vendredi 29 septembre 2017

Un rocardo-juppéiste



Edouard Philippe s'exprimait hier soir, pour la première fois, dans une émission politique de longue durée. Celui à qui l'on reproche de ne pas exister, de n'être que l'ombre de Macron a été parfait, tant pour expliquer la ligne du gouvernement que par sa personnalité singulière. Il détonne par son calme, sa douceur, son flegme. Notre Premier ministre est très british : un humour retenu, tout en finesse. Oui, c'est un agréable portrait que nous avons pu apprécier hier soir. Moralement, c'est un homme ouvert, respectueux, mais ferme et déterminé.

Quant au contenu, on est macronien ou on ne l'est pas, ce qui n'empêche nullement d'être honnête et de reconnaître qu'Edouard Philippe est doué non d'une force de persuasion, toujours un peu vulgaire, mais d'une douceur de persuasion. C'est une rivière qui entraîne : "J'ai mon rythme", a-t-il plusieurs fois dit. La barbe joue en sa faveur, renforce la tranquillité du personnage : le poil est caressant et rassurant. Et puis, quelle maîtrise des dossiers ! C'est un techno, mais au sens excellent du terme : pas un baratineur. La technique est chez lui intelligente, comme dans ses échanges avec Testart.

Le moment très attendu était bien sûr le débat avec Mélenchon : la grande gueule de la gauche radicale devait le manger tout cru. Mais comme disait ma grand-mère : "Mange, on ne sait pas qui te mangera". Résultat, Mélenchon, avec sa vilaine figure, a dégusté : il s'est fait toutou venant manger dans la main de son maître, qu'il avait manifestement trouvé en la personne de Philippe. Moi-même en ait été stupéfait, quoique à moitié : toutes les grandes gueules que j'ai connues avaient de petits bras quand il fallait monter au combat. Drôle d'insoumis, Mélenchon ! Les siens n'ont pas dû le reconnaître.

Qui est Edouard Philippe ? Un homme de gauche qui a mal tourné et qui s'est repris, un rocardien membre du PS, le quittant pour la droite, se retrouvant en Alain Juppé et ralliant au final Emmanuel Macron. Nous sommes tous ainsi : nos méandres cachent une stricte cohérence. Philippe a toujours navigué entre le centre droit et le centre gauche. C'est un réformiste, un progressiste, qui rejette autant le conservatisme que la révolution. C'est un Juppé poilu, la raideur en moins ; c'est un Rocard très grand, la clarté du langage en plus. Je l'aime beaucoup.

mardi 26 septembre 2017

Vietnam



La télévision est souvent critiquable, mais elle nous gratifie parfois d'excellents programmes. C'était le cas la semaine passée, sur ARTE, avec un documentaire de presque neuf heures, réparties en trois soirées, consacrées à la guerre du Vietnam, le meilleur du genre, un moment exceptionnel de télévision. La guerre du Vietnam : nous en avons tant entendu parler ! Mais en regardant ce documentaire, j'ai eu le sentiment de vraiment la découvrir.

La qualité de cette œuvre, c'est d'abord son honnêteté historique : elle ne prend pas parti, elle essaie de comprendre les raisons des deux camps, elle donne la parole à tous. On oublie souvent que cette guerre a commencé avec les Français, qui n'ont pas été avares là-bas en cruauté (tous les protagonistes de cette tragédie, pendant 30 ans, ont commis des abominations), pour finir sur une défaite et se faire remplacer par les Américains, des idéalistes qui sont sur place pour barrer la route au communisme, en soutenant un régime corrompu, qui ne vaut guère mieux.

Le problème n'est pas de déclencher une guerre, mais de la terminer. Les Etats-Unis sont maîtres du ciel, disposent d'un matériel sophistiqué, plongent un paradis d'eau et de verdure sous un enfer de feu : ils auraient dû l'emporter, contre un ennemi très inférieur militairement. Mais tout occupant, surtout dans ce pays et à cette époque, pâtit d'un handicap moral, que les Américains ne parviendront jamais à surmonter et qui entrainera leur défaite.

La gauche démocrate ne parviendra pas à régler le conflit. Au contraire, elle va déclencher une sorte de guerre civile en Amérique même. C'est la droite républicaine qui va le solutionner. De ce point de vue, Nixon, pourtant menteur, cynique et brutal, est un grand président : il sort son armée et ses compatriotes du Vietnam, en laissant le soin aux autochtones de mener les opérations. L'art de la politique, c'est savoir passer des compromis et aboutir à des solutions à moitié satisfaisantes, mais cette moitié-là est très appréciable. C'est aussi la leçon du Vietnam. Il faut absolument que vous regardiez ce documentaire.

lundi 25 septembre 2017

Les insoumis ratent la marche



Il y a des jours, nombreux, où je songe à arrêter ce blog. J'aime pourtant la politique et l'écriture, mais mes commentaires dépendent de l'actualité, trop souvent médiocre. Par exemple, qu'est-ce qui a dominé, en France, ce week-end ? La petite phrase de Mélenchon sur "la rue qui a abattu les nazis". C'est terrible : nous vivons constamment sous l'œil médiatique et dans la toile des réseaux sociaux, friands de ce genre de polémique misérable.

La France insoumise a réussi sa mobilisation. Désormais, socialistes et communistes défilent derrière Mélenchon, opposant de gauche n°1 à Macron. Eh bien non : une formulation maladroite et pour tout dire stupide est venue casser ce beau succès politique. Car ce qui compte désormais dans notre société, ce n'est pas tant la réalité que son ressenti à travers les médias, chaînes d'information continue et internet. Là, c'est raté.

D'un autre côté, je me dis que c'est bien fait pour les insoumis. Rappelez-vous les "fainéants" de Macron, faussement imputés à l'ensemble des Français alors que c'est la partie conservatrice de la classe politique qui était visée, de l'aveu même de son auteur. Il arrive une semblable mésaventure à Mélenchon et à ses "nazis", car ce n'est évidemment pas Macron et son gouvernement qu'il qualifiait par ce mot.

Ceci dit, on peut légitimement faire au leader de la France insoumise le reproche de l'amalgame facile et abusif : rois, nazis, factieux d'Algérie et CPE, tous soi-disant rejetés par la rue, non, ça ne va pas. Il y a pire : la grossière erreur historique, que tout le monde, je crois, a notée ; les nazis n'ont pas été chassés de notre pays par la rue, mais par les Alliés, aidés par la Résistance et l'armée française. Je dirais même que la rue, entre 1940 et 1944, a très majoritairement soutenu Pétain. Mais là, c'est le cœur de la démonstration de Mélenchon qui est désavoué (voir mon billet "La démocratie et la rue").

Qu'est-ce qui a conduit Mélenchon à une telle bourde, qu'un lycéen ne commettrait pas dans une dissertation d'histoire ? Dans son lyrisme, il ne retient que les images, se laisse emporter par elles, en fait des critères de vérité. Je suis persuadé que Mélenchon avait en tête la libération de Paris, les images qu'on nous en montre à la télévision et au cinéma : des hommes et des femmes dans la rue, armes à la main contre les soldats allemands en fuite, érigeant des barricades. De là a en conclure que tout un peuple s'est soulevé contre l'occupant et l'a bouté hors de France, non, c'est faux, archi-faux. Dans un monde dominé par les images et les petites phrases, au détriment des analyses et des idées, Mélenchon en a été lui aussi la victime. Cela lui aura coûté une marche contre Macron. Mais je suis sûr qu'il saura se rattraper.

samedi 23 septembre 2017

Mélenchon rejoue 1964



A l'heure où j'écris, nous ne connaissons pas le nombre d'insoumis qui ont défilé dans Paris. Dépasseraient-ils les 100 000 que ça ne m'étonnerait pas. Après tout, ils ont été 7 millions à voter Mélenchon au premier tour de la présidentielle. Et puis, ce n'est pas, comme il y a quelques jours, une manifestation syndicale contre la seule réforme du code du travail. Il s'agit d'une marche anti-Macron : tout ce que France compte d'hostile à sa personne, riche, libéral et réformiste, va se retrouver dans la rue. C'est ce qu'on appelle classiquement une manif fourre-tout, où les revendications et les appartenances importent moins que la caricature et le rejet d'un homme politique.

