jeudi 31 décembre 2015

Gewerc rate sa sortie



Je l'ai souvent écrit sur ce blog : en politique, on n'est pas tellement grand dans la victoire que dans la défaite. Réussir son entrée est assez facile, mais rater sa sortie est lamentable. A lire le dernier entretien de Claude Gewerc en tant que président de Région, dans le Courrier picard d'hier, le représentant de la Picardie pendant 11 ans est un petit, pas un grand. Pour six raisons :

1- Claude Gewerc ne se reconnaît aucun tort, il ne prend aucune part dans la défaite mais fait des reproches à Cambadélis, Aubry, au PCF, aux Verts, aux socialistes du Nord et de l'Oise. Lui, en revanche, ne se sont aucune responsabilité dans l'effondrement de la gauche. C'est donc ce qu'on appelle un irresponsable, à tous les sens du terme.

2- Claude Gewerc claque la porte, comme dans les mauvaises comédies de boulevard : "le PS n'a plus voulu de moi, je ne veux plus de lui". Méditez l'énormité de cette déclaration : cet homme, qui est censé se battre pour l'intérêt général, le bien public, ne pense en réalité qu'à sa pomme. "Je n'ai pas pu avoir de place sur la liste, je me barre du parti", voilà, pour le dire autrement, l'état d'esprit. C'est consternant.

3- Le retrait de la liste socialiste au soir du premier tour ? "Je n'ai pas compris la tactique". Il va falloir qu'on lui explique ! En réalité, Gewerc se fout d'une victoire de l'extrême droite. "Faire barrage à quoi ?" fait-il semblant de s'étonner. Le FN, ça ne l'embête pas plus que ça : "S'ils sont malfaisants comme on le dit, il faut les interdire. Pourquoi, brusquement, décider d'en faire le mauvais objet ?" Gewerc en est là : ne pas comprendre pourquoi le Front national est dangereux. Mais il est vrai que comme il ne pense qu'à lui ...

4- "Ca a été une non-campagne. A aucun moment, il n'a été question des enjeux régionaux", déplore Claude Gewerc. Nous n'avons pas suivi les mêmes débats ; ou alors c'est que Gewerc projette sa propre inertie sur les autres. A part Marine Le Pen, qui ignore les dossiers régionaux et se prépare à la prochaine présidentielle, tous les candidats ont parlé des réalités locales et ont fait des propositions.

5- Gewerc revient sur la fusion de la Picardie avec le Nord-Pas-de-Calais, pour de nouveau la critiquer. Mais ce qui est fait est fait ! On ne fait pas de politique en regardant dans le rétroviseur. Que voulait Gewerc ? Rien, que la Picardie reste la Picardie. Son immobilisme aura empêché les Picards de peser dans les négociations, en ayant plus de force dans la fusion, ou bien en envisageant deux autres solutions, le ralliement à l'Ile-de-France (qui avait ma préférence), secondairement à la Champagne-Ardennes. En s'opposant à la réforme territoriale voulue par le gouvernement, Claude Gewerc a perdu toute crédibilité.

6- Gewerc termine sa sortie par une boutade, qui est plutôt un lapsus : ceux qui l'ont selon lui éliminé, "ils ont fait plaisir à ma mère, ma femme, ma fille qui voulaient que j'arrête". Un homme politique est mauvais quand il en revient à sa vie privée, qui n'intéresse personne. Ceci dit, il y a toujours une vérité dans la médiocrité : la famille Gewerc avait raison de demander à Claude de s'arrêter. Elle aurait été même avisée de lui demander de ne jamais commencer, quand on voit la fin déplorable de l'histoire, qui n'est que rancœur, mesquinerie et vengeance.

mercredi 30 décembre 2015

Abbé Michel de Hédouville




Si nous pensions que demain nous allions mourir, je suis à peu près sûr que notre vie en serait changée. Nous irions alors à l'essentiel. Mais personne ne croit qu'il va mourir demain. La dernière fois où j'ai rencontré l'abbé de Hédouville, c'était il y a quelques jours seulement, samedi 19 décembre, au vernissage de l'exposition sur l'Art Déco, dans les anciennes Nouvelles Galeries. Comme à son habitude, il était en fond de salle, discret, salué par Bernard Lebrun, qui présentait son ouvrage sur l'histoire de Saint-Quentin, auquel l'abbé avait apporté sa contribution. Michel de Hédouville ne parlait pas beaucoup. Mais il faisait partie de ces gens que j'apprécie, avec lesquels il n'est pas besoin de beaucoup parler pour se comprendre : un regard, un sourire, un air de bienveillance suffisaient. Il n'empêche : si j'avais su que c'était notre dernière rencontre ...

C'est hier soir que l'abbé de Hédouville nous a quittés. Comme le destin d'une existence bascule vite ! C'est aussi à ce moment-là qu'on se rend compte qu'on ne connaît jamais très bien les gens qu'on croit connaître. Michel de Hédouville avait assisté, depuis les débuts, il y a 17 ans, à quelques séances du café philo. Je l'avais sollicité pour être l'un de nos invités lors d'un ciné philo, en 2006, où nous avions passé le film de Pavel Lounguine, "L'Ile". Il avait hésité avant d'accepter. Je me souviens de sa réticence : "je ne suis pas un intellectuel", m'avait-il dit, un peu gêné. J'ai dû lui répondre que moi non plus, qu'il s'agissait simplement d'échanger nos impressions à la fin de la projection. Cette modestie, cette humilité m'avaient frappé. Le débat s'était très bien passé.

En tant que curé de la basilique, Michel de Hédouville était malgré lui un notable, quelqu'un qui compte dans la ville, dont la disparition provoque un article et une photo dans la presse locale. Je le voyais assez souvent dans les manifestations municipales. Pourtant, ce rôle public n'était pas complètement le sien, celui avec lequel il était le plus à l'aise. C'était avant tout un homme de Dieu, un prêtre, un spirituel : là, nous ne pouvons pas en dire plus, nous approchons le mystère. Ce qui est certain, c'est que la mort, dans laquelle il est aujourd'hui entré, avait un autre sens pour lui que pour le commun des mortels, agnostiques ou athées. Dans son ministère sacerdotal, j'avais l'occasion de le voir lors des enterrements, quelques mariages et de rares baptêmes. Il connaissait bien sûr mon engagement laïque, mais c'était sans problème entre nous.

Samedi 02 janvier, à 10h30, sa basilique le recevra pour la dernière fois, mais pour la première fois en homme qui n'est plus de cette Terre, qui a rejoint le Dieu auquel il croyait. Les Saint-Quentinois seront certainement nombreux, fidèles ou mécréants, à lui rendre un ultime hommage. Quitter ce monde quelques jours après avoir célébré la Nativité : si ça n'est pas un signe ...


En vignette : l'abbé Michel de Hédouville, au micro, sur le parvis de la basilique, le 27 octobre 2012, lors de la cérémonie après la rénovation des vitraux, en présence de l'évêque, du maire et du sous-préfet (voir billet à cette date).

mardi 29 décembre 2015

Une question de discipline



Dans mon billet du 22 décembre, j'expliquais pourquoi j'étais contre la déchéance de la nationalité pour les binationaux impliqués dans des affaires de terrorisme. Je n'ai pas changé d'avis. La différence, c'est que depuis une semaine, le chef de l'Etat a tranché. Donc, quand on est socialiste, il faut le suivre, se soumettre à sa décision. Si j'étais à la place de François Hollande, je n'aurais pas fait cette proposition. Mais si j'étais parlementaire socialiste, après le choix du président de la République, je la voterais sans hésiter.

Incohérence ? Contradiction ? Reniement ? Non, discipline. Et ça compte beaucoup, en politique, la discipline. Les points de vue sont nombreux, dans un même parti, sans qu'aucun puisse prétendre à la vérité absolue. Je suis socialiste, mais je suis loin de partager toutes les initiatives du PS et du gouvernement, même si la plupart d'entre elles me conviennent parfaitement. Quand il y a désaccord, c'est la majorité ou le chef qui tranchent : pour la déchéance de nationalité, c'est au chef de l'Etat que revenait le dernier mot, comme l'a fort bien expliqué Christiane Taubira, comme moi hostile, comme moi disciplinée.

En la circonstance, tous les socialistes devraient manifester leur solidarité, sans renoncer à ce qu'ils sont, à leurs idées. Car quand le patron a parlé, il faut le suivre. Sinon, c'est la cacophonie. Et puis, qui suis-je, moi, Taubira ou n'importe quel membre du parti, pour prétendre avoir raison contre les autres qui ne partagent pas la même opinion ? La politique, c'est du collectif, pas des positionnements individuels, aussi judicieux soient-ils. A un moment, il faut que le débat cesse, que les divergences s'effacent et que quelqu'un engage le parti, la majorité et le gouvernement : ce quelqu'un ne peut être que François Hollande, même quand on est en désaccord avec lui. Appelons ça, si le mot de discipline vous indispose, le sens des responsabilités ou, encore mieux, le sens de l'Etat.

Mon alignement sur François Hollande est-il aveugle, militaire, borné ? Non. Si mon refus de la déchéance de nationalité a ses raisons, le point de vue contraire a aussi les siennes, que je n'ignore pas : se ranger au côté de l'opinion, réagir en situation de guerre, ne pas se dédire quand la mesure a été annoncée et unanimement applaudie dans une séance solennelle du Congrès à Versailles. J'entends certains socialistes prétendre que le gouvernement suivrait l'extrême droite. Quelle malhonnêteté ! Ce n'est pas parce que la déchéance de nationalité est dans le programme du FN, pour de tout autres motifs que ceux qui inspirent François Hollande, que l'adopter transforme en militant d'extrême droite ! Faut-il rappeler que la procédure existe déjà et qu'il s'agit simplement de l'étendre aux binationaux nés en France ?

Mais les grandes valeurs, les problèmes de conscience, les scrupules moraux ne devraient-ils pas conduire, moi le premier, à se dresser contre le gouvernement, le Premier ministre et le président ? Non, car faire de la politique, ce n'est pas étaler des états d'âme, aussi respectables soient-ils, mais c'est présenter des états de service. Aux camarades outrés, scandalisés, qui mettent les principes plus haut que les réalités du moment et la nécessité de la discipline, à tous ceux-là, je réponds qu'il y a une façon très simple d'exprimer leur indignation : qu'ils laissent leurs mandats, qu'ils quittent ce parti et cette majorité politique dont le présent choix leur semble si déshonorant. Là, nous serions dans la stricte cohérence, aussi stricte que la mienne, qui consiste à soutenir malgré tout un choix qui ne me convient pas (mais que je ne trouve pas non plus infamant). Vous verrez : aucun ne le fera. C'est souvent ainsi avec les donneurs de leçons, très forts pour les administrer aux autres, mais peu enclins à les appliquer à eux-mêmes. C'est que les belles âmes ont aussi de petits intérêts : leur indignation est verbale et ne va souvent pas au-delà. La rectitude morale la plus impérieuse rencontre très vite ses limites. On peut avoir les mains blanches et le fond de culotte sale.

lundi 28 décembre 2015

20 ans sans Mitterrand



Dans quelques jours, nous commémorerons le 20e anniversaire de la disparition de François Mitterrand. "Je crois aux forces de l'esprit et je ne vous oublierai pas", disait-il dans son dernier message de vœux présidentiels. Les Français ne l'ont pas oublié. Deux émissions, pas très bonnes, ont déjà, à la télévision, évoqué l'homme. Rien de nouveau, mais quatre thèmes m'ont poussé à la réflexion :

1- Mitterrand et le secret. On lui prête un art de la dissimulation. Mais sa fille prétendument cachée était présentée au grand jour, dans les lieux publics. Sauf qu'à l'époque, la presse, les médias n'en parlaient pas, respectaient la vie privée des hommes politiques. Mitterrand est resté le même : c'est notre société qui a complètement changé, hélas.

