vendredi 30 juin 2017

Si Versailles m'était conté



Le président de la République réunit lundi le Congrès à Versailles. Et le voilà qu'il se fait traiter de Louis XIV ! La procédure est légale, institutionnelle : certains vont jusqu'à faire entendre qu'elle serait antirépublicaine ! Au contraire, c'est un hommage rendu au Parlement que de se rendre devant lui, solennellement, en début de mandat, pour lui expliquer la politique qu'on a l'intention de mener. Et puis, c'était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron : il a dit, il le fait. Comment le lui reprocher ?

Autre critique : ce Congrès se tient à la veille de la déclaration de politique générale du Premier ministre, c'est un "coup de force", une "humiliation". Tout de suite les grands mots, qui sont aussi grands que faux ! Le président définit les grandes lignes de sa politique, son Premier ministre précise les modalités de son application. C'est l'esprit et la lettre de la Constitution. Il en a toujours été ainsi. Où est le "coup de force" ? Où est l'"humiliation" ?

Enfin, Emmanuel Macron a des choses importantes à dire devant le Parlement, qui le concerne directement : on peut penser que seront abordées la diminution du nombre de députés et l'introduction d'une part de proportionnelle (engagements là aussi du candidat). N'est-il pas normal et juste que ces annonces soient faites devant les parlementaires ? Ceux qui n'iront pas lundi à Versailles, parce qu'ils craignent une visite royale, se trompent lourdement. Une telle réaction, une pareille suspicion, c'est encore de la vieille politique ...

Le fond du problème est aussi ancien que la Vème République. Traiter Macron de monarque est d'une banalité absolue : tous les présidents de la République y ont eu droit, y compris de gauche. La raison en est que notre système constitutionnel a cette particularité d'être à la fois présidentiel et parlementaire. Dès les années 60, le politologue Maurice Duverger le qualifiait de "monarchie républicaine". Depuis, l'accusation est devenue un cliché. Macron n'est pas plus roi que de Gaulle ou Mitterrand. Il applique simplement le pouvoir qui est le sien.

Durant sa campagne électorale, Emmanuel Macron n'a pas promis une VIème République. La question institutionnelle n'a pas été abordée par lui. Deux indications cependant : il a souhaité laisser plus de latitude à ses ministres ; il s'est engagé à s'expliquer une fois par an devant le Parlement, pour faire le bilan de son action. Ce qui donne à penser que la philosophie politique de Macron le conduirait plutôt vers le régime présidentiel. L'instauration du quinquennat va dans ce sens-là.

Le seul débat légitime est celui-là : veut-on une Vème République qui aille vers un régime présidentiel (le président stratège) ou vers un régime strictement parlementaire (le président arbitre) ? Veut-on en rester à l'ambiguïté actuelle, qui favorise l'une ou l'autre des tendances selon les moments ? Veut-on carrément passer à une autre Constitution, une VIème République, dont il faut alors définir les contours ? Tout le reste - Macron autoritaire, Philippe humilié, Parlement bafoué, République outragée - n'est que polémique inutile, partisane et stupide. Lundi, si le Congrès se réunit à Versailles, ce n'est pas pour rejouer le film de Sacha Guitry, et personne n'aura à enfiler les costumes d'époque.

jeudi 29 juin 2017

France is back



Le prochain 14-juillet promet : Emmanuel Macron et Donald Trump côte à côte dans la tribune présidentielle, sur les Champs-Elysées, pour le défilé militaire ! Voilà qui va faire parler les grincheux, et c'est toujours un plaisir de les entendre : leurs protestations sont un hommage involontaire rendu à leurs victimes ... Il y a des tirs qui ne profitent qu'à la cible. Macron-Trump, quelle tête d'affiche ! Un peu comme au cinéma lorsque sont réunis Delon et Gabin, ou bien, plus près de nous, Batman et Superman. Cocktail détonnant : le Frenchie et le Ricain, le jeune séducteur et le vieux beau, l'intellectuel raffiné et l'affairiste ignare.

Ce coup de poker diplomatique n'était pas gagné d'avance, et Macron est déjà gagnant. En lançant l'invitation, à l'occasion du centenaire de l'intervention américaine en Europe, notre président n'était pas certain de la réponse. Aux yeux de Trump comme de n'importe quel président américain, la France n'est pas grand chose dans le vaste monde. Et ce n'est pas le passé qui intéresse tout bon Américain, c'est l'avenir. Alors, la commémoration historique d'une guerre lointaine et oubliée ...

Trump a dit quand même oui ! Il faut se demander pourquoi. Je crois qu'Emmanuel Macron a une force de conviction peu commune. Il ne bouscule pas que le paysage politique français. Surtout, je pense que Trump est intrigué par ce Français pas comme les autres, qui lui tient la dragée haute, qui a le culot de lancer, en anglais, un appel aux Américains pour qu'ils viennent s'installer en France (à la suite du rejet de la COP21). Allez savoir s'il n'y a pas une sorte de fascination : celle de Goliath pour David.

En tout cas, dès les premières semaines de son mandat, Emmanuel Macron s'est brillamment illustré là où on ne l'attendait pas : moralisation de la vie publique et réforme du code du travail, oui c'est en cours, mais c'est sur la scène internationale que Macron avance, s'impose, retient l'attention, fait espérer. Inimaginable il y a quelques mois. Les grands de la planète sont en marche eux aussi, mais derrière Macron, avec chez celui-ci un sens aigu de la communication, n'oubliant jamais l'opinion publique, cherchant à frapper les esprits : c'est Poutine reçu avec faste à Versailles, avec Macron au volant de la voiturette qui lui fait visiter le parc ; c'est la fameuse poignée de main à Trump, qui est tombé sur plus fort que lui.

Dans 15 jours, la France honorera à la fois son allié, à travers l'aide militaire qu'il nous a apportée il y a un siècle, en même temps qu'elle affirmera devant lui sa puissance militaire. Trump est ainsi : comme il n'en a pas beaucoup dans la tête, il faut lui en mettre plein les yeux. Mais rien de bêtement antiaméricain chez Macron, qui est prêt à collaborer avec la première puissance mondiale pour mettre un terme aux exactions du régime syrien. Trump et Macron sont si dissemblables qu'ils ont la capacité de s'entendre. Il y a des bras de fer qui rapprochent les adversaires.

Quoi qu'il en soit, avec Emmanuel Macron, la France est de retour dans le monde. Nos concitoyens en ressentent déjà une forme de fierté, de gratitude envers le nouveau président, même quand ils ne partagent pas ses idées. La belle victoire des législatives en est l'expression. D'autres victoires, d'autres surprises sont à venir dans les cinq prochaines années de son mandat. Malheur à tous ceux qui ne l'auront pas compris : ils seront condamnés à disparaître, à végéter ou à témoigner. Même Donald Trump a compris qu'il fallait venir, en être, ne pas ignorer l'Histoire qui se prépare.

mercredi 28 juin 2017

Petites histoires de cravates



Ce qui surprenait dans les commentaires d'hier sur la rentrée parlementaire, c'était la métaphore scolaire : l'analogie avec la rentrée des classes, qui illustre une fois de plus l'infantilisation de notre vie publique. Il y avait les bons élèves (la République en Marche), les perturbateurs (la France insoumise, forcément), les paumés (le PS qui n'est plus socialiste mais Nouvelle gauche), les oubliés (que sont devenus les communistes ?) et puis bien sûr le chouchou, François de Rugy.

Les commentaires se sont longuement fixés sur une absence, celle d'un bout de tissu : la cravate des insoumis, qui ont fièrement revendiqué cet abandon quasiment révolutionnaire, en se comparant aux sans-culottes. Sauf que ceux-ci, pendant la Révolution française, risquaient leur vie et renversaient un système politique millénaire. Avec Mélenchon et ses amis, on en est encore loin. C'est oublier aussi que ce refus n'en est pas un, puisque le règlement de l'Assemblée nationale n'oblige pas au port de la cravate. Bref, on est dans l'épate.

L'incident ridicule a eu le mérite de me rappeler ma première cravate (racontez-moi la vôtre !). C'était en 1984, je travaillais dans une régie publicitaire. En fin d'année, le patron a invité ses salariés au cabaret parisien "Le Paradis Latin". J'ai compris, en discutant avec les collègues, que la cravate était conseillée. Je m'en suis achetée une, en demandant à la vendeuse de me faire le nœud, parce que je ne savais pas.

Ce qui est amusant, c'est que j'ai porté le plus longtemps la cravate, pendant des années, au travail, lorsque j'étais au plus bas de l'échelle sociale, en tant que gardien (on ne disait pas à l'époque agent de sécurité). Comme quoi associer la cravate à une distinction bourgeoise est très discutable. Devenu enseignant, j'ai opté pour la cravate les deux premières années, il y a presque 25 ans, afin d'asseoir mon autorité auprès des élèves, faire sérieux, faire adulte. Mais j'ai vite abandonné cette illusion : la cravate ne fait pas plus l'homme que l'habit ne fait le moine.

Dans la vie politique, j'ai quelques souvenirs. En 1969, le trotskiste Alain Krivine se présente à l'élection présidentielle, à la suite du mouvement de Mai. C'est un révolutionnaire pur et dur, comme on n'en voit plus aujourd'hui, même à l'extrême gauche. A votre avis, passant à la télévision, portait-il la fameuse cravate ? Oui ? Non ? Eh bien c'est ... oui ! D'où son surnom d'alors : Krikri la cravate. Sans doute avait-il à l'esprit, en un temps où la classe politique, même dans ses minorités, était cultivée, que son maître Léon Trotski était particulièrement élégant et ne négligeait pas sa tenue vestimentaire, contrairement à d'autres bolchéviques.

Autre souvenir marquant : l'émission télévisée Droit de réponse, au début des années 80, invite le très contesté Robert Hersant, patron du Figaro, droitier et grand bourgeois. Son animateur, Michel Polac, est un vieil anar qui ne met jamais de cravate à l'écran ... sauf ce jour-là. Hersant, cravaté comme il se doit, le lui fait remarquer ... et c'est gagné pour lui : Polac s'est soumis au code vestimentaire de son adversaire.

Dans mes activités publiques et associatives, j'avais remarqué, il y a quelques années, que la cravate était appréciée surtout dans les milieux populaires, comme une marque de respect. Je me souviens d'une réunion de remises de médailles sportives où l'élu du coin, chargé de présider la cérémonie, était venu sans cravate. Dans le public, il y a eu de discrètes remarques de désapprobation : "Il n'a même pas mis de cravate !" Les insoumis veulent faire peuple : ils se trompent.

Mais ces petits histoires de cravates sont fort anciennes. Tout a changé aujourd'hui. La cravate fait ringard. Le chic est de n'en pas porter. Mélenchon se croit anticonformiste : il colle au contraire à son époque. En Grèce, le Premier ministre Tsipras se distingue depuis déjà pas mal de temps par le col libre et déboutonné de ses chemises parfaitement blanches. En France, Xavier Bertrand a suivi, et Julien Dive a suivi Xavier Bertrand : pas ou peu de cravate ! Même chez des hommes de droite ! La France insoumise devra donc faire beaucoup plus d'effort pour paraître originale et rebelle.

mardi 27 juin 2017

La rentrée durera cinq ans



Alors, cette rentrée parlementaire ? Pas de révélation politique, mais des signes, des nouveautés, des paradoxes. Dans l'hémicycle, des députés prennent des photos avec leur portable (peut-être même se prennent-ils en photo, pour leur compte Facebook !) : je n'avais jamais vu ça.

François de Rugy a été élu président de l'Assemblée nationale : qui le connaît ? Etonnante trajectoire ! Un EELV qui a quitté ce parti il n'y a pas si longtemps, se retrouvant quasiment seul, puis participant à la primaire socialiste, s'engageant à soutenir son vainqueur, mais ralliant finalement Macron : voilà comment on devient le quatrième personnage de l'Etat ! Et l'un des rares écologistes à occuper un poste important dans la République.

Et la REM ? Il faudrait plutôt l'appeler la Révolution En Marche, puisqu'elle instaure dans ses rangs la rotation des responsabilités parlementaires, qui changeront donc à mi-mandat, y compris le président de l'Assemblée. Ce n'est pas tout à fait le mandat impératif ou révocable, cher à l'extrême gauche, mais nous n'en sommes pas loin.