Macron "dictateur", sa politique "coup d'Etat" ? Au-delà des outrances, cela ne vous rappelle rien ? Mais si ! François Mitterrand en 1964, qui publie "Le coup d'Etat permanent", visant de Gaulle, qualifié non seulement de "dictateur" mais de "Duce", "Caudillo" et "Führer". Ca, Mélenchon n'a quand même pas osé ! Il faut dire que l'époque, contrairement à la nôtre, ne lésinait pas sur la violence verbale ... et physique. Mélenchon nous fait donc le coup de Mitterrand en 1964, contre le fondateur de la toute nouvelle Vème République. Macron a de quoi en être honoré : se voir comparé au général ...

Evidemment, l'anachronisme est total et n'abuse que les gogos. Mitterrand parle de "coup d'Etat" parce qu'il accuse, à tort ou à raison, le général d'être parvenu au pouvoir en 1958 avec le soutien et sous la pression de l'armée, exerçant en quelque sorte, par la suite, un chantage sur le péril militaire que représentaient les soldats factieux de l'Algérie française. Rien à voir avec Macron et ses ordonnances, qui sont un dispositif totalement légal et institutionnel de notre République.

Quant à la figure du "dictateur" ou du "monarque", c'est un lieu commun non pas contre un homme mais contre le pouvoir présidentiel défini par notre Constitution. Le chef d'Etat a une forte responsabilité, oui, mais un pouvoir dictatorial ou monarchique, non, absolument pas. De Gaulle n'était pas Franco, Macron n'est pas Louis XIV : employer ces mots, c'est faire de la rhétorique, pas de la politique. Tout juste bonne à rédiger des slogans ? Non plus, car un slogan doit être juste, vrai.

Alors, une manif pour rien ? Non pas ! Son objectif n'est pas tant de gêner Macron, qui n'a rien à en craindre, qui ne reviendra pas sur sa promesse d'une réforme du code du travail. Non, Mélenchon a autre chose en vue à travers ce défilé des insoumis : installer durablement son leadership sur l'ensemble de la gauche, par delà sur l'opposition à Macron, après que le PS et le PCF aient été marginalisés. Désormais, dans le camp progressiste, c'est eux ou nous : insoumis contre macroniens. Et nous sommes bien en 2017, pas en 1964 !

vendredi 22 septembre 2017

La démocratie et la rue



Les manifestations contre la réforme du code du travail ont connu hier une baisse d'affluence sensible, sans surprise en ce qui me concerne : le temps et les circonstances ne sont pas à l'explosion sociale. On peut certes en rêver, mais la réalité ne suit pas forcément. D'autant que ce mouvement est accompagné de signes baroques qui ne plaident pas en sa faveur : la dernière fois, c'était le ralliement des forains, qui ne sont tout de même pas l'avant-garde du prolétariat ; cette semaine, ce sont les ... CRS, qui font grève en se mettant en arrêt-maladie (on aura tout vu !).

Demain, en revanche, à la grande marche de la République insoumise, je pense qu'il y aura du monde, parce que l'opposition à Macron ne peut mobiliser que si elle est politique, pas seulement syndicale. Le thème de l'antilibéralisme est tellement à la mode qu'il ne peut qu'être porteur. Ceci dit, je ne crois pas non plus que le président de la République ait de quoi s'inquiéter : le positionnement de Mélenchon est tellement extrême qu'il ne peut que coaliser les gros bataillons de la gauche radicale, pas plus. Ca fait bien sûr du monde, mais pas une majorité, même pas relative (voir le résultat des dernières élections).

Une opposition est dangereuse pour le pouvoir en place qu'à partir du moment où elle représente une alternative, où elle constitue une possible relève : ce n'est pas le cas avec Mélenchon. Ses slogans sont si outranciers (le "coup d'Etat social", par exemple, déplacé, grotesque) qu'ils ne peuvent entrainer que les radicalisés. Cette opposition-là ne sait que s'opposer.

Il y a bien sûr, plus préoccupante, la théorie de la coagulation : dans les jours qui viennent, la grogne des retraités, fonctionnaires, chauffeurs routiers, agriculteurs et surtout étudiants pourrait faire boule de neige. Je n'y crois pas non plus : ces revendications sont trop disparates pour se retrouver dans un front commun, un front de classes, comme on disait à la grande époque.

La force de Macron, c'est qu'il fait ce qu'il a promis, ce pour quoi il a été élu, rien de moins, rien de plus. En démocratie, c'est du béton : personne ne peut aller contre ça. La preuve : on vient le chercher sur des mots, des bouts de phrase. C'est assez lamentable, c'est un signe de faiblesse. Dernière polémique en date : "La démocratie ne se fait pas dans la rue", a-t-il dit. Et alors ? Cette formule est banale, évidente de vérité. La démocratie, ce sont les élections, pas les manifestations.

Quand je défilais contre les réformes de Sarkozy, j'exprimais un mécontentement, légitime en démocratie. Mais jamais il me venait à l'idée de contester la légitimité du gouvernement en place, de le taxer de "coup d'Etat" lorsque ses mesures ne me convenaient pas. Je suis trop républicain pour réagir ainsi ! De même, quand plus d'un million de personnes sont descendues dans la rue pour refuser le mariage homosexuel, ce n'était pas une raison pour renoncer à cette réforme.

Le pouvoir doit écouter la rue, prendre la mesure de ses revendications, mais c'est lui, le pouvoir, qui a, qui doit avoir le dernier mot, parce qu'un mandat irrévocable le lie au peuple, à l'issue de l'élection où une équipe gouvernementale a été préférée à toutes les autres. Je ne bouge pas de là. C'est pourquoi Emmanuel Macron a totalement raison de solenniser la signature des ordonnances aujourd'hui. C'est une excellente pédagogie, pas un vulgaire coup de com' : rappeler en République où est le pouvoir, quelle autorité impose le respect et d'où elle tire sa légitimité. Oui, mille fois oui, et pardon pour la banalité du propos, la démocratie ne se fait pas dans la rue.

jeudi 21 septembre 2017

Le FN diabolise Philippot



Il n'y aurait pas grand chose à dire du départ de Florian Philippot du FN, sinon qu'il révèle les pires travers de la politique, qui ne sont d'ailleurs pas propres à l'extrême droite. J'en déplore cinq aspects :

1- La franche inimitié et l'hypocrite camaraderie. Bras dessus bras dessous un jour, à couteaux tirés le lendemain. Je crois qu'aucun parti n'y échappe. Et dire que certains vont chercher en politique de la convivialité ! Rares sont les activités humaines où l'on rencontre autant de haine et de faux semblants. Les bons amis font les farouches ennemis.

2- Le Pen est incompétente, caricaturale et vulgaire mais c'est elle qui reste. Philippot est intelligent, fin et sympathique mais c'est lui qui est obligé de partir. On retrouve là un axiome de la logique d'appareil : les mauvais l'emportent toujours sur les meilleurs. Comme le disait Pierre Mauroy : "Quand les dégoûtés s'en vont, il ne reste plus que les dégoûtants".