2- Mitterrand et l'amitié. Chez lui, c'était plus qu'un sentiment : un mode de gouvernement des hommes, et parfois de manipulation. L'amitié avec Bousquet ? Une question de fidélité et de reconnaissance, jusqu'à ce qu'on découvre que c'était un salaud. J'ai à l'esprit cette formule d'un personnage de Renoir, dans son film La Règle du jeu : "moi qui ne crois en rien, je vais finir par croire en l'amitié". Tel est ce sentiment chez Mitterrand, qui ne croyait guère en la force des idées, mais en l'intérêt de l'amitié en politique. Les cyniques sont aussi des lucides.

3- Mitterrand et la maladie. C'est la dimension la plus impressionnante : au bout du rouleau, il préside tout de même le Conseil des ministres. Ses derniers visiteurs, il les reçoit allongé sur son lit. Une infirmerie de campagne le suit jusque sur les plateaux de télévision. C'est grand, mais c'est buté : quel orgueil pour tenir ainsi ! Sa maladie, Mitterrand en fait un argument politique, pour se protéger de ses adversaires (dans le débat avec Séguin, sur le traité de Maastricht). Ses nombreux médecins, il les divise pour mieux régner sur eux, comme dans une lutte interne au sein du Parti socialiste.

4- Mitterrand et la mort. Il aime à se promener dans les cimetières, à dialoguer avec les défunts, à s'interroger sur l'au-delà, à rencontrer des hommes de foi. Mais ça n'en fait pas un mystique, encore moins un religieux. Aucune résurgence de son éducation chrétienne, mais plutôt un retour à la vieille superstition républicaine, qu'on repère tout au long du XIXe siècle, où les hommes de progrès, Hugo par exemple, adhèrent aux fadaises du spiritisme. En matière de spiritualité, Mitterrand déambule en curieux et finit par inscrire dans son testament cette phrase indéterminée : "une messe est possible". Agnostique lui-même, il laisse aux autres le soin de décider pour lui !

Je suis entré en politique avec François Mitterrand, même si je me sens plus proche de Michel Rocard. Mais celui qu'on surnommait Dieu ou Tonton m'aura fait aimer cette activité, jusqu'à aujourd'hui. Mitterrand n'était pas complètement convaincant, mais toujours séduisant. En ce sens-là, j'aurai une dette envers lui, je resterai un mitterrandiste.

jeudi 24 décembre 2015

L'arbre aux livres



Un sapin de Noël qui invite à la lecture : il fallait y penser ! Plus de problème avec les épines au sol. Mais pas facile à déplacer ! Dans quel lieu public de Saint-Quentin le trouve-t-on ?

Joyeux Noël ... et bonne lecture !


Prochain billet : le lundi 28 décembre

mercredi 23 décembre 2015

Où sont les guerriers ?



Après sa lourde défaite au premier tour des élections régionales et son retrait au second tour, l'opposition socialiste à Xavier Bertrand doit se reconstruire. Comme toujours en politique, il faut d'abord se donner un chef. Nous en avons deux ! Pierre de Saintignon, en sa qualité de tête de liste, veut être ce "chef de l'opposition", avec l'intention de constituer un shadow cabinet, à défaut d'avoir un groupe d'élus dans le nouveau Conseil régional. Frédéric Cuvillier, député-maire de Dunkerque et ancien ministre, qui souhaitait mener la liste, a été le premier à prendre des contacts et se présenter comme possible futur "chef de l'opposition".

Le point positif, c'est que très vite, après cette lourde défaite, les socialistes réagissent, au niveau régional. Ils se situent d'emblée dans l'opposition, ce qui est positif aussi. Pas d'ambiguïté, à la suite de l'appel à voter Bertrand contre Le Pen : la démocratie doit maintenant reprendre ses droits, le débat gauche-droite à nouveau s'imposer. Bien sûr, autant qu'il est possible, il faut travailler ensemble, dans le sens de l'intérêt général. Mais cette nécessité n'efface pas les clivages partisans. Face à la majorité régionale, il faut une opposition sérieuse et responsable.

Entre Saintignon et Cuvillier, qui choisir ? L'avenir le dira, assez rapidement. Comme toujours en politique, les personnalités sont secondaires : ce sont les dynamiques, déclenchées ou pas, qui seront déterminantes. C'est le collectif qui tranchera. Ce qui n'empêche pas les préférences : pour ma part, elles vont à Frédéric Cuvillier. Pierre de Saintignon a fait le job, il s'est révélé durant la campagne et personne d'autre n'aurait pu faire beaucoup mieux. Aujourd'hui, la page est tournée. Saintignon est un bon, mais sa limite, c'est qu'il a toujours été un n°2. C'est honorable, sans faire cependant de vous un n°1 : entre les deux niveaux, il y a une différence de nature, pas de degré. Cuvillier, je le sens beaucoup plus leader, et dans sa vie politique, sa ville, sa circonscription, il a l'expérience d'un n°1.

Et puis, Cuvillier, ancien membre du gouvernement, est plus dans la ligne Hollande-Valls que Saintignon, qui s'est permis pendant la campagne quelques petits écarts, de prudentes réserves qui ont déplaisamment sonné à mes oreilles. Sur le site Aisne Info, Arnaud Battefort, ancien premier secrétaire fédéral du PS dans l'Aisne, a déclaré, à l'issue du premier tour des régionales : "cette liste n'était pas bonne. Il aurait fallu que nous soyons en capacité de présenter des candidats qui auraient créé un mouvement, face au monstre politique qu'est devenue Marine Le Pen". Lui-même n'a pas pu intégrer cette liste. Mais il est difficile de juger (ou trop facile a posteriori). Peut-être d'ailleurs Arnaud parle t-il de la liste départementale qui, de fait, n'était pas constituée de guerriers. Mais où sont les guerriers dont la gauche a besoin ?

mardi 22 décembre 2015

Etre ou ne plus être Français



A la suite des attentats du 13 novembre dernier, le président de la République avait promis d'inscrire dans la Constitution le principe de la déchéance de nationalité, pour les citoyens binationaux nés en France et condamnés pour terrorisme. Le Parlement unanime avait applaudi. La mesure sera examinée demain en Conseil des ministres. Je souhaite que François Hollande y renonce, pour plusieurs raisons :

C'est une proposition injuste. Si on estime que le terrorisme est une atteinte grave à la France, pourquoi déchoir de leur nationalité les seuls binationaux ? Le principe d'égalité exige que tout citoyen français soit identiquement puni, si on pense que la sanction est juste. A tout prendre, il est même plus condamnable moralement de s'en prendre à son pays quand on a uniquement la nationalité française que lorsqu'on a une double nationalité.

C'est une proposition inutile, puisqu'elle existe déjà, dans la loi, applicable à la demande du ministère de l'Intérieur. Elle est d'ailleurs régulièrement utilisée. Il ne sert à rien de l'inscrire dans la Constitution.

C'est une proposition inefficace. Un terroriste emprisonné se moque de perdre sa nationalité française. Cette mesure n'est même pas dissuasive : on ne va pas renoncer à commettre un attentat pour ne pas risquer de perdre sa nationalité ! C'est pourquoi la procédure est rarement appliquée.

Pourquoi François Hollande a t-il proposé une mesure aussi mauvaise ? Parce qu'après le traumatisme des attentats, il a voulu coller à l'état d'esprit de l'opinion. A t-il tort, a t-il raison ? Je n'en sais rien. Je sais seulement que je ne suis pas d'accord, pour les raisons que je viens de donner. Mais il y a plus grave : c'est la symbolique qui se dégage de cette proposition injuste, inutile et inefficace, là encore pour plusieurs raisons :

D'abord, on relance le débat sur l'identité nationale, que certains intellectuels sont libres d'exploiter, mais qui n'a pas sa place en politique, où il s'agit de trouver des solutions concrètes à des problèmes concrets, pas de disserter sur des points d'idéologie. Le terrorisme n'a rien à voir avec les interrogations théoriques sur l'identité française.

Surtout, la nationalité, en République, c'est la naissance, pas la culture ou la volonté. Est Français celui qui est né en France, point. On reste français toute sa vie, comme on est fils ou fille de jusqu'à sa mort. Toucher à ça, faire un tripatouillage dans la nationalité, même pour de louables raisons, c'est symboliquement dangereux, c'est la porte ouverte à d'autres dérives autrement plus inquiétantes. Quand une logique est initiée, on ne sait pas où elle nous conduit, il est difficile de l'arrêter. Vous me direz peut-être que l'exception confirme la règle ? Oui, sauf lorsqu'il s'agit d'une mesure inscrite dans la Constitution, qui prend alors un caractère universel, exemplaire et sacré.

Bien sûr, on peut se faire plusieurs conceptions de la France et de la nationalité française. Il y a la France éternelle de Maurras, la France charnelle de Barrès, la France nationaliste de Le Pen (avez-vous remarqué que lorsqu'elle parle de ses électeurs, elle ne dit pas "les citoyens" mais "les nationaux" ?). Il y a aussi la France millénaire d'Ancien Régime, et la France de demain, dans quelques siècles, dont nous ignorons ce qu'elle sera. "Ma France", comme chantait Jean Ferrat, c'est la République et ses valeurs. Ai-je raison, ai-je tort ? Je n'en sais rien, je n'ai même pas choisi : je vis en République, j'aime ses principes, ils ont le mérite de la simplicité, j'en reste là. Si certains veulent changer de système, voir la France autrement que républicaine, soumettre la nationalité à d'autres critères, c'est leur droit. Mais je ne vais pas dans cette direction-là.

lundi 21 décembre 2015

Podemos, bof ...



Les résultats des élections législatives en Espagne ne m'inspirent pas vraiment. D'abord, la droite arrive en tête, même si elle n'a qu'une majorité relative. On donne Podemos gagnant, comme en France aux régionales le Front national ; mais ce nouveau parti n'est qu'en troisième position, après les socialistes. Le proche avenir est complètement inconnu. Pas de quoi s'enthousiasmer.

Le projet de Podemos ne m'inspire pas non plus. Il se réjouit de la fin du bipartisme. Mais ce n'est pas un objectif en soi. Et est-ce que le tripartisme, c'est mieux ? Je ne crois pas. C'est la voie ouverte aux combinaisons opportunistes, comme sous la IVe République chez nous. Podemos prend le risque d'introduire ce qu'il dénonce. Mieux vaut qu'une majorité politique bien nette se dégage, ce qu'interdit le tripartisme. C'est pourquoi je suis contre la proportionnelle intégrale.

Podemos veut lutter contre la corruption. Très bien. La morale, la religion, la République et même la monarchie espagnole dénoncent la corruption. Mais ça ne fait pas un programme. Autant vouloir lutter contre la nature humaine ! Podemos s'oppose à l'austérité. Mais c'est quoi ? L'austérité, ce n'est pas marrant, personne n'en veut. Mais qui préfère la gabegie, les déficits et la faillite ? Ne jouons donc pas sur les mots.

Podemos souhaite une déprofessionnalisation de la politique. Alors là, je ne suis pas du tout d'accord ! D'abord, c'est illusoire : la politique est un vrai boulot, même s'il n'est pas comme les autres, à la façon des artistes ou des curés. Surtout, en France, ce que je regrette, c'est au contraire le manque de professionnalisme, de compétences, le dilettantisme de certains de nos élus. Vouloir faire de la politique une pratique d'amateurs, c'est désastreux !

J'ai tout de même des motifs de satisfaction. L'extrême droite est inexistante en Espagne et au Portugal, parce que Franco et Salazar sont encore dans les mémoires. Chez nous, Pétain est trop loin, refoulé, parfois méconnu, et du coup on se retrouve avec son arrière-petite fille, Marine Le Pen.

Le bon score de Podemos a aussi un avantage : il oblige les socialistes à bouger, à changer, pour ne pas finir comme le Pasok grec. En échange de bons procédés, j'aimerais que Podemos prenne le chemin de Syriza : une social-démocratie audacieuse, rajeunie et renouvelée. Viva España !

dimanche 20 décembre 2015

Des noms, des noms !



