panoplie de poignards sous ma veste, que je réserve habituellement à la droite, mais dont je peux faire usage à l'égard de quiconque s'en prend au parti socialiste. Jusqu'à présent, depuis qu'il s'est donné une nouvelle animatrice fédérale, qu'est-ce que le MJS a fait ? Rien, rien de chez rien. A-t-il au moins publié un seul communiqué pour soutenir l'action du gouvernement ? Non plus. C'est un peu fort de café, qui sent le poison : la gauche met en place une réforme du système des bourses d'étudiants, quelque chose de novateur, de socialement juste et de très avantageux pour les jeunes ; qu'en dit le MJS de l'Aisne ? Pas un mot pour soutenir, pour s'en féliciter. Mais quand il s'agit d'enfoncer Daudigny, plus de problème ... Scandaleux, tout simplement.

Je vais vous dire le fond de ma pensée : je peux me tromper, je ne suis pas devin, mais je crois que Mathilde n'y est pour pas grand chose, qu'une main lui a tendu le poignard. Parce que franchement, les arguments fallacieux qu'elle avance, il fallait aller les chercher quelque part, très bas ... Quelqu'un serait-il contrarié par l'unité retrouvée des socialistes saint-quentinois et aurait-il intérêt à rebordéliser la situation ? Toujours est-il qu'on ne gagnera jamais comme ça. La gauche locale a besoin d'un chef qui fasse respecter la discipline et remettre les poignards au vestiaire.

mercredi 7 août 2013

Par ici la rentrée



Quand je me suis installé dans l'Aisne en 1998, j'étais déjà socialiste. A ce titre, j'ai été invité, en septembre, à la "journée de rentrée fédérale". Je ne savais pas de quoi il s'agissait, je n'en avais jamais entendu parler dans la section d'où je venais, le XIXe arrondissement parisien. "Rentrée fédérale" me faisait penser à la réunion d'une instance judiciaire. En fait, c'était une sortie dans le département, du tourisme de syndicat d'initiative, pas très politique. Un autocar nous baladait d'une ruine classée monument historique à un sentier bucolique, pour se dégourdir les jambes. J'avais l'impression que le moment le plus important était celui où nous allions nous mettre les pieds sous la table. Mais avant, il fallait écouter les discours d'élus et de responsables que je ne connaissais pas encore : un méchant kir aidait à supporter des interventions souvent longuettes.

L'après-midi était terrible. Avec un gigot, un bordeaux et un kir royal dans l'estomac, le corps et la tête ne suivent plus. Ajoutez-y le soleil mauvais de septembre qui tape à travers les tôles de l'autocar et c'est l'enfer : j'ai fait le Chemin des Dames sans rien voir, à moitié endormi. Ni sexy, ni punchy, cette journée "fédérale" avait pourtant son charme. Elle me ramenait trente ans en arrière, lorsque gamin, j'accompagnais mes grands-parents dans les sorties en car du comité d'entreprise des retraités EDF-GDF du bas-Berry. C'était la même atmosphère, indéfinissable, qu'il faut avoir suivi en live pour la comprendre. Pour survivre à une telle expérience, il faut avoir un moral d'acier. Mais c'est ainsi qu'on forgeait les meilleurs socialistes, dans cette épreuve psychologique et morale qu'était la "rentrée fédérale", à côté de quoi l'initiation maçonnique est de la rigolade. Je peux aujourd'hui en parler en toute liberté, il y a prescription, les responsables ne sont plus là.

Pourquoi ce rappel inutile ? Parce que tout a changé ! L'équipe fédérale a été investie par des trentenaires qui font bouger les choses. En début octobre, le parti socialiste aura, comme dans la plupart des fédérations de France, une véritable Fête de la Rose. Exit la "journée de rentrée fédérale", ses autocars, ses ruines et son kir ! Ce sera le samedi 5 octobre, à Tergnier, sur la base nautique de la Frette. Il y aura un village avec des stands de toutes sortes, associatifs, gastronomiques, ludiques. Dans l'après-midi, Claude Gewerc, président de la Région, et Yves Daudigny, président du Département, viendront débattre des transports. Et puis, tenez-vous bien, à 18h00, Najat Vallaud-Belkacem en personne sera présente. Mais oui ! Plus besoin cette fois-ci du kir royal pour maintenir en éveil et soutenir l'attention !