3- Contre Philippot, les arguments de ses ex-compagnons ne sont pas politiques mais psychologiques : on lui reproche son comportement vaniteux, narcissique et solitaire. On voit bien que ce n'est pas un affrontement entre des lignes idéologiques, ou bien à la marge. Les idées ne pèsent pas lourds dans ces querelles de personnes. Allez savoir si les frontistes ne jalousent pas tout simplement l'intelligence et l'aisance médiatique de Philippot ?

4- L'explication de sa déchéance : avoir fondé une association dont il a refusé de démissionner. Là, le FN se distingue radicalement des autres partis politiques et confirme sa nature totalitaire. Car dans aucune autre formation on ne serait poussé vers la sortie pour cette raison, parfaitement antidémocratique et un peu ridicule.

5- Pour résoudre la crise, qu'est-ce que Le Pen a cru bon de proposer à Philippot ? Une vice-présidence privée de sa délégation, c'est-à-dire un titre sans pouvoir, "vice-présidence de rien", a très bien résumé sa victime. Voilà un cynisme de la plus belle eau.

Moi aussi, je ne suis pas exempt de vieille politique et de cynisme : j'applaudis au départ de Philippot, qui enlève au FN un excellent élément, le plus dangereux de tous, mais sans avenir à l'extérieur du parti. Le FN diabolise Philippot et se rediabolise par la même occasion, gardant à sa tête une femme repoussoir : c'est très bien ainsi.

mercredi 20 septembre 2017

Nous n'irons plus à Solférino



Les mauvaises nouvelles arrivent à la nuit tombée. Quand j'ai appris hier soir, de la bouche de Jean-Christophe Cambadélis, la vente du siège du Parti socialiste, rue de Solférino, à Paris, j'ai ressenti un pincement au cœur, parce que je suis volontiers nostalgique. Solférino ! Combien de fois y suis-je allé ? Je ne sais plus. Il parait que quand on aime on ne compte pas ... Des dizaines de fois peut-être, quand j'étais secrétaire de section, puis responsable fédéral à la formation, ensuite représentant de courant. Jospin, DSK, Hollande, voilà ceux que je rencontrais le plus souvent, pour les plus importants. C'était la belle époque du socialisme !

Solférino, j'ai aimé, oui. D'abord, l'emplacement. Aujourd'hui, certains reprochent cette installation dans les beaux quartiers. Et alors ? Des socialistes n'ont pas le droit d'y séjourner ? Ce serait réservé à la bourgeoisie ? Personne n'a fait ce reproche à François Mitterrand quand il l'a acquis en 1981, pas pour la sociologie environnante, mais parce qu'il fallait être près de l'Assemblée nationale. Cet achat symbolisait ce que le Parti socialiste a cessé d'être cette année, aux dernières élections : un parti de pouvoir, un parti de gouvernement. Et puis, Solférino, c'est tout à côté du quartier Saint-Germain, de l'intelligentsia, que le PS a perdu elle aussi.

L'immeuble lui-même est magnifique, puissant, de la belle pierre. A l'intérieur, les salles sont multiples, fonctionnelles. Que de souvenirs, que de débats entre ces murs ! Solférino, c'était notre fierté. Un parti politique se juge aussi à sa façade. Se séparer de ce siège, c'est une triste fin. Quand on vend les bijoux de famille, c'est que tout va très mal. J'ai l'impression que le PS va tout lâcher, petit à petit, jusqu'à son nom, ce qu'il a déjà commencé de faire à l'Assemblée nationale, puisque le groupe socialiste est devenu "Nouvelle gauche".

Pour ne pas paraître trop dithyrambique, je vais apporter un bémol : ce que je n'aimais pas à Solférino, c'est sa grille d'entrée, qui faisait prison ou forteresse assiégée. De plus, la porte était lourde à pousser. Sinon, c'était merveilleux. Le mot lui-même me plaisait : Solférino, la grande bataille que Napoléon III remporta en 1859 sur les armées autrichiennes ! Aujourd'hui, c'est une défaite qui fait abandonner le siège. Nous n'irons plus à Solférino, mais quand nous passerons devant, au hasard de nos promenades dans la capitale, comme on visite un cimetière, nous nous souviendrons qu'a longtemps vécu en ce lieu un grand parti, une belle histoire qui ont l'un et l'autre pris fin.

mardi 19 septembre 2017

Tous les mêmes !



Il est beaucoup question, depuis quelques temps, des conflits au sein du FN. Je n'y crois pas du tout. C'est l'écume des choses. Il n'y a pas de courants qui menacent l'existence de l'extrême droite. Le Pen, sa nièce, Philippot et les autres partagent le même noyau idéologique : nationalisme, xénophobie et autoritarisme. Le clivage entre un FN fréquentable et un autre qui ne le serait pas est une légende. Ce sont tous les mêmes ! Les nuances ne font pas des différences.

Ce qui les déchire, ce n'est pas l'idéologie, c'est le pouvoir. Avec Marine Le Pen, ils sentent qu'ils ne gagneront pas. Son débat face à Macron l'a totalement décrédibilisée. Elle ne remontera jamais la pente. C'est la grande vertu de la démocratie : à la tribune d'un meeting, dans l'entre soi militant, on peut faire illusion. Lors d'un débat avec l'adversaire, on a rendez-vous avec sa propre vérité : les masques tombent. Le Pen reste à jamais Le Pen, c'est-à-dire une femme d'extrême droite : c'est ce que ce débat nous a appris, que nous savions déjà. La suite était inévitable : dissensions au sein du parti, qui ne peut accepter d'être aussi mal représenté s'il veut un jour accéder au pouvoir. Cette séquence nous rappelle aussi que l'inimitié est le ressort naturel de la politique, que la camaraderie y est intéressée et manipulatrice.

Le plus dangereux des frontistes n'est pas celui qu'on croit, mais Philippot. Il est intelligent, compétent, sympathique, crédible et, par dessus tout, il laisse croire que sa ligne n'est pas identitaire mais souverainiste, qu'il n'est pas d'extrême droite mais social-patriote. Si Le Pen lui laissait la place, ce serait terrible pour tous les démocrates. Heureusement, elle ne le fera pas. Et si Philippot quitte le FN ou s'en fait exclure, il connaitra le sort de Bruno Mégret : une rapide marginalité.

Une dernière chose : beaucoup se réjouissent de ces affrontements à l'intérieur du FN et de la défaite de Marine Le Pen à la présidentielle. Je serais moins catégorique : d'une part parce que ce sont des batailles de Polichinelle, qui ne change rien à la nature de ce parti ; d'autre part, et surtout, parce que cette femme incompétente et dangereuse, qui a donné d'elle une lamentable image lors de ce fameux débat, a malgré tout réussi à capter 11 millions de voix, ce qui est proprement sidérant. Quelques centaines de milliers de fanatiques et d'imbéciles, toute société peut en produire facilement ; mais 11 millions d'électeurs, non, c'est effrayant, et ce ne sont pas les remous actuels au sein du FN qui doivent nous le faire oublier.

lundi 18 septembre 2017

Ni communiste, ni anticommuniste



Il y a eu un temps où la fête de l'Humanité était un gros événement politique, qui mobilisait toute l'attention. Nous n'en sommes plus là : disons que c'est un petit événement, qui ne passe pas inaperçu, qui fait encore parler. Mais quelle dégringolade ! Cette année, que pouvons-nous en retenir ? Ce ne sont pas les attaques contre Macron : elles vont de soi, et je serais presque vexé que notre président ne soit pas la cible du PCF. Non, ce qui est stupéfiant, c'est la charge contre Mélenchon, candidat tout de même soutenu par les communistes à plusieurs reprises.

