lundi 31 octobre 2016

La gauche la plus bête du monde ?



Manuel Valls, en Côte d'Ivoire, est revenu, à mots voilés, sur le rappel à l'ordre de Stéphane Le Foll : le patron, c'est Hollande ! La mise en garde s'adressait bien sûr au Premier ministre, qui avait, la semaine dernière, affiché ses distances à l'égard de François Hollande. L'épisode justifie le départ d'Emmanuel Macron du gouvernement : quand on veut défendre ses propres idées, il faut choisir l'autonomie (voir billet d'hier). Sinon, c'est la juste discipline gouvernementale qui s'impose : Valls à Matignon est "l'obligé" du président. Il ne peut pas se permettre le moindre écart sans provoquer une crise au sommet. Présidentiable, il l'est sans doute, mais sa position officielle lui rend la tâche difficile, sinon impossible en l'état.

Hier, en Côte d'Ivoire, le Premier ministre, quoique à l'étranger, a tenu des propos forts sur la vie intérieure française. Pour dénoncer les divisions de la gauche, il a eu cette phrase assassine : "Nous ne sommes pas dans une cour de récréation, pas dans un bac à sable". Cette infantilisation du débat public ne me convient pas, parce qu'il ne correspond pas à la réalité. On pensera ce qu'on voudra de Montebourg, Macron, Hamon et quelques autres, chacun aura sa préférence, mais en aucun cas le débat entre eux n'est indigne ou purement conflictuel : il dessine au contraire des lignes de fractures politiques et idéologiques réelles. Que cela pose un problème à la gauche en termes d'unité et de victoire, c'est certain, et Manuel Valls a raison de le rappeler. Mais il n'est pas juste de rabaisser ces divisions à des querelles d'enfants, pour s'amuser.

Manuel Valls a eu cette phrase encore plus terrible : "la gauche française peut devenir la plus bête du monde". C'est la reprise d'une formule en vogue dans les années 70 et 80, mais appliquée alors à la droite, qui avait peu d'idées à proposer, qui était à ce point divisée qu'elle jouait contre elle-même. Oui, la gauche actuelle peut connaître cette dérive morbide. C'est toute la question, si difficile en politique, de l'intelligence collective. Mais je crois que certaines protections existent. Il y a 30 ou 40 ans, la droite française souffrait d'un manque d'idées ; à gauche aujourd'hui, de Montebourg à Macron, c'est plutôt le trop plein, car on ne peut pas dire que ces deux hommes, et quelques autres, manquent de réflexion. Le vrai problème, et Valls l'a souligné hier, c'est l'esprit de "responsabilité" : le moment venu, tous ces leaders si différents sauront-ils se réunir, prendre conscience des enjeux, faire des choix communs ? C'est le proche avenir qui le dira, mais il n'y a pas à désespérer.

Enfin, Manuel Valls a posé la question à un million d'euros : "Qui peut rassembler ?" en pensant très fort à lui. Pourquoi pas, mais d'autres, précédemment nommés, pensent aussi très fort qu'ils seraient les mieux à même de "rassembler". Alors, on fait quoi ? Eternelle question politique ... Ma réponse : il est trop tôt pour répondre, ce ne sont pas les hommes qui décident, mais les circonstances et les événements. La droite va choisir son candidat, le président de la République se prononcera en décembre, la primaire de la gauche aura lieu en janvier, le premier tour de la présidentielle est en avril. C'est trois mois avant que tout s'éclaircira, comme à chaque scrutin présidentiel. C'est à ce moment-là que nous saurons si la gauche française est la plus bête du monde ou pas.

dimanche 30 octobre 2016

L'héritier, l'alternatif et l'autonome



Un livre qui menace l'avenir du chef de l'Etat, compromet sa candidature présidentielle, perturbe ses propres partisans, c'est du jamais vu. François Hollande peut-il surmonter cette épreuve ? Il en a vu d'autres ... Qu'en restera-t-il dans quelques semaines ? Quel événement aura chassé l'événement ? Un récent sondage donnait 5% de Français satisfaits de la politique gouvernementale (j'en suis, même si, macronien, j'aimerais qu'Hollande aille plus loin). Mais quel homme ou quel bilan politiques satisfont aujourd'hui nos compatriotes, à part les morts et le souvenir qu'ils laissent, qui ont toujours la cote, puisqu'on ne les reverra plus ? Les hollandais qui arguent des 3% de départ du candidat Hollande en 2011 pourtant se trompent : comparaison n'est jamais raison, un candidat qui veut être président n'est pas analogue à un président qui veut redevenir candidat.

En attendant, trois autres candidats sont, officiellement ou non, sur la ligne de départ : Valls, Montebourg et Macron. Trois stratégies différentes :

1- la stratégie légitimiste. Manuels Valls se prépare à être candidat à la présidentielle, si François Hollande ne l'est pas. C'est la stratégie de la continuité, du passage de relais, de l'héritage et de l'héritier. Elle a pour elle la fidélité et la cohérence : soutien au président, défense de sa politique. Sa position de Premier ministre le conduit à cette stratégie. Mais elle a contre elle d'être conditionnelle. C'est Rocard en 1980, qui tient à être candidat, à condition que Mitterrand ne le soit pas. On a vu la suite ... La politique ne se fait pas sous condition, mais à partir de choix. Et puis, Valls candidat à la place et à la suite de Hollande, adoubé par lui, il y aura un transfert d'impopularité. De toute façon, je n'y crois pas : Hollande sera candidat, il n'a rien à perdre et tout homme politique tient à défendre son bilan, en espérant gagner. Alors, en cas d'échec, Valls sera marginalisé et retrouvera, au sein du Parti socialiste, l'influence très restreinte du social-libéralisme.

2- La stratégie alternative. C'est celle d'Arnaud Montebourg, en rupture avec la politique gouvernementale. C'est une stratégie de la différenciation. Elle serait crédible et payante si Montebourg n'avait pas participé au gouvernement, n'était pas impliqué dans ses choix initiaux, qui n'ont pas fondamentalement variés. D'autant que Montebourg n'est pas parti de son propre chef, sur un désaccord précis, mais a été congédié pour une bourde vinicole. Le pire de cette stratégie est de s'inscrire dans la procédure des primaires. Montebourg a pourtant hésité, et ce doute est en soi révélateur. Participer à la primaire, c'est s'engager à soutenir le gagnant : si c'est Hollande, nous savons bien que Montebourg ne fera pas campagne pour lui, puisqu'il condamne désormais sa politique. Et si c'est Montebourg qui l'emporte, imagine-t-on le chef de l'Etat se ranger à ses côtés ? C'est complètement farfelu. La vérité, c'est que les primaires socialistes, qui étaient la dernière fois une machine à gagner, sont devenues cette fois une machine à perdre. Quand Hollande devra s'expliquer avec ses pires contradicteurs après la droite, Filoche et Lienemann, la séquence sera forcément surréaliste et contre-productive pour la gauche.

3- La stratégie autonome. C'est celle dans laquelle Emmanuel Macron a décidé de s'engager. Il est le seul maître de son calendrier, il n'assortit sa candidature d'aucune condition, il ne dépend de personne. Sa ligne directrice, ce sont les convictions. Macron ne se définit pas par rapport au gouvernement ou au Parti socialiste, mais par rapport à son projet. Il n'est pas dans la réaction et le calcul, mais dans la proposition et l'action. Il ne s'agit pas pour lui de s'opposer au gouvernement (Montebourg) ou de reprendre sa politique (Valls), mais de montrer qu'on peut aller beaucoup plus loin à partir de ce qui a déjà été fait. Je crois que c'est la stratégie la plus favorable, tournée vers l'avenir (indépendamment des idées défendues par Macron, qu'on partage ou pas). Elle a pourtant, elle aussi, ses limites et ses difficultés : le risque de l'isolement, de se mettre tout le monde à dos, le soutien d'aucun parti. Mais l'essentiel n'est-il pas d'initier une démarche qui rencontre l'assentiment d'une partie de la population ? Pour le reste, nous verrons bien.

vendredi 28 octobre 2016

Les petites phrases



En politique, les petites phrases sont très courues, mais ont mauvaise presse. C'est un tort. Elles ont leur part de vérité, beaucoup plus qu'un long discours. Prenez la fameuse "inversion de la courbe du chômage", que François Hollande a répétée, que tout le monde a retenue (c'est la définition même d'une petite phrase : alors que les paroles normalement s'envolent et s'oublient, on retient celle-ci). Cette petite phrase, dont le président avait fait la condition d'une nouvelle candidature, imprudemment selon certains, est en voie de se réaliser : 66 300 chômeurs de moins en septembre, une baisse de 2,5% depuis le début de l'année. Nous passons sous la barre symbolique (mais réelle) des 3,5 millions de chômeurs, c'est-à-dire de 10,1% à 9,6% de la population active. C'est la plus forte baisse mensuelle depuis ... 1996 (une petite phrase doit toujours être assortie de chiffres, pour faire plus sérieux).