Il n'y aura pas de groupe de centre gauche en soutien à la majorité présidentielle. C'est bien dommage. La REM n'a pas besoin, puisque sa majorité est absolue. Elle pourra s'appuyer sur les centristes du MoDem et les constructifs de la droite. Mais une aile gauche aurait été la bienvenue. Tant pis. Ce sont surtout les socialistes qui y perdent, en se marginalisant plus qu'ils ne le sont.

Mais y a-t-il encore des socialistes ? Leur groupe renonce à cette étiquette pour s'appeler Nouvelle gauche. Battu dans les urnes, le PS valide maintenant sa défaite dans le vocabulaire : c'est peut-être encore plus grave. Voilà en tout cas qui donne raison à Manuel Valls, qui voulait changer le nom du Parti : nous n'en sommes plus très loin, au moment même où Valls le quitte ! Il y a des départs qui sont des victoires.

Et Mélenchon ? Fidèle à lui-même : très mauvais quand il n'est plus sous le feu des projecteurs. La courtoisie républicaine veut qu'on applaudisse le nouveau président de l'Assemblée : Mélenchon est resté ostensiblement assis, bras croisés. Et bouffon avec ça, n'assumant même pas ses prises de position, puisqu'il s'est fait photographier, tout sourire, avec Cédric Villani, après l'avoir il y a quelques jours violemment apostrophé. Pas sérieux, vraiment pas sérieux.

Voilà pour cette rentrée parlementaire. La suite dans les cinq prochaines années.

lundi 26 juin 2017

Perseverare diabolicum



Benoit Hamon était l'invité de la matinale de France Inter. A-t-il tiré des leçons de son grave échec à la présidentielle ? Non. A-t-il reconnu des erreurs politiques dans sa campagne électorale ? Non plus. Compte-t-il au moins changer de stratégie et de projet, puisqu'il n'a pas réussi à convaincre les Français ? Aucunement. Benoit Hamon a perdu, mais il continue dans la même voix. La faute, c'est les autres, pas lui.

Les thèmes qui lui tiennent à cœur sont inchangés : l'épandage aérien, le sort des abeilles, les nuisances alimentaires, etc. Hamon aurait dû rester ce qu'il a été : un député européen. Dans ce Parlement, on y traite en effet beaucoup des questions techniques et règlementaires, d'ordre sanitaires et environnementales. Loin de moi l'idée de mépriser ces sujets, d'une haute utilité pour nos contemporains. Mais j'ai toujours pensé qu'un président de la République devait se placer à un niveau supérieur, économique et social ou géopolitique.

Benoit Hamon persiste aussi dans sa vision du travail, alors que son propre Parti n'a pas repris, lors des élections législatives, sa mesure-phare d'un revenu minimum universel d'existence, qui a tant fait parler pendant la campagne. L'ex-candidat s'accroche à sa conception d'une société où le travail perd de sa valeur centrale, où il est même considéré comme une activité pathogène ! C'est une folie.

Quant à sa position à l'égard d'Emmanuel Macron, elle est sans surprise et sans nuance : pour Hamon, le nouveau président est de droite, autoritaire, ultra-libéral, destructeur des acquis sociaux et ... soumis à Poutine. Hamon va jusqu'à faire une lecture "marxiste" de l'actuel pouvoir : nous serions dirigés, tenez-vous bien, par les représentants de la "bourgeoisie". Quelle connerie !

Et lui, Benoit Hamon, que fait-il, que propose-t-il ? Samedi dernier, il n'a même pas assisté au Conseil national du Parti socialiste, où il était pourtant débattu du positionnement à tenir face au gouvernement. Non, il a trouvé plus important de défiler avec la Gay Pride. Dimanche prochain, le 1er juillet, il va lancer un nouveau mouvement (adieu le PS ?). Savez-vous quel est son nom ? Le mouvement du 1er juillet, tout simplement. Quelle originalité, quelle puissance de la pensée ! Sur les réseaux sociaux, parait-il qu'Hamon est populaire (à défaut de l'être dans les urnes) : on lui fait des câlins et des bisous numériques, on lui attribue des petits noms affectueux, on le console, on le dorlote, on le chouchoute. Pauvre Benoit Hamon !

dimanche 25 juin 2017

Le PS n'a rien compris



J'ai lu attentivement la résolution du Parti socialiste, adoptée hier à l'issue de son Conseil national. Elle est importante, puisqu'elle définit sa position à l'égard du gouvernement. J'ai souligné, surligné, encadré, fléché, griffonné ce texte, mis en marge des points d'interrogation, des points de suspension et des onomatopées. C'est un document qui fait réagir : il m'a accablé. Le PS n'a rien compris de ce qui lui est arrivé.

L'élection présidentielle ? "Insaisissable" et "troublante" : je veux mon neveu, mais ce n'est pas comme ça qu'on avance. Pas le début du commencement d'une esquisse de légère autocritique dans la résolution. Seulement un rappel des "valeurs" : ça nous fait une belle jambe ! Le Parti socialiste aurait-il perdu toute intelligence politique ? Oui. Un immeuble lui tombe sur la tête, et c'est comme si de rien n'était. Si j'étais cynique, je m'en réjouirais, laissant ce parti s'enfoncer encore plus. Mais c'est l'accablement et la tristesse que je ressens.

Par rapport à Emmanuel Macron, aucun trouble : "Le Parti socialiste ne peut se reconnaître dans les mesures annoncées et déjà engagées par le gouvernement" (sauf le projet de loi sur la moralisation de la vie publique, quand même !). Et cette phrase au couteau : "Nous nous situons clairement dans l'opposition au gouvernement d'Edouard Philippe. Nous ne voterons pas la confiance à ce gouvernement". Voilà qui a au moins le mérite de la franchise : mais quelle erreur politique !

Le Parti socialiste aurait dû suivre son électorat, qui a majoritairement basculé du côté de la République En Marche : se dire qu'il se passait là quelque chose de neuf, dans le camp des progressistes, qu'il valait le coup d'en être au lieu de s'y opposer. Une bonne partie des députés LREM ne viennent-ils pas de la gauche ? N'ont-ils pas comme pire ennemi l'extrême droite ? Ces éléments auraient dû être pris en considération. Mais voilà ce qui arrive lorsqu'on ne réfléchit plus !

Le porte-parole du PS, Rachid Temal, comme s'il était conscient de la radicalité de la décision, l'a un peu modérée, en parlant d'"opposition constructive". Il n'aurait plus manqué qu'elle soit destructrice ! Non, une opposition, constructive ou pas, reste une opposition. Ce que j'attendais du PS, c'était un soutien critique : là oui, la position aurait été politiquement intelligente. Quand on n'est plus que 31 députés socialistes, on peut jouer si on veut les poils à gratter, mais on ne s'oppose à rien du tout, parce qu'on n'en a pas les moyens. En revanche, par ses avis, ses propositions, ses critiques, le groupe socialiste pouvait être utile à la majorité présidentielle, sans rien renoncer à ce qu'il est (voir billet d'hier). L'action politique ne se justifie que par son utilité ; sinon, elle ne sert de rien.

A quoi s'ajoutent une ambigüité, une inconséquence, une contradiction : en toute logique, quand on s'oppose et qu'on refuse la confiance, on vote contre. Eh bien, l'abstention sera aussi admise, si l'on en croit les déclarations à la suite du Conseil national. Partant de là, je me dis que certains socialistes se sentiront libres de franchir le pas et de soutenir le gouvernement. Après tout, plusieurs députés PS se sont fait élire en se réclamant de la majorité présidentielle, Manuel Valls le premier.

Si les socialistes veulent se reconstruire, après avoir fait leur deuil, ça ne pourra être qu'autour de l'ancien Premier ministre, qui réussira peut-être à constituer un groupe formant l'aile gauche de la majorité présidentielle. Sinon, les derniers survivants du PS se feront bouffer par Mélenchon, comme leurs électeurs lors de la présidentielle. Et là, peut-être qu'enfin le PS aura compris, mais beaucoup trop tard.

samedi 24 juin 2017

Une question de confiance



La vie est une question de confiance. Au travail, dans la famille, entre amis, tout repose sur la confiance. En politique aussi : on choisit rarement un candidat, dans quelque scrutin que ce soit, uniquement sur des bases rationnelles, par pure idéologie. C'est d'ailleurs impossible (il y a toujours des désaccords), et non souhaitable (car nous tomberions dans le fanatisme aveugle). La confiance, c'est un acte de foi, une forme d'espérance, qui n'exclut pas la lucidité, les réserves et même la critique. Donner sa confiance est toujours une prise de risque. Mais c'est la vie ! comme on dit.

En démocratie, les votes sont permanents. Ils mobilisent tout le corps électoral ou bien concernent des collèges plus restreints. Le 04 juillet aura lieu un vote important : les parlementaires nouvellement élus devront dire s'ils accordent ou non leur confiance au gouvernement et à sa politique. Il ne s'agira pas d'un vote d'adhésion, de soutien, de ralliement, encore moins de soumission, mais d'un vote de confiance. Si notre législation emploie ce mot, qui peut paraître plus moral que politique, c'est qu'elle a ses raisons, c'est qu'elle tient à la précision. Disons-le encore autrement, de façon plus triviale, moins juridique : veut-on oui ou non donner ces chances au nouveau pouvoir, lui accorder au moins le bénéfice du doute, jeter sur lui, quoi qu'on en pense, un regard bienveillant ? Souhaite-t-on, en un sens très actif, pas uniquement sous forme de vœu pieux, sa réussite ? Voilà ce sur quoi devront se déterminer nos députés le 04 juillet.

Preuve que la décision dépasse la pure politique, c'est-à-dire les enjeux de pouvoir : Emmanuel Macron, disposant de la majorité absolue à l'Assemblée nationale, n'a nullement besoin de réclamer la confiance. Il lui suffit que les siens, députés estampillés La République En Marche, accordent leurs suffrages au gouvernement. Mais là, ce n'est plus de la confiance : c'est de la cohérence vis-à-vis de soi-même et de la discipline à l'égard du groupe parlementaire auquel on appartient. Alors, pourquoi le Premier ministre irait-il chercher ailleurs la confiance ? Justement parce que le président de la République s'est fait élire sur la promesse de rassembler, autour de son projet, tous les progressistes d'où qu'ils viennent, de droite, de gauche, d'ailleurs ou de nulle part, comme le reflète la composition du gouvernement. Il doit donc élargir sa base parlementaire, ne pas en rester confortablement à ce que certains craignent à tort, en exagérant, comme un "parti unique", LREM.

L'entreprise est en cours. La droite constituera un groupe de "constructifs" qui, sans renoncer à ce qu'ils sont, à leurs idées et leur famille d'origine, voteront la confiance au gouvernement, ou du moins s'abstiendront. Par cette décision, ils enverront un signal positif à l'égard du nouveau pouvoir, manifestant ainsi leur volonté de contribuer à la mise en place de sa politique. J'espère, je souhaite qu'un pareil groupe s'organise du côté des socialistes : le président ne vient-il pas de leurs rangs ? Une grande partie de leur électorat ne les a-t-elle pas abandonnés au profit de la République En Marche ? Ce serait un comble s'il n'y avait pas, chez les socialistes aussi, des "constructifs" qui votent la confiance ! Ce qui reste du PS mérite mieux que le repli sectaire, la radicalité et l'opposition systématique. Il faudrait être aveugle à ce qui se passe en ce moment en France pour tomber dans cette erreur.