Cette critique a quelque chose de pathétique. Mélenchon était absent : soit. Et alors ? Pourquoi en faire tout un plat ? Comme si le grand Parti communiste, au passé jugé autrefois glorieux, se sentait orphelin ou perdu quand l'ex-socialiste n'est pas là ... Le plus pitoyable, c'est que Mélenchon méprise l'appareil communiste et se sert surtout de ses électeurs et militants, du moins ce qu'il en reste, pour alimenter ses manifs, ses meetings et ses multiples candidatures. Il a tué le PCF, et le PCF en redemande, en pleurant son absence. Cette attitude me fait penser au syndrome de Stockholm, qui fait sympathiser les victimes avec leurs bourreaux.

J'ai peut-être plus de respect pour les communistes que n'en a Mélenchon. Pourtant, communiste, je n'ai jamais été tenté de l'être : après mai 68, c'était impossible. Une révolution en a tué une autre. A l'extrême limite, je préfère une société injuste et inégalitaire à une société totalitaire et liberticide. En même temps, je n'ai jamais été anticommuniste, sachant reconnaître chez les militants du PCF des hommes et des femmes de cœur, dévoués, se battant pour un idéal très élevé, hélas tragiquement contredit par la réalité.

vendredi 15 septembre 2017

Ah ! les radicaux de gauche ...



En ces journées du Patrimoine, nous allons assister à la disparition d'un joyau de notre patrimoine politique : le Parti radical de gauche (PRG), qui va se fondre dans une nouvelle formation, avec son homologue de centre-droit, le Parti radical-valoisien (quel nom ! il me faisait rêver quand j'étais adolescent : être radical-valoisien, c'était tout aussi mystérieux pour moi qu'être trotskiste lambertiste). Ce week-end, à Montpellier, les deux partis vont commencer leur réunification. Un événement historique ou microscopique ? Les deux, mon capitaine.

Les radicaux de gauche ravivent d'abord en moi la nostalgie de mes premiers pas en politique, dans les années 70. Le MRG, comme on l'appelait alors (Mouvement des radicaux de gauche), m'intriguait par son sigle, pas comme les autres : un sapin, qui faisait bizarre à côté de la rose au poing socialiste et de la faucille et marteau communiste. En 1977, son leader, Robert Fabre, un pharmacien (!), m'avait épaté en volant la vedette à Georges Marchais, devant les caméras et micros, accusant le communiste d'avoir rompu l'union de la gauche. Et puis, ce courant disposait d'un jeune intellectuel sympathique, Roger-Gérard Schwartzenberg, autour d'un ouvrage à succès, "L'Etat-spectacle", qui m'avait bien plu à l'époque. En 1981, au premier tour de la présidentielle, je votais pour Michel Crépeau, candidat du MRG : le centre gauche, ça m'allait bien. Depuis, j'en suis resté là !

Bon, on ne fait pas de politique sur la nostalgie. Je crois que le PRG a pris une décision intelligente, contrairement au PS qui refuse de se remettre en cause et se replie sur lui-même. Emmanuel Macron a fait exploser tout le paysage politique. Le PS et le PCF n'existent plus vraiment, remplacés qu'ils sont par la République En Marche et par la France Insoumise. Les radicaux en ont pris acte, en travaillant à leur unité. Leur démarche n'est pas exempte de macronisme, puisqu'à leur tour ils cherchent une alternative qui ne soit ni de droite, ni de gauche. A l'origine, le Parti radical, c'est le parti de la République, et les républicains sont de droite comme de gauche. Quand même, Robert Fabre, Michel Crépeau, le sapin et Roger-Gérard Schwartzenberg, c'était bien ...

jeudi 14 septembre 2017

Jupiter en lit de camp



Vous savez que je suis un soutien ancien, indéfectible, inconditionnel et désintéressé d'Emmanuel Macron. Mais je crois qu'il a commis hier sa première faute politique, pourtant passée inaperçue, et qui n'a soulevé aucune protestation. Nous vivons dans un monde étrange : le président dit une vérité sur les "fainéants" de la classe politique, et c'est le scandale, alors que personne ne réagit lorsque, pendant sa visite aux Antilles, ses services font savoir que le chef de l'Etat a passé la nuit à la gendarmerie, sur un lit de camp !

Croyez-vous que cette couche est digne d'un président de la République ? Bien sûr que non ! La dernière fois que je me suis allongé sur un lit de camp, c'était dans un camping, il y a très longtemps, et je n'en ai pas gardé un bon souvenir. Nos rois d'autrefois dormaient dans des lits magnifiques, qui ne valaient pas simplement pour leur confort, mais pour leur symbolique : le souverain n'est pas un homme comme les autres, jusque dans son sommeil.

Et puis, il y a le côté pratique. Macron n'arrête pas de bosser et de se déplacer. Il mérite tout de même un matelas correct, qui lui permette de bien se reposer et d'être en forme pour traiter des affaires de la France. Imaginez Charles de Gaulle ou François Mitterrand faisant annoncer qu'on a installé un lit de camp pour les héberger dans telle ou telle sous-préfecture : ridicule ! indécent !

Mais je suis trop macronien pour ne pas trouver des raisons dans cette décision qui donneront raison à Macron. Mon intuition, c'est que l'anecdote est trop bête pour être vrai. Notre président a inventé cette histoire de lit de camp ! Il a paisiblement dormi dans un confortable lit, et me voilà rassuré. Mais pourquoi ce mensonge ? Pour plaire à la population, pour la flatter dans sa vanité : un grand homme qui se contente d'un lit de camp ne peut être que bon, c'est un homme du peuple, il nous ressemble. Et ça marche, puisque personne ne s'étonne ou ne condamne. Génial, non ? Sacré Macron ! Même quand je ne suis pas d'accord avec lui, je suis encore d'accord avec lui ...

mercredi 13 septembre 2017

Camarades farceurs



Karl Marx disait que lorsqu'un événement se produit deux fois, la première est sous forme de tragédie, la seconde comme farce. Je pense que c'est ce à quoi nous avons assisté hier en France, dans les manifestations contre la réforme du code du travail : une farce qui voudrait faire croire à une tragédie. Certes, Marx songeait à des événements autrement historiques, puisqu'il visait le tragédien de haute volée, Napoléon Bonaparte, et son pitoyable neveu, Napoléon III, "le Petit", comme s'en amusait Victor Hugo. Toute proportion gardée, nous étions hier aussi dans la farce.

Pourtant, la contestation de cette réforme est parfaitement légitime et respectable. J'irais même jusqu'à dire que sa critique intelligente serait profitable à tous. Hélas, ce n'est pas le cas : une farce reste une farce. Pourtant, il y a eu du monde dans les rues, tout ce que le syndicalisme de lutte de classes et la gauche radicale peuvent mobiliser, mais pas plus, pas au-delà. Où est donc alors la farce ? Dans les images qu'on retiendra : ces manifestants portant autour du cou des pancartes dérisoires sur lesquelles ils se qualifient de "fainéants". Quand on se croit obligés de mentir en déformant les propos du président de la République (voir billet de lundi dernier), c'est qu'on est mal parti, c'est qu'on n'a guère d'arguments à lui opposer. Jouer les farceurs, ce n'est pas très sérieux, ni pour des syndicalistes, ni pour des militants politiques.