Vous me direz : c'est très insuffisant, c'est provisoire, il faut attendre. Oui, bien sûr, mais les faits sont là : il y a des résultats. Il y en a un qui n'est pas convaincu, pas du tout, et qui y va à son tour de sa petite phrase. Non, ce n'est pas un homme de droite, mais de gauche, qui a même participé à cette politique gouvernementale qui donne ses premiers résultats : c'est Arnaud Montebourg. "L'échec est là", a-t-il dit hier. Drôle de façon de saluer le début d'inversion de la courbe. Lui aussi a ses chiffres : un million de chômeurs en plus depuis que François Hollande est président. A part ça, Montebourg n'est plus au gouvernement, mais toujours au Parti socialiste. Allez comprendre pourquoi ... En tout cas, l'appel au rassemblement de la gauche, lancé par Manuel Valls le week-end dernier, n'a pas eu d'effet sur l'ex-ministre de l'Economie.

Une autre petite phrase a été prononcée hier, sur un tout autre sujet. A peine une petite phrase, quelques mots seulement, que leur auteur a eu du mal à sortir de sa bouche. Nicolas Sarkozy, puisque c'est lui, à qui on demandait s'il voterait pour Hollande face à Le Pen au second tour, a laissé échapper difficilement un : "pas de gaieté de coeur". Mine de rien, c'est la fin de toute une stratégie qui renvoyait dos-à-dos PS et FN, que quelques hommes et femmes de droite avaient courageusement osé transgresser. Sarkozy rejoint le front républicain : bienvenue au club, dont j'ai ma carte depuis 2002, renouvelable à chaque scrutin, si besoin est. Montebourg et Sarkozy ont changé radicalement de point de vue dans un laps de temps très court ? Et alors, qu'est-ce que ça peut faire ? "Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis". Tiens, voilà encore une petite phrase, la préférée des imbéciles.


Pas de billet demain

jeudi 27 octobre 2016

Vidocq rend les armes



Des importantes manifestations de policiers, hier encore, nous pouvons tirer trois analyses possibles et très différentes :

1- C'est un mouvement de protestation sociale de la base contre le sommet. Cette révolte contre toutes les hiérarchies, professionnelles, syndicales et politiques, a quelque chose de presque libertaire. La réaction est spontanée. C'est le petit peuple des policiers qui se rebellent contre les grands flics, le terrain qui subit contre les bureaux qui décident mais qui ignorent. Ces fonctionnaires ont le sentiment d'être exploités par un management qui n'a rien à envier au capitalisme. A bas les cadences infernales ! Ces policiers-là auraient du soixante-huitard en eux, pour une fois de l'autre côté de la barricade. Ils se vivent comme de nouveaux prolétaires. Une grille d'analyse quasi marxiste expliquerait ainsi cette flambée de colère. Après tout, les maos, au début des années 70, ne disaient-ils pas que la révolution viendrait en soufflant sur les braises, quelles qu'elles soient ? Et Jean-Paul Sartre de rajouter : "On a toujours raison de se révolter". Plusieurs commentateurs n'ont pas hésité à parler d'un "Nuit Debout" de la police.

Je vois quand même une limite à cette interprétation progressiste : à ma connaissance, aucun mouvement d'extrême gauche, pourtant prompte à soutenir toute forme de contestation sociale, n'a apporté son appui au mouvement des policiers.

2- C'est un mouvement politique, sous influence, de nature réactionnaire, exploitant les thèmes sécuritaires pour son propre compte. Il méprise les syndicats, bafoue la légalité, manifeste sauvagement, viole le périmètre sacré Assemblée nationale-Elysée, avec un petit goût, tout petit, de 1934. Les Marseillaise qui concluent les défilés sont troublantes. La justice est rejetée comme laxiste. Le retour des peines planchers est réclamé, ainsi que l'extension de la légitime défense. Le mouvement des policiers est alors sous l'inspiration de la droite extrême, pour ne pas dire de l'extrême droite. C'est la thèse de Jean-Christophe Cambadélis, parlant d'une manipulation du Front national.

Je n'adhère pas non plus à cette deuxième version. Il y a, dans la police, malgré ou à cause des aléas de son histoire, une tradition républicaine et humaniste solide, qui ne fait pas redouter pour notre régime.

3- C'est un mouvement qui a tous les traits de l'opinion contemporaine, traversant de nombreux corps de métier et toute la société : individualisme, rejet des élites et des institutions, considérations psychologiques (souffrance au travail, fatigue, crise d'identité, sentiment d'insécurité), revendications morales (besoin d'écoute, demande de reconnaissance et de respect). Propre à notre époque est aussi le désir d'une visibilité médiatique (tous les mécontentements passent à la télé : pourquoi pas celui des policiers ?). A travers les témoignages, nous entendons les maux et les mots de la société actuelle, qui auraient sans doute surpris nos ainés.

Je me retrouve dans cette dernière analyse, même si des éléments de la première et de la seconde sont aussi à prendre en compte. Pour ma part, en tant que citoyen engagé, j'ai quatre souhaits :

a- Oui aux revendications matérielles, financières et humaines. La police a besoin d'être soutenue et équipée. Il faut aller aussi loin que possible, budgétairement parlant, dans cette direction. Le gouvernement en a bien conscience et a pris les premières décisions qui s'imposaient d'urgence.

b- Il n'est pas acceptable que les forces de l'ordre soient des forces de désordre, même pacifiques. Ceux qui sont chargés de faire respecter la loi doivent la respecter : il n'y a pas d'exception à cette règle. De même, la hiérarchie et l'autorité doivent être suivies, sinon il n'y a plus de police. Enfin, les remises en cause des juges et des tribunaux sont intolérables : ce n'est pas à la police de faire la justice. En République, il y a séparation des ordres.

c- Les organisations syndicales sont les seuls interlocuteurs valables. La police est l'un des rares corps professionnels où leur représentativité est massive et incontestable.

d- Les revendications politiques sur la légitime défense et les peines planchers sont du ressort de la politique, du débat démocratique, c'est-à-dire de tous les citoyens, pas des seuls policiers. Personnellement, je suis hostile à l'élargissement des conditions de la légitime défense (qui reviendrait à aligner les policiers sur les gendarmes, qui sont des militaires) et au retour des peines planchers. Mais c'est ouvert à la discussion.

mercredi 26 octobre 2016

Un président chocolat



Je vais faire aujourd'hui quelque chose d'incroyable, d'exceptionnel, qui va rendre ce billet historique : je vais prendre la défense de Jean-François Copé ! C'est la première fois de ma vie, ce sera sans doute la dernière. Un homme de gauche normalement constitué ne peut jamais prendre la défense du très droitier et très rusé Copé. C'est donc l'exception qui confirme la règle. Vous devinez, puisque tout le monde en a parlé et s'en est gaussé : le prix du pain au chocolat, que Jean-François Copé ne connait pas, sur lequel il se trompe grave. Une seule réaction de ma part devrait suffire : basse démagogie ! populisme répugnant ! question idiote !

Allons-y, expliquons-nous, puisque les rieurs ne sont pas de mon côté. Aurait-on osé poser la même question à De Gaulle et à Mitterrand ? Non, jamais ! Parce qu'à l'époque, on ne faisait pas de la politique à ras les crottes de chien et les pains au chocolat. Mitterrand, qui n'avait pas un sou en poche quand il sortait mais laissait payer les autres, ne savait sûrement pas combien coûtait un pain au chocolat et aurait écrasé de son mépris l'impudent qui aurait eu l'audace de le questionner à ce sujet. Voilà ce qu'il nous manque aujourd'hui : trop de flatterie, pas assez de mépris.

Autrefois encore, on aurait chercher à savoir si un postulant à la charge suprême avait lu un roman de Goethe, connaissait un poème d'Aragon ou appréciait un tableau de Rembrandt. Aujourd'hui, c'est le prix du pain au chocolat ! Le niveau baisse, comme on dit dans l'Education nationale. Va-t-on désormais sélectionner le chef de l'Etat comme dans un jeu télévisé, en lui demandant d'estimer le prix du timbre-poste, du lave-vaisselle ou du tube à dentifrice ? Oui, mais c'est la "vraie vie", parait-il. Non, pour un chef d'Etat, la "vraie vie", qu'il doit parfaitement connaitre, ce sont les mécanismes financiers, la gestion d'entreprise, la compétitivité industrielle, le droit du travail, la géopolitique mondiale et j'en passe, mais sûrement pas le prix d'un pain au chocolat. A moins que les Français rêvent d'un président chocolat ? Merci, ce n'est pas mon cas (même si j'adore le chocolat, en boîte, pas dans la politique ou la conduite du pays).

Et puis, je suis sûr qu'il y a autour de nous plein de gens qui ne songent nullement, à la différence de Copé, à devenir président de la République et qui ne savent pas très bien combien coûte un pain au chocolat (surtout ceux qui n'en achètent jamais et qui n'aiment pas). Arrêtons donc avec cette lamentable histoire. Jean-François Copé s'en est sorti avec la seule arme disponible en pareille situation, mais une arme de destruction massive : l'humour. Dans notre société de dérision généralisée, où le moindre propos sérieux ne tient pas très longtemps, nous en sommes tous là, moi le premier : se marrer. Rions des rieurs, amusons-nous de ceux qui brocardent Copé, car ils sont plus sérieux qu'on ne le croit, et plus dangereux que ne le laisse paraître leur simple blague : la fonction présidentielle est rabaissée, la politique est dévalorisée, la médiocrité est promue. Voyez-vous, je n'en ai rien à foutre qu'un citoyen lambda ou qu'un responsable politique connaissent précisément le prix d'un pain au chocolat, je m'en contre-tape. Je ne veux pas, absolument pas, d'un président chocolat.

mardi 25 octobre 2016

Ils sont arrivés



Il faut saluer la décision du gouvernement, les services de l'Etat, l'administration territoriale, les forces de l'ordre, les travailleurs sociaux et les associations : au premier jour du démantèlement de l'immense bidonville de Calais, l'opération s'est bien passée. Ceux qui redoutaient des tensions et des incidents, éternels pessimistes ou oiseaux de malheur, vont devoir en rabattre . Il n'était pas humainement ni politiquement concevable de laisser s'installer et s'accroître de tels campements de misère, dont s'accommodait la France des années 50 et 60, mais qui sont devenus insupportables aujourd'hui. 6 000 à 8 000 réfugiés vont donc être répartis toute cette semaine sur l'ensemble du territoire national, sous la responsabilité et aux frais de l'Etat, seule solution raisonnable, efficace et digne.