Il y en a qui ne voteront pas la confiance, à qui d'ailleurs elle n'est pas demandée, parce que nous savons que ceux-ci sont fondamentalement anti-Macron : la France insoumise et le Front national, extrême gauche et extrême droite, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Ils seront, les uns et les autres, des forces d'opposition irréductibles, sans concession, contre le nouveau gouvernement, par principe, par idéologie. C'est très bien ainsi, car il en faut aussi. La démocratie a besoin de confiance, mais la vie est faite aussi de défiance. Nous le verrons le 04 juillet : à l'issue du vote, il y aura une majorité élargie, éventuellement critique, et une opposition absolue, frontale. C'est ça, la démocratie, jusqu'à un prochain vote.

vendredi 23 juin 2017

Jupiter parmi les siens



Elle a fait parler, la photo officielle du nouveau gouvernement ! Tout ce que fait Emmanuel Macron fait parler, même quand lui ne parle pas. Pendant cinq ans, ce sera sans doute comme ça. Merveilleux ! Qu'est-ce qu'elle a donc, cette photo ? D'abord, elle est belle. Pour le moment, tout ce que fait Macron est beau. Surtout, elle est inhabituelle, originale alors que rien n'est plus conventionnel, normalement, que la photo officielle d'un gouvernement. Mais voilà : avec Macron, tout est beau et tout est nouveau. Avec lui, rien ne sera plus jamais comme avant, même dans ce qui peut paraître (à tort), comme un détail, la photo officielle du gouvernement.

Jusqu'à présent, un gouvernement se faisait immuablement photographier sur "le perron de l'Elysée". Ah ! "le perron de l'Elysée"...  C'est comme le parvis de Notre-Dame ou l'esplanade du Trocadéro : un lieu commun, un cliché (de photo), quelque chose à quoi on ne peut pas échapper. Sauf Emmanuel Macron, qui échappe à tous les clichés. "Le perron de l'Elysée", c'est le palais et le pouvoir en fond de décor. Dans la nouvelle photo officielle, le gouvernement pose dans un magnifique parc, sous un beau soleil. Nous pourrions très bien être à Saint-Quentin, dans le parc des ... Champs Elysées ou n'importe où ailleurs. La nature a été préférée à l'architecture, la vie à la pierre. Avec Macron, le pouvoir se délocalise, n'est plus assigné à résidence. Les seules marques de territorialité, ce sont les drapeaux fichés au sol : la France, l'Europe.

Surtout, le pouvoir se dilue. L'ordre protocolaire n'est pas respecté, chacun semble se placer où il veut et l'on pourrait croire que le président de la République, sans cravate, s'appelle ... Nicolas Hulot. Car le chef de l'Etat est traditionnellement devant, en avant, au milieu. Là, et c'est stupéfiant, Emmanuel Macron est au second plan, en retrait, un parmi d'autres, qu'il faut presque rechercher, comme sur une photo de classe. Voilà une symbolique déconcertante ! Que nous dit-elle ? Que nous avons d'abord devant nous une équipe, au sens fort du terme, un travail collectif. Le groupe est d'ailleurs assez coloré, bigarré, par comparaison avec les photos officielles précédentes, plutôt grises. La seule logique qu'on discerne, c'est l'alternance homme-femme dans la disposition.

Emmanuel Macron n'a pas besoin de faire le chef, d'apparaitre en majesté, le premier, au centre, entouré de sa garde rapprochée, de ses ministres d'Etat. Leader, il l'est naturellement, sans jouer ou sur-jouer ce rôle. Il l'est aussi naturellement que les arbres plantés à l'arrière, forts et puissants, qui se dressent et dominent dans le ciel. Macron est au milieu des siens, sans forcer la distinction, parce que les siens sont des Macron à leur façon : des personnes qui se retrouvent dans ce gouvernement non par allégeance personnelle ou affinité politique, mais à cause de leur compétence (voir le billet d'hier).

Que nous donne à voir cette photo officielle qui marque tant les esprits ? Des hommes, des femmes, une équipe. Elle ne renvoie à aucune transcendance, solennité, majesté ou hiérarchie, à aucun apparat. Elle ne s'inscrit pas dans l'Histoire, mais elle exprime la société d'aujourd'hui. On parle beaucoup de "société civile", mais c'est un pléonasme. A la limite, cette photo n'a rien de politique. On reproche beaucoup à Macron de ne pas représenter toute la société. Mais ce n'est ni possible, ni souhaitable ! Un gouvernement n'est pas un panel sociologique : c'est la réunion de ce qu'on croit être les meilleurs, à un moment donné, dans une situation donnée.

Emmanuel Macron n'a pas besoin d'incarner, de représenter, de symboliser : il lui suffit d'être et d'agir, et avec lui tous ceux, sur cette photo, qui sont non pas autour de lui, mais à ses côtés, à son niveau. Vercingétorix avait besoin qu'on le hisse sur un bouclier. Louis XIV n'était roi que sur son trône. Même le socialiste François Mitterrand aimait à user des signes extérieurs de la souveraineté. Quelle nécessité chez notre nouveau président, puisque la souveraineté en lui est toute intérieure ? Mitterrand était surnommé Dieu, en toute simplicité : c'était l'image du Créateur, solitaire, jaloux, vengeur, dans le monothéisme biblique. Macron, c'est le Jupiter du polythéisme, dieu parmi les dieux, parce qu'ils sont nombreux sur l'Olympe.

jeudi 22 juin 2017

Le gouvernement des compétents



Platon, dans son ouvrage La République, s'interroge sur la meilleure forme de gouvernement. Il passe en revue quelques possibilités : le gouvernement des sages (l'aristocratie), le gouvernement des militaires (la timocratie), le gouvernement des riches (l'oligarchie). Le philosophe aurait pu aussi citer le gouvernement des religieux (la théocratie) ou le gouvernement des anciens (la gérontocratie). Quel type de dirigeants une société doit-elle se donner ? Eternelle question de la philosophie politique !

De Platon à Macron, il n'y a qu'un pas, juste 2400 ans d'écart. Avec le remaniement d'hier, nous avons la confirmation de qui doit occuper le pouvoir, selon notre nouveau président : le gouvernement des compétents (appelons ça la méritocratie). Exemples : au ministère du Travail, une spécialiste de longue date dans ce domaine ; à l'Education nationale, un ancien recteur d'académie. A première vue, faire de la compétence le critère principal pour choisir les ministres parait une évidence, et même une banalité. Eh bien non ! Si vous prenez la liste des ministres sous la Vème République, il est impressionnant de constater que beaucoup ne connaissaient rien du ministère à la tête duquel ils étaient affectés, sans d'ailleurs que ça ne gêne le moins du monde quiconque.

Allons plus loin. Il y a eu longtemps, en France, un mépris, un déni, un rejet de la compétence en politique, pour des raisons profondes, cinq au moins :

1- La compétence a été associée à la technocratie, à la simple gestion sans âme ni convictions. L'idéal politique national, c'était l'homme cultivé, pas l'homme compétent. A gauche, François Mitterrand contre Michel Rocard. Ce n'est pas un hasard si Emmanuel Macron se réclame de ce dernier. Evidemment, pour moi, il n'y a aucune contradiction à ce qu'un homme de compétences soit aussi un homme de culture et de convictions.

2- La compétence est perçue comme antidémocratique, élitiste, sélective, inégalitaire, avec l'idée sous-jacente, apparemment républicaine, que les postes, notamment ministériels, doivent être ouverts à tout citoyen, sans que les compétences n'entrent en compte. Je récuse ce raisonnement : la compétence en politique est parfaitement démocratique et égalitaire, puisque chaque citoyen a ses compétences, qui ne sont pas les mêmes d'un individu à un autre. Tout l'art politique consiste à mettre les bonnes personnes aux bons endroits. The right man at the right place, disent les Anglais.

3- La compétence est jugée inutile, puisque c'est l'administration, les hauts fonctionnaires, les cabinets ministériels qui se chargent du travail. Conception dangereuse : en distinguant ainsi le politique et l'administratif, on vide le premier de sa responsabilité pour la transférer au second ! Bien sûr, il y a la fameuse réplique du général de Gaulle : "L'intendance suivra". Mais c'est faux : le ministre incompétent finit par suivre son administration plus que celle-ci ne suit ses avis.

4- La compétence est discréditée par une critique psychologique et morale, qui lui reproche d'être l'expression d'un orgueil, d'un sentiment de supériorité malvenu en République. C'est le soupçon contemporain qu'on porte sur les experts. Je ne sais pas si cette critique est pertinente, mais de toute façon elle n'a pas sa place en politique, où l'on ne juge que des résultats, de l'utilité, pas des intentions.

5- La compétence a mauvaise presse parce que son contraire, l'incompétence, est un véritable mode de gouvernement des hommes, qu'on pourrait rapprocher de celui de l'armée, quand elle reposait sur la conscription : vous êtes juristes ? Alors vous serez affecté aux cuisines ! Ne rions pas : dans le gouvernement de la République, on a bien mis, à une époque, un garagiste à la tête de l'Education nationale ! C'est que la politique et l'armée ont des points communs, qui ignorent ou relativisent la compétence : nécessité d'un chef, sens de la discipline, pratique de l'obéissance ... Un politique a besoin qu'on l'admire, qu'on le soutienne et qu'on le suive sans trop discuter. Jamais un compétent n'acceptera une telle soumission, une confiance aveugle. Si quelqu'un obtient un poste pour sa compétence, il ne le doit plus simplement au bon vouloir de celui qui le nomme ; il n'en fera donc qu'à sa tête, il se montrera incontrôlable. Voilà pourquoi la compétence est malvenue en politique.

Pourquoi, avec Emmanuel Macron, les choses ont-elles changé ? Pourquoi la compétence est-elle devenue la première qualité pour entrer au gouvernement (mais aussi dans le choix des candidats aux législatives) ? D'abord parce que la société a changé, qu'un peu partout on demande à ce que tel postulant pour telle activité dispose de compétences. Pourquoi la politique échapperait-elle à ce phénomène de professionnalisation ? Ensuite parce que la mystique du chef en politique a quasiment disparu. De Gaulle ou Mitterrand pouvaient se contenter de compétences économiques superficielles : ça n'entamait pas leur légitimité, leur aura. Enfin parce que l'actuel président de la République est lui-même un homme de grandes compétences, sachant donc les reconnaître et les apprécier chez les autres, sans qu'il en souffre aucun complexe.

Car on ne le dira jamais assez : les compétents sont généralement remis en cause par les incompétents, et on comprend bien pourquoi. Alors, ce gouvernement Macron-Philippe pourra toujours être taxé de gouvernement de techniciens, en quoi serait-il pire que les gouvernements de notables, d'apparatchiks et de militants, de droite comme de gauche, que nous avons connus par le passé ?

mercredi 21 juin 2017

Mélenchon : morgue, mépris et mensonge



Le mathématicien Cédric Villani est une figure marquante parmi les nouveaux députés de la République En Marche. C'est une personnalité brillante, un chercheur de renom et un pédagogue hors-pair, qui a la rare qualité de mettre à la portée de tous sa difficile matière. C'est aussi un personnage original, pas du tout le mathématicien tel qu'on l'imagine : cheveux longs, ruban autour du cou, énorme araignée sur son col de veston, il fait penser à un homme venu d'un autre temps. C'est d'ailleurs ce qui fait tout son charme.

En même temps, rien de fantaisiste chez lui : sa parole est calme, douce, son propos est posé, modéré, très clair, raisonnable. Sa présence à l'Assemblée nous rappelle que la Révolution française avait, elle aussi, ouvert la représentation nationale à des chimistes, des mathématiciens, des ingénieurs ... Seule la République En Marche pouvait accepter dans ses rangs, comme candidat, quelqu'un d'aussi atypique, qu'aucun autre parti n'aurait osé présenter.

Eh bien, c'est cet homme-là, qui suscite l'intérêt et qui inspire le respect, que Jean-Luc Mélenchon a choisi d'attaquer hier, lors de son entrée au Palais Bourbon. Lui et les siens nous ont d'abord offert cette scène ridicule : poings levés autour du chef, gueulant tous "résistance ! résistance !" (à quoi ?! Tu parles !). Le décor était planté, Mélenchon n'avait plus qu'à parler, ce qu'il sait très bien faire, puisqu'il ne sait faire que ça. Sa déclaration mérite d'être intégralement citée : "J'ai vu le matheux, je vais lui expliquer ce que c'est qu'un contrat de travail et il va tomber par terre. Il ne le sait pas tout simplement. Il ne sait pas que la journée de 8 heures, c'est 100 ans de luttes. Le gars, il croit que ça a été toujours comme ça".