Dans le Tout-Saint-Quentin et même au-delà, ce sera la grande question des fêtes et le petit jeu des vœux : qui va occuper le fauteuil de Xavier Bertrand à la Municipalité ? Plusieurs noms circulent dans le microcosme, et un candidat s'est bravement déclaré il y a trois mois : Freddy Grzeziczak, adjoint aux Affaires sociales. Mais quelle mouche l'a piqué ? En homme d'expérience, il sait pourtant qu'en politique il faut feindre l'humilité, dissimuler ses ambitions, faire profil bas, attendre son heure, se faire adouber. En se dévoilant, il se grille, réveille les envieux, excite les jaloux, compromet ses chances. Et puis, la gauche n'oublie pas qu'il a rallié la droite et la droite n'oublie pas qu'il vient de la gauche. Ce n'est pas une candidature, c'est un suicide. A l'heure où Xavier Bertrand s'applique à lui-même le non cumul des mandats, il n'acceptera pas de soutenir au poste de maire un conseiller départemental.

Le nom qui revient le plus fréquemment, c'est celui de Frédérique Macarez, adjointe et ancienne directrice de cabinet. Elle est discrète, compétente, efficace, jeune, sympathique : c'est en effet le bon profil, d'autant qu'il n'est pas politique. En ces temps de discrédit du métier, c'est un atout : Macarez est technicienne, gestionnaire, DRH. En plus, elle a le soutien de Pierre André ! L'opposition aurait tort de s'en réjouir : elle sera plus redoutable pour la gauche que Xavier Bertrand, parce qu'elle n'apparait pas comme une femme de droite, n'est pas compromise dans les débats nationaux, ne laisse pas prise à la polémique.

Mais qui sait en politique, cet art du dernier moment, comment les choses peuvent tourner et se retourner ? De possibles candidats restent en lice. Marie-Laurence Maître est très bertrandiste : enthousiaste, énergique, fidèle, jusqu'à surjouer son personnage. Mais en politique, il vaut mieux en faire trop que pas assez. Maître a de la voix et du geste. Elle en veut ; mais les autres veulent-ils d'elle ? Alexis Grandin, lui, ne s'est pas solennellement déclaré, mais il a émis un soupir dans le Courrier picard : il aimerait, ça l'intéresse. Une velléité peut-elle se transformer en volonté ? A suivre ...

Thomas Dudebout est cité, parce que c'est l'enfant qu'auraient eu ensemble, si c'était biologiquement possible, Xavier Bertrand et Freddy Grzeziczak, tant il ressemble à l'un et à l'autre. Mais sa jeunesse lui donnera d'autres occasions de se présenter. Monique Ryo n'est pas oubliée : comme centriste, elle pourrait rassembler tout le monde ... ou se mettre à dos ceux qui ne sont pas centristes, et qui sont quand même les plus nombreux. Depuis 20 ans, c'est la n°2 de l'équipe municipale : elle pourrait monter d'un échelon, par automatisme, à l'ancienneté. Le sort du premier magistrat serait ainsi réglé mécaniquement, avec le moins de remous possibles. Mais la logique de la politique n'est pas non plus celle de l'administration. Françoise Jacob, adjointe à l'Education, est également évoquée comme successeur de Xavier Bertrand, mais là, je me demande bien pourquoi ...

Pour mettre tout le monde d'accord ... ou en désaccord, je mets à mon tour mon grain de sel, quoique un socialiste n'ait pas à se mêler des affaires de la droite : Vincent Savelli, pourquoi pas lui ! Il est connu, depuis longtemps dans la carrière, parlant aussi bien que ses cravates sont jolies, figure historique et même préhistorique du gaullisme local. Il ferait un candidat sérieux.

Le Courrier picard a ouvert le débat sur sa page Facebook, où d'autres propositions, parfois facétieuses, sont avancées. De simples citoyens donnent leur avis. Loïc Lemire opte pour Jérôme Lavrilleux, Ivan Régina hésite entre le colonel Dutel et Pascal Cordier, Anne Ferreira soutient Carole Berlemont. Les réseaux sociaux s'amusent, mais un seul décidera : c'est l'ancien maire qui choisira le nouveau.

samedi 19 décembre 2015

En avant la musique !




A quelques semaines de l'élection d'un nouveau maire et d'un nouveau député, les deux vernissages de ce soir n'étaient pas qu'esthétiques. Mais la politique n'est-elle pas aussi une forme d'art ? Les postulants supposés étaient présents : Frédérique Macarez, Marie-Laurence Maître, Thomas Dudebout et Alexis Grandin pour le poste de premier magistrat de la ville. Une absence très remarquée : celle du seul candidat déclaré, Freddy Grzeziczak. Ses ambitions auraient-elles été douchées par le sondage récent du Courrier picard, qui le donne bon dernier ? Pour la législative, Julien Dive, qui pourrait concourir, était là. A gauche, pas d'élus socialistes, mais un militant (dont je tairais le nom) et le responsable écologiste Michel Magniez. Voilà le tableau, qui n'est pas Art Déco, mais n'en provoque pas moins l'inspiration.

Marie-Laurence Maître, en sa qualité d'adjointe à la Culture, était ce soir la maîtresse de maison, chic et sensass dans son ensemble et sa coiffure années folles, plus fan que jamais de Xavier Bertrand, qu'elle fait applaudir par la foule (vignette 1). Bernard Lebrun présentait son nouvel ouvrage sur l'histoire de la ville, en faisant remarquer qu'en remontant très loin dans le passé, Vercingétorix et Jules César ont coopéré, malgré leur adversité (j'ai tout de suite fait le lien avec l'actualité, entre Xavier Bertrand et François Hollande). Lebrun a ensuite évoqué notre saint martyr Quentin, décapité, expression de l'esprit de résistance (pas de doute, c'est un clin d'œil à la lutte commune contre l'extrême droite, mais c'est la tête de Marine Le Pen qui est tombée).

Xavier Bertrand, dans une réponse du berger à la bergère, a présenté Bernard Lebrun comme "celui qui aurait pu être maire socialiste de Saint-Quentin, s'il n'y avait pas eu de petites manœuvres d'appareil" (vignette 3). Personne n'en voudra au maire actuel de s'ingérer dans les affaires internes du PS : c'était il y a longtemps (mais moins ancien que les Gaulois et les Romains), il y a aujourd'hui prescription. Les fresques allégoriques d'André Maire (sic) ont suscité une clameur d'admiration dans la salle (vignette 2), lorsque le rideau, comme au théâtre, les a dévoilées.

A l'étage des Nouvelles Galeries, nous avons tous été stupéfaits par l'exposition "L'Art Déco et Saint-Quentin, l'invention d'un style international". Marie-Laurence Maître a remis les plats : Xavier Bertrand, celui qui nous mène toujours plus haut (je traduis à ma façon : la ville, la circonscription, la région ... et demain, en 2022, la France ?). Une partie de l'assistance avait rejoint les étoiles. Bernard Delaire, délégué à la Culture, portant pour l'occasion une cravate aux motifs Art Déco, a admis que Saint-Quentin était plus connue pour être la ville de Xavier Bertrand que la ville de l'Art Déco (mais celui-ci n'est-il pas, à sa manière, une œuvre d'art ?)

La dernière intervention aura été réservée au maire pour quelques jours encore. Xavier Bertrand a rappelé et insisté : l'Art Déco est un art à la fois populaire et bien français, réputé dans le monde entier. L'homme qui ne lâche rien quand il s'agit de sa ville a révélé une petite polémique avec Martine Aubry, qui prétend que son hôtel de ville était art déco, alors qu'il n'est qu'art nouveau. Il ne faut pas chercher Xavier Bertrand, sur aucun terrain. La présente exposition est trop belle pour ne pas être pérenne ? Nouvelle révélation : il se pourrait bien que le prochain président de région, élu mais pas encore installé, finance le projet. Voilà ce que c'est que d'avoir des relations !

Le final a été un festival. Xavier Bertrand a fait l'éloge des vertus cardinales qui doivent, selon lui, continuer à guider les futurs élus, maire et député : ambition, fierté et confiance en soi dans l'amour et la défense de Saint-Quentin. La messe était dite. Et moi, dans mon coin, de penser tout bas : oh ! ma gauche, si toi aussi, dans les prochains combats, tu pouvais être ambitieuse, fière et pleine d'assurance. Mais c'est peut-être la coupe de très bon champagne qui m'a rendu rêveur, sur des airs de jazz années 30 (vignette 4). En avant la musique !

Vous avez dit "gaulliste social" ?



Durant cette semaine, plusieurs responsables de droite, Xavier Bertrand, Christian Estrosi, Renaud Muselier et quelques autres, ont utilisé le terme de "gaulliste social" pour se définir politiquement. Le qualificatif a été repris dans les médias, sans être interrogé. "Gaulliste social", pourquoi, et ça veut dire quoi ? De véritables gaullistes, y en a t-il encore ? Le fait d'accoler l'adjectif de "social", d'apporter cette précision tend à prouver a contrario que la plupart des gaullistes sont plutôt conservateurs. Ce n'est pas sans raisons non plus.

"Gaulliste social" ne serait-il pas un oxymore, comme "socialiste libéral" ? Notre époque aime bien jouer avec le langage. Bien sûr, un gaulliste peut avoir des préoccupations sociales, à la façon de Xavier Bertrand, se rendant ces derniers jours auprès des ouvriers de Toyota et de Pentair, et un socialiste peut respecter rigoureusement les lois du marché : mais ça ne fait pas du premier un socialiste, ni du second un libéral. Attention aux étiquettes qui brillent par leur paradoxe !

Le gaullisme n'a jamais été un courant politique particulièrement social. Les mandats du général de Gaulle ont commencé par une grève des mineurs très dure et se sont terminés avec l'explosion sociale de Mai 1968, 10 millions de grévistes ! Je ne suis pas antigaulliste : comme tout le monde, j'ai de l'admiration pour le général, sa vision d'avenir sur la décolonisation, les institutions, le rôle qu'il a redonné à la France dans le monde, sa politique d'indépendance à l'égard des blocs, américain et soviétique, l'industrialisation du pays. Oui, il y a d'excellentes raisons d'être gaulliste, sauf une : la dimension sociale, absente. Et qu'on ne me parle pas de la participation : un slogan, un gadget, sans conséquence véritable. Non, ce n'est pas le social qui fera qu'on retiendra le nom du général !

Dans les années 60, on a vu apparaître des "gaullistes de gauche". Mais comme les poissons volants, ils ne constituent pas la majorité du genre. Jacques Chaban-Delmas, avec sa nouvelle société, est la seule tentative réelle de gaullisme social, au début des années 70, vite torpillée par Pompidou et Chirac (voir l'excellent documentaire d'hier soir sur LCP). Après, c'est du verbiage. A la fin des années 70, Jacques Chirac veut nous faire croire à un invraisemblable "travaillisme à la française", et lorsqu'il devient Premier ministre en 1986, il nous fait du Reagan et du Thatcher. Il remet ça en 1995 avec la "fracture sociale" et 6 mois plus tard, des millions de salariés sont dans la rue, contre la réforme de la Sécu et des retraites. Le gaullisme social, ça marche mal ! Il n'est pas sûr que sa résurgence actuelle, qui vise surtout à rejeter Le Pen, tienne très longtemps.

vendredi 18 décembre 2015

Bertrandmania



Bertrandmania : l'expression est dans le Courrier picard de ce matin. Depuis sa victoire de dimanche soir, le député-maire de Saint-Quentin est célébré de toute part. Il est l'homme qui a battu Marine Le Pen. Mais il est plus que cela : il est l'homme qui veut faire de la politique autrement, formule chère à Michel Rocard. Sa première déclaration, à la proclamation des résultats, aura été un modèle de clarté et de sobriété, sans le triomphalisme dans lequel généralement on se complait dans ce genre de situation. Et ses troupes ont suivi dans ce profil bas !