Mais le plus grotesque, le sommet de la farce, aura été le ralliement des forains aux manifestations, eux aussi contre les ordonnances. Marcel Campion, leur leader, a rédigé un texte qui est à pisser de rire. Rien que le titre sent la bouffonnerie : "Fête foraine et lutte finale". Je vous invite vivement à en lire l'intégralité sur internet : vous serez pliés. Campion, qui ne cache pas être "riche", appelle à "défier les bien pensants aux côtés des travailleurs", en criant : "No Pasaran !" (c'est tordant, mais je n'invente rien, le texte fait foi). Campion veut être "en première ligne de toutes les manifestations de la colère sociale : avec les syndicats et les insoumis, les bonnets rouges et les blacks blocs (sic), les agriculteurs faillis et les anarchistes ..." Là, je tombe littéralement sur le cul. Le manifeste révolutionnaire se termine par cette déclaration : "Dans toutes les prochaines batailles de la guerre sociale, les forains seront en première ligne".

Mais qu'est-ce qui pousse les forains à jouer les anars et Marcel Campion à se prendre pour Che Guevara ? Tout simplement parce que Macron leur demande de passer par un appel d'offres avant
d'installer leurs manèges et autres attractions. Rien que pour cette raison-là ! Une farce, je vous dis. Karl Marx avait raison.

mardi 12 septembre 2017

Irma fait son show



Emmanuel Macron est aux Antilles, pour constater les dégâts, après le passage de l'ouragan Irma. Pendant plusieurs jours, nous avons subi dans les médias une déferlante d'images, beaucoup indécentes, montrant inutilement le malheur des gens. Des explications, souvent obscures et techniques, ont été données du phénomène naturel : mais qu'est-ce que ces "précisions" apportent à notre information ? Déferlante aussi de vocabulaire, dans une sorte de surenchère : chaos, scène de guerre, enfer, apocalypse, fin du monde, un registre étonnement biblique ... J'ai noté, sur une radio, cette trouvaille littéraire : "ouragan atomique", comme si la nature se faisait bombe nucléaire ...

Comme toute société moderne, nous avons eu droit à quelques chiffres, inlassablement répétés : 95% de l'île a été détruite. Je me demande bien quels sont les 5% qui restent, et par quel miracle ? L'apocalypse normalement emporte tout. Quant aux 1,2 milliards que devront verser les compagnies d'assurances, comment ont-ils été calculés, aussi rapidement ? Peu importe la vérité, l'essentiel est dans le "ressenti", comme on dit aujourd'hui : au jour de la fin du monde, les chiffres doivent forcément être gigantesques.

Il y en a pourtant qui cloche : 10 morts, un chiffre très bas pour une apocalypse qui détruit 95% du territoire. A la même date, le tremblement de terre au Mexique et les inondations en Italie en ont fait beaucoup plus. Mais il faut laisser Irma faire son show sur les écrans. Il y a quand même des déclarations troublantes, dans la presse écrite : "Nous n'avons eu ni mort, ni blessé grave. Toute l'île a été contrôlée et il n'y a strictement aucun problème de ce côté-là. Je n'ai pas de crainte particulière pour les jours à venir". C'est une déclaration de Bruno Magras, président de la collectivité dans l'île de Saint-Barthélemy, le 09 septembre.

Les scènes de pillage sont venues nous interroger : les hommes ne seraient-ils pas plus féroces que la nature déchaînée ? Il faut dire que Saint-Martin et Saint-Barth sont des paradis pour richards, côtoyant la misère la plus terrible d'une partie de la population. Mélenchon, ce faux intelligent qui n'en rate pas une, en a profité pour accabler Macron d'impréparation ! Je confirme : notre président n'est pas Jésus, il n'a aucun pouvoir de calmer les vents et d'apaiser les tempêtes.

Les climatologues sont formels, au grand dam des animateurs de médias (qui ont détrôné les journalistes) : Irma n'a rien d'exceptionnel, la zone a connu des cyclones aussi puissants, il n'y a pas si longtemps. Quant aux historiens, toujours utiles à consulter pour relativiser, ils nous apprennent que le 10 octobre 1780, les Antilles ont affronté un ouragan qui a fait dans toute la région ... 22 000 morts ! Et tenez-vous bien : la métropole n'en a eu connaissance que ... deux mois après ! Quelle chance nous avons : avec BFMTV et les autres, Irma peut faire son show, comme il était impossible et inimaginable autrefois.

lundi 11 septembre 2017

Les fainéants ne sont pas contents



L'activité politique se passe rarement d'une dose de mauvaise foi, de mensonge et de manipulation. Mais contre Emmanuel Macron, la malhonnêteté se déploie à un niveau inégalé. Son magnifique discours sur l'Europe (voir billet de samedi) a été volontairement occulté, saboté par une polémique sur les "fainéants", faisant dire au président ce qu'il n'a jamais dit. Car ce n'était évidemment pas les Français qu'il visait (il faut s'appeler de Gaulle pour les traiter de "veaux" sans que personne ne songe à s'en plaindre), mais la classe politique, cette élite qui ne supporte toujours pas qu'un homme jeune, non issu de ses rangs, ait accédé à la présidence suprême. Alors, pour le discréditer, on ment !

Ce qui est amusant, c'est que les qualificatifs de "cyniques" et d'"extrêmes", pourtant beaucoup plus cinglants, ont fait beaucoup moins réagir. La raison en est que si la fainéantise peut se cacher en faisant semblant, le cynisme et l'extrémisme explosent à la figure de ses tenants. En tout cas, Macron a fait mouche : s'indigner faussement à ce mot de "fainéant", c'est prouver sans le vouloir qu'on se sent visé. Le président de la République a fait sortir le loup paresseux du bois.

Oui, fainéantise d'une classe politique qui depuis 30 ans répète les mêmes recettes qui n'ont rien donné, qui a du mal à imaginer quelque chose de neuf. Mais fainéantise aussi de la classe médiatique, qui privilégie, BFMTV en tête, la facilité du spectacle et du commentaire, qui a tué l'information et le journalisme. Fainéantise enfin de la classe intellectuelle, qui ne produit que des penseurs secondaires : pour un Badiou et un Houellebecq, combien d'essayistes médiocres, plaisants et complaisants, que l'histoire ne retiendra sans doute pas ? Où sont les Sartre, Deleuze, Foucault et tant d'autres d'il y a 40 ou 50 ans ? Oui, fainéantise de la pensée actuelle.

Emmanuel Macron a un très grand mérite : celui du mot juste et du parler vrai. Tant pis si cela "choque" ! Le vieux monde ne se laissera certes pas faire. Il se battra tant qu'il pourra pour sauvegarder son influence, ses prérogatives, ses privilèges. Macron, tiens bon contre lui ! Vous vous souvenez de cet autre mot qui avait fait scandale : "illettrés". Eh bien, un rapport officiel vient d'être publié il y a quelques jours, montrant qu'une entreprise sur deux est touchée par des phénomènes d'illettrisme. Tenir bon, parce que la vérité, aussi dure soit-elle, doit être dite. Voilà une attitude nouvelle pour un personnage public. Je suis persuadé que les Français apprécient et que les manipulations et les mensonges échoueront.

samedi 9 septembre 2017

L'Europe des peuples



Si Irma n'avait pas focalisé l'attention des médias, l'intervention d'Emmanuel Macron à Athènes sur l'Europe aurait fait l'événement. Mais voilà : un discours prête moins au spectacle qu'un ouragan. C'est pourtant un texte fondateur, qui fera date. On se souvient que pendant ses meetings de la campagne présidentielle le candidat avait mêlé drapeaux nationaux et drapeaux européens. Macron était le premier, il fallait oser, devant une opinion française plutôt antieuropéenne. La ferveur du président est demeurée intacte : c'est ce qu'il a exprimé avant hier en Grèce.