En matière de morgue et de mépris, j'ai rarement entendu pire. Tout y est : le "matheux", terme qui vise à disqualifier la personne, à rabaisser sa valeur, à lui refuser son titre exact. Lui, Mélenchon, il a le savoir pour lui, pas Villani : savoir juridique (la rédaction d'un contrat de travail), savoir historique (les luttes sociales). Non seulement Cédric Villani est un ignorant, mais c'est également un idiot (il croit savoir, il pense que "ça a été toujours comme ça"). Voilà de quoi est capable un soi-disant insoumis : morgue, mépris et par dessus le marché mensonge, puisque Villani, en tant que directeur d'un institut scientifique, responsable des embauches, connaît parfaitement les contrats de travail et en a vu beaucoup plus dans sa vie que n'en verra jamais Jean-Luc Mélenchon, qui n'a à aucun moment de son existence exercé une telle responsabilité.

Cette minable polémique pourrait faire sourire, ne pas prêter à attention et être vite oubliée. A tort ! Mélenchon se dévoile : fanfaron, prétentieux et surtout méprisant envers l'homme de science, l'intellectuel, qu'il cherche à décrédibiliser en portant atteinte à ce qui fait sa légitimité, le savoir. Il y a sans doute une part de jalousie chez cet homme manifestement envieux. Ce que déteste aussi probablement Mélenchon chez Villani, c'est sa personnalité hors norme, sa liberté : le véritable insoumis, ce n'est pas Mélenchon (qui a trainé toute sa vie dans la haute classe politique française), c'est Villani !

Mélenchon, c'est qui ? Le type qui a tué le PCF, puis le PS et qui, au premier tour de la dernière présidentielle, mécontent de voir que Sa Grandeur n'avait pas été qualifiée, a refusé d'appeler à voter républicain pour faire barrage à l'extrême droite, comme le veut pourtant la plus ancienne tradition de gauche. Voilà le type qui se permet de faire la leçon à Cédric Villani ! M comme morgue, M comme mépris, M comme mensonge ... M comme Mélenchon. 

mardi 20 juin 2017

En Marche ! toujours debout



Alors, En Marche ! n'avance plus ? C'est ce que m'a lancé une connaissance, à propos du comité de Saint-Quentin, privé de candidature aux législatives (les gens se croient drôles). Comme si l'action politique se réduisait à la participation électorale ! Actuellement, on parle beaucoup, avec raison, des ministres, des députés de la République En Marche. Mais il y a aussi le mouvement, qui doit se structurer sur le terrain et préparer les prochains scrutins locaux, principalement les élections municipales. Il y a de quoi faire et de quoi réfléchir !

C'était l'objectif de la réunion du comité En Marche ! Saint-Quentin hier soir (voir vignette). Pas du tout démotivé ou démobilisé, mais confiant et enthousiaste : l'avenir est devant nous et à nous. L'atelier a abordé les missions, les objectifs et l'organisation du mouvement, en planchant sur plusieurs lignes de réflexion : former une nouvelle classe politique, soutenir l'action gouvernementale, contribuer au travail des parlementaires, susciter le débat d'idées, s'engager dans la vie locale, recruter de nouveaux adhérents ...

La méthode de la REM est la même qu'il y a un an, après sa fondation, et elle a fait ses preuves : partir des questions et propositions de la base, les faire remonter au sommet, alimenter ainsi la réflexion collective et coproduire ensemble ce que sera l'architecture future de notre mouvement. Personne n'est exclu, puisque les réponses des adhérents peuvent être individuelles, sur le site internet d'En Marche ! Le but est d'inscrire maintenant notre belle victoire dans la durée.

lundi 19 juin 2017

Ni trop ni trop peu



Alors, cette victoire ? Que voulez-vous que je vous dise ! Enorme, magnifique, joyeuse ... Emmanuel Macron a les dieux avec lui. Ses adversaires annonçaient il y a un mois une majorité relative et donc ingouvernable. Ces derniers temps, les mêmes adversaires prévoyaient une majorité pléthorique et donc ... ingouvernable (tous les arguments sont bons, y compris contradictoires, quand on veut discréditer). Eh bien le président de la République n'a ni l'une ni l'autre, pas de paralysie, pas d'hégémonie : une majorité absolue, juste ce qu'il faut, ni trop ni trop peu. N'est-ce pas beau ?

L'Aisne désigne trois députés En Marche et garde pour témoins un socialiste et un Républicain. Rappelez-vous, là aussi, il y a un mois : le FN était donné gagnant dans le département. Ah ! les prédictions en politique ... Tout à ma joie, je ne peux que dire : bravo, bravo, bravo ! Les Français ont mis à la retraite la vieille classe politique qui avait fait son temps, malgré les services rendus. Place maintenant aux jeunes, aux nouveaux, aux femmes, à toutes ces catégories sociales qui sont les forces vives de la nation et qui étaient jusqu'à présent trop souvent exclues de la représentation parlementaire.

Je voudrais saluer, en ce lendemain de victoire, trois personnalités qui ne sont pas de la République En Marche, mais qui méritent un coup de chapeau :

- Manuel Valls, pour son élection de justesse (mais qui n'est que justice) : l'ancien Premier ministre aurait pu jouer le rôle finalement assumé par Emmanuel Macron, la modernisation du camp du progrès et le rassemblement des progressistes. Mais il a trop lié sa démarche politique à celle de François Hollande pour incarner aux yeux des Français la nouveauté. Il n'empêche que c'est un homme de valeur, qui pourra apporter dans le travail législatif. Son élection me réjouit d'autant plus que Benoit Hamon, qui est décidément au dessous de tout, avait souhaité activement sa défaite.

- Myriam El Khomri : l'ancienne ministre du Travail a été battue, et c'est bien dommage. Emmanuel Macron lui avait pourtant apporté son soutien personnel. Cette femme est remarquable de courage et la loi travail est tout à son honneur. Son propre parti l'a insuffisamment soutenue, les frondeurs l'ont carrément trahie. Il revient maintenant au nouveau pouvoir de reprendre l'esprit de ce projet et de le porter beaucoup plus loin que ce à quoi les nombreuses dénaturations ont abouti. Nous n'oublierons pas Myriam El Khomri.

- Jean-Christophe Cambadélis : ce n'est pas que j'apprécie particulièrement ce lambertiste retors (pléonasme) à la grande intelligence, mais une décision responsable doit être reconnue et saluée. Ils ne sont pas si nombreux que ça, en France, contrairement aux autres démocraties, les politiques qui démissionnent à la suite d'un échec. Généralement, ils s'accrochent, fanfaronnent et prétendent que ça ira mieux la prochaine fois. Cambadélis quitte la direction du Parti socialiste, parce qu'il prend sa part de responsabilité dans la défaite. Quelqu'un comme Benoit Hamon, et quelques autres, feraient bien de s'en inspirer.

dimanche 18 juin 2017

577 bons perdants



Il y aura ce soir 577 heureux et 577 malheureux : les gagnants et les perdants du second tour des législatives. Les 577 premiers ne m'intéressent pas : je les laisserai tout à leur joie de la victoire. C'est aux 577 éliminés que je veux dès maintenant m'adresser. C'est un vieux réflexe d'enseignant : se préoccuper des moins bons élèves (qui ont besoin de mon soutien), pas des meilleurs (qui se débrouilleraient très bien sans moi ou avec un autre). A ces 577 battus, je veux leur crier : soyez de bons perdants ! (de cette façon, vous serez au moins bons en quelque chose, la défaite, puisque vous n'avez pas réussi à l'être dans la victoire).

Mon cri se justifie par le lamentable (car il y a eu des plaintes et des gémissements) spectacle donné par certains candidats disqualifiés dès le premier tour, étrangers, dans leurs réactions, à tout sentiment de dignité, d'honneur, je ne parle même pas d'élégance. Parmi eux, beaucoup ont trouvé "injuste", "immérité" leur échec : comme si la politique, en République, fonctionnait à la justice et au mérite ! Non, le principe de l'élection, et lui seul, c'est le suffrage universel : le peuple décide, choisit ou rejette. Ce sont des préférences politiques, pas un acquiescement à des qualités personnelles ou la récompense d'une activité. Il y a sans doute des candidats ou des élus du FN qui sont compétents, actifs et même sympathiques : pour jamais rien au monde je ne voterais pour eux !

Des députés sortants, que le suffrage universel a sorti, se sont publiquement préoccupés de leur avenir professionnel, la difficulté d'une réinsertion, l'incertitude à retrouver un emploi. Ils promettaient au peuple des jours meilleurs et les voilà qui maintenant s'inquiètent de leurs fins de mois difficiles ! Est-il besoin d'expliquer longuement que cette attitude est indécente, dans une société française où des millions de personnes vivent des existences autrement plus douloureuses ? Jamais autrefois un parlementaire déchu n'aurait osé s'exprimer de la sorte, chercher à apitoyer sur son triste sort.

Je ne doute absolument pas de la sincérité de ces élus : leur anxiété vient du cœur et du portefeuille. Mais c'est justement cette sincérité qui aggrave leur cas. Je ne nie pas non plus qu'ils puissent se retrouver dans des situations personnelles délicates, problématiques, après avoir été battus : ce que je leur demande, c'est de garder leurs problèmes pour eux, parce que la mission d'un homme public est de se pencher seulement sur les problèmes des autres.

Lors de la soirée électorale qui vient, je fais donc le vœu de voir sur nos écrans des perdants qui seront à la hauteur de leur fonction, qui sauront s'effacer en silence parce que le peuple l'aura voulu ainsi, qui féliciteront les vainqueurs et se demanderont pourquoi, eux, ont été vaincus, qui ne chercheront aucune pitoyable excuse à leur défaite, ni illusoire consolation. Je sais, ce n'est pas facile, c'est même contraire à la nature humaine : mais qui a forcé nos candidats et nos élus à faire de la politique ?

samedi 17 juin 2017

Sans haine, sans violence et sans arme



L'agression dont a été victime il y a deux jours Nathalie Kosciuzko-Morizet est assez banale. Quand on est une vedette, on s'attire ce genre de violence. Distribuer sur un marché, c'est se mettre à la merci de centaines d'anonymes, et parmi eux, un coup peut vite partir. Un simple militant en fait l'expérience très ordinaire, dans n'importe quel lieu public d'une ville tranquille : remarque désagréable, insulte, tract pris puis ostensiblement jeté devant vous ... Le passage à l'acte, le geste violent sont plus rares. NKM n'a d'ailleurs pas été directement frappée : l'agresseur l'a attaquée verbalement, s'est emparé de ses brochures électorales, les a jetées, il y a eu bousculade, à la suite de quoi la femme politique est tombée et s'est évanouie.

Incontestablement, les réactions politiques ont été sur-jouées, la dimension médiatique a été démesurée, allant jusqu'à la publication indécente et inutile de la photo de la victime à terre. Mais c'est tant mieux aussi : par cette exagération, par cette sensibilité outrée, par cette indignation un peu surfaite, notre société fait la démonstration qu'elle ne supporte aucune violence. Qui pourrait se plaindre d'un tel progrès ? Quand on se souvient de ce qu'était la politique autrefois (et il n'est pas besoin de remonter très loin), la différence est flagrante : on en venait très vite aux mains et la violence verbale était inouïe. Vu d'aujourd'hui, c'était énormément "choquant", pour reprendre un des mots favoris de notre époque.

Ce qui est arrivé à NKM, c'est ce qu'on peut appeler les risques du métier. Ils ne disparaitront jamais complètement, malgré ce zéro défaut qui est aussi une aspiration de notre époque. Le pouvoir provoquera toujours la haine, le vedettariat entrainera toujours des sentiments irrationnels, sachant que l'un et l'autre compensent largement par la soumission et l'admiration que respectivement ils suscitent.