Le lendemain, il annonçait à la télévision qu'il remettait ses mandats locaux et lâchait sa candidature à la primaire de la droite. Son nom a flambé à partir de ce moment-là : notre société, pourtant peu chrétienne, prise fort l'humilité, la repentance et le renoncement. Pas étonnant que La Croix, dans son édition de mercredi, fasse de Xavier Bertrand, à travers un éditorial dithyrambique, le nouvel exemple à suivre, celui qui a redonné sa dignité à la politique. Le paradoxe, c'est qu'il devient éminemment présidentiable au moment d'abandonner la course à la présidentielle !

Le point d'orgue de cette Bertrandmania, c'était évidemment hier matin, quand le chef d'Etat en personne s'est invité à une cérémonie en hommage à la fraternisation entre adversaires, pendant la Grande Guerre. La poignée de main a été remarquée et les échanges fort aimables entre les deux hommes, avec cette idée explicite : pourquoi ne pas travailler ensemble, quand c'est possible, entre républicains, sans cependant renoncer à être soi-même ? Voilà ce qui a fait de Xavier Bertrand la vedette de la semaine.

Il y a quand même des mécontents : ceux qui, à droite, voient d'un mauvais œil ce rapprochement, soupçonnent une manœuvre de François Hollande, notamment Bruno Le Maire. Ils ont tort : on fait de la politique en posant des actes, pas en prêtant à autrui des arrière-pensées. Il y a aussi de possibles cocus de l'histoire : les socialistes locaux, pas très chauds devant une telle Bertrandmania. Car comment s'opposer à lui lorsqu'il est félicité par tous ?

On a beau faire remarquer que Xavier Bertrand garde la présidence de l'agglomération, que son départ du fauteuil de maire est légalement obligatoire, que son retrait de la primaire est encouragé par un très faible espoir de l'emporter : l'image du tombeur de Le Pen et du défenseur de l'intérêt général par dessus les divisions partisanes marquera, et sans doute longtemps, parce qu'elle rencontre l'air du temps. Et puis, César imperator, après avoir reçu les lauriers, est nécessairement le plus fort.

Alors, à gauche, à Saint-Quentin, on fait quoi ? D'abord, on fait, on ne reste pas comme si rien ne s'était passé. Il faut essayer d'être à la hauteur de l'événement. Xavier Bertrand veut faire de la politique autrement ? Chiche ! Il faut relever le défi : que la gauche soit à son tour ouverte, rassembleuse, modérée dans son approche, force de propositions. Sans renoncer bien sûr à être socialiste, qu'elle soit surtout républicaine. Le Courrier picard d'aujourd'hui relève ce paradoxe : Bertrand a donné le sentiment, durant la campagne, de s'opposer beaucoup plus à l'extrême droite que ne l'a fait le Parti socialiste. Comme je l'ai écrit à plusieurs reprises, il faut que nous retrouvions les chemins de notre antifascisme historique.

Surtout, l'opportunité pour la gauche locale, c'est que Xavier Bertrand ne soit plus ni maire, ni député. Ainsi, il va cesser d'être, pour elle, un point de fixation préjudiciable, qui faisait oublier tout le reste, qui tournait aux règlements de compte personnels (Michel Garand en aura été la victime collatérale, laissant la gauche socialiste orpheline). Si la prise de conscience se fait, si des décisions sont prises, si des changements ont lieu, une grave défaite peut favoriser un rebond, un renouvellement et, pourquoi pas, un début de reconquête.

jeudi 17 décembre 2015

Un monstre parmi les monstres



La publication de scènes de torture et de décapitation par Marine Le Pen sur son compte twitter révèle la véritable nature de cette responsable politique, à ceux qui l'ignoreraient encore. Aucun homme public digne de ce nom ne ferait ça, pour quelque raison que ce soit. Cette femme n'est pas comme les autres : c'est un constat, c'est surtout une volonté de sa part. Elle vit dans la transgression, elle pratique la subversion permanente, elle sape les bases de la morale ordinaire, elle brise les tabous et elle s'en vante.

On ne montre pas ainsi la mort, on n'exhibe pas le malheur, on respecte les victimes, on pense aux proches : Le Pen ne pense qu'à elle-même. Elle a érigé l'obscénité en système, l'indécence en mode d'action. Son père ne s'en cachait pas : "je dis tout haut ce que les Français pensent tout bas". Le vote FN, c'est le défouloir des pensées honteuses : enfin pouvoir exprimer le pire qui est en nous, sans pudeur ni retenue. Le mal se vautre dans le mal. Eros et Thanatos : le FN, c'est la pulsion de mort, de destruction.

A-t-elle au moins des raisons qui pourraient en partie expliquer son acte ignoble ? Aucune ! L'origine est dans une réflexion de Gilles Kepel, qui n'est pas un politique, un polémiste mais un intellectuel, un universitaire qui nous livre sa pensée, qui est libre de le faire comme nous sommes libres de la discuter. Son idée, je la partage, je l'ai d'ailleurs déjà exprimée sur ce blog : à l'ère de la mondialisation, nous voyons se constituer des replis identitaires, dont les contenus peuvent être très différents, jusqu'à s'opposer, mais dont les ressorts sont identiques. Le nationalisme du FN et l'islamisme de Daech obéissent à cette même logique fondamentaliste, intégriste, quoique les motifs soient incomparables (la nation pour l'un, la religion pour l'autre) et les effets sans commune mesure (l'un est dangereux, l'autre est criminel). Voilà ce que Kepel, spécialiste du monde arabe, a voulu dire. J'ajoute que l'islamisme de Daech a aussi peu à voir avec la religion musulmane que le nationalisme du FN avec le patriotisme français.

On peut parfaitement être en désaccord avec la thèse de Kepel. Alors, on y répond par des arguments, une réflexion : pas par des photos horribles rendues publiques, qui essaient de discréditer grossièrement un chercheur réputé, de le faire passer pour quelqu'un qui dit n'importe quoi. Si c'était réellement le cas, il suffirait de hausser les épaules et d'en sourire. "Il n'y a que la vérité qui blesse", dit-on. En politique, les attaques injustes, dégradantes sont le lot commun : on n'y fait pas attention. Si Le Pen s'est sentie piquée au vif, n'est-ce pas parce que Kepel a visé juste, sans d'ailleurs particulièrement le vouloir (ce n'est pas un militant anti-FN, à ma connaissance) ?

En prenant la mouche, Le Pen a perdu la tête. Au fond, pourquoi ? Parce qu'elle est folle, en rage d'avoir perdu ses chères régions qui lui étaient promises, qui l'auraient crédibilisée et ouvert le chemin vers l'Elysée. Sa dynamique a été cadenassée par ce qu'elle redoute et déteste le plus : ce front républicain qui l'empêche de gagner, qui désespère son électorat, qui lui bouche l'avenir. Ces photos sonnent aussi comme une forme de vengeance : le leader du FN déverse ainsi toute sa haine envers cette société, ces intellectuels, ces médias qu'elle n'aime pas (l'establishment, comme disait son père).

Au sens propre du terme, le FN est un parti monstrueux, hors-normes, extrême, radicalement étranger à la culture pacifique, tolérante, égalitaire qui est celle de la démocratie française contemporaine. Il est étranger aussi à notre éthique ordinaire, aussi bien laïque qu'évangélique, faite de charité, d'hospitalité, de compassion. Ce monstre, par sa pitoyable défense qui est en réalité une attaque, nous inflige la propagande d'autres monstres, ajoutant de la terreur à la terreur. Heureusement que la grande majorité des Français ne s'y laissent pas prendre.

mercredi 16 décembre 2015

Décomposition, recomposition



Après le choc des régionales, nous sommes en pleine recomposition politique. Estrosi et Bertrand veulent associer la gauche dans leurs régions ; Raffarin prendrait Macron comme ministre et accepterait de travailler avec Valls, qui est d'accord ; NKM conteste la stratégie du ni ni et se fait virer par Sarkozy ; Dray veut changer le nom et le fonctionnement du PS ; Duflot, après avoir quitté le gouvernement, défend maintenant l'union de toute la gauche ; les Verts ressortent divisés de l'élection ; Mélenchon et le PCF ne sont plus du tout sur la même longueur d'onde. Recomposition, oui, mais décomposition d'abord !

De fait, Macron est aujourd'hui plus proche de Juppé que de Mélenchon. Chez moi, j'ai plus d'affinités politiques avec quelques membres centristes de l'équipe municipale de Bertrand qu'avec l'aile gauche mélenchonisante du Parti socialiste. Décomposition, recomposition, mais surtout clarification.

Attention : je ne crois pas à l'union nationale, je suis hostile à des gouvernements de coalition, j'aurais désapprouvé des fusions de listes au second tour des régionales. La France n'est pas l'Allemagne. Notre démocratie exige d'avoir le choix entre une droite et une gauche clairement identifiées, solides dans leurs valeurs et leur projet. Et puis, croire que le chômage va baisser parce qu'on mettra ensemble des gens de droite et des gens de gauche est une illusion. Recomposition, oui, mais pas confusion.

C'est dans chaque camp, à l'intérieur des deux grands partis de gouvernement, que la recomposition doit s'opérer. Je ne parlerais que pour mon bord : le PS doit à la fois élargir son périmètre pour ne pas réunir que les seuls socialistes et retrancher la gauche de la gauche, à l'extérieur comme à l'intérieur, puisqu'elle lui est hostile et ne partage plus sa ligne social-démocrate. Le PS doit aller des sociaux-démocrates au centre droit, en passant par les écologistes et quelques autres progressistes.

Trois erreurs politiques et tactiques ont été commises, qui ont freiné une recomposition amorcée depuis quelques années : le discours électoral du Bourget, qui n'était qu'électoral mais qui a introduit une ambiguïté idéologique ; ne pas avoir fait entrer François Bayrou au gouvernement en 2012 ; ne pas avoir laissé de circonscriptions au MoDem durant les dernières législatives. Tous ceux qui ont appelé à voter Hollande avaient vocation à être associés à son quinquennat. Le Front de gauche n'a pas voulu, le MoDem n'a pas été sollicité, les écologistes sont partis en cours de mandat : et maintenant le PS se retrouve quasiment seul !

Je vois cependant trois facteurs qui vont accélérer la recomposition, qui vont faire bouger les lignes dans chaque camp : d'abord, la menace de l'extrême droite, qui demeure puissante et qui encourage les républicains et les modérés à se rapprocher ; la probable candidature présidentielle de Sarkozy, clivante et crispante à droite ; la réaffirmation à gauche de la ligne social-démocrate Hollande-Valls-Macron, qui va désespérer les frondeurs et éloigner la gauche de la gauche (de ce point de vue, Duflot a tout faux). C'est en 2017 que la grande explication se fera, suivie, trois ans plus tard, des élections municipales, qui seront sans doute l'étape (finale) de la recomposition.

mardi 15 décembre 2015

La tête dans le ballon



L'événement n'est pas toujours ce qu'on croit. Il faut de l'inattendu. Dimanche soir, la défaite du FN était annoncée, la résistance du PS pressentie, la victoire limitée de la droite prévisible. Alors, quoi de neuf ce soir-là ? Une attitude complètement nouvelle, inédite, surprenante : Nicolas Sarkozy assistait à un match de foot ! Jamais un chef de parti, même un petit chef d'un petit parti, ne s'est comporté ainsi. Le commentaire public des résultats, la présence physique sur les plateaux de télévision un soir d'élection font partie du job, surtout quand on est à la tête d'un parti de gouvernement et qu'on aspire à redevenir président de la République. Etonnant, non ? comme aurait dit Pierre Desproges.