Le choix de ce pays pour une déclaration d'amour à l'Europe n'est pas anodin. La Grèce est une vieille civilisation méditerranéenne : l'orient commence chez elle. Or, l'Europe a été trop souvent conçue comme strictement occidentale, anglo-saxonne, atlantiste. Le vrai clivage est là, de nature culturelle, pas entre les tenants d'une Europe fédérale et les partisans d'une Europe des nations (débat éculé), pas entre une Europe du marché et une Europe sociale (elle est et sera les deux). Il y a une dizaine d'années, DSK avait déjà anticipé et pensé cette Europe ouverte, méditerranéenne. Pas étonnant d'ailleurs que les Anglais ne se soient jamais sentis très européens : la réticence de leur part est surtout culturelle.

Le choix de la Grèce, pour délivrer un message sur la refondation de l'Europe, est aussi motivé, selon moi, par une raison politique : ce pays a été sauvé de la faillite et de l'effondrement, il y a un an, grâce à l'Europe. Il a choisi, contrairement à la Grande-Bretagne, de rester dans l'Union européenne, par la volonté de son dirigeant, Alexis Tsipras, leader aussi admirable qu'Angela Merkel.

Du discours d'Emmanuel Macron, je relève deux propositions essentielles. D'abord, organiser dans toute l'Europe, l'an prochain, des conventions démocratiques, qui s'ouvriront à tous les citoyens, directement, pour débattre de l'Europe qu'ils veulent. Jusqu'à présent, nous avions une Europe des électeurs, certes parfaitement démocratique, envoyant ses représentants au Parlement européen. Mais il lui manquait une dimension de démocratie directe, participative : ce sera fait. L'annoncer dans le pays qui a inventé la démocratie n'est pas là non plus un hasard.

Deuxième initiative, encore plus décisive : aux prochaines élections européennes, ne plus voter pour des listes nationales, qui sont contradictoires avec la nature du scrutin, mais promouvoir des listes transnationales, sur lesquelles les nationalités seront mélangées. Voilà deux mesures concrètes, institutionnelles, qui feront avancer la construction européenne, en associant les peuples et en renforçant cette souveraineté européenne dont parle souvent Emmanuel Macron et dont l'émergence sera l'événement majeur du XXIème siècle sur le continent.

vendredi 8 septembre 2017

Pierre Bergé, riche de gauche



La disparition de Pierre Bergé m'amène d'abord à saluer un homme de culture comme on en voit aujourd'hui rarement dans l'espace public. Avec la prédominance de BFMTV, de Facebook et de Twitter, c'est le règne de la vulgarité assumée et fière d'elle-même, qu'avant on cachait en se taisant, de honte. Bergé était un lecteur, un esthète, un mécène, un homme de la Renaissance. Surtout, il avait cette façon de parler, lente, exacte, intelligente qu'on ne trouve plus aujourd'hui dans nos débats, où l'on s'exprime vite, en bafouillant et d'une manière approximative.

Ce que je retiens ensuite de Pierre Bergé, c'est le militant de la cause homosexuelle, dont on finit par oublier, maintenant que les LGBT sont à la mode, combien son combat a été douloureux et longtemps marginal. Bergé menait cette lutte avec détermination, mais sans ostentation. Je crois qu'il voulait tout simplement que les homos soient traités comme tout le monde.

Et puis, il y a le Pierre Bergé homme de presse, investissant dans les journaux et les magazines, qui me plait aussi beaucoup pour une raison personnelle : j'ai un peu travaillé, en 1985, pour la revue "Globe" dont il était l'initiateur, avec Benhamou. Ce n'était pas encore du macronisme, mais c'était déjà une forme de gauche libérale-libertaire, comme on disait à l'époque !

Ce qui me conduit au Pierre Bergé que j'admire sans doute le plus : l'homme de gauche. Il a soutenu François Mitterrand, s'est retrouvé engagé dans la plupart des combats menés par la gauche socialiste et a rejoint Emmanuel Macron l'an dernier, j'ai envie de dire : en toute logique ! On lui a fait le procès qu'on fait aujourd'hui à notre président et qu'on a fait autrefois à d'illustres hommes de gauche : être riche et socialiste, comme s'il y avait contradiction ! Mais non : Robespierre, Lénine et Che Guevara étaient des révolutionnaires d'origine bourgeoise. Ce n'est pas la condition sociale qui est déterminante pour un grand homme, ce sont ses idées, sa sensibilité. Croire que les convictions intimes sont motivées par des intérêts personnels est une pensée vulgaire.

Pierre Bergé était un riche de gauche, et c'est ce qui m'épatait chez lui. Un riche est généralement de droite et vote à droite. Lui, Bergé, s'en moquait et choisissait le camp qui lui semblait le plus vrai, le plus juste. Pour ma part, sans richesses, je n'ai aucun mérite d'être de gauche, fonctionnaire de surcroit. Mais avoir plein de fric et voter socialiste, oui, c'est digne d'admiration, c'est presque contre-nature. Et les pauvres qui votent à droite ? Là, c'est un peu plus mystérieux à mes yeux, mais chapeau bas, admirables eux aussi. Quant aux pauvres qui choisissent l'extrême droite, ça dépasse mon entendement parce que ça confine à l'imbécilité. Heureusement qu'existent de toute éternité des hommes comme Pierre Bergé, progressiste, libre et intelligent.

jeudi 7 septembre 2017

La guerre nucléaire aura bien lieu



Dans tout le fatras de l'actualité, où nous trouvons tout et n'importe quoi qui ne durent que quelques heures, un seul sujet est vraiment sérieux, durable et politique : le conflit entre la Corée du Nord et les Etats-Unis d'Amérique, le risque de guerre nucléaire qu'il fait peser sur la planète. A côté, même le catastrophique réchauffement climatique parait moins tragique. La guerre nucléaire, qui n'a jamais eu lieu, est l'apocalypse des temps modernes, pas l'ouragan Irma, malgré le spectacle médiatique autour de ce désastre naturel. La guerre nucléaire, il n'y a qu'au cinéma, dans la fiction, qu'on l'a mise en scène.

Pourtant, Hiroshima et Nagasaki nous en ont donné un avant-goût, mais si peu par rapport à la véritable guerre nucléaire aujourd'hui possible, d'une puissance de déflagration autrement plus grande que les bombes américaines sur les villes japonaises. L'humanité n'a vraiment tremblé, mais on l'a un peu oublié, qu'au début des années 60, dans l'affaire des missiles à Cuba, entre les USA et l'URSS. Toute cette période a été hantée, dans les films et les livres, par le spectre de la guerre nucléaire, qui depuis a disparu, qui revient seulement de temps en temps, comme en ce moment, avec ce qui se passe en Corée.

Cet oubli d'une fin du monde par le feu nucléaire universel est étonnant, car la seule frayeur contemporaine est celle-là. C'est peut-être pour cette raison que nous la refoulons. Nos peurs sont sélectives : nous n'acceptons de trembler qu'à ce qui n'est pas bien méchant. Ne me dites pas que la raison vient de ce que la guerre nucléaire n'est qu'une hypothèse, que la stratégie de la dissuasion l'empêchera de se produire, tant les effets seraient gigantesques. Non, ce ne sera pas la première fois que l'humanité basculera dans la folie. Et puis, a-t-on jamais vu dans l'histoire qu'on fabrique une arme ou une technique dont on ne se serve pas ?