Avec l'élection d'Emmanuel Macron, nous sommes passés à un degré supérieur dans la civilisation de ce monde sauvage qu'est la politique. Durant la campagne, le candidat s'est battu sur ses propres idées et s'est abstenu de s'en prendre à ses adversaires. Dans ses meetings, il a demandé au public de ne pas huer ses concurrents, attitude totalement nouvelle. Macron a fait de la bienveillance la vertu cardinale de sa démarche, en politique où sévissent habituellement la malveillance, la haine et la mauvaise foi. Il a réussi le tour de force de réconcilier la droite et la gauche, dans une activité où s'est toujours appliquée la règle du diviser pour régner. Il y a toute une philosophie chez notre président, mais aussi une habileté tactique : il a suivi à la lettre le principe spaggiarien, réaliser le casse du siècle au nez et à la barbe de la vieille classe politique, sans haine, sans violence et sans arme

Mais revenons à NKM. Le plus étonnant dans sa mésaventure, c'est l'identité de son agresseur  : non pas un fanatique, un dingue, un extrémiste mais un brave maire d'un village normand qui manifestement n'aime pas les bobos, qui plus est homme de droite, bien sous tout rapport. Comme quoi la haine, la violence et la pulsion de mort peuvent s'emparer d'un individu raisonnable, insoupçonnable. Emmanuel Macron et ses amis ont encore beaucoup de travail en vue d'humaniser le monde impitoyable de la politique, surtout à la base.

vendredi 16 juin 2017

Quand les moins bons s'en prennent aux meilleurs



C'est un trait psychologique qu'on retrouve un peu partout, autour de nous, dans une classe d'élèves comme dans le milieu politique : les moins bons s'en prennent aux meilleurs. L'inverse est beaucoup moins vrai. Psychologiquement, il y a une explication : les meilleurs restent sur leur quant-à-soi, ils ne ressentent pas le besoin de s'en prendre aux inférieurs. Ceux-ci, en revanche, ont des comptes à régler avec leurs supérieurs, des sentiments de jalousie à satisfaire. C'est ce que nous pouvons vérifier, une fois de plus, en cette fin de campagne des législatives, en constatant, navrés, les nouvelles attaques, cette fois en incompétence, que subissent les candidats de la République En Marche, parfaitement injustifiées.

Les électeurs ne s'y sont pas trompés : presque partout, au premier tour, ils ont mis en tête les candidats présentés par Emmanuel Macron. Va-t-on aussi les traiter d'imbéciles ? La REM s'est donnée les moyens, très tôt, de sélectionner les meilleurs, d'une manière inédite, jamais tentée par aucun parti politique : correspondre à des critères de candidature très exigeants, pour s'assurer de la compétence, de l'expérience et de l'influence des futurs députés. Une commission nationale, indépendante, a rendu les arbitrages. L'objectif était bien celui-là : repérer les meilleurs et les lancer dans la bataille.

Dans les appareils politiques, rien de tel, pas de critères de sélection, aucun souci d'investir les meilleurs. Alors quoi ? Copinage, clientélisme et rapports de force, quand ce n'est pas le hasard (le nom qu'on n'attendait pas sort du chapeau au dernier moment). N'importe quel ambitieux peut alors tenter sa chance, les médiocres en espèrent une forme de reconnaissance qu'ils ne trouveraient pas ailleurs. Les minoritaires jouent à se rendre indispensables, les courtisans courtisent longtemps jusqu'à ce qu'une place se libère quelque part. L'habileté est de mise, sûrement pas l'intelligence.

Les candidats macroniens seraient fragiles, incompétents, inexpérimentés ? Et ces élus installés depuis longtemps, qui ne savent que répéter ce qu'ils entendent, qui sont incapables de lire clairement des fiches que d'autres leur ont préparées, qui se contentent d'un rôle mal tenu de représentation ? La vérité, c'est que nous assistons au plus grand renouvellement de la classe politique depuis 60 ans.

Il y a aussi de nouveaux comportements, qui peuvent surprendre mais qu'il faut comprendre. Plusieurs candidats de la République En Marche ont refusé, pour ce second tour, de débattre avec leur adversaire. Incompétents, inexpérimentés et ... antidémocrates ? Non, mais une autre façon de voir et de pratiquer la démocratie. Pour accepter un débat avec l'adversaire, encore faut-il le considérer comme un adversaire : ce n'est pas le cas, les Marcheurs ont des idées à défendre, pas des adversaires à combattre. Et puis, si un débat politique fait bouger les lignes au niveau national, il ne change rien dans un scrutin local. Au contraire, il offre un spectacle souvent désolant de la confrontation politique, il dessert la cause qu'il prétend servir.

Alors, dimanche, nous continuerons, comme au premier tour, à soutenir les meilleurs contre les moins bons. L'Assemblée nationale ne pourra que mieux s'en porter. Peut-être même que les moins bons reviendront à l'admiration qu'ils doivent aux meilleurs, qu'ils sauront faire preuve d'humilité : qui sait s'ils n'en deviendront pas meilleurs ?

jeudi 15 juin 2017

Si je passais le bac philo ...



Mon choix en L (littéraire) : Tout ce que j'ai le droit de faire est-il juste ?

Compréhension de la question : ce que j'ai le droit de faire est en général juste, mais "tout" ? Reformulation de la question : la loi est-elle réductible à la morale ? Distinction à faire : le point de vue de la société, le point de vue de l'homme. Ce que la société nous permet, par la loi, est juste, c'est-à-dire dans l'intérêt de tous. En revanche, le droit peut entrer en contradiction avec l'éthique personnelle. Mais l'antagonisme est surmontable, puisque le droit n'est qu'une possibilité. La morale chrétienne condamne l'avortement, alors que le droit actuel l'autorise, mais chacun reste libre d'en user ou non. Le droit est donc juste pour celui qui fait appel à lui et n'est pas injuste aux yeux de celui qui ne s'en sert pas mais accepte qu'autrui y recourt. Nouvelle distinction : droit et devoir. Le droit définit ce qui est légal, le devoir ce qui est moralement juste.


Mon choix en ES (économique et social) : Une œuvre d'art est-elle nécessairement belle ?

Compréhension de la question : une œuvre d'art est généralement belle, mais est-ce une "nécessité" ? Erreur à éviter : arguer de la subjectivité (des goûts et des couleurs ...), qui n'est pas un argument philosophique (la question n'est pas de savoir si nous trouvons belle ou non une œuvre d'art). La réponse doit aller vers les canons de la beauté, la science de l'esthétique. Distinction possible : œuvre et chef-d'oeuvre. La première peut être ratée, médiocre, laide ; le second est nécessairement beau. Mais l'œuvre d'art peut répondre à une autre nécessité : celle de transmettre une idée. L'art sacré est beau, mais sa première nécessité est de communiquer un message religieux.


Mon choix en S (scientifique) : Peut-on se libérer de sa culture ?

Erreur à éviter : réduire la culture à l'érudition ou au bagage scolaire. Distinction nécessaire : culture familiale (éducation), culture sociale (valeurs collectives). Il est difficile de se libérer de l'une comme de l'autre, tant elles déterminent notre identité individuelle et apportent les nécessaires repères à une existence. Mais la question doit être en retour interrogée : pourquoi se libérer de sa culture ? Parce que celle-ci, en nous conditionnant, porte atteinte à notre liberté. La conclusion peut aller vers l'idée que la culture est aussi quelque chose qui s'acquière, par nos lectures, nos rencontres, nos activités : en ce sens, elle est le principal outil de notre émancipation.

mercredi 14 juin 2017

Glavany, honnête et perdu



Jean Glavany était aujourd'hui l'invité de la matinale de France Inter. C'est un homme intelligent et de longue expérience. Il a tout vu, tout connu au Parti socialiste. Je me souviens de lui, la première fois, le 10 mai 1981, juste derrière François Mitterrand, dans l'Hôtel du Vieux Morvan. Au PS, il n'est jamais entré dans le jeu un peu stupide des courants, il a su garder sa liberté (ce qui explique aussi son intelligence). C'est pourquoi il était particulièrement intéressant de l'entendre sur la crise que traverse le Parti socialiste, dont Glavany est lui aussi la victime, puisqu'il a été éliminé dès le premier tour des législatives.

J'ai été surpris, déçu : comment cet homme pertinent, compétent, expérimenté peut-il à ce point ne pas voir ce qui est en train de se passer en France ? Oh ! bien sûr, il n'est pas aveugle, il ne va pas jusqu'à nier l'évidence ou se consoler à bon compte : il reconnaît que le PS tel qu'il existe est mort, il demande à ce que ses camarades admettent et assument leur défaite, qu'ils restent dignes et même élégants dans la tourmente. Bref, Jean Glavany est un honnête homme. Qu'est-ce qui lui manque ? La compréhension de la situation. Comme si son logiciel était tellement daté qu'il n'arrivait plus à lire, à interpréter l'événement.

Ce qui était touchant dans cet entretien, c'est que Glavany ne cachait rien de son désarroi, là où d'autres auraient fait semblant. L'honnête homme a une vertu : la sincérité. Glavany était sincèrement désemparé devant une époque qui lui échappe, une société qui ne correspond plus, dans ses réactions politiques, à ce qu'il a très longtemps connu. Quand il essaie d'avancer des explications, elles ne sont pas convaincantes, trop décalées par rapport au grand chambardement qui retourne la France. Macron serait "flou" ? Non, ce n'est pas une explication.

Jean Glavany s'étonne qu'un homme comme lui, comme tant d'autres socialistes, aient pu être battus alors qu'ils sont présents, actifs, connus et appréciés de la population dans leur circonscription. Sa limite intellectuelle, c'est qu'il n'arrive pas à admettre que ces qualités personnelles comptent pour peu lorsque les Français éprouvent un profond désir de changement de la classe politique, une ouverture, un rajeunissement et un renouvellement. Glavany a 68 ans et il a exercé toutes les responsabilités qu'un homme politique peut obtenir dans notre système, de conseiller municipal à ministre. Ne comprend-t-il pas que les Français veulent tourner la page, et que c'est plutôt démocratiquement sain ?

Il y a autre chose que Jean Glavany ne saisit pas : c'est que si le PS est mort de sa belle mort, sans que personne n'ait eu besoin de le tuer, l'électorat de gauche, lui, est bien vivant, participe à la vie publique, va voter. Sa composante radicale a rallié en masse la France insoumise, sa composante réformiste, modérée se retrouve dans la République En Marche, en compagnie de progressistes venus de la droite et du centre.

Pour Jean Glavany, une nouvelle vie va commencer, sans mandats électoraux importants, pour la première fois de son existence. Pourquoi ne pas le prendre comme une chance, au lieu de le considérer comme un malheur ? Jean Glavany va pouvoir lire, voyager, réfléchir, ce qu'une vie d'élu empêche souvent de faire. Il pourra entreprendre de belles promenades méditatives dans ses Hautes-Pyrénées que j'ai bien connues. L'air de la montagne chasse le spleen, inspire de nouvelles idées. Peut-être même pourra-t-il un jour revenir à la politique (la vie est longue et il est encore jeune), mais transformé. A force de marcher, Jean Glavany s'étonnera sans doute moins de cette France en marche qu'aujourd'hui il ne comprend pas.

mardi 13 juin 2017

Le même, le neuf et l'avenir



Le résultat du premier tour des élections législatives dans la circonscription de Saint-Quentin a réservé quelques surprises en même temps que des confirmations : la droite est bien implantée, depuis 20 ans, et elle en recueille à chaque scrutin les fruits. Le Front national devient un réalité incontournable, la deuxième force politique. La part de surprise, c'est que Julien Dive fait plus que prévu et Sylvie Saillard beaucoup moins qu'on ne pouvait le craindre. Tant mieux.

A l'évidence, le paysage politique local s'organise, depuis quelques années déjà, autour de deux pôles : une majorité de droite ouverte, une opposition radicale d'extrême droite. Socialistes, communistes et écologistes sont, sans surprise, marginalisés, privés de tout espoir de jouer un rôle majeur dans les prochaines années. Et puis, il y a deux courants nouveaux qui émergent, en passant la barre significative des 10% : la France insoumise (Jean-Luc Mélenchon), qui est désormais le premier parti de gauche, vraiment représentatif, et la République En Marche (Emmanuel Macron), qui n'avait pas de candidat déclaré, mais dont les électeurs se sont reportés en partie sur Paul Gironde, qui obtient un inattendu 12%.