Bien sûr, Nicolas Sarkozy n'a pas été totalement absent : il est intervenu à la télé en début de soirée, mais c'était le service minimum. Comment un grand pro de la politique, qui lui a consacré toute sa vie, peut-il agir ainsi, se tromper aussi lourdement ? L'image qui en ressort est fait de légèreté, d'insouciance, de divertissement : ce n'est pas digne d'un homme public qui vise à nouveau le sommet de l'Etat. C'est d'autant plus surprenant que la droite a tout de même remporté cette élection, en conquérant de nouvelles régions, même si l'ampleur de la victoire est moins grande qu'espérée. Sarkozy aurait pu s'en réjouir, stimuler ses troupes, passer des coups de fil aux gagnants et aux vaincus, pour féliciter et consoler personnellement, toute chose qu'on peut difficilement faire quand on a en même temps la tête dans le ballon.

Il y a une raison à tout, notamment en politique. Et si Nicolas Sarkozy avait eu pleinement conscience de son geste ? Et s'il avait délibérément fait ce choix ? Assister à une manifestation sportive au lieu de participer à la soirée électorale, c'est tout un symbole ! L'homme normal, près du peuple, comme tout le monde, le voilà. Ce n'est pas à n'importe quel spectacle auquel il assiste, mais à l'activité la plus populaire de France, le foot. Et puis, les régionales, Sarkozy s'en moque, réussite de son camp ou pas : c'est l'Elysée qui l'intéresse, il nous le fait savoir par son indifférence de dimanche soir. La montée de l'extrême droite, la satisfaction relative de son parti, la meilleure tenue que prévue du PS, il est au dessus de tout ça, au-delà, déjà en 2017.

Dernière hypothèse : Sarkozy a craqué. Le dimanche soir, on est parfois comme ça, désabusé, mélancolique. Sarkozy en a eu marre de ce cirque qu'est sa vie. La politique et son cortège de contraintes, de médiocrités, de compromissions, ce n'est pas reluisant, passionnant : il en a sa claque, il part, mais un soir seulement, quelques heures. Faire de la politique, c'est refouler son désir, calmer ses attentes, renoncer à une partie de soi-même : il n'y a qu'un ascète qui puisse l'accepter. L'activité publique n'est pas l'aventure exaltante qu'on croit. L'enthousiasme, la ferveur, la création, c'est dans l'art ou la littérature qu'on les trouve, et Sarkozy, lui, avec ses goûts, dans le sport. Le temps d'une soirée, Nicolas Sarkozy s'est libéré. Mais c'est déjà fini : dès lundi matin, il était redevenu l'homme aliéné qu'il consent à être depuis près d'un demi-siècle.

lundi 14 décembre 2015

Le Pen ne passe pas



Ce qui est amusant un soir d'élections, c'est qu'on a l'impression, à entendre leurs réactions, que tous les partis ont gagné. Mais hier, nous avions plutôt le sentiment que tous les partis avaient perdu ! Mettons de côté la subjectivité ou l'habileté : en politique, le gagnant est celui qui obtient ou conserve le pouvoir, le perdant est celui qui ne le conquiert pas ou ne le garde pas. De ce point de vue, il n'y a qu'un seul véritable perdant dans ce scrutin régional, c'est le Front national, qui augmente en voix, en élus mais pas en responsabilités. La droite a remporté 7 régions : c'est moins que prévu. La gauche s'est maintenue dans 5 régions : c'est mieux que ce qu'on pouvait pronostiquer. Voilà le bilan ; le reste ne sont que des commentaires à convenance personnelle.

Gilbert Collard, du FN, qu'on devrait pour l'occasion rebaptiser Gilbert Connard, a trouvé une formidable expression pour qualifier les résultats de son parti : une "défaite victorieuse" (hier soir, sur RTL). Pour une fois, je vais être magnanime avec le Front national : des "défaites victorieuses" comme celle-là, je lui en souhaite à chaque élection. Qu'il gonfle ses voix autant qu'il voudra, qu'il demeure éternellement dans l'opposition, qu'il n'accède jamais à aucun pouvoir, je m'en satisfais volontiers, je jure de ne plus rien dire contre lui.

On a beaucoup parlé d'un "plafond de verre", à propos du vote FN. Je n'aime pas cette expression, comme toutes les expressions qui ne veulent plus rien dire à force d'être répétées. Les plafonds, c'est bon pour l'immobilier, pas en démocratie. Un plafond de verre signifie ou bien qu'on ne le voit pas (les limites du vote d'extrême droite sont très visibles), ou bien qu'on peut le casser (ce qui est contradictoire avec ce qu'on veut lui faire signifier). Pour comprendre pourquoi Le Pen ne passe pas (à tous les sens du terme), il faut se souvenir de trois données historiques, qui conditionnent le succès électoral d'un mouvement fasciste :

1- L'indifférence de la droite. Certes, le renvoi dos à dos du FN et du PS, le fameux ni ni, est la règle adoptée. Mais la droite a fermement exclu tout accord avec le Front national. Dans les années 30, l'extrême droite l'emportait qu'en se faisant des alliés chez les conservateurs. Là, ce n'est pas le cas.

2- La division de la gauche. Certes, ce camp est dispersé, mais socialistes, communistes et écologistes se rassemblent naturellement au second tour, contre un même ennemi commun, le FN. Dans les années 30, c'est la lutte entre staliniens et réformistes qui prévalait. Le fascisme n'a pas tout de suite été perçu comme une priorité à combattre.

3- La crise sociologique. C'est selon moi l'élément le plus déterminant. Ce qui fait gagner le fascisme, ce n'est pas le ralliement des classes populaires, mais des classes moyennes. Or, durant ces élections régionales, une fraction des classes moyennes inférieures, comme on les dénomme, a incontestablement basculé du côté de l'extrême droite. Ce maillon faible de la République se sent déclassé, prolétarisé : il s'en prend moins aux riches qu'il déteste les pauvres, auxquels il se sent de plus en plus assimilé. Mais un maillon ne fait pas toute la chaîne : le gros des classes moyennes tient à la démocratie, chérit ses libertés, aspire à l'égalité, apprécie la paix civile, ne se reconnaît pas dans l'agressivité, le racisme et l'autoritarisme du Front national. Culturellement, notre pays n'est pas prêt à une aventure néofasciste, même s'il est du devoir des partis républicains de demeurer constamment vigilants.

Durant cette soirée électorale, j'ai particulièrement apprécié deux interventions : celle de Jean-Pierre Raffarin, qui a redemandé à ce que la droite abandonne le ni ni, qui a souhaité que la gauche et la droite travaillent ensemble, même s'il n'est bien sûr pas question de gouverner ensemble, démocratie oblige ; celle de Julien Dray, qui a proposé un changement de nom et d'organisation du PS, qui ne peut plus réunir que les seuls socialistes, mais s'ouvrir à toute la gauche, qui doit aussi complètement changer son mode de fonctionnement. Voilà deux propos peu convenus, hors des sentiers battus, qui me paraissent stimulants en ces temps de morosité.

dimanche 13 décembre 2015

Bertrand président



A Saint-Quentin, dans le palais de Fervaques, la soirée électorale n'était pas comme les autres. D'abord, le mur de caméras (vignette 1) pointées vers le pupitre où Xavier Bertrand s'exprime (vignette 2). Et puis, les journalistes des radios et télévisions nationales à la recherche d'électeurs de gauche qui auraient voté à droite dans ce second tour. Cette fois-ci, pas de grand écran pour annoncer progressivement les résultats. Tout à la fin, dans la salle même, le champagne est servi, pas dans un local de campagne.

Le vainqueur a été sobre, bref, très pro, sans triomphalisme, presque indifférent à l'événement qui le porte pourtant à la tête de la grande région. Son sourire est modeste, son visage est retenu, sa maîtrise est totale. Dans son intervention, Xavier Bertrand ne donne même pas le résultat chiffré : il est président, souverainement, sans besoin d'autres précisions. Il remercie les électeurs de gauche, ce qui est bien le moins. Il déclare que l'histoire retiendra que la montée de Marine Le Pen aura été stoppée ce jour-là : j'applaudis. Président de région, on sent que Xavier Bertrand veut plus, que c'est aussi une autre présidence qu'il vise, plus magistrale : de fait, son discours est présidentiel plus que régional.

Un journaliste d'Europe 1 me demande si j'attends quelque chose du nouveau président de région. Non, je n'attends rien : j'ai voté pour lui afin de faire échec à l'extrême droite, ni plus, ni moins. Maintenant, ce que j'attends, c'est que ma famille, le Parti socialiste, réagisse à ce qui s'est passé. A Saint-Quentin, nos aurons bientôt un nouveau maire. Surtout, il y aura une élection législative partielle. Est-ce que les responsables de la gauche locale en profiteront pour rassembler, redresser et redynamiser notre électorat ? L'avenir, très vite, le dira.

La République a gagné



Ce soir, dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, ce n'est pas seulement un homme, une liste et un parti qui ont gagné : c'est d'abord la République. L'enjeu était gigantesque : un territoire de 6 millions d'habitants, doté de nouvelles compétences, risquait d'être géré pendant six ans par l'extrême droite, transformant ainsi la région en tremplin efficace pour la candidate Front national à la prochaine élection présidentielle. Les républicains authentiques et responsables ne pouvaient qu'empêcher ce danger, ce désastre, en votant pour le seul candidat républicain de second tour, Xavier Bertrand. Sa victoire n'aura été possible que parce qu'il y aura eu cet élan républicain, puisqu'au soir du premier tour, l'ensemble des voix de droite était très loin derrière l'extrême droite. Sans la gauche, Xavier Bertrand n'aurait jamais pu l'emporter. Mais à travers lui, c'est la République qui a heureusement gagné.

Après avoir exprimé ce ouf de soulagement, il faut bien sûr féliciter le vainqueur, comme l'exige à chaque scrutin la courtoisie républicaine. Il faut aussi, et pour moi surtout, remercier tous ces électeurs de gauche, privés de leur candidat naturel, qui ont dû reporter leurs suffrages sur un adversaire politique, au nom de l'intérêt général et de la sauvegarde de la République. Si la décision était évidente pour moi, je sais, pour en avoir discuté, qu'elle n'était pas facile pour bien des citoyens de gauche, d'autant que ce n'est pas le premier scrutin qui les oblige à voter non pas selon leur cœur, mais selon leur raison, non pas en adhérant, mais en rejetant. Il faut les remercier de n'avoir pas cédé à la politique du pire, qui est toujours la pire des politiques : voter blanc ou s'abstenir, ce qui aurait avantagé et fait triompher le Front national.

Et maintenant ? Eh bien, il faut que plus jamais une telle situation, un tel dilemme ne se reproduisent. Même en échec, le score de l'extrême droite demeure énorme et inquiétant. Il faut que la gauche abattue dès le premier tour et disparue au second se relève, se redresse, se remette à exister. Il faut qu'elle reconquière, dans ce grand nord qui est sa patrie d'origine, les territoires perdus de la classe ouvrière, tous ces quartiers populaires qui ont basculé du côté du FN. Pour cela, il faut que la gauche, ma gauche, ait conscience de ses responsabilités dans la défaite, change ses méthodes et ses têtes et, par dessus tout, s'active sur le terrain, retrouve de l'énergie, se rassemble, recrée un enthousiasme. Nous en reparlerons. Ce soir, soyons tout à notre joie de cette victoire de la République : la route de Lille et de l'Elysée a été coupée à Marine Le Pen. Goûtons cet ancien slogan de gauche, ringard et apparemment ridicule, mais tellement vrai dans son sens profond : "le fascisme ne passera pas !" Ce soir, dans le grand Nord, il n'est pas passé, ni là ni ailleurs.

samedi 12 décembre 2015

La politique se fait au Bourget



La campagne pour les élections régionales est terminée. Qu'en aurons-nous retenu, à la veille du second tour ? Que l'extrême droite a fortement progressé, qu'au premier tour un électeur sur deux ne s'est pas déplacé, que la dernière semaine a vu s'affronter les défenseurs d'une Nation qu'ils voient en déclin et les défenseurs d'une République qu'ils voient menacée. Pour un scrutin local, les thèmes ont été très idéologiques, entre la crainte d'une disparition de la France pour les uns et les menaces d'une guerre civile pour les autres.