Le problème n'est donc pas de savoir si la guerre nucléaire aura lieu, ni entre qui, mais à quel moment, maintenant, dans quelques décennies ou quelques siècles. Car il y aura forcément quelque part un tyran ou un malade qui appuiera sur le bouton. Cela devrait nous faire réfléchir, mais c'est tellement horrible que nous ne préférons pas. Le pire est sans doute que ce ne sera pas le pire : la fin du monde ne sera pas la fin de tout. Plusieurs centaines de millions de victimes à la suite d'un conflit atomique, plusieurs générations impactées par les radiations nucléaires, une grande partie de la planète dévastée, brûlée n'empêcheront pas la vie de subsister et l'humanité de poursuivre son histoire : plusieurs centaines de millions de survivants resteront pour en témoigner et la civilisation continuera. Si le choix était radical entre la bombe et le néant, nous aurions une petite chance d'y réchapper, un instinct de survie ténu mais réel, une étincelle d'intelligence intacte. Ce ne sera pas le cas. La guerre nucléaire aura un jour bien lieu.

mercredi 6 septembre 2017

5 euros, les proprios !



L'appel d'Emmanuel Macron aux propriétaires de baisser de 5 euros leurs loyers a surpris, amusé ou consterné. Ces réactions prouvent une chose : notre président n'a pas fini de nous surprendre. Ses prises de position n'entrent pas dans les habitudes de la classe politique. Et pourtant, quoi de plus légitime que de demander aux propriétaires de faire ce modeste effort ? Drôle de pays que la France : toujours prompt à tenir des discours révolutionnaires, à défendre l'égalitarisme, à vouloir faire payer les riches. Mais quand on demande aux propriétaires (qui ne sont pas parmi les catégories sociales les plus à plaindre), de contribuer à la solidarité générale, on s'en offusque, on sourit, on trouve la mesure dérisoire ...

Le débat est loin d'être superficiel ; il est au contraire fondamental. Je pense à cette formule de Lionel Jospin, tellement juste et vraie qu'elle en était scandaleuse à admettre : "L'Etat ne peut pas tout". C'est exactement la leçon de ces 5 euros, qui passent de la baisse des APL à la baisse des loyers. Pourquoi toujours réclamer plus à un Etat qui est pris dans des déficits vertigineux ? Comme si le gouvernement était responsable de tout, coupable de tout ! Ces 5 euros, qu'on se repasse comme une patate chaude, pourquoi ne seraient-ils pas pris en charge par les propriétaires ? A l'Etat, c'est-à-dire à la collectivité, aux contribuables, la facture est lourde ; mais le sacrifice est individuellement léger aux propriétaires.

Comment ceux-ci vont-ils réagir ? Défendre sans doute bec et ongles leurs 5 euros ... On demandera alors à Macron d'"encadrer" les loyers. Ils le sont déjà, suffisamment. On ne peut pas constamment se tourner vers la loi pour résoudre tous les problèmes. Ces 5 euros n'en valent pas la peine. Mais rappeler à chacun ses responsabilités, comme l'a fait le président de la République, c'est une excellente décision. On a beaucoup parlé ces temps-ci de moralisation de la vie politique ; mais l'intention vaut pour tous les aspects de la vie sociale.

Je connais bien mon Macron. Sa sortie sur les propriétaires correspond à sa psychologie profonde. N'oublions pas qu'il a exonéré d'ISF les biens mobiliers, pas les immobiliers. Macron déteste la rente, l'argent qu'on investit dans la pierre, le réflexe petit-bourgeois de retaper une maison ou d'acheter un appartement pour les louer. Notre président n'admire que les entrepreneurs, les innovateurs, ceux qui prennent des risques, le capital conquérant et créateur. La France des propriétaires, c'est celle du XIXème siècle, d'une société qui ne se développe pas ou peu. Macron rêve à une France qui entrerait dans le XXIème, qui aurait d'autres ambitions, qui participerait au dynamisme économique. Cette France-là mérite de réclamer 5 euros aux proprios.

mardi 5 septembre 2017

Je ne suis pas Wikipédia



J'aime beaucoup notre Premier ministre, Edouard Philippe. La politique de son gouvernement, bien sûr ! Mais surtout sa personnalité : ce barbu tranche, dans notre classe politique lisse et imberbe. Il me fait penser à Monsieur Hulot, dans les film de Jacques Tati : grand, mince, ne sachant pas où mettre ses bras, apparemment maladroit. Ne croyez pas que je me moque : c'est au contraire un hommage. Hulot n'est embarrassé que dans le regard des autres : c'est en réalité un personnage fin, sensible, intelligent, comme notre Premier ministre.

Hulot-Philippe, ce sont surtout des rebelles, à leur façon, pas commune mais authentique : de gentils rebelles ! Le héros de Jacques Tati, sans être un violent révolutionnaire, conteste doucement et ridiculise la société de consommation qui s'installe dans les années 60. Et Edouard Philippe ? Il conteste notre culture médiatique, qui a envahi tout l'espace politique. Le journalisme s'est transformé en quiz, où il n'est plus question d'idées générales mais de précisions techniques (ce qui revient à nier le politique). Le style Wikipédia s'impose partout : sa norme, c'est la notice longue, détaillé, complexe et donc incompréhensible.

Le Premier ministre a décidé de rompre avec cette culture ambiante, ce conformisme de notre temps. Devant Bourdin, sur RMC, la semaine dernière, il hésite, bafouille, se corrige, diffère ses réponses et reconnaît son ignorance : bravo ! Enfin, un homme qui est un homme, pas quelqu'un qui prétend tout savoir et qui fait semblant. Après que Macron ait pris ses distances avec le règne du commentaire permanent, qui est la loi des chaînes d'information continue, Philippe refuse de se soumettre au roi Wikipédia et à la souveraine Quiz : résistance ! comme on dit chez Mélenchon.

Ne croyez pas que je ne consulte pas Wikipédia : mais c'est rare, et quand je sais ce que je cherche, dans une démarche purement informative. Sinon, Wikipédia comme le journalisme Quiz sont des désastres intellectuels. Il n'y a pas de réflexion, pas d'idée dans une notice Wikipédia : seulement des informations dans lesquelles on se noie, qui n'ont pas de sens. Et pourquoi ce résultat ? Parce que Wikipédia est l'aboutissement d'un collectif livré à lui-même.

Sans guide, sans orientation, sans finalité, tout collectif génère de la bêtise. Wiki, Quiz, Facebook, info continue : c'est les piliers de la bêtise contemporaine. Il n'y a que ceux qui sont intellectuellement armés d'avance qui peuvent s'en sortir et en tirer profit. Les autres en deviennent plus abrutis qu'ils ne sont. Autrefois, les dictionnaires étaient des monuments d'intelligence, parce qu'ils étaient rédigés par des individus, pas un collectif informe. Dans le dernier JDD, en proclamant "Je ne suis pas Wikipédia", le Premier ministre de la France a tenu un propos révolutionnaire passé quasiment inaperçu.

lundi 4 septembre 2017

Une rentrée sous Macron



Il y a la rentrée scolaire dans la rentrée politique : allez savoir quelle est la plus redoutable des deux pour un gouvernement ! Les enseignants, les parents et ces futurs électeurs que sont les élèves, ça compte, politiquement. En salle des profs, dans la cour et les couloirs, qu'est-ce qui se disait ce matin ? Les petits groupes en CP sont évidemment bien perçus, tout comme la liberté de choix dans l'organisation de la semaine, les fameux rythmes scolaires. Rien que ça et la rentrée est gagnée !