A Saint-Quentin, droite et extrême droite, qui s'affrontent au second tour, seront pour longtemps, à n'en pas douter, les forces dominantes. L'inconnu est du côté des insoumis et des macroniens : les uns et les autres sauront-ils faire fructifier leur capital électoral réel ? La France insoumise pâtit pour l'instant de l'amateurisme de ses responsables. La République En Marche est pénalisée par l'absence d'une candidature officielle (qui aurait très largement dépassé les 12% de Gironde).

Ces deux mouvements réussiront-ils à surmonter leurs difficultés initiales ? La FI parviendra-t-elle à rassembler ce qui reste d'une gauche traditionnelle divisée, en lambeaux ? Comment la REM va-t-elle se positionner par rapport à la droite locale, dont le leader Xavier Bertrand souhaite une "nouvelle opposition" face à Emmanuel Macron ? Les prochains scrutins permettront de répondre, principalement les élections municipales de 2020.

lundi 12 juin 2017

Mai 68 en juin 2017



Ce premier tour des élections législatives a suscité des réactions plus fortes encore que le résultat des présidentielles : vague, raz de marée, tsunami, tremblement de terre, séisme, toutes les métaphores d'une catastrophe naturelle ont été convoquées. J'essaierai d'être moins imagé et plus politique, au risque de faire un rapprochement qui paraitra osé, sinon inapproprié, mais je vous le livre tel qu'il m'est venu hier soir en regardant la télévision : nous vivons un nouveau Mai 68. Ce n'est plus l'université qui est secouée, ce sont les institutions.

Comme en Mai 68, le bouleversement est de grande ampleur, inédit, inattendu : Macron ? Un quasi inconnu il n'y a pas si longtemps. En Marche ! ? Une simple start-up parmi tant d'autres. Le feu a pris, l'incendie s'est répandu partout. Lénine le disait fort bien : il suffit d'une étincelle pour embraser la plaine. Comme en Mai 68, ce qui frappe c'est la nouveauté : le phénomène échappe à tout ce qu'on connaît.

Et puis, il y a la dimension sociologique, qui est une composante de tout mouvement de fond dans la société : en 1968, ce sont les étudiants qui sont le fer de lance du grand chambardement, aujourd'hui c'est la société civile, jusque-là largement exclue de la vie politique. Une catégorie sociale, créatrice, responsable, s'empare de la parole publique et accède au pouvoir. L'imagination au pouvoir, slogan de 1968, qui correspond à notre actuelle situation.

Comme en Mai 68, les jeunes, les femmes s'impliquent, sont au premier rang des candidatures d'En Marche ! C'est la revanche des exclus de la politique ! Comme en Mai 68, ils sont porteurs d'une contestation sociale, d'une critique du système, d'un rejet de ceux qui occupent depuis longtemps les places, qui en ont fait une sorte de chasse gardée, de contemporaines féodalités. Hier soir, les ténors les plus en vue du Parti socialiste ont été électoralement décapités, la droite a été malmenée, l'extrême droite a été freinée. Des partis implantés depuis des décennies ont été bousculés. Mai 68, c'était la mort de la SFIO, comme est mort hier sous nos yeux le PS (ces dirigeants les plus conscients en conviennent).

Le penseur et dramaturge Maurice Clavel résumait Mai 68 en le présentant comme un "soulèvement de la vie". C'est ce à quoi nous avons assisté hier soir, contre un monde politique figé, vieilli, gris, moribond. C'est le parti du mouvement qui l'a emporté, renversant tout sur son passage, et d'abord ceux qui s'accrochent à leurs anciennes certitudes, aux clivages périmés. "La France s'ennuie" : c'est ce qui s'écrivait dans Le Monde, à quelques semaines de Mai 68. 50 ans après, qu'est-ce qu'on s'emmerde dans les appareils politiques, entre notables, apparatchiks et militants bornés, dans le jus de la langue de bois et des discours mille fois entendus ! Ce que les Français ont fait exploser hier, c'est cet univers-là, conformiste jusque dans ses fausses audaces, incapable de se renouveler.

Dans l'organisation même d'En Marche ! il y a quelque chose de soixante-huitard, une sorte de joyeux bordel où chacun se retrouve, y compris quand il n'est pas d'accord. Libéral-libertaire, diront ceux qui veulent à tout prix mettre des étiquettes et qui n'ont pas compris que les Français en ont marre des étiquettes qui ne correspondent pas aux pots de confiture. En Marche ! est constitué de comités, comme Mai 68 voyait fleurir les comités d'action lycéenne, les comités Vietnam et tant d'autres. C'est la révolte de la base contre les héritiers, les installés.

Vous me direz peut-être que j'exagère. Et vous aurez raison ! En Mai 68 aussi, on exagérait beaucoup, mais c'est à ce prix que la société a changé, que de nouvelles mœurs ont vu le jour. Nous y avons collectivement gagné en liberté, en justice, en égalité. Au fait, quel était le titre de l'ouvrage d'Emmanuel Macron, publié au début de sa campagne, lorsque personne ou presque ne croyait en ses chances de succès ? Révolution ! Et quel a été l'un de ses premiers soutiens ? Dany Cohn-Bendit ! Mai 68 en juin 2017 : puisque je vous le dis ...

dimanche 11 juin 2017

Le Dernier des Mohicans



Dimanche dernier, j'écrivais que je n'aimais pas Michel Onfray (Décadence, chez Grasset). Ce dimanche, je vous dis que j'aime beaucoup Régis Debray, dont le dernier ouvrage vient de sortir (Civilisation, chez Gallimard, NRF). Non pas tant les idées que l'homme. Un passage de Debray à la télévision (lui qui apprécie si peu ce média), c'est un régal d'intelligence. Je pourrais l'écouter et le regarder pendant des heures. Régis Debray est l'un de nos derniers intellectuels, au sens premier, ancien et fort du terme. Aujourd'hui, il n'y a plus que des essayistes, des commentateurs.

L'intellectuel est celui qui pense en parlant, qui énonce lentement ses idées, qui cherche ses mots et qui finit par trouver les plus justes : c'est cet effort-là que nous donne à voir Debray dans ses interventions publiques. Il n'essaie pas de plaire, il ne colle pas à son époque. S'exprimer correctement, penser par soi-même sont devenus rares au milieu du conformisme ambiant. Régis Debray, c'est l'intellectuel tel qu'on le rêvait et l'admirait autrefois : normalien, agrégé de philosophie, homme d'action, compagnon de Che Guevara, emprisonné, condamné à mort, libéré, conseiller du prince (François Mitterrand), ne renonçant jamais à être un esprit libre, et surtout à penser, à écrire. Non, plus personne ne correspond à cette figure-là aujourd'hui.

Et ses idées ? Elles sont éblouissantes, pertinentes mais je ne les partage pas vraiment. Je comprends son antiaméricanisme, j'ai un peu de mal à y adhérer. De fait, la civilisation américaine domine la planète : et alors ? Demain, ce sera la Chine, l'Inde ou le Brésil, comme autrefois Rome, l'Angleterre et la France ont constitué des empires, ont exercé pendant un temps une influence culturelle : et après ? Je suis allé plusieurs fois aux Etats-Unis, je préfère le McDo au bistro, je mets le cinéma américain bien au dessus du cinéma français : question de goût, tout simplement. Plein de choses me rebute, m'irrite dans la société américaine, mais l'antiaméricanisme m'a toujours semblé une impasse, une idiotie.

Comment nous sommes devenus américains : c'est le sous-titre de l'ouvrage de Régis Debray. Il défend brillamment sa thèse, il a totalement raison. Mais suffit-il d'avoir raison ? L'américanisation de nos mœurs est très ancienne, et elle ira encore en s'accélérant, dans les prochaines années et décennies. Debray fait remonter le phénomène à la Première guerre mondiale ; moi, beaucoup plus loin, en 1826, quand est paru en Europe le roman de Fenimore Cooper, Le Dernier des Mohicans, qui a connu un succès populaire fulgurant. On y raconte la fin de la civilisation indienne et le début de la civilisation américaine.

C'est la particularité de cette culture outre-atlantique : elle se vit entre décadence et conquête. Combien de temps durera-t-elle ? Je n'en sais rien, et c'est sans importance, mais je crois qu'elle a encore de beaux jours devant elle, tant on a régulièrement prédit par le passé sa disparition (qui finira par arriver !). En attendant, le Dernier des Mohicans, et si c'était lui, Régis Debray ? Je suis sûr qu'il serait fier de la comparaison.

samedi 10 juin 2017

Rappel des principes démocratiques



A la veille du premier tour des élections législatives, deux inquiétudes se font jour, qui ne sont pas directement politiques (sinon, je n'en parlerais pas, comme le veulent la règle et la tradition de neutralité à 24 heures d'un scrutin), mais qui portent sur le bon fonctionnement de notre démocratie : le taux de participation qu'on annonce très faible, inférieur en tout cas aux élections précédentes de même type ; la majorité écrasante que prédisent les sondages à La République En Marche. Dans l'un et l'autre cas, plusieurs commentaires y voient un problème posé à la démocratie. Je ne pense pas que ce soit le cas.

D'abord, d'un point de vue général, nous avons le tort d'anticiper sur les résultats, accordant foi aux sondages. Je respecte le travail de ces instituts, mais on ne peut pas considérer leurs pronostics comme des résultats. Toute réflexion qui s'appuie sur ces projections est nulle et non avenue. Lors de la dernière présidentielle, un faible taux de participation était annoncé : ça n'a finalement pas été le cas. Il est impératif, en démocratie, de laisser la décision entre les mains des citoyens et de ne pas la préempter. Bien sûr, chacun reste libre de faire ses estimations. Mais on ne peut en tirer aucune conclusion certaine.

Ensuite, la participation à une élection, quelle que soit son ampleur, n'invalide pas ni n'affaiblit la légitimité des élus. Elle ne pose aucun problème en droit constitutionnel. Politiquement, il faut en tirer des leçons, mais juridiquement le suffrage universel s'est exprimé, et c'est l'essentiel. Aux Etats-Unis d'Amérique, dont la démocratie est plus ancienne et plus solide que la nôtre (ce pays ne souffre pas d'un millénaire derrière lui de culture et d'institutions monarchiques), la moitié des électeurs, depuis longtemps, ne participent pas à l'élection présidentielle : jamais il ne viendrait à l'idée d'un américain que ce retrait puisse poser problème.

Nous nous faisons en France une idée fausse du devoir électoral. Ce n'est ni une obligation, ni une contrainte. Certains de nos concitoyens, certes très minoritaires, sont d'opinions monarchistes ou anarchistes, qui leur font s'abstenir de participer au système électoral : la République, dans sa grande mansuétude, ne leur en fait pas le reproche. Un nombre plus important de nos concitoyens ne voient pas l'intérêt d'aller aux urnes : je pense qu'ils ont tort, qu'ils donnent un mauvais exemple mais je respecte leur position. Voter n'est pas un devoir d'ordre moral, mais civique. C'est un devoir ET un droit. C'est d'abord un droit, qu'on a la liberté d'utiliser ou pas (c'est le principe du droit). Ce n'est ensuite un devoir que pour ceux qui se sentent impliqués, concernés.

Voilà pourquoi un faible taux de participation n'est pas problématique, encore moins dramatique, quoiqu'il ne soit pas évidemment souhaitable. C'est aussi pourquoi le résultat d'une élection ne vaut que par rapport aux suffrages exprimés, pas par rapport aux électeurs inscrits. Les abstentionnistes se mettent d'eux-mêmes hors-jeu : ils se retranchent volontairement du corps électoral, qui ne prend tout son sens que lorsqu'il se mobilise, pas quand il reste passif chez lui.

Enfin, une forte majorité parlementaire nuit-elle à la démocratie ? Drôle de question, mais l'actualité oblige d'y répondre. J'ai entendu employer les mots de "parti unique" et même de "dictature", au cas où La République En Marche obtiendrait une majorité écrasante. Ces réactions sont ahurissantes. La démocratie repose sur le choix du peuple. Si celui-ci est ultra-majoritaire, où est le problème ? Nulle part ! Tant mieux si le suffrage universel est clair, net et massif : la démocratie ne peut au contraire que mieux s'en porter.