Ce que je note aussi, ce qui fait la difficulté de cette élection, c'est que nous désignons les représentants de nouveaux pouvoirs, tout juste conçus, les grands régions, dont les attributions ne sont pas encore complètement arrêtées, dont les capacités sont certainement amenées à être élargies. Il faut essuyer les plâtres, les citoyens ne sont pas habitués à ces récentes collectivités, l'ancienne formule, depuis une bonne trentaine d'années, semblant éloignée de leurs préoccupations. Pourtant, demain, malgré toutes ces imperfections et ces incertitudes, nous irons voter, parce que lorsque la parole nous est donnée, il faut la prendre.

En même temps que cette campagne électorale, une autre image de la politique nous aura été présentée. Au Bourget, cet après-midi, un accord historique a été trouvé sur l'avenir de la planète. Cet événement nous rappelle les fondements de la politique, que les élections régionales nous ont peut-être fait oublier :

- La politique, c'est l'urgence. Il y a des problèmes immédiats, essentiels et vitaux à traiter, en l'occurrence les changements climatiques provoqués par l'irresponsabilité des hommes, remettant en cause la pérennité de l'humanité. On a trop souvent, ces dernières décennies, réduit la politique à des sujets secondaires, polémiques ou techniques, alors que ses préoccupations premières sont de l'ordre de la survie (autrefois, comment protéger la population de la famine, par exemple).

- La politique, c'est l'intérêt général. Au Bourget, c'est même de l'intérêt mondial dont il a été question. Le réchauffement climatique ne peut pas être combattu dans chaque pays, isolément. Le monde entier s'est donc réuni près de Paris pour en discuter. Depuis une bonne vingtaine d'années, nous avons laissé croire que la politique satisfaisait les intérêts individuels, personnels, mission évidemment impossible. On ne s'intéresse pas à la politique pour changer sa propre existence, on ne va pas voter pour soi, mais pour l'intérêt du pays, pour la réforme de la société, qui sont envisagés différemment selon les partis. Notre vie à nous ne regarde que nous, pas l'Etat, pas le gouvernement. C'est toujours comme ça que j'ai compris la politique ; c'est pourquoi elle ne m'a jamais déçu.

- La politique, c'est le compromis. Chacun défend son point de vue, mais il faut négocier, transiger. Aucun accord n'est parfait, pas plus celui du Bourget qu'aucun autre, mais ce n'est pas grave : la politique ne recherche pas la perfection, parce qu'elle est impossible. Par exemple, l'accord contre le réchauffement climatique n'est pas aussi contraignant qu'on pouvait l'espérer. Mais il fallait bien respecter la souveraineté des Etats et faire des concessions pour obtenir un compromis. La politique est donc un art très difficile, et ceux qui prétendent qu'il suffit d'avoir de la volonté pour y arriver ont tort. Au contraire, il faut avoir la sagesse de renoncer à ce qu'on veut, afin de pouvoir avancer.

Ceci dit, la politique reste une activité en partie mystérieuse. La tenue de la COP 21 donne mille fois raison à une seule famille politique, les écologistes, dont les thèmes sont repris par le monde entier ... mais les Verts réalisent l'un de leurs plus mauvais scores à des élections régionales. Allez y comprendre quelque chose ...

vendredi 11 décembre 2015

Une gauche à reconstruire



Depuis dimanche soir, tous mes billets ont été consacrés à la lutte contre l'extrême droite, le rejet de l'abstention ou du vote blanc et le soutien au candidat républicain seul en lice, Xavier Bertrand. Il le fallait, parce que l'urgence est là, et la situation trop grave. Mais je n'occulte pas la défaite de la gauche et sa responsabilité dans les résultats. Que le Parti socialiste soit laminé dans ses bastions historiques, dans les villes les plus ouvrières appelle évidemment à une prise de conscience, à une réflexion approfondie et surtout à une prise de décision.

En retirant dans certains régions ses listes, alors que rien ne l'y obligeait, le Parti socialiste a procédé, non pas à un suicide, mais à un sacrifice de soi, une mort symbolique qui n'est pas uniquement une tactique électorale : c'est le vieux parti d'Epinay qu'Hollande, Valls et Cambadélis ont tué, avec raison, car son système est à bout de souffle, complètement stérile. Le président, le Premier ministre et le premier secrétaire du PS ont fait mourir une organisation mortifère, incapable de mobiliser son électorat, de se battre contre l'extrême droite et de défendre la politique du gouvernement. Ce n'est pas un meurtre : c'est plutôt une euthanasie en fin de vie .

Quelles sont les tares qui ont conduit au désastre électoral ? Elles sont repérées et analysées depuis longtemps, mais pas éradiquées. D'abord, il y a la faible représentativité des sections, déconnectées de la population, vivant dans l'entre soi, en cessation d'activités pour la plupart, composées d'adhérents qui ne sont plus des militants, mais des entités administratives sur des listes. Ensuite, il y a le fonctionnement, entre le Rotary club et la loge maçonnique, l'influence sociale de l'un et le travail de réflexion de l'autre en moins. Reste le recrutement par cooptation et le clientélisme, c'est-à-dire la mort de la politique et d'une gauche qui n'a de sens que si elle est populaire. Enfin, la parole de nos élus et responsables souffre de ce qui n'est plus une langue de bois, idéologique, mais plutôt une langue de coton, timorée, contournée, sans efficacité, qui tranche négativement avec le discours direct, simple et brutal de l'extrême droite.

Il faut avoir le sens historique : le mouvement socialiste a déjà pâti de ce repli sur soi, de ce desséchement des énergies, de cette médiocrité des recrutements. C'était entre 1968 et 1971 : la SFIO d'alors était à peu près le PS d'aujourd'hui, toutes choses égales par ailleurs. La grosse différence, c'est qu'elle était remise en cause, à cette époque, par l'extrême gauche, à la suite de l'explosion sociale de Mai 1968. Aujourd'hui, c'est la montée de l'extrême droite, sur ses terres, dans son électorat, qui ébranle ses bases. Le tsunami de dimanche dernier peut être salutaire, si nous savons en tirer les leçons et prendre les mesures nécessaires, comme François Mitterrand a su enterrer la vieille SFIO et son désespérant fonctionnement clanique, afin de créer un nouveau parti socialiste, jeune, ouvert, conquérant.

Dimanche soir, après que nous aurons réaffirmé notre attachement à la République, à ses valeurs et à ses candidats, il faudra entreprendre le grand travail de rénovation du socialisme en particulier et de la gauche en général. Car ce qui est mort de sa propre mort ne reviendra pas, et c'est tant mieux. Il faudra imaginer de nouveaux modes de fonctionnement, de recrutement et d'action, à l'heure de l'individualisme ambiant et de la dépolitisation de masse. La culture militante classique n'existe plus ou fait semblant : il faudra réinventer de nouveaux rapports avec nos concitoyens. Les sympathisants sont beaucoup plus représentatifs du peuple de gauche que ces militants qui n'en sont plus vraiment : c'est à eux qu'il faut s'adresser, ce sont nos électeurs qu'il faut écouter, c'est ce vivier qu'il faut organiser, comme nous avons su le faire lors des primaires citoyennes. C'est un immense travail en perspective, toute une gauche à reconstruire. Mais c'est une tâche exaltante pour qui a la passion de la politique, plus nombreux qu'on ne le croit.

jeudi 10 décembre 2015

Zéro région au FN



En politique comme dans la vie, on peut tromper quelques temps quelques personnes, mais on ne peut pas tromper tout le temps tout le monde. Il y a une heure de vérité, le jugement de Dieu, comme on disait des tournois de chevaliers au Moyen Age : c'est le débat public entre adversaires, où les masques tombent, où l'on voit qui est crédible et qui ne l'est pas, qui est compétent ou non. Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, c'est hier soir que le second tour de l'élection régionale s'est joué, que l'évidence s'est imposée, criante, entre Xavier Bertrand et Marine Le Pen, lors de leur confrontation sur LCI.

Marine Le Pen s'est révélée telle qu'en elle-même la politique, la vie et son passé l'ont faite : agressive et incompétente. C'est la vieille tradition d'extrême droite : rien sur le bilan, rien sur le projet, mais tout dans les attaques personnelles. La région, elle ne connaît pas, les dossiers économiques et sociaux, elle ignore : pas besoin, il lui suffit de cultiver la haine, la douleur et le désespoir des électeurs. C'est son unique registre. Ce qui m'a frappé, c'est son rire. Dans un contexte aussi sérieux et même grave, la candidate d'extrême droite avait à la bouche ce rire qui la caractérise, qui exprime à la fois le sarcasme, le mépris et l'indifférence. Le Diable aussi se rit des hommes, qu'il manipule.

Par contraste, Xavier Bertrand, avant même le vote de dimanche, donnait l'impression d'avoir déjà endossé le costume de président. Il a bien fait de rappeler les liens très particuliers de la famille Le Pen avec l'argent. Ils sont contre l'Europe, mais s'y font élire, siègent très peu et empochent les indemnités. J'ajoute qu'ils font payer l'entrée de leurs meetings et qu'ils font payer leurs candidats pour être investis. Marine Le Pen, qui se réclame faussement du peuple, est née avec une cuillère d'argent dans la bouche. Son père est devenu milliardaire, non par son travail, mais par héritage, même pas familial, dans des circonstances contestables. Et ce sont ces gens-là qui prétendent défendre les petits, les pauvres, les classes populaires ?

Ce matin, sur BFMTV, Marine Le Pen a dit l'essentiel de son programme, une fois élue : "je vais pourrir la vie du gouvernement". En matière de pourriture, il faut reconnaître qu'elle est experte. Son idéal, son projet, ce n'est que celui-là : le pourrissement. L'écrivain Philippe Sollers avait eu, il y a une dizaine d'années, une juste expression : "la France moisie". Le Front national, c'est exactement cela, et la France ne s'y reconnaît heureusement pas. Deux sondages envisagent la défaite des listes FN dans le Nord et le Midi dimanche prochain : je n'en ai jamais douté, c'est le sursaut républicain, c'est le réveil français ! Le grand fleuve de drapeaux tricolores que nous avons connu dans toute la France n'était pas fait pour porter le Front national, mais pour le noyer.

Le Front national n'est pas le parti du peuple, contrairement à ce que son mensonge laisse à croire. Les classes populaires n'ont pas massivement rallié l'extrême droite, en laquelle elles ne se reconnaissent pas. Mais elles se réfugient dans l'abstention (c'est tout le problème que la gauche devra affronter et régler, si elle veut l'emporter dans les prochains scrutins). Un électeur sur deux qui ne se déplace pas, c'est une situation à l'américaine, dont la France ne peut pas se satisfaire. Dimanche prochain, les abstentionnistes en général, et le peuple de gauche en particulier, devront se mobiliser pour aller voter en faveur de tous les candidats républicains arrivés en tête au premier tour. L'objectif, c'est zéro région au FN, et c'est possible.

mercredi 9 décembre 2015

XB = MLP ?



Avec mes ami(e)s de gauche, nous pouvons nous accorder sur un point : l'arrivée du Front national à la tête de notre région serait un drame pour nous tous. Qui ne le pense pas, qui reste indifférent à cette possible catastrophe n'est pas de gauche. Notre famille politique a toujours été très hostile à l'extrême droite. Là où nous divergeons, c'est que certains camarades pensent qu'il y a équivalence entre Xavier Bertrand et Marine Le Pen, que voter pour l'un revient à voter pour l'autre, qu'il faut les renvoyer dos à dos et par conséquent voter blanc. Je ne suis pas d'accord, j'aimerais vous le démontrer, le plus honnêtement et le plus rationnellement possible.