Dans mon Berry natal, département du Cher, les migrants sont arrivés hier soir. Trois villes sont chargées de les accueillir : Bourges (49 personnes), Vierzon (30 personnes) et Saint-Amand-Montrond (15 personnes). On constate que ces quotas sont proportionnés à la dimension et à la capacité des collectivités, que la charge n'est pas excessive. Pourtant, à Saint-Amand, le maire Les Républicains, Thierry Vinçon, s'est ému de cette arrivée, en prononçant cette phrase à la presse : "Ils ne sont pas les bienvenus", et signant la pétition initiée par Laurent Wauquiez, demandant à ce que toute commune refuse les migrants. Le maire est ensuite revenu sur sa déclaration qui a fait quelques remous : "J'ai dit ça sur le coup de la colère". J'espère bien. Je connais Thierry Vinçon, c'est un humaniste, mais aussi quelqu'un qui n'a pas sa langue dans sa poche. Bien sûr, chacun, en démocratie, est libre de soutenir ou de critiquer le plan du gouvernement. Mais il faut faire attention à ce qu'on dit, qui peut tomber dans n'importe quelles oreilles, moins humanistes que celles de Thierry Vinçon.

Et puis, il y a les peurs d'une certaine partie de la population, qu'il faut entendre. Contre la peur, qui est irrationnel, on ne peut pas grand chose, mais on peut quand même quelque chose. C'est aux élus, aux responsables publics, d'expliquer et de rassurer, de dédramatiser. 15 malheureux migrants à Saint-Amand, ce n'est pas ça qui va dégrader la situation ou créer un danger. Je comprends Thierry : il est un peu vexé parce qu'il n'a pas été consulté. Mais qu'est-ce que ça peut faire ? L'opération en cours est du ressort de l'Etat et de ses administrations, pas des collectivités locales, qui n'ont pas tout pouvoir sur leur territoire. Un ancien sous-préfet, haut fonctionnaire, connait bien ces choses-là. Allez, Thierry, allons ensemble souhaiter la bienvenue aux migrants ! En faisant en sorte que tout se passe bien pendant leur séjour et qu'ils puissent, un jour, retrouver une vie normale. Ne l'oublions pas : les victimes de cette tragédie, ce sont d'abord eux.

dimanche 23 octobre 2016

samedi 22 octobre 2016

Gare au bon gars



Jean-Frédéric Poisson a été la "révélation", lors du premier débat de la primaire de la droite. Normal : il était inconnu jusqu'à présent. En politique, quoi qu'on fasse, quoi qu'on pense, on gagne toujours à être connu. Mais il y a plus que ça : Poisson a une bonne bouille, il parle clair, n'est pas techno. Pendant le débat, il a tranché sur ses concurrents : lui, c'est le bon gars, qui vient de la base, qui sent le terrain, qui n'est pas un pro de la politique. C'est l'image, et elle est plaisante à beaucoup.

De plus, Poisson, ce soir-là, nous a surpris, en jouant à contre-emploi. Sachant qu'il venait du Parti chrétien-démocrate de Boutin, nous nous attendions à un sacré réac. Eh bien non ! Le gars semblait tolérant (pas d'islamophobie chez lui, le burkini ne lui fait pas peur). Plus incroyable : Jean-Frédéric Poisson affichait une dimension sociale, prenant la défense des syndicats et même des 35 heures. Pas du tout le profil habituel de l'homme de droite !

Ca, c'était il y a 10 jours. Mais l'exposition médiatique en démocratie est redoutable : elle dit la vérité sur ce que vous êtes vraiment ! Contrairement à ce que beaucoup croient, les médias ne manipulent ni ne mentent : ils révèlent. L'homme public ne tient pas longtemps derrière son rideau d'apparences. Le poisson a vite perdu ses écailles.

Jean-Frédéric Poisson a prononcé un mot qui tue (mais est-il mort ? La suite le dira) : "lobby sioniste", accolé à "Wall Street". L'association d'idées a été rapide : le pouvoir, l'argent, les Juifs, le good guy est antisémite ! Pourtant, l'expression "lobby sioniste" est souvent utilisée dans certains secteurs radicaux et pro-palestiniens de l'extrême gauche, sauf que le contexte politique est tout autre. Chez Poisson du Parti chrétien-démocrate, on ne peut pas s'empêcher de faire le lien avec l'antisémitisme catholique, très puissant dans la première moitié du siècle dernier.

Le problème avec le racisme, c'est qu'il n'est jamais franc du collier, et pour cause, tant il est honteux et indéfendable. Il se manifeste par périphrase. Jean-Frédéric Poisson est-il antisémite ? Je n'en sais rien, il faut continuer à l'écouter, le laisser parler, l'interroger et nous verrons bien. En tout cas, je me refuse de juger quiconque à partir de deux mots prononcés.

Surtout, je n'ai pas besoin de ce lapsus pour savoir que Jean-Frédéric Poisson n'est pas le bon gars qu'on a voulu nous vendre. Dès le départ, je savais que cet homme faisait partie de la droite radicale, à la lisière du Front national (en décembre, il fera un meeting commun avec Robert Ménard et Philippe de Villiers). Je savais depuis longtemps que Poisson était contre l'avortement et contre le mariage homosexuel. Bon gars sûrement, mais uniquement aux yeux de ses partisans.

Dans cette affaire, je déplore l'inculture politique généralisée, qui laisse croire qu'un type n'est pas vraiment de droite parce qu'il a des préoccupations sociales. Tout un pan de l'extrême droite, depuis toujours, s'est voulue sociale, et même révolutionnaire. Les revendications sociales du FN n'en font pas un parti de gauche, de même que, à l'inverse, les revendications libérales d'Emmanuel Macron n'en font pas un homme de droite. A défaut de mémoire historique, nous vivons en pleine confusion idéologique, et l'on finit par prendre un homme de la droite radicale pour un gars de centre gauche, rad soc.

Il est vrai que Poisson a pour lui un physique de bon gros qui incite à la confiance. Il ressemble d'ailleurs à un autre candidat des primaires, mais de gauche, en 2011 : Jean-Michel Baylet, "petit" candidat lui aussi, créant de même la surprise en militant pour la dépénalisation du cannabis, qui n'en faisait cependant pas un gauchiste. Poisson, parmi les candidats de droite, c'est couleur sur couleur, il n'y a pas contraste, les nuances sont trompeuses et les différences s'estompent.

Sa tolérance à l'égard du burkini ne doit rien à une inspiration républicaine ou au principe de laïcité, mais à son catholicisme traditionnel, qui comprend que l'interdiction des signes religieux ne peut que frapper, en toute cohérence, l'ensemble des religions, et pas une seule. Maintenant, je ne pense pas qu'il faille exclure Poisson de la primaire. Il fait tache à droite, c'est sûr, mais sa sensibilité existe et elle doit pouvoir s'exprimer. Petit Poisson deviendra-t-il grand ? Là, c'est moins certain.

vendredi 21 octobre 2016

La vie est compliquée



Intéressant article dans L'Aisne nouvelle paru hier : pour les parents d'élèves, les vacances de Toussaint sont cette année compliquées. Parce qu'au lieu d'aller d'un vendredi soir à un dimanche soir, elles vont d'un mercredi soir à un mercredi soir. Et c'est manifestement compliqué par un tas de gens. Un petit décalage peut provoquer une grande complication.

Ce qui est compliqué, c'est que la semaine est coupée en deux. Quand des vacances commencent un week-end et finissent un autre week-end, il y a une apparence de simplicité, comme un chiffre rond qui plait bien. L'Aisne nouvelle dit que c'est "une décision unique dans l'histoire". Je ne sais pas, je ne me souviens pas, mais il me semble que par le passé, des vacances scolaires ont déjà débuté et terminé en milieu de semaine.

En tout cas, les parents n'apprécient pas et la mesure complique leur existence, c'est un fait. L'un d'entre eux a trouvé une formule bien sentie : "On a le cul entre deux semaines". Mais qu'est-ce qui est si compliqué ? La garde des enfants quand les parents travaillent. Ok, mais en quoi ce problème est-il moins compliqué quand les vacances débutent un vendredi soir ? Parce qu'au lieu de six jours vaqués pour s'occuper des gosses, il n'y en a plus que quatre ? Mais il y a aussi des parents qui travaillent le samedi : pour eux, c'est moins compliqué, il n'y a que deux samedis à assurer, pas trois. Ceci dit, même quand c'est moins compliqué, ça reste compliqué. En fait, il faudrait fixer les vacances des enfants quand les parents sont en vacances, mais là, ce serait très très compliqué.