Mais il n'y a pas que ça : au collège, le retour des classes bilangues, des sections européennes, du latin et du grec sont salués. Et puis, l'Education nationale, c'est avant tout un homme (ou une femme), son ministre. Celui-là, Jean-Michel Blanquer, passe plutôt bien auprès des profs. Il est sérieux, compétent, presque timide. C'est un ancien recteur, qui connaît son monde et la maison : il met en confiance. Il faut dire que nous en avons connu des vertes et des pas mûres : des politiques qui voulaient casser la baraque et crachaient sur le personnel (Allègre), d'autres qui nous cajolaient dans le sens du poil et ne faisaient strictement rien (Bayrou). A l'Education nationale, on enfile les réformes comme d'autres enfilent les perles : on finit par se demander à quoi ça sert !

Pour ma part, je crois que Blanquer peut jouer un rôle historique dans notre grande institution : dépasser le clivage de 30 ans entre pédagogues et conservateurs, entre tenants de l'éducation et partisans de la transmission. Cette distinction est idiote. Personnellement, il me semble qu'un des grands problèmes actuels, qui est aussi générationnel et sociétal, c'est celui de l'autorité dans les classes, thème qui appartient aux conservateurs. Mais comment le dissocier du savoir faire devant et avec les élèves, qui est le dada des pédagos ? Je me suis toujours senti un pied dans les deux camps. J'ai l'impression que le nouveau ministre aussi, et c'est tant mieux.

Enfin, il y a les questions de porte-monnaie, qui ne sont pas méprisables. Le rétablissement du jour de carence, le gel du point d'indice (qui bloque les rémunérations), la hausse de la CSG ne font pas plaisir à tous. Que répondre ? Que la réduction des cotisations sociales et la suppression progressive de la taxe d'habitation vont redonner du pouvoir d'achat. La diminution des contrats aidés font aussi grincer des dents, mais les chiffres qui circulent sont autant catastrophistes que fantaisistes, sans parler des possibles confusions entre contrats aidées et d'autres qui ne le sont nullement, donc pas du tout menacés. La vérité, c'est qu'il y aura certains maintiens et compensation avec les services civiques. "Si les employeurs avaient fait leur boulot, nous n'en serions pas là ..." a judicieusement lancé un responsable de mon établissement. Rappelons aussi que 8 000 AVS (auxiliaires de vie scolaire, qui s'occupent des élèves handicapés ou en difficulté) sont recrutés et que le budget de l'Education nationale va augmenter en 2018 de 1,2 milliards d'euros. A part ça, bonne rentrée !

samedi 2 septembre 2017

Service après vente



Il est bon d'adopter une réforme comme celle du code du travail (voir billet d'hier). Mais il est indispensable de la "vendre" auprès de l'opinion. Sinon, il arrivera à Macron ce qui est arrivé à Hollande : des réformes incomprises et contestées, par défaut d'explication et de pédagogie. La grande différence, c'est que l'actuel président est soutenu par des troupes unies et motivées, qui peuvent porter sa parole, alors que l'ancien avait hélas été trahi par les siens et son propre parti.

Facile à "vendre", cette réforme ? Non, pas du tout. Non pas parce qu'elle serait mauvaise, mais parce qu'elle est essentiellement juridique et technique : une matière qui prête mal à la pédagogie. Surtout, cette réforme ne vaut que pour son objectif : encourager l'emploi dans les petites et moyennes entreprises. Il faudra attendre au moins quelques mois pour en percevoir les premiers bénéfices.

Je crois donc que les Français sont actuellement réservés, prudents : trop déçus et échaudés par les politiques passées, ils attendent de voir les résultats avant de se prononcer. Et ils ont raison ! Le coup de génie d'Emmanuel Macron, c'est d'avoir, avec cette réforme de tous les dangers, désamorcé leur méfiance et leur hostilité. Bien sûr, l'extrême droite et la gauche radicale manifesteront contre, mais la majorité de l'opinion ne se joindra pas (même le PS n'appelle pas à se mêler aux cortèges).

C'est qu'à la lecture des ordonnances, nous ne trouvons rien de scandaleux, qui pourrait donner prise à une forte contestation sociale, de l'ampleur de celles que nous avons connues par le passé. Il n'y a qu'un seul point qui pourrait porter à litige, parce qu'il est évocateur auprès de l'opinion : le barème des dommages et intérêts dans les tribunaux prudhommaux. Les salariés perçoivent cette instance comme un lieu de revanche sociale, où ils espèrent pouvoir gagner à tous les coups. Les prud'hommes, c'est un peu la lutte des classes du pauvre. Les grands patrons, qui peuvent payer, s'en moquent. Mais les PME et TPE souffrent de l'incertitude des sanctions qui menacent de s'abattre sur elles et freinent de possibles embauches. L'instauration de ce barème, qui ne concernera pas les situations les plus graves, n'est donc que justice.

Puisqu'il est question de "vendre" la réforme du code du travail, l'une de ses dispositions est à mettre en avant, car elle met à mal toutes les critiques contre le "président des riches" (comme si les voix de ces derniers avaient suffi pour porter Macron à l'Elysée ! Passons sur cette stupidité) : les indemnités de licenciement sont augmentées dès maintenant de ... 25%. Ce n'est pas une paille ! Macron, "président des riches" ? Non, plutôt "président des chômeurs" ! Le reste n'est que propagande et mauvaise foi.

vendredi 1 septembre 2017

En avant la réforme !



En trois mois et au cœur des vacances d'été, le nouveau gouvernement a réussi à faire passer des réformes magistrales : la moralisation de la vie politique, qui rompt avec 50 ans d'habitudes parlementaires, et la réforme du code du travail, qui va surtout faciliter les embauches dans les TPE. On a rarement vu un pouvoir aller aussi rapidement, avec une telle efficacité. Le plus spectaculaire est la réforme présentée hier, qui devait soi-disant déboucher sur "l'explosion sociale". On voit bien qu'il n'en sera rien : le Medef est satisfait, FO approuve certaines dispositions, la CFDT est déçue mais ne s'oppose pas, la droite est silencieuse, le PS n'existe plus.

Qui Macron peut-il craindre ? La CGT et la France insoumise, c'est-à-dire une caricature d'opposition, parfois grotesque, qui avait décidé de manifester avant même de connaître le contenu des ordonnances ! Comment Macron est parvenu à ce miracle ? Par une méthode toute bête : des négociations bilatérales au lieu d'une grand messe, type conférence salariale, où toutes les organisations se retrouvent et font de la surenchère. La politique comme la vie sont souvent des questions de méthode autant que de contenu.

A part ça, pourquoi Macron réussit-il magnifiquement là où Hollande avait lamentablement échoué, la loi El Kohmri, alors que les deux textes sont de même inspiration, que celui de Macron va même plus loin ? Quatre raisons à cette stupéfiante réussite :

1- Macron fait ce qu'il avait annoncé, sans surprise. Hollande n'avait rien dit d'une réforme du code du travail.

2- Macron intervient en début de mandat, Hollande à la fin.

3- Macron a une approche technique, au sein d'un gouvernement d'experts. L'approche de Hollande était très idéologique (on se souvient du débat autour de "l'inversion des normes", que Macron a évité).

4- Macron, aussi rapide qu'il soit, a pris le temps de la concertation, alors que le gouvernement de Hollande a brandi dès le début le 49-3.

Cette réforme du travail n'est pas une finalité en soi. Elle sera suivie par d'autres réformes, portant principalement sur les retraites, la formation professionnelle et l'assurance chômage. Rapidité, efficacité, anticipation, concertation : le train des réformes va de l'avant, à travers un projet solide et sérieux. Emmanuel Macron nous comble au-delà de toute espérance !