J'entends souvent, dans nos milieux : "Bertrand court après Le Pen". C'est en partie vrai, pour des raisons électorales. Contrairement à ce qu'on croit, l'essentiel de l'électorat FN ne vient pas de la gauche, mais de la droite. Le parti que menace vraiment le Front national, ce sont Les Républicains (ex-UMP). Xavier Bertrand, qui se réclame du gaullisme social, a incontestablement droitisé son discours et ses positions depuis quelques mois, en vue de reconquérir un électorat passé à l'extrême droite. Ce durcissement ne peut évidemment que déplaire à des militants et sympathisants de gauche. Je prendrais trois exemples de mesures récentes avancées par Xavier Bertrand et auxquelles je m'oppose : l'utilisation de l'armée à Calais, le refus d'accueillir des migrants à Saint-Quentin, la fusion des ministères de l'Intérieur et de la Justice.

Une fois qu'on a constaté cette surenchère à droite, il faut se demander si elle justifie qu'on tire un trait d'égalité entre Xavier Bertrand et Marine Le Pen : le candidat de la droite et du centre est-il un homme d'extrême droite et porte-t-il, dans le cadre de cette campagne, un projet d'extrême droite ? La réponse est non. L'extrême droite, c'est trois obsessions : la xénophobie, le nationalisme et l'autorité. Je pense que Xavier Bertrand a cédé sur ce dernier point. Mais on ne peut pas dire sérieusement qu'il soit xénophobe ou nationaliste. Bertrand, ce n'est pas Le Pen.

A mes ami(e)s de gauche qui s'apprête à voter blanc, je veux dire aussi ceci : en politique, il ne faut pas raisonner en termes de personnes, mais d'organisations et de forces politiques. Les Républicains ou le Front national à la direction de la région, ce n'est pas du tout la même chose. Dans le premier cas, vous avez une formation, LR, qui est composée de plusieurs sensibilités et personnalités, des républicains incontestables, des centristes, des démocrates chrétiens, des gaullistes. Dans le second cas, vous avez un parti, le FN, qui est constitué de tous les courants de l'extrême droite française, nationalistes radicaux, néofascistes, monarchistes, catholiques intégristes, ultralibéraux. Voulez-vous que ce patchwork infernal s'installe à la tête d'une collectivité de six millions d'habitants, place ses créatures aux postes de pouvoir, soit maître de notre politique économique, programme nos activités culturelles, décide du versement des subventions ? Moi pas, absolument pas, au nom de la gauche, parce que la gauche et les associations progressistes en deviendraient les premières victimes. Avec Xavier Bertrand, nous n'aurons pas la politique de notre choix, mais nous n'aurons pas la répression, l'intolérance et le racisme.

Ami(e)s de gauche, voter blanc ou s'abstenir, c'est tentant, c'est facile mais c'est dangereux : c'est, que vous le vouliez ou non, augmenter les chances de victoire du Front national. Vous ne le pouvez pas, parce que vous êtes de gauche, parce que ce serait contraire à vos valeurs. La franc-maçonnerie a appelé à s'unir contre Marine Le Pen, la presse locale s'est engagée contre elle : et vous, ami(e)s de gauche, parce que Xavier Bertrand ne vous plait pas, parce que vous ne voulez pas voter pour un homme de droite, vous accepteriez de favoriser l'extrême droite ? Non, ce serait incohérent, et je ne peux pas le croire.

Xavier Bertrand, je l'apprécie aussi peu que vous. A Saint-Quentin, en 2007 et en 2014, aux élections municipales, toute mon ambition était de devenir le leader de la gauche locale pour lutter contre lui, pour être son premier opposant, pour un jour le battre. Le sort en a décidé autrement. Aujourd'hui, il y a urgence, il faut écarter le pire, et c'est Le Pen. La politique n'est pas affaire de sentiments ou d'états d'âme, même si tout être humain à un cœur et une sensibilité. Personne ne vous demande d'aimer Xavier Bertrand, mais de le préférer à Marine Le Pen. Faites-le, car si l'extrême droite passe, nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer, et il sera trop tard pour manifester.

mardi 8 décembre 2015

"J'appelle à voter Xavier Bertrand"



"J'appelle à voter Xavier Bertrand". Quand le Premier ministre a prononcé hier soir cette phrase à la télévision, j'imagine facilement les cœurs des socialistes nordistes, picards et saint-quentinois se troubler, se fendre, de rage, d'amertume ou de vengeance. Mais on ne fait pas de la politique avec ses tripes. Il ne faut pas confondre le cerveau et l'estomac. Le choix de Manuel Valls est de raison et de conviction, pas de sentiment. Maintenir la gauche, c'était assurer la victoire de l'extrême droite : quand on est socialiste, ce n'est pas acceptable.

"J'appelle à voter Xavier Bertrand". Ce qui est surprenant dans cette déclaration, et même unique, c'est le refus de la périphrase, de la litote, de l'euphémisme, qui sont monnaie courante dans le langage politique. Après la gueule de bois, pas question de faire dans la langue de bois ! Valls a nommé celui pour qui il fallait voter, sans circonvolutions ni ambiguïté : c'est rare, quand on choisit de soutenir un adversaire pour faire échec à un ennemi. Depuis dimanche soir, c'est au contraire la métaphore hydraulique qui fleurit : "faire barrage". Manuel Valls est passé par dessus pour être clair, direct, catégorique. C'est son style, et j'aime ça.

"J'appelle à voter Xavier Bertrand". Ce qui est également du jamais vu, c'est un retrait aussi invalidant pour le parti qui en est la victime. Le vocabulaire du "sacrifice" a été aussi très présent dans les déclarations de la soirée électorale. Se priver de tout pouvoir pendant six ans au sein d'une collectivité importante, c'est un geste exceptionnel, à la mesure de l'événement et du danger. Unique aussi, pour le Parti socialiste, d'appeler dans le grand Est à voter pour la liste de droite, contre les socialistes dissidents (qui vont peut-être ce soir renoncer à leur folle entreprise). L'histoire retiendra ce sens de l'intérêt général, contre ceux qui ont été tentés de privilégier leurs intérêts particuliers. Dans le Nord, comme je l'avais espéré dans mon billet de dimanche, Pierre de Saintignon n'est pas tombé dans cette médiocrité et s'est très rapidement rangé dans le camp des républicains.

"J'appelle à voter Xavier Bertrand". A la hauteur de vue du Premier ministre s'est opposée la bassesse de Nicolas Sarkozy, qui ne veut pas entendre parler de "retrait", au prétexte que ce ne serait pas respecter les électeurs. Non, le respect des électeurs et de ses propres convictions, c'est, quand on est de gauche, de toute faire pour battre l'extrême droite, y compris contre les intérêts particuliers de son parti. Cette dignité-là, l'ancien chef de l'Etat ne l'a pas, contrairement à Jean-Pierre Raffarin et Nathalie Kosciusko-Morizet, qui ont établi une règle très simple, qui devrait être celle de tous les républicains : là où il y a un danger FN, la troisième liste, quelle que soit son étiquette, se retire.

"J'appelle à voter Xavier Bertrand". Mais l'appel sera-t-il reçu et efficace ? Je m'avance, mais je crois que oui. Je prends même un risque en pronostiquant pour dimanche prochain la victoire, de justesse, de Xavier Bertrand. Qu'est-ce qui me donne tant d'assurance, alors que Le Pen est largement devant et a des chances de l'emporter ? Je crois en un sursaut républicain. J'ai du mal à concevoir que cette vieille terre de gauche qu'est le grand Nord se donne à l'extrême droite. Et puis, le FN a épuisé sa réserve électorale. Une grande partie des électeurs de gauche, conscients du danger, pour leur région, pour la France, se tourneront vers Xavier Bertrand. Et le lendemain de son élection, quand la menace xénophobe et nationaliste aura été écartée, la démocratie normale reprendra ses droits et Xavier Bertrand redeviendra notre adversaire principal, après avoir été l'inévitable allié le temps du second tour d'une élection.

lundi 7 décembre 2015

Reprendre la lutte contre le FN



L'extrême droite, premier parti de France ? Ce n'est pas complètement nouveau, ce n'est guère surprenant, mais comment en est-on arrivé là, à ce niveau-là, et que doit-on faire ? Le constat est très simple : le Front national vient de loin, sa montée est progressive, mais ses scores se sont envolés depuis quelques années, parce qu'il n'a plus trouvé de véritables adversaires devant lui. Pour des raisons électorales et parce que les réflexes antifascistes se sont émoussés, une partie de la gauche elle-même a renoncé à lutter vraiment contre le FN, choisissant au contraire de critiquer ceux qui maintenaient ce combat, au prétexte pervers qu'ils feraient le jeu du FN ... en le combattant.

Reprendre la lutte contre le FN, c'est d'abord le rediaboliser, puisque c'est sa banalisation, sa normalisation qui lui ont ouvert de nouveaux suffrages. Tant que ce parti était peu ou prou associé au fascisme, les digues empêchaient toute déferlante, exerçaient une pression, la mémoire historique posait des tabous qui limitaient l'influence de l'extrême droite. A partir du moment où l'antifascisme a été ringardisé et le FN à l'inverse officialisé, le mal était fait.

Reprendre la lutte contre le FN, c'est culpabiliser, responsabiliser ses électeurs. On les a légitimés dans leur vote, en laissant croire que leur prétendue souffrance sociale justifiait n'importe quoi. Non, ce n'est pas une contestation du système qu'incarne le vote Front national, c'est l'adhésion à une idéologie, à un projet, xénophobe, autoritaire, nationaliste, anti-européen. Qu'il soit plébiscité par certains milieux populaires (mais pas tous), corrompus par des idées détestables, n'est pas une excuse. Les partis républicains, par souci de récupérer ces électeurs, prennent soin de ne pas les critiquer, parfois même de les comprendre. C'est un grand tort, c'est l'une des sources de progression du FN : on a décomplexé ce vote, il est maintenant urgent de le stigmatiser.

Reprendre la lutte contre le FN, c'est cesser d'aller chercher ailleurs qu'en lui-même et son discours xénophobe les ressorts de ses succès. Ce n'est pas la politique du gouvernement qui fait monter le FN ; ce n'est pas non plus la radicalisation d'une partie de la droite. Le moteur du FN, sa puissance délétère d'attraction, c'est le rejet des immigrés. Questionnez n'importe quel électeur FN : après les précautions d'usage, le quidam en viendra vite à cette rage-là. Il n'y a pas d'exception, il n'y a aucune autre cause au vote FN.

Reprendre la lutte contre le FN, c'est arrêter de le prendre pour un parti comme les autres, de débattre avec lui d'économie, d'emploi, de transport, de fiscalité ou de je ne sais quoi. Mais il faut sans cesse lui ramener dans la gueule son identité xénophobe, autoritaire, nationaliste. Il faut camper ferme sur cette ligne, ne pas louvoyer, tergiverser, nuancer, modérer, dédramatiser. Il faut aussi rompre avec tous les thèmes identitaires, qui depuis trop longtemps pourrissent notre débat public.

Reprendre la lutte contre le FN, c'est d'abord voter dimanche prochain pour les candidats de la droite républicaine, là où il n'y a pas d'autre alternative. S'abstenir ou voter blanc serait criminel, ouvrirait un boulevard au Front national. Quand on lutte vraiment contre lui, on ne peut pas se le permettre. Mais le vote ne suffira pas. Après, c'est à la reconquête de la rue, des quartiers et des marchés qu'il faudra aller, réactiver un militantisme qui a été abandonné. Des structures seront nécessaires ; elles font aujourd'hui cruellement défaut. Il y a tout un réseau associatif à ranimer, je pense notamment à un mouvement comme SOS racisme, qui a connu ses heures de gloire, dont la mission est parfaitement adaptée à la lutte contre le FN.