Que dire des parents qui travaillent de nuit ? Une maman a un solution : "La nuit, je vais travailler, et le jour je vais m'occuper de mes enfants. C'est compliqué, mais je n'ai pas le choix". C'est vrai, elle a raison : la vie serait moins compliquée si on avait le choix. Mais je m'inquiète : quant cette maman va-t-elle dormir ? Les week-ends, peut-être.

Pour les parents divorcés, c'est compliqué aussi, puisque les gardes alternées vont d'un week-end à un week-end. Même les assistantes maternelles ont maintenant une vie compliquée, puisque leur travail, normalement allégé en période de vacances, est désormais chargé. Les centres de loisirs ne pourraient-ils pas rendre les choses moins compliquées en s'adaptant à ces nouveaux horaires ? Même pas, puisque les centres dans les écoles doivent libérer la place plusieurs jours avant la rentrée. Et ceux qui ne sont pas dans une école sont gênés par le 1er novembre qui est férié. Putain, qu'est-ce que c'est compliqué !

Que faire alors ? Ne rien faire, ne rien changer. Mais il y a des antécédents : rappelez-vous, la mise en place des 35 heures dans les entreprises, à l'hôpital, c'était bigrement compliqué. La réforme des rythmes scolaires, il n'y a pas si longtemps, c'était terriblement compliqué. En vérité, tout nous semble aujourd'hui compliqué. J'en viens à me demander si ce ne sont pas les gens eux-mêmes qui sont devenus compliqués. Autrefois, la vie paraissait plus simple. Mais il faut dire qu'on se plaignait beaucoup moins, qu'on se soumettait à l'autorité et qu'on ne faisait pas prévaloir l'intérêt individuel sur l'intérêt collectif. Au fait, ce que je viens d'écrire là, à l'instant, j'espère que ce n'est pas trop compliqué ?

jeudi 20 octobre 2016

Duflot ne sera pas chef d'Etat



Elle en rêvait et elle l'assumait, mais Cécile Duflot ne sera pas, du moins pour cette fois, présidente de la République, après son échec hier aux primaires de son parti. Je salue d'ailleurs sa sincérité, alors qu'ils sont si nombreux en politique à être ambitieux, tout en feignant l'humilité, quand ce n'est pas l'indifférence à l'égard du pouvoir. Duflot a été ministre et chef de parti : à ce niveau-là, il est légitime qu'on pense à devenir chef d'Etat.

Je le dis d'autant plus librement que je n'aime pas Cécile Duflot. Elle représente, en politique, tout ce que je méprise et qui est pourtant fréquent : l'homme, en l'occurrence la femme d'appareil, c'est-à-dire la manœuvrière, l'opportuniste, celle qui cherche la place, et pas forcément le pouvoir. En 2012, l'écolo a su porter son art très haut, en obtenant une circonscription en or pour elle et un groupe parlementaire pour ses camarades, tandis qu'Eva Joly était à la peine dans la présidentielle. Je sais bien qu'il en faut, des hommes d'appareil. Je sais aussi que ces personnes-là ne sont pas non plus dénuées de convictions. Mais je sais aussi que la tactique prévaut chez eux, qu'elle les prépare à tous les retournements. C'est pourquoi je ne les aime pas.

Cette primaire des Verts, je n'en ai suivi aucun débat télévisé. Ce n'était pas un refus de principe. Quand on aime la politique, on se tient au courant de tout. Il y aurait une primaire au FN, je regarderais. Pour les écolos, l'envie ne m'est pas venue, aucun des candidats n'a attiré mon attention. Il faut dire aussi que les médias n'en ont pas énormément parlé, et que dans Saint-Quentin, aucune réunion n'a été organisée, que la presse ne l'a pas évoquée. Mais mon indifférence spontanée et inhabituelle est sans doute un signe.

L'échec de Cécile Duflot, dès le premier tour de la primaire, m'a surpris, et même plus que ça : stupéfait ! Car bien que je n'aime pas Duflot, c'est elle qui méritait de l'emporter. Les considérations personnelles, la subjectivité, la psychologie ont peu de poids en politique : c'est la ligne, l'image, la compétence, l'expérience et la notoriété qui comptent. En un mot : Duflot avait le niveau, pas les autres. Elle est connue des Français, a été ministre et responsable nationale des Verts : c'est à elle qu'il revenait de mener le combat pour la présidentielle, avec quelque petite chance d'obtenir un résultat. Elle a une forte volonté, elle s'est préparée, jusqu'à changer de visage et travailler sa voix, au ton trop aigu, au débit de mitraillette. Ces détails ne feront sourire que ceux qui ignorent que la grande politique prend aussi soin des petits détails, que c'est à cela qu'on la reconnaît.

Mais pourquoi donc Cécile Duflot, qui avait tout pour gagner, a-t-elle perdu ? Les raisons sont sans doute multiples. La première vérifie un adage paradoxal souvent mentionné sur ce blog : en politique, contrairement au sport, ce ne sont pas forcément les meilleurs qui gagnent. A la dernière présidentielle, les écolos nous avaient déjà stupéfaits en rejetant Nicolas Hulot, un candidat en or dont beaucoup rêveraient, mais que les Verts n'ont pas voulu, allez comprendre pourquoi ! Chat échaudé craint l'eau froide : Hulot n'a pas remis le couvert cette fois-ci, à son grand regret, mais l'entourage qu'on lui promettait était suffisamment dissuasif ...

EELV peine à être un parti de gouvernement, à développer en son sein une culture de gouvernement. Avoir la maturité politique et son sens des responsabilités, ça ne va pas de soi, ce n'est pas donné, c'est quelque chose qui s'apprend et qui s'éprouve. Même les socialistes, qui ont pourtant l'expérience du pouvoir local et national, n'ont pas forcément tous une culture de gouvernement. La marginalité, la radicalité, l'entre soi, les candidatures de témoignage, l'esprit d'opposition, le rejet de tout leadership, la méfiance envers les médias sont des tendances spontanées, hostiles à la culture de gouvernement. Les Verts en sont pétris, ont du mal à s'en défaire, malgré leurs efforts et des progrès. Cécile Duflot en est la dernière victime. Sa démarche très présidentialiste ne pouvait que déplaire à une base qui se complait dans le basisme, c'est-à-dire dans elle-même.

Comme toujours en politique, par principe, un échec n'est pas entièrement imputable aux autres. La culture de gouvernement, c'est aussi prendre sa part de responsabilité dans ce qui vous arrive. Ce qui tue en politique, ce n'est pas tant la ligne politique qu'on se donne : chacun a ses convictions et essaie de convaincre un maximum de Français. Non, ce qui tue, c'est le changement de ligne injustifié, c'est l'incohérence. Duflot et les siens sont arrivés au pouvoir en s'alliant avec un parti social-démocrate pratiquant dès le début une politique social-démocrate, qui a été seulement accentuée avec l'arrivée de Manuel Valls à Matignon. C'est l'occasion qu'a saisie Cécile Duflot pour quitter le gouvernement, sur une question de personne, et pas de ligne politique : l'incohérence est là. Même incohérence chez Emmanuelle Cosse, mais en sens inverse : elle critique un gouvernement dans lequel elle finit par entrer ! Le seul écolo notable, conséquent avec lui-même, c'est Jean-Vincent Placé (quoi que l'on pense, par ailleurs, de ses idées). Les adhérents et sympathisants d'EELV ont probablement sanctionné cette inconstance de Duflot.

C'est une très mauvaise nouvelle pour les socialistes, qui auraient bien tort de s'en frotter les mains. Les problèmes internes d'un parti possiblement partenaire ne nous regardent pas et n'appellent aucun jugement. Mais les socialistes sont comptables de l'avenir de la gauche, en tant que premier parti et dépositaire, lui, d'une culture de gouvernement. Car c'est toute la gauche, au premier chef le PS, qui pâtira d'un mauvais score d'EELV à la présidentielle (son candidat pourra-t-il même obtenir les 500 signatures d'élus pour se présenter ?) Au premier tour, il y a des voix de gauche qui n'iront que sur le candidat écologiste. En son absence, ou en présence d'un candidat méconnu ou mauvais, ces voix-là iront ailleurs ou nulle part. Elles seront perdues pour la gauche. Le Parti socialiste , c'est une règle générale, nationale aussi bien que locale, a besoin de partenaires forts pour être fort, c'est-à-dire pour gagner et faire gagner toute la gauche.

Je ne suis pas écologiste, mais il faut bien reconnaître que l'écologie est un courant politique majeur dans notre vie politique, qu'il pose des questions cruciales et avance des réponses qui méritent au moins réflexion. Et je ne suis pas de ceux qui pensent que l'écologie puisse être saupoudrée dans tous les partis, y compris de droite, renonçant ainsi à sa spécificité. Son inexistence ou sa représentation médiocre serait une catastrophe non seulement pour la gauche, mais aussi pour la démocratie. C'est pourquoi le résultat d'hier à la primaire des Verts n'est pas une bonne nouvelle. Comme rien n'est jamais définitif en politique, il faut continuer à espérer que la situation changera, qu'elle deviendra plus favorable, qu'une mauvaise nouvelle laissera place à une bonne surprise. Il n'y a pas d'action politique sans devoir d'optimisme.

mercredi 19 octobre 2016

Au mépris de la loi



C'est inquiétant, très inquiétant, ces policiers qui manifestent, nombreux, hors de tout cadre légal, sans aucune autorisation. Et quand ils huent leur supérieur hiérarchique venu visiter un commissariat, c'est consternant. Ceux que la République a chargé d'intervenir au nom de la loi agissent désormais au mépris de la loi. Le ministre de l'Intérieur, tout en condamnant ces comportements factieux, a dit "comprendre" l'exaspération des policiers. Cazeneuve est bon prince ou habile tacticien : moi, je ne suis ni l'un ni l'autre, simplement citoyen qui ne "comprend" pas du tout que les forces de l'ordre introduisent le désordre. Je condamne absolument, je ne leur trouve aucunes circonstances atténuantes.

