vendredi 18 décembre 2015

Bertrandmania



Bertrandmania : l'expression est dans le Courrier picard de ce matin. Depuis sa victoire de dimanche soir, le député-maire de Saint-Quentin est célébré de toute part. Il est l'homme qui a battu Marine Le Pen. Mais il est plus que cela : il est l'homme qui veut faire de la politique autrement, formule chère à Michel Rocard. Sa première déclaration, à la proclamation des résultats, aura été un modèle de clarté et de sobriété, sans le triomphalisme dans lequel généralement on se complait dans ce genre de situation. Et ses troupes ont suivi dans ce profil bas !

Le lendemain, il annonçait à la télévision qu'il remettait ses mandats locaux et lâchait sa candidature à la primaire de la droite. Son nom a flambé à partir de ce moment-là : notre société, pourtant peu chrétienne, prise fort l'humilité, la repentance et le renoncement. Pas étonnant que La Croix, dans son édition de mercredi, fasse de Xavier Bertrand, à travers un éditorial dithyrambique, le nouvel exemple à suivre, celui qui a redonné sa dignité à la politique. Le paradoxe, c'est qu'il devient éminemment présidentiable au moment d'abandonner la course à la présidentielle !

Le point d'orgue de cette Bertrandmania, c'était évidemment hier matin, quand le chef d'Etat en personne s'est invité à une cérémonie en hommage à la fraternisation entre adversaires, pendant la Grande Guerre. La poignée de main a été remarquée et les échanges fort aimables entre les deux hommes, avec cette idée explicite : pourquoi ne pas travailler ensemble, quand c'est possible, entre républicains, sans cependant renoncer à être soi-même ? Voilà ce qui a fait de Xavier Bertrand la vedette de la semaine.

Il y a quand même des mécontents : ceux qui, à droite, voient d'un mauvais œil ce rapprochement, soupçonnent une manœuvre de François Hollande, notamment Bruno Le Maire. Ils ont tort : on fait de la politique en posant des actes, pas en prêtant à autrui des arrière-pensées. Il y a aussi de possibles cocus de l'histoire : les socialistes locaux, pas très chauds devant une telle Bertrandmania. Car comment s'opposer à lui lorsqu'il est félicité par tous ?

On a beau faire remarquer que Xavier Bertrand garde la présidence de l'agglomération, que son départ du fauteuil de maire est légalement obligatoire, que son retrait de la primaire est encouragé par un très faible espoir de l'emporter : l'image du tombeur de Le Pen et du défenseur de l'intérêt général par dessus les divisions partisanes marquera, et sans doute longtemps, parce qu'elle rencontre l'air du temps. Et puis, César imperator, après avoir reçu les lauriers, est nécessairement le plus fort.

Alors, à gauche, à Saint-Quentin, on fait quoi ? D'abord, on fait, on ne reste pas comme si rien ne s'était passé. Il faut essayer d'être à la hauteur de l'événement. Xavier Bertrand veut faire de la politique autrement ? Chiche ! Il faut relever le défi : que la gauche soit à son tour ouverte, rassembleuse, modérée dans son approche, force de propositions. Sans renoncer bien sûr à être socialiste, qu'elle soit surtout républicaine. Le Courrier picard d'aujourd'hui relève ce paradoxe : Bertrand a donné le sentiment, durant la campagne, de s'opposer beaucoup plus à l'extrême droite que ne l'a fait le Parti socialiste. Comme je l'ai écrit à plusieurs reprises, il faut que nous retrouvions les chemins de notre antifascisme historique.

Surtout, l'opportunité pour la gauche locale, c'est que Xavier Bertrand ne soit plus ni maire, ni député. Ainsi, il va cesser d'être, pour elle, un point de fixation préjudiciable, qui faisait oublier tout le reste, qui tournait aux règlements de compte personnels (Michel Garand en aura été la victime collatérale, laissant la gauche socialiste orpheline). Si la prise de conscience se fait, si des décisions sont prises, si des changements ont lieu, une grave défaite peut favoriser un rebond, un renouvellement et, pourquoi pas, un début de reconquête.

4 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

J'hallucine comment le monde est à l'envers depuis mai 68, les tenants de la morale traditionnelles sont poursuivis, et les libertaires en blousons de cuirs hier sur les barricades, aujourd'hui en costard attaché-case de la défense, ou au look mal rasé bobo, font la loi au nom du politiquement correct, Boutin et Zemmour condamnés pour avoir parlé comme ils pensent, pour avoir tenté de défendre des valeurs, on ne peut plus appeler "un chat un chat". Je crois que Pasolini qui fut poursuivi pour son homosexualité, trouverait ce monde plus horrible et hostile que jamais

Emmanuel Mousset a dit…

Erwan, arrête avec tes hallucinations, elles te font délirer "grave".

Erwan Blesbois a dit…

Je vais prendre mes pilules

Emmanuel Mousset a dit…

C'est bien.