Certains craignent une absence d'opposition. Mais non ! La démocratie ne fonctionne pas à l'unanimité, mais au principe majoritaire, qui implique ipso facto une opposition, qui aura toute latitude pour s'exprimer, résister, contester, qu'elle soit nombreuse ou pas. Relative, absolue ou écrasante, une majorité est une majorité, c'est-à-dire l'expression de la volonté générale. Vouloir lui assigner un certain pourcentage, des limites considérées comme raisonnables n'a strictement aucun sens. Il y a un mois, on ne craignait pas une trop forte majorité présidentielle, mais au contraire une trop faible, qui aurait empêché le président de la République de gouverner !

Il est malheureux d'avoir à rappeler des principes démocratiques de base, dont aucun républicain ne devrait douter. Mais ceux qui les remettent en cause ou ne les comprennent pas s'inquiètent sans doute moins pour la République que pour eux-mêmes.

vendredi 9 juin 2017

Dive et Pincherelle à la loupe



A l'heure qu'il est (vendredi, 16h00), je n'ai pas encore reçu par la Poste les professions de foi des candidats aux législatives. Certes, mon choix est fait depuis quelques semaines. Mais j'aime lire, dans le détail, les documents politiques, et il est toujours bon qu'un choix soit confirmé ... ou modifié. Pincherelle et Dive sont mes deux votes possibles : parce que j'ai toujours voté socialiste (mais une habitude n'est pas un argument), parce que le mouvement auquel j'appartiens, La République En Marche, a marqué sa préférence en faveur de Dive (mais une décision nationale n'est pas non plus un argument absolu).

J'ai devant moi deux brochures, distribuées par Les Républicains et le Parti socialiste, qui ne sont sans doute pas très éloignées de leurs professions de foi. Ma lecture attentive s'est basée sur un critère : quels sont, dans ces deux documents, les points d'hostilité à Emmanuel Macron, sachant qu'aucun de ces deux candidats n'affichent une franche et claire opposition au projet du nouveau président de la République ? Chez l'un et chez l'autre, on peut même trouver plusieurs convergences. Les divergences seuls m'intéressent ici, pour confirmer ou modifier mon choix initial. C'est donc à la loupe, en s'astreignant à un décryptage qu'on peut répondre à cette question, qui est celle de tout électeur macronien.

Commençons par Julien Dive (LR). Je ne vois, dans ses pages, qu'un point précis en contradiction avec ce que veut Emmanuel Macron : la hausse de la CSG, dont le nouveau président se sert pour financer son projet (que je ne rappelle pas, l'ayant déjà évoqué dans un précédent et récent billet). Je cite Dive : "Je ne suis pas favorable à tout artifice qui ferait perdre du pouvoir d'achat aux retraités. La hausse de la CSG n'est pas une solution". Pour le reste, le candidat LR fait plusieurs propositions qui ne sont pas dans le programme de Macron, mais qui ne s'y opposent pas. Sur d'autres points, il y a des différences, des nuances, pas d'antagonismes.

Passons à Karl Pincherelle (PS). Il rappelle qu'il a voté Macron contre Le Pen au second tour de la présidentielle, il se définit comme social-démocrate. A mes yeux, ce sont des points positifs. Une phrase résume son attitude à l'égard du nouveau pouvoir : "Avec ce quinquennat qui s'ouvre, des oppositions demeurent, des majorités de projet existent". Jusque-là, ce positionnement me convient : Pincherelle va beaucoup plus loin en direction de Macron que ne le fait Dive.

Mais nous restons encore au niveau des intentions, des principes généraux, qui ne sont certes pas à négliger ; mais ce sont, en politique, les engagements précis qui valent. Et c'est là où Pincherelle s'éloigne de Macron, en une seule phrase (tout le reste est plus ou moins compatible) : "Elu député, je combattrai les affaiblissements du code du travail, l'augmentation de la CSG ou encore la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires", soit trois engagements d'Emmanuel Macron (que le président ne formule évidemment pas ainsi).

Ma lecture a donc confirmé grosso modo mon premier choix de vote, qui reste relatif, conditionnel, en l'absence de candidature LRM. A vous maintenant, électeurs macroniens, d'arrêter le vôtre. Mais n'oubliez pas de prendre votre loupe.

jeudi 8 juin 2017

Une réflexion de Michel Magniez



Michel Magniez, candidat EELV/PCF dans la deuxième circonscription de l'Aisne, m'a adressé la réflexion suivante, que je vous livre :



Saint-Quentin, le 07 juin 2017

Cher Emmanuel,

Dans ton billet du mercredi 31 mai, intitulé « Les candidats face à leur vérité », tu adresses des questions pertinentes à trois candidats aux élections législatives, en particulier au sujet de l’absence de candidat officiellement investi par « La République en Marche » dans notre circonscription. Deux jours auparavant, tu proposais également à l’un de ces candidats de te répondre publiquement, suite à tes remarques concernant une lettre ouverte qu’il avait diffusée. J’ignore à l’heure actuelle si les uns et les autres t’ont répondu, mais je voudrais te faire part brièvement de mes analyses à ce sujet.

L’absence de candidat officiellement investi par « La République en Marche » crée assurément un manque dans l’offre électorale pour cette échéance. Chacun a bien conscience qu’il s’agit d’un choix réfléchi de la part de ce mouvement, mais il est vrai que cette absence interroge. Certes, les explications qui ont été données en local à cet égard sont claires, mais elles ne satisfont pas un certain nombre d’électeurs, qui préfèreront donc se tourner les uns et les autres vers différents candidats.

A cela, il me semble qu’il faut ajouter une autre donnée : l’effacement absolu et incompréhensible de la candidate de la France Insoumise dans notre circonscription, qui ne mène pas campagne, et qui a même refusé de participer au grand débat organisé par la presse locale à Gauchy, auquel elle était invitée. Cette candidate, qui n’a pas rédigé un mot de sa profession de foi, ne défend aucunement le programme de son mouvement, et son absence est dommageable aussi bien pour la vie démocratique que pour ses propres militants, qui sont totalement laissés à eux-mêmes.

Ainsi, je pense qu’entre l’élection présidentielle et les législatives, les cartes vont être totalement rebattues dans notre circonscription. Les électeurs d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle, qui représentaient près de 40% des votants le 23 avril 2017, ont tout loisir de soutenir à présent le candidat ou la candidate dont le programme leur semble le mieux convenir à leurs aspirations.

De ce point de vue, le grand nombre de candidats à cette élection dans notre circonscription (13 prétendants, au lieu de 10 dans chacune des autres circonscriptions de l’Aisne) peut être une chance. D’une part, je ne crois pas qu’un-e candidat-e en particulier puisse se revendiquer seul-e de la majorité présidentielle, qui sera, comme on le voit déjà, multiple et diverse. D’autre part, je ne pense pas non plus que les électeurs de Jean-Luc Mélenchon se laisseront abuser par une candidature erronée, qui n’est pas à la hauteur des espoirs que ce mouvement a pu susciter. Le choix libre et éclairé des électeurs devra donc se faire en conscience, vers les candidats qui sont selon eux les plus à même de proposer des solutions au niveau national pour répondre à leurs problèmes.

Et dans cette situation où les partis se fracturent et où la société se divise, comment faire pour retrouver davantage d’unité et défendre des valeurs en commun ? Il me semble que l’écologie peut constituer l’axe majeur d’une future alliance à venir, ouverte à toute la gauche parlementaire, dans sa diversité. Le temps n’est plus aux querelles de chapelle, mais aux initiatives communes : défendre l’écologie et la solidarité, cela ne peut se faire que dans un vaste mouvement d’ensemble, ouvert à tous, et en particulier aux citoyens non-encartés dans des partis, membres de ce que l’on appelle « la vie civile ».

L’écologie est ainsi le trait d’union qui relie indéniablement des personnalités aussi diverses que Nicolas Hulot, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Il y a en France une véritable demande d’écologie et de justice sociale : les responsables politiques doivent entendre cette double demande et s’appliquer à la réaliser, aux niveaux national, régional et local.

Avec mes salutations les plus cordiales, et avec beaucoup de reconnaissance pour ton engagement personnel et constant,

Michel.

mardi 6 juin 2017

La politique peut rendre dingue



Alors, ce débat des candidats, à Gauchy, samedi ? Je ne sais pas trop, n'ayant pu hélas m'y rendre. J'en reste donc à réagir aux articles de presse, parus aujourd'hui. Le jugement du Courrier picard ne donne pas très envie : "Un peu de fond, beaucoup de postures". Un gagnant ? Oui, semble-t-il : Michel Magniez (EELV-PCF), "qui s'est démarqué" (déjà, l'an dernier, à la législative partielle). Julien Dive (LR) est ramené à Xavier Bertrand et Karl Pincherelle (PS), qui "n'a pas vraiment percé", à sa méconnaissance de la circonscription. Deux perdants : Paul Gironde (sans étiquette) et Jean-Christophe Seube (DLF), qui "ont eu du mal à s'imposer".

Deux déclarations plutôt surprenantes : Corinne Bécourt (PCF) propose de nationaliser les grandes surfaces. Cora, Auchan et Leclerc magasins d'Etat, comme dans l'ancienne URSS ? Paul Gironde s'en prend à Xavier Bertrand, dont "l'emprise politique est omniprésente" : qu'est-ce que le président de l'Agglo va penser de son vice-président ?

Le sort n'a pas souri à Corinne, qui s'est retrouvée placée à côté de Sylvie Saillard-Meunier (FN). Du coup, la communiste rebelle s'est éloignée d'un mètre. Mais qu'est-ce que ça change ? Pendant tout le débat, elle a traitée la frontiste de "bourgeoise". C'est plutôt gentil : elle aurait pu la qualifier de "raciste" ou de "fasciste", ce qui aurait été beaucoup plus méchant. Saillard-Meunier a déclaré que le FN n'avait rien contre les étrangers, "bien au contraire". Au point de leur ouvrir les portes ?

Le débat a commencé sur l'absence de candidat d'En Marche ! , une absence qui n'aura jamais tant fait parler : arrangement, combinaison, marché de dupes. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? La vérité, c'est que En Marche ! a demandé à Julien Dive d'être son candidat, qu'il a refusé, qu'à partir de là EM n'a investi aucun candidat. Voilà, c'est tout, c'est simple. Après, on peut être pour ou contre, mais nul arrangement, combinaison ou marché de dupes. Il n'empêche que le renouvellement de la vie politique a du mal à passer par Saint-Quentin, quand on entend les réactions des uns et des autres.

A la fin, selon le Courrier picard, EELV et PCF historique se sont engueulés. Conclusion : "La politique peut rendre dingue". Je confirme. Résultat des courses : dimanche soir, à l'issue du premier tour.

lundi 5 juin 2017

Je n'aime pas Michel Onfray




Michel Onfray est un philosophe qui plait. Ses livres font de grosses ventes, ses passages à la télévision sont fréquents. Cette semaine, il est à la une de L'Obs, de Valeurs Actuelles et du Point. Michel Onfray plait donc à la gauche, à la droite, à un peu tout le monde. BHL, médiatique lui aussi, a souffert de régulières et violentes critiques, jusqu'à se faire entartrer. Ce n'est pas Onfray qui subirait une telle humiliation. Pourquoi Michel Onfray est-il autant aimé ? Pourquoi est-ce que je n'aime pas Michel Onfray ?

D'abord parce qu'il n'est pas vraiment philosophe. Penseur, essayiste, intellectuel, assurément. Professeur de philosophie, oui, pendant 20 ans, dans un lycée privé catholique. Mais philosophe, techniquement non. Un philosophe est un inventeur de concepts, en charge de comprendre le monde. Pouvez-vous me citer un seul concept qu'Onfray aurait créé ? Non. Le constat n'enlève rien à la qualité et à l'intérêt de sa pensée, mais le fait est là. Onfray est un polygraphe furieux, un polémiste de talent, auteur de plus de 80 ouvrages, d'une grande diversité, dans lesquels on retrouve les mêmes obsessions, mais pas une unité ni un progrès conceptuels.

Son ouvrage le plus abouti pour l'instant, "Cosmos", paru en 2015, est à l'image de ce foisonnement. On y trouve un peu de tout, comme à la Samaritaine : l'œnologie, les tsiganes, les anguilles, la zoophilie et j'en passe ... L'érudition impressionne, mais la compilation de notes inquiète. Les références sont nombreuses, mais peu précises. La forme est donc contestable. Le reproche serait encore mince s'il n'y avait le fond : la pensée de Michel Onfray est littéralement effroyable.