La République est bonne fille : elle a donné aux policiers le droit de grève et de manifester, la liberté syndicale, comme à n'importe quel salarié. C'est une bonne chose. Mais, comme n'importe quel salarié, les policiers doivent accepter de se soumettre aux règles. Qu'ils aient des revendications à faire entendre, soit ; mais dans les limites de la loi, qui est fort libérale en la matière.

On me dira que la colère ne se commande pas, que la cause est juste, qu'il y a le feu à la maison. Non, non et non : je n'accepte pas l'argument. Les policiers, parce qu'ils sont les protecteurs de l'ordre républicain, doivent avoir un comportement exemplaire, responsable et maîtrisé : ces jours-ci, ce n'est pas le cas. Leur justification ne tient même pas ! Leurs collègues ont été violemment attaqués par des voyous et grièvement blessés. Il faut bien sûr condamner l'acte, sévir contre les auteurs et soutenir les victimes, mais rappeler aussi que ce sont les risques du métier.

Depuis que le monde est monde, les forces de l'ordre combattent les forces du désordre, les forces du désordre s'en prennent aux forces de l'ordre. Il en sera ainsi jusqu'à la fin des temps. Dit plus gentiment, c'est le jeu du gendarme et du voleur. Sauf que la réalité n'est pas gentille, mais beaucoup plus dure : entre flics et délinquants, c'est l'éternelle guéguerre. Est-elle pire aujourd'hui qu'hier ? Je n'en sais rien. D'ailleurs, le problème n'est pas là, mais dans ce mélange de sensiblerie outragée, d'individualisme féroce et de réaction victimaire qui caractérisent notre époque : comme tout le monde aujourd'hui, les policiers veulent être écoutés, reconnus et, pourquoi pas, aimés. Mais non : ce n'est pas ça, la vie.

Je suis stupéfait d'entendre dire que des policiers ont peur et se sentent en danger. C'est le monde à l'envers : ceux qui ont pour mission de protéger les citoyens demandent à être protégés. Quelque chose ne va vraiment plus dans la République ! Que les personnels de police réclament des hausses de salaire, des primes supplémentaires, une meilleure couverture sociale, des conditions de travail améliorées, des moyens plus nombreux, que sais-je encore, j'admets, j'accepte. Mais qu'ils se plaignent de ce qui est le cœur de leur métier, non, ça ne va plus. C'est comme si un enseignant se plaignait parce que ses élèves sont difficiles, ou si un ouvrier du bâtiment pestait contre les parpaings trop lourds à transporter.

Les policiers, hélas, se laissent influencer par notre société, qui ne cesse de gémir, de se dire fatiguée, exténuée, épuisée, qui nous fait le coup de la souffrance au travail et, cerise sur le gâteau, du chantage au suicide. Ces comportements d'enfants sont détestables. La puérilité ambiante leur donne un semblant de légitimité. Le flic qui trouve anormal que des délinquants lui tirent dessus, l'enseignant qui trouve anormal que des élèves soient indisciplinés, le terrassier qui critique une terre si dure, la femme de ménage qui maudit la poussière n'avaient qu'à ne pas faire ce métier, si c'est le confort qu'ils privilégient. Dans quel monde de rêve vivent-ils ? Dans quelle impossible perfection se complaisent-ils ?

Je me méfie toujours de ceux qui ont la main sur le cœur et la larme à l'œil. L'émotion apparente cache des sentiments moins tendres. Ainsi, un sondage nous apprend que 57% des policiers seraient prêts à voter pour l'extrême droite. 57% ! C'est effrayant. Non seulement les forces de l'ordre provoquent le désordre, mais le bras armé de la République éprouve une attirance pour les néo-fachos du FN. Effrayant ! Force doit revenir à la loi, et les républicains, qui sont nombreux parmi les policiers, doivent revenir sous la seule bannière de la République.

mardi 18 octobre 2016

PS 02, état des lieux



L'Aisne nouvelle, dans son édition d'aujourd'hui, dresse un état des lieux du Parti socialiste dans l'Aisne, qui n'est pas loin de ressembler à un dépôt de bilan : perte de militants, départ d'élus, manque de visibilité, problème de vieillissement, finance en berne, union difficile, stagnation, manque de renouveau ... (tous ces termes sont tirés de l'article). On sort un peu sonné de cette lecture. L'article n'est pas de parti pris : il constate et donne la parole aux responsables, qui vont dans le même sens. Mais il y a de quoi donner le bourdon.

Ce qui manque visiblement, c'est un enthousiasme, une énergie, de l'optimisme. La situation nationale n'y prête pas ? Et alors ! Le PS en a vu d'autres, et de pires. La politique est faite de mouvement et de volonté : tout peut très vite changer, pourvu qu'on s'y mette. Mais il y a quelques conditions à cela :

D'abord, le PS doit défendre le gouvernement et son bilan, expliquer le travail qui a été fait. Ce n'est pas facile ? La politique n'est jamais facile ! Mais il faut avoir la foi et la flamme, y croire, être fier de l'équipe au pouvoir, adhérer aux réformes. Le problème est là : on ne se bat que pour ce à quoi on adhère fortement. Si les socialistes doutent, ils ne peuvent plus combattre. Cela n'empêche pas les désaccords : moi-même, avec Macron, je pense que Hollande ne va pas assez loin, n'est pas assez clair. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas le soutenir et apprécier ce qu'il a fait. Les différences de vue sont même un enrichissement, pourvu qu'elles ne se transforment pas en condamnation du gouvernement.

Ensuite, le fonctionnement du PS est complètement à revoir, et c'est un problème déjà ancien. On ne peut pas en rester à des petits groupes de militants qui ne représentent plus rien, qui ne sont plus ancrés dans la société. La solution, c'est l'ouverture du Parti au vivier des sympathisants, qui sont nombreux mais peu sollicités, sauf dans le cadre des primaires. Il faut développer cette participation des électeurs au renouveau du Parti socialiste, sur un mode plus proche d'une association que d'un appareil. Des nouvelles formes de militantisme sont à expérimenter, notamment sur l'internet.

Enfin, la question de l'union et des partenaires est posée. Comment continuer à s'allier à des formations politiques qui sont vides elles-mêmes de militants, qui ne sont pas très présentes dans la vie locale ? L'issue est du côté de ce qu'on appelle la société civile : les personnes engagées, connues, influentes qui ne demandent qu'à partager leurs compétences et prendre des responsabilités. C'est sans doute plus facile à dire qu'à faire, mais il faut que l'intention soit là, sinon rien ne bougera, et au bout du bout, ce sera le déclin inexorable, à la façon de la SFIO à la fin des années 60. Quelques années plus tard, François Mitterrand créait un nouveau PS. C'est vers cela qu'il faut aller, dans des circonstances complètement différentes, mais une volonté qui doit être similaire. Pas facile, mais il le faut.

lundi 17 octobre 2016

Mélenchon fait son Macron



Il est seul sur scène, sans cravate. Il fait les cent pas, entouré par son public. Il se tourne vers les uns, se retourne vers les autres, un micro invisible au col de sa veste. Il ne lit pas de notes, n'a pas de papier sous les yeux. C'est de l'improvisation, très vivante, éloquente, parfois lyrique et virulente. Le ton est à la passion. C'est un homme qui croit en ce qu'il dit. Le propos est critique envers les partis politiques, et la prise de parole le fait comprendre : pas de tribune, pas de brochette de soutiens, pas de pupitre, pas vraiment de discours, mais une suite de réflexions et de propositions personnelles. Ce n'est pas que le collectif soit absent, au contraire : mais pas sous la forme classique d'une foule muette, qui se contente d'écouter et d'applaudir. Son intervention a eu lieu en amont, par l'internet, ce moyen inédit, électronique et nouvellement démocratique, ouvert à tous les citoyens et pas aux seuls partisans.

Ce leader qui se met ainsi en scène, qui organise de cette façon la participation de ses sympathisants, qui critique sur ce ton la politique contemporaine, ce pourrait être Emmanuel Macron, qui le premier a agi ainsi. Mais non, c'est quelqu'un de très différent : Jean-Luc Mélenchon, ce week-end, à Lille. Preuve qu'il peut y avoir des similitudes de forme, même quand beaucoup de choses vous opposent. A gauche, aujourd'hui, il y a deux hommes qui vont jusqu'au bout de leurs opinions : Jean-Luc Mélenchon avec la gauche radicale, Emmanuel Macron avec la gauche social-démocrate. Ce sont des personnalités transgressives, offensives et clivantes : c'est nécessaire en démocratie, pour que les enjeux apparaissent clairement aux yeux des citoyens.

Mélenchon et Macron, que presque tout sépare, ont un autre point commun, qui n'est pas rien : ils refusent l'un et l'autre le système des primaires, n'y participeront pas. Tous les deux estiment que ce système n'est qu'une dernière rouerie des appareils politiques, qui privilégient les affrontements personnels aux débats d'idées. Car les idées, Mélenchon et Macron aiment ça, même s'ils n'ont pas les mêmes ! Soyons clairs : les primaires sont excellentes quand on est dans l'opposition, pour se donner un leader, et débilitantes quand on est au pouvoir, où le leader naturel est le chef de l'Etat.