L'art contre les barbares



Le 14 novembre, le groupe irlandais U2 devait se produire à Paris, à Bercy, pour deux concerts, annulés, à cause des attentats meurtriers de la veille. Bono et ses musiciens se sont retrouvés hier pour célébrer Paris, la liberté et la résistance, avec une invitée d'honneur, Patti Smith. Ce soir, il se pourrait bien que le groupe qui jouait au Bataclan lors de la soirée tragique, Eagles of Death Metal, monte sur scène.

La barbarie s'en prend toujours à l'art. Les nazis interdisaient la peinture abstraite et la littérature juive. Les staliniens détruisaient l'art sacré, icônes et églises. Les talibans font exploser les statues millénaires du Bouddha. En France, l'extrême droite veut couper les subventions aux manifestations d'art contemporain. Les catholiques intégristes perturbent des pièces de théâtre et des projections de films. Cette année, des islamistes ont assassiné des dessinateurs, puis attaqué un concert. La barbarie s'en prend à l'art, mais l'art résiste à la barbarie : c'était hier, ce sera ce soir le message du U2 à Bercy.

Vignette 1 : une affiche du groupe
Vignette 2 : le public nombreux et fervent
Vignette 3 : chanteurs et musiciens
Vignette 4 : à la fin du concert, les noms des victimes des attentats sont apparus, sur grand écran tricolore


Merci à Elsie et Chris pour les photos.

dimanche 6 décembre 2015

Retrait immédiat !



Il faut garder la tête froide. La catastrophe électorale annoncée et redoutée est confirmée en ce soir du premier tour, mais tout n'est pas joué : c'est le second tour qui sera décisif. Là où la gauche n'a aucune chance de l'emporter, même rassemblée, là où le Front national a en revanche beaucoup de chances de remporter la présidence de région, le Parti socialiste doit immédiatement retirer ses listes, faire barrage à l'extrême droite en appelant à voter pour le candidat républicain qui reste en lice.

Ce n'est pas une décision agréable, c'est même un sacrifice que se priver d'élus à la région durant un mandat. Mais mieux vaut ce sacrifice que la catastrophe : un formidable tremplin offert à l'extrême droite. Bien sûr, ce retrait n'est pas une garantie de défaite du FN. Mais voyez-vous une solution plus efficace ? Non, il n'y en a pas d'autres. Et puis, c'est une question d'honneur et de convictions : honte et malheur à un parti qui, en vue de sauver quelques sièges, prendrait le risque historique de donner une région au Front national. Malheur aussi à ceux qui pourraient penser que livrer une région à l'extrême droite, ce n'est pas si grave, c'est une façon de piéger le FN en comptant sur son discrédit dans la conduite des affaires : honte à ceux qui jouent ainsi avec le feu et la démocratie, par cynisme et dans l'irresponsabilité !

Ce retrait doit avoir lieu ce soir même, pour ne pas laisser penser qu'on hésite ou qu'on cherche à négocier avec la droite une solution illusoire et déplacée de fusion, de liste mixte. Le retrait n'est pas un ralliement à la droite, qui demeure l'adversaire politique. C'est un vote rationnel dans des circonstances exceptionnelles, sans états d'âme, un vote pour la République, un vote anti-FN. Et si l'on peut estimer que des candidats de droite ont couru après le Front national sur certains points pendant la campagne, ce n'est pas une raison de s'abstenir : il y aura toujours une différence très nette entre un conservateur et un extrémiste.

La campagne du second tour, même là où la gauche ne sera plus présente, doit être très active. Car la droite seule ne peut pas battre l'extrême droite : elle a, presque partout, épuisé le réservoir de ses voix. C'est l'électorat de gauche qui fera la différence, qui provoquera la défaite du FN. Il faut donc mobiliser énergiquement cet électorat, a priori peu prompt à aller voter pour un candidat de droite. C'est à la gauche qu'il revient de faire œuvre de pédagogie, de rappels historiques et de projections dans l'avenir. Car la gauche, dans les régions où elle aura été battue dès ce premier tour, devra se reconstruire, profiter de cette période dans l'opposition pour préparer une nouvelle alternative.

Le Nord-Pas-de-Calais-Picardie est concerné ce soir par cette réflexion et le choix d'un retrait immédiat. A l'heure où j'écris, Pierre de Saintignon, candidat socialiste, analyse la situation avec ses têtes de listes départementales. Il aura fait une bonne campagne, il doit se montrer maintenant à la hauteur de l'enjeu. Un homme politique est grand non dans la victoire, où tout devient facile, mais dans la défaite. En annonçant dans la soirée, sans attendre les consignes de l'Elysée et de Matignon, qu'il retire sa liste pour garder la région dans la République, Saintignon ferait un geste élégant, politique et républicain. C'est en tout cas mon souhait.

samedi 5 décembre 2015

"Je suis Gabriel Matzneff"




Nous avons fêté cette année les 50 ans de vie littéraire de Gabriel Matzneff. Pour moi, depuis 35 ans, il est plus qu'un écrivain : un maître, qu'on ne se contente pas de lire, mais d'écouter, parce qu'il nous parle, nous inspire. Son style est beau, son existence est passionnante mais ce sont surtout ses réflexions qui me stimulent. Que nous dit-il, à travers son oeuvre ?

D'abord qu'il nous faut être fidèle à notre passé, se ficher de l'avenir et goûter le moment présent. C'est tout le contraire de notre société, qui ne pense qu'à demain, dénigre hier et passe rapidement sur l'instant. Matzneff est un maître en amitiés, qu'il a nombreuses et diverses, de François Mitterrand à Alain de Benoît, en passant par Guy Hocquenghem et Hergé, sans oublier ses chers orthodoxes. Malgré tout, cet homme-là se sent seul : preuve que l'amitié lui est indispensable. Maître en amour, bien sûr : je ne retiens pas celui des jeunes personnes, qui lui est si précieux, mais de Dieu, qu'il nous fait sentir en de belles pages, lorsqu'il communie ou se confesse.

Ce grand amoureux est un homme d'esprit, amusant, qui nous apprend à ne pas nous départir de notre humour, à entretenir une distance envers nous-mêmes et nos difficultés ordinaires. Il n'a pas son pareil pour croquer une scène cocasse, par exemple ses démêlés avec l'administration, ou bien rapporter une saillie entendue dans le bus. Après sa lecture, les barbus à poussettes, les filles enrhumés et les adverbes excessifs nous font sourire. C'est un fin politique : relisez ses chroniques dans Combat, durant les années 60. L'analyse des luttes internes à la gauche, entre radicaux, centristes et mitterrandistes, est étonnamment juste. Son soutien aux dissidents soviétiques et aux Palestiniens est d'heureuse mémoire.

Maître de vie, Gabriel Matzneff l'est parce qu'il nous fait découvrir et aimer d'autres maîtres, les anciens Romains, les jansénistes du Grand Siècle ou les romanciers russes. La principale leçon qui traverse ses livres et son existence, c'est l'invitation à être et à demeurer, coûte que coûte, soi-même. C'est pourquoi, m'inclinant devant lui, je ne suis pas matznévien. Un véritable maître conduit à l'émancipation de son disciple.

Que lire de Matzneff ? Tout ! Mais pour saisir l'homme et la pensée, une récente page est à recommander, dans son dernier Journal, 2009-2013, Mais la musique soudain s'est tue, Gallimard, 2015, p. 34, deuxième paragraphe. Notre écrivain est à Bayonne, il apprend que l'Académie lui refuse un prix, il s'en moque, se tape la cloche (c'est l'une de ses expressions favorites), travaille à un texte sur l'élégance et conclut d'un superbe : Heureusement, j'ai 72 ans. Bientôt la fin. Je tiendrai jusque-là. Je suis Gabriel Matzneff. Ce paragraphe, il faut le porter sur nous, le relire à l'occasion, à haute voix, et en faire notre règle de vie. En cette année terrible où nous avons commencé par être Charlie puis par être Paris, n'oublions pas, en temps ordinaires, d'être nous-mêmes.

L'écriture n'épuise pas la vie, qui lui est supérieure, d'après Matzneff. De même, ce billet ne dit pas tout ce que l'écrivain m'a apporté : c'est un court hommage à l'oeuvre et à l'homme, un appel à le lire ou à le relire. J'ai eu le plaisir et l'honneur de le rencontrer, il y a un an à un jour près, celui de la Saint-Nicolas, à l'Institut Saint-Serge, à Paris : sa disponibilité et sa gentillesse m'ont ému. Outre l'ouvrage cité, son dernier roman, La lettre au capitaine Brunner, est sortie en 2015 aux éditions de La Table Ronde.

Bonne lecture à tous et longue vie à Gabriel Matzneff !


En vignette, à l'émission La Grande Librairie, sur France 5, le 26 février 2015, en compagnie de Mélanie Sadler.

vendredi 4 décembre 2015

Un fascisme à la française



C'est mon dernier billet politique, avant les commentaires et les décisions de dimanche soir. La campagne du premier tour s'achève, je respecte la tradition républicaine, qui laisse la veille du scrutin à la réflexion de chacun. Le billet de demain parlera donc d'autre chose. Le jour de l'élection, nous choisirons en conscience, avec deux impératifs : la fidélité à nos convictions, la cohérence avec ce que nous sommes. Mon ultime message sera pour dénoncer ce fascisme à la française qui vient, qui monte et qui a encore donné de son éclat ces derniers jours.

Marion Maréchal-Le Pen, pire que sa tante (si on peut se permettre d'établir des degrés dans le pire !), a affirmé qu'un français musulman ne pouvait être ce qu'il est, français, que sous condition : renier sa religion, épouser le passé catholique et monarchique français, "vibrer", comme dit la petite fasciste en blue jeans. C'est absurde, contradictoire, criminel et anti-français. C'est Vichy, comme l'a très bien dit Jean-Christophe Cambadélis : Pétain refusait le titre de français à ceux, les juifs à cette époque-là, qui l'étaient déjà, parce que leur religion était supposée contraire à l'identité nationale. La République, elle, accepte toute les religions, n'en privilégie aucune et n'encourage personne à y adhérer ou à y renoncer.

Marine Le Pen, hier, a joué, comme tous les fascismes, avec les pulsions, la peur et le mensonge, en décrivant une France sous occupation islamiste. La rhétorique est la même que celle des fascismes de l'entre-deux guerres, discours de violence, de haine et de guerre. Les schèmes de pensée sont identiques, il n'y a que le contenu qui change : le péril juif s'est transformé en péril musulman. Même complot, même menace mondiale, même ennemi de l'intérieur, mais l'antisémitisme a été remplacé par l'islamophobie. L'habillage est pseudo-démocratique, d'apparence légaliste, faussement révolutionnaire, comme l'ont été les pires fascismes : le fond est antirépublicain, autoritariste et xénophobe.

Pour lutter contre le FN, il ne suffit pas de faire de la politique, mais aussi de l'histoire et de la philosophie, lire par exemple Zeev Sterhell ("Ni droite, ni gauche") ou Bernard-Henri Lévy ("L'idéologie française"), qui tous les deux s'accordent à reconnaître une origine française, à la fin du XIXe siècle, au fascisme européen. Par la suite, tout au long du siècle dernier, le fascisme à la française n'a pas cessé de perdurer et parfois de prospérer dans notre pays, jusqu'à parvenir au sommet de l'Etat, de 1940 à 1944, avec la complicité et le soutien des fascismes européens.

Aujourd'hui, après de multiples avatars qui cachent à peine leur nature première, ce fascisme-là a un nom, une organisation, un programme et des visages : c'est le Front national, c'est la famille Le Pen. Dimanche, chaque citoyen fera son devoir et votera en raison. Je suis républicain, je respecte la liberté de chacun. Mais il y a une chose, une seule, que je n'accepterai pas : c'est qu'on vienne me dire, lundi matin ou un jour prochain, "je ne savais pas".