C'est d'abord une pensée de mort, mortelle, morbide, mortifère. "Cosmos" commence par une préface intitulée : "La mort. Le cosmos nous réunira". Son dernier livre, "Décadence", est sous-titré : "Vie et mort du judéo-christianisme", et sa préface : "Métaphysique des ruines. Même la mort meurt". Mort et néant sont les mots qui reviennent constamment dans ces deux ouvrages d'Onfray. Voilà l'ultime phrase de la conclusion dans "Décadence" : "Le néant est toujours certain". Pensée de la mort, pensée du néant, pensée effroyable pour moi, qui me situe du côté des philosophies de la vie, pas de la mort.

Il y a pire qu'une pensée de mort : c'est une pensée du mal, une pensée luciférienne. Je ne force pas le trait : il faut lire le chapitre 2, dans la deuxième partie de "Cosmos". Il s'intitule "Philosophie de l'anguille lucifuge", il défend une vision de l'homme abominable. Michel Onfray est fasciné par le noir et gluant animal. Pour lui, nous ne sommes évidemment pas des fils et des filles d'Eve, mais du serpent. L'homme descend moins du singe qu'il ne remonte de la vase. Onfray, c'est une esthétique de la laideur et du dégoût. Sa philosophie se ramène à la biologie : "Le programme du vivant : naître pour mourir, s'activer pour réaliser le plan de la nature et mourir, se croire libre, se dire libre, tout en avançant en aveugle dans la vie qui nous veut plus que nous ne la voulons et mourir" ("Cosmos", édition de poche, page 220).

Michel Onfray ne croit pas en la liberté, mais en la puissance. Il voit l'homme en prédateur, comme n'importe quel autre animal. Son monde est fait de ténèbres et de démons. Cet étrange matérialiste accorde une part prépondérante à la religion dans le développement des civilisations. Il affirme que Jésus n'a jamais existé (aucun historien ne soutient sérieusement cette thèse), il prétend que saint Paul était un impuissant sexuel (page 68 de "Décadence"), il rapproche le christianisme et le nazisme, parce Hitler cite, dans Mein Kampf, l'évangile des marchands du Temple, que le philosophe traduit par cette formule consternante : "Le fouet du Christ deviendra chambre à gaz" (page 475).

La pensée de Michel Onfray est souvent obscène, indécente, voyeuriste. Il jouit d'une sorte de description maladive du réel, se complait dans ce qu'il condamne, nous assène des détails inutiles. Un sommet est sans doute atteint dans "Cosmos", lorsqu'il s'épanche sur la perversion zoophile : "Un homme qui sodomise une poule, déchire son orifice, puis la décapite pour ressentir la contraction de son anus autour de son sexe équivaut d'un point de vue éthique à l'éleveur industriel promoteur d'un élevage en batterie" (pages 376-377). L'écriture n'est pas innocente : cette seule phrase m'interdit d'aimer Michel Onfray, l'homme et sa pensée.

Je n'aime pas Michel Onfray, je viens de résumer trop brièvement pourquoi. Mais pourquoi tant de gens l'aiment, le lisent, l'écoutent, le suivent ? Parce que Michel Onfray est de notre époque, il en est le miroir parfait, il répond complètement aux aspirations de l'homme d'aujourd'hui. Je me sens beaucoup moins de notre temps que lui. Il aime tout ce que le monde aime, tout ce qui est à la mode : l'œnologie, les haïkus, le land art, la préhistoire, le chamanisme, la vie à la campagne ... Surtout, Onfray est le penseur de la radicalité, du rejet, du ressentiment : il n'aime pas le judéo-christianisme, la Révolution française, le marxisme, Mai 68, Sigmund Freud, le surréalisme ... A une époque où l'on déteste les élites, Onfray déboulonne les idoles, et plait.

Michel Onfray donne à l'individualisme contemporain ses lettres de noblesse et son assise philosophique. Ce sont les dernières lignes de "Cosmos" : "Avec cette poignée de maximes existentielles qui constituent un mode d'emploi de soi avec soi et pour soi, sans qu'il soit question d'autrui, il s'agit de permettre à chacun de se mettre au centre de lui-même - tout en sachant que le cosmos s'y trouve déjà". Avec Onfray, le moi actuel s'élargit aux dimensions de l'univers, dans un autisme métaphysique parfait : étonnez-vous que l'homme d'aujourd'hui accourt aux conférences de Michel Onfray et dévore ses gros ouvrages !

Le moi, le monde : reste à déloger Dieu, l'ennemi absolu aux yeux de Michel Onfray. Depuis longtemps déjà, la plupart des intellectuels français sont athées. Mais Onfray est plus que cela : athéologue, selon son néologisme (le "Traité d'athéologie", en 2005, est sa meilleure vente, 300 000 exemplaires !). Il ne se contente pas de ne pas croire en Dieu, il le combat, et tous les dieux de toutes les religions, qu'il veut chasser du monde. Ce n'est pas tant leur inexistence qui le préoccupe que leur danger. De ce point de vue, Michel Onfray colle parfaitement à la société française, où 60% des gens se disent athées, et 6% seulement pratiquent le culte catholique. Onfray est le tout premier penseur de la société sans Dieu(x), de l'effondrement de la religion.

C'est d'ailleurs un tournant historique : jamais l'humanité jusqu'à présent n'avait pu se passer de religion ; elle croyait plus ou moins en l'existence d'un autre monde, d'une transcendance, de forces surnaturelles qui la dépassent. C'est terminé : l'homme ne croit plus qu'en lui-même et Michel Onfray lui donne totalement raison. Pourquoi ne voudriez-vous pas aimer un tel penseur, en sympathie avec ce que nous sommes devenus ?

Je vous recommande vivement d'acheter, de lire, d'écouter Michel Onfray. Il est intelligent, intéressant, parfois passionnant. Et peut-être qu'à force de le lire ou de l'écouter, vous cesserez, comme moi, de l'aimer. C'est en tout cas ce que je vous souhaite.

dimanche 4 juin 2017

Paris en révolution





La traditionnelle visite d'un quartier de Paris,  en compagnie des étudiants de l'UTL de Cambrai (voir, à la même date, les billets des précédentes années), a porté hier sur le Louvre, les Tuileries et la Révolution française, avec deux incursions dans l'art contemporain : la pyramide de Pei et les colonnes de Buren, qui ont l'une et l'autre déclenchées d'incroyables polémiques il y a 30 ans, à la fois esthétiques, juridiques, politiques et idéologiques. Aujourd'hui, le temps a fait son œuvre : on vient les admirer de France et du monde entier.

Au Palais Royal, j'ai fait mon révolutionnaire, monté sur un banc, une invisible épée à la main, un pistolet dans l'autre, haranguant mon public mais aussi les passants surpris de voir et d'entendre Camille Desmoulins presque en personne, lancer en ce lieu le départ de la prise de la Bastille, qui commença vraiment ce 12 juillet 1789, par l'appel aux armes du jeune Guisard. Non loin est mort Fragonard, d'une mort délicieuse et enviable, en dégustant une glace. Plus loin encore, une dame, le 13 juillet 1793, est venue acheter dans l'une des boutiques un couteau de cuisine, non pour éplucher des patates, mais pour tuer Marat dans sa baignoire, qu'immortalisa David.

Sorti du Palais, le groupe a prestement remonté la rue Saint-Honoré, jusqu'à l'appartement d'Olympe de Gouges, où je suis cette fois devenu femme (j'ai des talents de transformiste, mais seulement en cette occasion), proclamant quelques extraits de l'étonnante Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, rédigée en 1791, et encore plus étonnamment dédiée, par cette révolutionnaire féministe avant l'heure, à la reine Marie-Antoinette. Les dames m'ont fort applaudi.

Sur les marches de l'église Saint-Roch, nos pensées sont retournées à Fragonard et sa malheureuse glace, puisque le peintre est inhumé dans ces murs. Mais c'est un souvenir plus terrible qui nous a émus : le 5 octobre 1794, un jeune militaire prouvait à la République qu'elle pouvait compter sur ses services, en écrasant une émeute royaliste et faisant 200 morts. L'homme a eu par la suite un belle carrière politique. Pour l'heure, il ne s'appelait encore que Bonaparte.

Au 209 de la rue Saint-Honoré, un autre personnage aura marqué son temps, tout aussi efficacement, mais plus discrètement : le docteur Guillotin, qui inventa la machine de mort dressée dans le quartier, place de la Concorde. Sa rue voyait passer les charrettes qui transportaient les condamnés. Le médecin avait sous ses yeux et ses fenêtres le résultat de son ingéniosité. Comme Bonaparte et quelques autres, il prétendait travailler pour le bien de l'Humanité.

Nous avons bifurqué rue du 29-Juillet pour rejoindre les jardins des Tuileries. Devant le grand bassin, je me suis fait une tête de Robespierre. Le 8 juin (une journée importante pour moi) 1794, l'Incorruptible a présidé dans ce bucolique décor à la gigantesque fête de l'Etre suprême (qui n'était pas lui, sans qu'on sache trop bien qui). J'ai lu un intéressant discours de cet apprenti philosophe, qui explique que la morale ne peut tenir sans la religion, qu'il ne faut s'en prendre au culte établi (nous sommes en pleine déchristianisation) qu'avec prudence.

Nous avons terminé la révolutionnaire promenade par où nous l'avions commencée : la fameuse pyramide, où le car pour l'Aisne nous attendait. Sur la route du retour, comme chaque année, j'ai soumis les étudiants à un questionnaire, pour rafraichir les mémoires. Xavière a gagné, 8 bonnes réponses sur 10. Bravo, et vive Paris, et vive la Révolution !


En vignette : ça ne se voit pas, mais je suis sur une colonne de Buren, lisant l'article de Roger Peyrefitte, paru dans le Figaro du 15 mai 1986. L'écrivain se rend au Palais Royal pour dénigrer, il en revient séduit, convaincu, converti ... et le dit !

vendredi 2 juin 2017

Macron, président du monde



Donald Trump la joue prolo contre bobo. L'écologie, ce n'est pas son truc, mais le travail. Comme si les deux n'étaient pas liés : ce n'est pas la vieille industrie qui va créer de l'emploi, c'est l'économie verte. Mais qu'en sait l'affairiste et ancien animateur de télé-réalité ? Il a une réaction vieille comme le monde : devant les difficultés, se replier sur soi. Le président américain nous fait croire qu'en quelques semaines de mandat, grâce à lui, tout va déjà beaucoup mieux : n'importe quoi !

En quelques mots, Trump a effacé plusieurs années de négociations, la mobilisation de milliers d'experts, de chercheurs et l'accord d'une majorité d'Etats à travers le monde. Mais il s'en fout : seul compte son instinct de bête politique. L'écologie, c'est l'unique idée nouvelle du XXIème siècle, le défi à relever. Le monde court à sa perte, la planète épuise ses ressources, l'humanité se détruit dans l'hyperconsommation, les premières victimes sont les peuples les plus pauvres. Les Etats-Unis d'Amérique ont une énorme responsabilité dans l'exportation à travers la planète de ce modèle consumériste et productiviste. Trump s'en moque.

Quel contraste donné hier soir par Emmanuel Macron ! Réaction rapide, ciblée, responsable : pas question de désespérer, ni surtout de renégocier quoi que ce soit. Nous les connaissons bien, en France, en Europe, outre-Atlantique ou ailleurs, les adeptes du plan B : ils cassent tout, Europe ou accords de Paris, nous laissent croire que ce n'est pas grave, qu'il y aura bien un plan B. Non, en politique, il n'y a jamais de plan B !

Macron a lancé un appel assez crâne aux Américains, pour qu'ils viennent s'installer en France : il fallait oser. Et puis, il y a ce second discours, le même, dans un anglais parfait. Je n'ai jamais vu ça (et l'appel aux Américains, et l'anglais parfait !). Nous connaissions les citoyens du monde, ceux qui voient un peu plus loin que leurs frontières nationales. Il y a désormais un président du monde, et c'est le nôtre !