Mais il y a pire : Montebourg, Hamon, Lienemann et Filoche ont fait part de leur intention de concourir à la primaire de la gauche. Ce faisant, ils s'engagent à soutenir celui qui en sortira vainqueur. Sauf que ces quatre-là rejettent François Hollande et sa politique, souvent très violemment. Vous les voyez, en cas de sélection de l'actuel président, se ranger derrière lui pour soutenir sa candidature ? Bien sûr que non ! Hypocrisie et débilité du système. Macron et Mélenchon l'ont compris et n'en seront pas.

Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon : ce sont les deux pôles de la gauche contemporaine. Le vrai débat, de fond, a lieu entre ces deux-là. Sinon, quoi d'autre à gauche ? L'ectoplasme vide, l'encéphalogramme plat, un socialisme de synthèse et de compromis, une gauche bricolée. Macron contre Mélenchon, Mélenchon contre Macron : ce sera peut-être le combat de géants des présidentielles.

dimanche 16 octobre 2016

Président Macron



L'entretien est long et riche : Emmanuel Macron, sur le site Challenges.fr, poursuit aujourd'hui la définition de son projet politique, dont on a du mal à croire qu'il ne soit pas présidentiel. Trois idées essentielles ont retenu mon esprit, mais le texte est à lire dans sa totalité, et chacun y trouvera ses centres d'intérêt :

Macron esquisse sa présidence idéale : incarnée, historique, symbolique, "une présidence de type gaullo-mitterrandien", qui tourne le dos au "président normal" que François Hollande a voulu être, hyper-normal même, avec la parution du livre de confidences aux journalistes du Monde. Macron ne veut pas d'une présidence "de l'anecdote, de l'événement et de la réaction" (signalons que son entretien a été réalisé avant la parution du livre polémique).

Macron utilise une expression étrange, mais parlante : il souhaite que la présidence de la République renoue avec "une histoire chaude", qui s'adresse à l'imaginaire collectif, à l'émotion politique, qui ne réduise pas le pouvoir à une technique, lois et décrets. Pour cela, le président de ses vœux n'agira pas par compromis, par arrangements d'appareil, qui ne produisent que des résultats bâtards et insatisfaisants, mais par consensus, c'est-à-dire des majorités d'idées.

Deuxième point fort de cette interview, selon moi : l'idée que Macron se fait du métier d'élu. Nous savons que la représentation, la délégation de pouvoir sont au cœur de la République. Sauf que la classe politique, à tous les niveaux, s'enferme trop, parfois involontairement, dans l'entre soi, le clanisme. Macron en est d'ailleurs le premier la victime : contre lui, on fait remarquer qu'il n'a jamais été élu, ce qui le priverait de toute crédibilité. Drôle de conception de la République : pour pouvoir être élu, il faudrait d'abord devoir être élu ! Pour accéder à un mandat, une autorisation serait nécessaire, dispensée bien sûr par qui de droit.

Comme il y a une reproduction sociale au sein des classes, il y aurait une reproduction électorale parmi les élus. De même que Macron estime qu'un ministre n'est pas un obligé, il pense qu'un élu n'est pas un héritier. Son adversaire, c'est le féodalisme moderne, où l'on retrouve les mêmes têtes aux mêmes places, souvent pendant longtemps. Plus que jamais, Emmanuel Macron se pose en transgresseur, en critique du système. Je m'y retrouve pleinement, et même avec une sorte de jubilation : Macron, c'est le jeune chien fou qui renverse le jeu de quilles !

Dernière idée à retenir, et non des moindres : la dénonciation que fait Macron d'une laïcité que je ne connais bien et qui n'a jamais été la mienne, défensive, agressive, autoritaire, antireligieuse, liberticide (et dans certains pays, carrément totalitaire). Tout le contraire de ma et de sa laïcité, libérale, neutre, ouverte, respectueuse, fidèle à l'esprit et à la lettre de la loi de séparation de 1905.

Mais je le redis : lisez tout l'entretien, tant il est riche en analyses et en propositions. Emmanuel Macron y fait preuve d'une vertu trop souvent absente de la vie publique : la clarté. Sera-t-il notre lumière dans la pénombre que traverse actuellement la scène politique française ? Je le souhaite. Maintenant que nous savons ce que sera le président Macron, il est temps de nous écrier : Macron président !

samedi 15 octobre 2016

On attend quoi ?




A l'arrêt de bus, devant le magasin Auchan, cette affiche de la Fondation Abbé Pierre s'adresse à qui ? Au dernier conseil municipal, la question de l'accueil des migrants a été confisquée par l'extrême droite, qui a déposé un vœu détestable, justement condamné par madame le maire. Mais qu'attend la gauche pour déposer à son tour un voeu, inverse, qui demanderait à ce que Saint-Quentin fasse des propositions pour l'accueil des migrants ? Quand on attend le déluge, il finit par arriver. La dernière Lettre des évêques de France peut être aussi d'une utile lecture : elle défend une société ouverte, pluriculturelle, dont l'identité ne craint pas la différence. On attend quoi pour s'y mettre ?

vendredi 14 octobre 2016

Alors, ce débat ?



Le premier débat des primaires de la droite a fait honneur à notre classe politique. Les interventions étaient de qualité. On est quand même très loin de ce qui se passe en ce moment aux Etats-Unis ! L'émission était d'une bonne réalisation : vaste studio, bleu agréable et surtout excellent travail des journalistes, dont la tâche pourtant n'était pas facile. Ils ont permis la fluidité des questions, relançant quand il le fallait, n'entrant jamais ni dans la connivence, ni dans la provocation. Distance, humilité, sérieux, des pros, quoi ! De l'anti-Salamé, et c'est heureux. Quand Bruno Le Maire a voulu impressionner l'un d'entre eux par un "vous plaisantez ?" celui-ci a sobrement répondu : "Je vous en prie, répondez." Bien joué.

Y a-t-il un gagnant ? Pour moi, c'est Fillon, mais je ne suis pas sûr que les électeurs suivront, car le meilleur, en politique, n'est pas forcément le gagnant. Je trouve qu'il a l'étoffe, qu'il s'est révélé. Juppé a déçu, sans doute parce qu'il est le favori, qu'on attend donc beaucoup de lui et qu'il n'a donné que lui-même. Le hasard l'a fait conclure en dernier, il y a vu "un signe du destin". Allez savoir ! Sarkozy a été assez bien dans la deuxième moitié. Au départ, le visage était figé, le sourire absent, le corps au contraire s'agitait, comme pour dire ce qu'il ne pouvait pas dire : lui, ancien président qui veut le redevenir, n'a pas sa place ici, à égalité avec ses anciens ministres. Pourtant, le tirage au sort l'avait mis au beau milieu, à la place de majesté : un signe du destin, là aussi ?

Copé a été le plus à l'aise, décontracté, percutant, à l'image de son slogan, la droite "décomplexée". Mais on voit trop qu'il est très malin, il faudrait qu'il le cache un peu. Le Maire, lui aussi, a un côté "too much", mais dans le genre élève appliqué qui récite sa leçon. Ce type n'est chargé d'aucune émotion, c'est une sorte de cyborg de la politique, aux yeux bleus métallisés, à la voix de robot. Il ferait presque peur. Comme Tsipras en Grèce, Le Maire a choisi, seul, de tomber la cravate, suivi chez nous par Xavier Bertrand et Julien Dive. Une mode ou une complicité ? Celle aussi qui m'a fait un peu peur, c'est NKM, lèvres et robe rouge sang, pour se faire remarquer, maquillage trop appuyé, qui fait ressortir un regard trop accentué, trop vif. Il y a de la gothique chez cette bourgeoise. Quant au contenu, c'est la seule qui ne m'a pas semblé au niveau. Même Jean-François Poisson s'en sortait mieux.

L'avantage de ce débat, quand on est de gauche, c'est qu'on comprend mieux pourquoi on n'est pas de droite. Celui qui osera me dire qu'il n'y a pas de différence entre les deux aura affaire à moi ! Sur les questions sociales et sécuritaires, il n'y a pas photo. Même un social-libéral comme Emmanuel Macron tranche. Les candidats rivalisaient entre eux de propositions droitières, qui font qu'il n'y a plus de confusion possible. Mais on constate aussi que la ligne jaune de la xénophobie n'est jamais franchie : on peut dire tout le mal qu'on veut de la droite, ce n'est pas l'extrême droite !

La séquence terrible a été judiciaire : Juppé, Sarkozy, Copé ont eu affaire aux tribunaux. Chacun s'en est d'ailleurs très bien tiré dans son explication. Mais l'image à l'écran est tout de même désastreuse. Il reste une consolation : en démocratie, les plus grands n'échappent pas à la justice, contrairement à ce que croit une bonne partie de l'opinion. J'attends avec impatience le deuxième débat : plus j'écoute la droite, plus je me sens de gauche, et c'est rassurant.

jeudi 13 octobre 2016

Confidences pour confidences



Je suis Macron et je défends Hollande, chaque fois qu'il est attaqué, parce que je ne trouve pas qu'il en fait trop, mais au contraire pas assez. Depuis hier, je suis servi : la batterie de casseroles s'est mise en branle, mais elle résonne dans le vide, et voici pourquoi :

Le président de la République est suivi depuis longtemps par deux journalistes du Monde, chargés de recueillir très librement ses humeurs et ses confidences. C'est inédit pour un chef d'Etat en France. On peut ne pas aimer le genre, mais on ne va tout de même pas le lui reprocher, dans une société où tout le monde étale sa vie privée et ses sentiments intimes sur Facebook et autres réseaux "sociaux" ! De ce point de vue, François Hollande est fidèle à sa ligne de candidat normal, de monsieur Tout-le-Monde.