La Fête de la Rose se terminera comme il se doit par un banquet républicain et, à 21h00, par un concert ouvert à de nombreux groupes, dont Black Coffee, du rock ternois qui décoiffe. L'inauguration à 13h30 se fera autour d'un apéritif thiérachien aux fruits rouges, nommé Folie Douce, très gouleyant, mais qui n'empêchera pas les socialistes de l'Aisne de demeurer sages, raisonnables et sociaux-démocrates.

mardi 6 août 2013

Le voile sur nos yeux



La préconisation d'interdire le port du voile dans l'enseignement supérieur est folle, dangereuse, liberticide. Mais elle est dans la logique de la mauvaise loi de 2004 : à partir du moment où le voile, musulman, traditionnel ou quoi que ce soit, est déclaré incompatible avec la République, on ne pouvait pas se contenter de l'interdire à l'école, la mesure ne pouvait que s'étendre dans les facs, demain dans les services publics, bientôt dans la rue, dans toute la société, peut-être à domicile. C'est fou, ce n'est pas républicain, c'est anti-laïque. Il est politiquement désastreux de constater que la République et la laïcité ont été récupérées, dénaturées, perverties par l'extrême droite, qui en matière de signes religieux a réussi à imposer ses idées dans le débat.

C'est d'autant plus fou qu'aucuns problèmes majeurs ne se posent dans les universités, aux dires mêmes de leurs présidents. A nouveau, c'est une machine de guerre contre la communauté musulmane qu'on met en place, pour complaire à la partie xénophobe (électoralement importante) de l'opinion publique. Quelle faiblesse, quelle lâcheté, quelle erreur ! Un seul homme politique a eu sur ce sujet une opinion claire, juste et équilibrée : c'est Lionel Jospin en 1989, demandant à ce que les difficultés (parfois réelles) provoquées par le port du voile ou du foulard dans les écoles soient traitées au cas par cas, avec discernement et intelligence, dans la discussion et le compromis, sans passer par la loi, forcément réductrice, simplificatrice et répressive.

La France est le pays des droits de l'homme et la République est le régime de la liberté, y compris de la liberté religieuse, du droit de manifester ses opinions de la façon qu'on veut, pourvu qu'on respecte les opinions d'autrui, qui ont un droit égal à exister et à s'exprimer. J'en ai un peu marre de ces faux républicains et de ces laïques de circonstances, qui viennent nous administrer des leçons de tolérance trompeuse. Il faudrait se souvenir des vrais laïques, nos instituteurs d'autrefois, qui étaient intransigeants sur les principes républicains, mais savaient faire preuve de bon sens, de compréhension et d'humanité.

Pendant longtemps, les signes religieux n'étaient nullement prohibés dans les écoles, mais quand une croix était trop voyante, provocatrice, "ostentatoire" comme on dit aujourd'hui, l'enseignant demandait tranquillement à ce qu'elle se fasse plus discrète, par respect, pas par anti-christianisme. Il ne l'enlevait pas, ni n'interdisait rien. Quand venait le vendredi, les cantines proposaient du poisson au menu, parce que le poisson c'est bon et sain, et que ça arrangeaient les petits catholiques d'en manger ce jour-là. Ca ne soulevait alors aucun problème, parce que la société savait s'arranger ; aujourd'hui, c'est fini : au moindre problème, et même quand il n'y en a pas, on a tout de suite recours à la loi, sans autre procédure amiable. C'est un état d'esprit désolant et lamentable.

Je crois que le fond de cette affaire est lié à l'évolution de notre civilisation. Les laïques d'autrefois connaissaient bien l'univers religieux, parce que celui-ci était très présent autour d'eux. Ils fréquentaient les curés, parfois les affrontaient, parfois devenaient copains (sans renoncer à leurs convictions respectives). Aujourd'hui, les églises se vident, les curés viennent d'Afrique et la sainte trinité du monde moderne, c'est santé-confort-vacances. Du coup, la moindre manifestation religieuse ou pseudo-religieuse trouble, perturbe, inquiète. C'est à mon avis ce qui se passe pour le foulard dit islamique.

Mais à qui la faute ? Beaucoup de Français ont perdu la foi : qu'ils s'en prennent à eux-mêmes si aujourd'hui de nouvelles formes de spiritualité viennent leur rappeler qu'ils n'ont pas été fidèles à leur baptême (pour parler comme les catholiques) ! Victor Hugo disait : "Quand on ferme une école, on ouvre une prison". Dans la même logique de cause à effet, je dirais que lorsque les églises se meurent, les mosquées renaissent. Ce qu'il faudrait enlever, c'est le voile qui est tombé sur nos yeux et qui nous empêche de voir ces vérités.

Pour revenir et en terminer avec la proposition de loi sur le voile dans l'enseignement supérieur, ce serait catastrophique pour une autre raison, purement universitaire : la France se priverait d'un certain nombre d'étudiants étrangers, son rayonnement à travers le monde en prendrait un sérieux coup. Veut-on en arriver là, dans le seul but de régler des phobies franco-françaises, qui ne feront d'ailleurs que s'aggraver ? Et quand j'entends parler de "communautarisme", qu'on répète comme le font les perroquets, je rappelle que la République française, toute une et indivisible qu'elle est, se constitue de communautés, et que la musulmane est l'une des plus importante et des plus éminente qui soit. Inch'Allah !