De sa part, c'est une stratégie, qu'encore une fois on peut ne pas aimer, mais qui a sa cohérence : coller au plus près de l'opinion, désormais avide de ce type de confession. Hollande nous fait une sorte de reality show sur papier, dans une société qui réclame à corps et à cri de la transparence. De même, d'inaugurations en hommages, le président a adopté depuis le premier attentat terroriste une stratégie de la compassion, qui exalte les victimes, là aussi en phase avec la sensibilité de notre époque.

Y a-t-il quelque chose de répréhensible dans cet ouvrage de confidences ? Je n'ai pas encore lu, mais les extraits ont été abondamment diffusés. Franchement, je n'y vois à redire. Nous vivons dans un monde qu'un rien "choque" et qui se plait à inventer des riens "choquants". Avec les confidences de Hollande, nous sommes dans ce registre. 600 pages et quelques phrases qui dissonent, mais qui prouvent quoi ? Rien, absolument rien. Le chef de l'Etat parle de ses amis, de ses amours, de ses emmerdes, de l'opposition, de l'islam, des footballeurs, de tout et n'importe quoi. Mais quelles leçons politiques en tirer ? Aucune, et l'objectif n'est pas là. Nous sommes dans la subjectivité d'un homme qui fait part de ses réactions spontanées. C'est une façon d'humaniser la fonction, même si ce n'est pas la panacée. En tout cas, pas de quoi fouetter un chat ni de crucifier Hollande.

J'entends parler, depuis hier, d'une "erreur de communication". Non, s'il y a un socialiste très au fait des médias, qui n'a jamais méprisé les journalistes, c'est bien François Hollande (tous les hommes publics ne sont pas dans cet état d'esprit). Ce n'est donc pas d'une erreur de communication dont il s'agit, mais d'un choix de communication, délibéré, réfléchi et ancien. Qu'on approuve ou non cette sorte de politique people, c'est autre chose. Dans L'Obs, Hollande se livre à un exercice plus classique de défense de son bilan. La conjonction fortuite des deux, livre et entretien, est plutôt heureuse, puisque les deux approches se complètent, là où beaucoup de commentateurs, plus ou moins bien intentionnés, y voient une contradiction.

La meute est lancée contre Hollande. Tout socialiste qui la rejoindrait, croyant ainsi s'en sortir à bons comptes, ne ferait que creuser sa propre tombe avec les dents. Au moment du choix, les électeurs ne feront pas dans le détail, ni le tri entre les bons et les mauvais socialistes. Tous ceux qui espèrent conserver leur poste, leur place, leur mandat, leur circonscription ne gagneront rien à se dissocier de François Hollande et de son bilan. Si une vague doit balayer le pouvoir, ils seront emportés eux aussi. Autant mourir debout, si le ciel nous tombe sur la tête. Mais, heureusement, rien n'est joué.

Dans le débat présidentiel qui nous attend, qui a déjà commencé, une seule chose importe, pour les uns et les autres : la parole officielle et surtout les actes. Le sérieux et l'honnêteté exigent de s'en tenir à ce principe. Qu'Hollande tienne des propos amers sur la magistrature, en des termes rudes, que l'immigration lui inspire une réaction discutable, tout cela est l'écume des choses. Ce qui vaut, c'est que François Hollande, durant son quinquennat, a renforcé l'indépendance de la justice et n'a cédé à aucune tentation xénophobe. La vérité à retenir, c'est celle-là.

mercredi 12 octobre 2016

Macron marche plus vite



Hier soir au Mans, Emmanuel Macron a organisé le deuxième meeting de sa démarche originale : contrairement aux politiques traditionnels qui avancent d'abord leur candidature personnelle, puis déroulent une liste souvent trop longue de propositions, il fait un état des lieux de la maison France, à partir des remontées de la Grande Marche, et esquisse quelques pistes de réflexion.

Ainsi, un projet se dessine peu à peu, sans tomber dans les travers d'un programme, dont les promesses sont rarement tenues, non par mauvaise volonté, mais impossibilité. La méthode de Macron repose sur la durée, en contradiction avec notre univers médiatique, qui réclame (en opposition avec son adjectif !) de l'immédiat. Mais il nous faut absolument rompre avec la technique sarkozienne de la réaction pavlovienne à tout événement, jusqu'aux faits divers, qui a fait tant de mal à notre vie politique (encore trop nombreux sont ceux qui la pratiquent aujourd'hui, y compris à gauche).

Hier soir, Emmanuel Macron a principalement traité des questions économiques. La semaine dernière à Strasbourg, il avait dénoncé notre système politique ; au Mans, c'est le système social qui a été l'objet de ses critiques, résumables en une formule : "le système social n'est plus le protecteur des plus faibles". Quand j'entends parler, depuis longtemps déjà, jusque dans les rangs de la gauche, de notre "modèle social français", je suis partagé entre l'éclat de rire et l'indignation.

Un "modèle" prétend à la perfection et à l'exemplarité. Que notre système social soit incomparablement supérieur à celui du Burundi ou de la Mongolie intérieure, je n'en doute pas, mais c'est un peu trop facile. Le système doit être jugé pour lui-même : des millions de chômeurs depuis 40 ans, des inégalités qui s'accroissent, des rémunérations qui stagnent dans bien des secteurs d'activité, un système de formation qui forme mal, ah ! il est joli, notre "modèle social français" ... Macron le secoue, comme il secoue le système politique, et sortir du conformisme ambiant fait du bien.

Il revient sur la loi El Khomri, rejoint ce que j'ai senti dès le début de ce conflit : la première mouture était excellente, le refus de négocier affiché par les syndicats radicaux a conduit à des reculs, le texte aujourd'hui adopté ne satisfait plus personne. Macron, cohérent, estime qu'il aurait fallu aller beaucoup plus loin dans l'inspiration initiale. Il assume la logique gouvernementale, mais la pousse à son terme : l'inversion des normes entre la loi et la négociation, celle-ci étant élargie aux minima sociaux en matière d'heures supplémentaires ou d'organisation du travail, celle-là se limitant à être le socle" des grandes règles générales.

Cette révolution des normes, que la deuxième gauche rocardienne a toujours défendue, n'est concevable que dans le renforcement des droits individuels (notamment en matière de formation) et collectifs (le pouvoir des sections et représentants syndicaux). La philosophie sociale de Macron se résume là aussi en une formule : "tant qu'il y aura de l'uniformité, il y aura de l'inégalité". Son projet est celui d'une "société du choix", qui passe par une proposition spectaculaire : élargir l'assurance-chômage aux salariés démissionnaires, afin d'encourager cette "société de la mobilité", qui fait aussi partie de ses objectifs. L'idée générale est de déconnecter les droits du salarié du poste qu'il occupe et de les rattacher à sa personne plutôt qu'à son travail.

Si l'on me dit qu'Emmanuel Macron n'est qu'une bulle sans consistance, que ses propos sont flous et vagues, je n'y comprends plus rien ... ! Mais il y a des formes de déni qui prouvent un embarras ou la facilité de ne pas se confronter à des idées qui dérangent. La présidentielle approche, les propositions de l'ancien ministre ne demandent qu'à être débattues : une élection et sa campagne, c'est fait pour ça, non ? Mardi prochain, troisième et dernier meeting du diagnostic, à Montpellier, cette fois sur le vivre ensemble et l'intégration.

mardi 11 octobre 2016

Pour en finir avec Sarkozy



Sarkozy est fini. Il perdra la primaire, n'acceptera jamais d'être le second de Juppé, lui qui a été pendant cinq ans le premier des Français. Dans quelques semaines, sa carrière politique sera terminée. Vous ne me croyez pas ? Conservez précieusement ce billet. La légende veut qu'on ne meurt jamais en politique. Ce n'est qu'une légende : la liste est longue, à droite comme à gauche, des morts politiques qu'on n'a plus revus.

Sarkozy est fini, mais il a une belle histoire derrière lui. C'est ce que je me disais hier soir, en regardant le très bon documentaire de Gérard Miller. Rien de nouveau, mais d'utiles rappels. Sarko ? Un jeune bourgeois baratineur qui est parvenu à s'imposer dans sa famille politique, la droite de toujours. Trois épisodes m'ont particulièrement marqué dans ce retour sur un déjà long passé :

Le miracle. En politique, le pire des rôles à assumer, c'est celui du traitre. Salaud, tyran, opportuniste, passe encore, mais traitre, c'est insupportable. C'est pourtant l'image qu'a longtemps trainée Sarkozy, après avoir rallié Balladur en 1994, contre son maître en politique, Chirac. Mais l'incroyable, c'est qu'il a su, en quelques années, au sein de son propre parti, retourner la situation. Ceux qui le huaient, qui le sifflaient, qui lui crachaient presque à la gueule, se sont mis à le soutenir et à l'applaudir. Un vrai miracle !

Le mystère. En 2005, devenu ministre de l'Intérieur, Sarkozy tient ses fameux propos sur la "racaille" et le "karcher". Quelques jours après, les banlieues s'enflamment pendant plusieurs semaines. Il n'y certes pas rapport direct de cause à effet, mais Sarkozy, par ses propos inconsidérés, qui n'étaient pas à la hauteur de la fonction, ont mis de l'huile sur le feu, c'est le cas de le dire. L'incroyable, c'est que non seulement sa popularité n'en a pas été affectée, mais elle a au contraire progressé ! Un socialiste aurait été à l'Intérieur en ces temps d'émeutes urbaines, que n'aurait-on pas dit contre lui ! La disqualification aurait été immédiate et méritée. Pour moi, cette popularité d'un irresponsable, d'un pousse-au-crime est un vrai mystère.

La rédemption. Je n'aime pas, je n'ai jamais aimé Sarkozy, vous m'avez compris. Mais je crois, en même temps, que tout homme peut être sauvé, même lui. De tout ce que nous faisons, qu'est-ce qui mérite rédemption ? C'est une grande question ! Pour Sarkozy, il y a un épisode qui force l'admiration, qui m'empêche de dire que cet homme est complètement mauvais : c'est lorsqu'en mai 1993, il est allé chercher des enfants, otages de "Human Bomb", dans la maternelle de Neuilly. Là, ce n'était pas de l'esbroufe, du chiqué. La rencontre avec ce dingue aurait pu très mal tourner. Sarko n'a pas eu peur, a pris des risques. Sont-ils nombreux, dans le personnel politique, ceux qui l'auraient fait ? Je ne crois pas. Ce qui est aussi remarquable, c'est que Sarkozy, à ma connaissance, ne s'en est pas par la suite vanté, n'a pas fait une exploitation électorale de cet acte d'un rare courage. Sarkozy est fini, pour nous garderons de lui ce moment d'héroïsme.

lundi 10 octobre 2016

Le temps des aidants



C'était samedi la première Journée des aidants, organisée à Saint-Quentin au palais de Fervaques. Aidants : quel drôle de nom, assez vague, pas très joli ! Surtout, c'est un terme récent : on connaissait le verbe aider et le substantif aide, mais le vocabulaire ne prévoyait pas un mot spécifique pour désigner ceux qui aident. Je pinaille inutilement ? Peut-être, mais je crois en l'importance du langage humain, toujours porteur de sens. A chaque fois qu'un mot nouveau apparaît, c'est qu'il se passe quelque chose de nouveau dans la société (puisque c'est elle qui est productrice de vocabulaire).

Les aidants, phénomène nouveau ? Eh bien non, justement ; ce qui renforce son étrangeté. Par aidant, on désigne une personne qui en aide une autre, de la même famille, parce qu'elle est malade, handicapée ou très âgée. Rien de nouveau : l'humanité a toujours connu ça. C'est ce qu'on peut aussi appeler la solidarité familiale. Autrefois, quand le système hospitalier et la médecine étaient beaucoup moins développés, c'est dans les familles qu'on vieillissait, souffraient et mourait. Et pourtant, on ne ressentait pas la nécessité de parler d'aidant. L'expression aurait étonné, sans doute fait sourire. Que se passe-t-il donc aujourd'hui ?

Je crois que la vogue des aidants vient précisément du fait que la solidarité familiale a perdu l'évidence d'autrefois. On a recours aux mots lorsque les faits font défaut. Dans un monde hyper-individualiste, cette solidarité-là ne va plus de soi. Le vocabulaire devient alors invocatoire. Et puis, il y a le besoin de reconnaissance sociale, désormais généralisé à toutes les couches de la population, et la compensation financière qui va avec. A quoi s'ajoutent aussi la dimension professionnelle (toute activité réclame une forme de spécialisation, de technicité) et la dimension juridique (quels sont les droits des aidants ?)

Ce qui surprend, c'est qu'on n'imagine pas une seule seconde que ces tâches familiales puissent être essentiellement motivées par l'amour, le devoir, la pitié, la gratitude, dans l'anonymat dans la vie intime. Non, nous en faisons quelque chose de politique (la société est sollicitée, prise à témoin) et de problématique (au lieu d'évoquer la joie qu'on peut trouver à aider une personne qu'on aime, on souligne surtout les difficultés que cela entraîne, dont la fameuse fatigue, qu'on retrouve aujourd'hui partout, et pas seulement chez les aidants ; il ne m'étonnerait pas que le désormais célèbre burn out les frappe à leur tour).

Cette réaction inédite renvoie certainement à de profondes et contemporaines angoisses. La quête du confort et le rejet de la notion quasi religieuse de sacrifice aboutissent à une sorte de culpabilisation à l'égard de nos anciens mal en point. L'aide silencieuse, humble et gratuite n'est plus envisagée. Remarquez bien qu'on ne se représente jamais un aidant comme quelqu'un de jeune, mais plutôt sous les traits d'un quinquagénaire ou sexagénaire auprès de ses vieux parents septuagénaires ou octogénaires. La société de consommation nous a promis une retraite libre, longue et heureuse, une fois les enfants ayant quitté la maison et fait leur vie. Et voilà que ces seniors, comme on les appelle, se retrouvent à devoir prendre en charge des vieillards ou des malades, au détriment de leur propre existence.

J'en viens à me demander si les aidants ne se considèrent pas eux-mêmes comme des victimes, appelant à leur tour à l'aide ! Le slogan de la journée de samedi le confirmait : aider les aidants, comme on parle de formateur de formateurs, formules qui me paraissent étranges, pour ne pas dire contradictoires. Une société qui rêve de jeunesse, de santé et de dynamisme est confrontée à tout ce qu'elle refoule, sinon nie : la vieillesse, la maladie et l'inactivité, et au bout du bout, l'horreur des horreurs : la mort, qu'on voudrait aussi douce que possible, notamment à travers l'euthanasie. Mais comment échapper au spectacle du délabrement et de la mort quand on est aidant ?

Il y a environ un an, faisant une conférence philosophique sur le thème de la vieillesse, une dame approchant les 70 ans est venue me voir, à la fin. Elle était préoccupée par cette vieillesse dans laquelle elle était déjà engagée, mais encore sans grande difficulté. Je lui demande quel est son souci principal. Je m'attendais à ce qu'elle me réponde par la peur de la mort, l'angoisse de la dégradation physique, l'inquiétude de la maladie, l'épreuve de la souffrance. Je n'y étais pas ! Son unique problème, c'était la crainte de la dépendance : elle ne voulait pas devenir une charge pour sa famille !

J'ai essayé de lui expliquer que la dépendance était une tendance inévitable de la vie, que nous étions tous, à un moment ou à une autre, et peut-être à tout moment de l'existence, à la charge de quelqu'un ou de quelque chose. Mais non, la hantise de la dépendance était plus forte que nous. Les aidants sont l'expression de cette contradiction : une société qui fait de l'autonomie un idéal et qui se trouve confrontée à une tranche d'âge qui a besoin d'être aidée, en opposition avec l'idéal proclamé. Quoi qu'il en soit, dans la douleur et dans l'espoir, nous sommes entrés dans le temps des aidants.

dimanche 9 octobre 2016

Bienvenue chez les keupons




Tonton en effigie, des odeurs de bière et de maroilles, des crêtes et des torses nus, un gars en kilt, un autre qui fait tourner ses rastas comme un lasso, la sécu très pro et l'orga nickel, les BTS du lycée Henri-Martin au son et à l'image : c'était ce week-end dans la salle Vermand-Fayet, 800 fous furieux amoureux des musiques alternatives, au festival Bizz Art, où comme chaque année "Y'a pas d'lézard" !

Social Diktat ouvre le feu, très politique, très antipolitique, anar quoi ! (vignette 1) Les Monty Picon ont un guitariste avec un drôle de casque, surmonté d'un mégaphone (vignette 2). Un autre de leur musicien enfile une combinaison en forme de tête de mort. Les Sales Majestés se sont taillés une fois de plus un franc succès avec Camarades. A la fin, la foule s'empare de la scène (vignette 3). Woo oh oh camarades !!! Ca, c'était vendredi soir.

Samedi, les punks étaient un peu moins nombreux, mais l'assistance toujours aussi forte. Les Saint-Quentinois d'E.K.O. ont mis l'ambiance (vignette 4). Quand passe OAI Star, des corps lévitent au dessus de la foule pour rejoindre le groupe (vignette 5). Le très attendu Panda Dub assure grave, déclenche la transe : un truc de ouf ! Ca décoiffe, sauf les keupons, toujours aussi raides de la crête.

Si vous en revoulez une louche : le 11 novembre, pas pour l'armistice, mais pour une nouvelle série de concerts, où l'on retrouvera au même endroit Social Dickat, et aussi Puta Guerilla et Quartier Libre. Vous voyez le genre ! N'empêche qu'avant, dans mon jeune temps, on n'aurait pas mêlé rock, punk et reggae. Merci à Fatima pour les photos.

samedi 8 octobre 2016

RRRrrrr !!!




Je n'achète pas la mauvaise presse, mal fichue, mal écrite. J'ai fait une exception pour le numéro de septembre-octobre de Fakir. Pas parce que le journal est picard (d'Amiens), mais bien sûr parce que Emmanuel Macron, d'Amiens lui aussi, était en couverture. Regardez bien la photo : le gentil ex-ministre, si souriant, est devenu méchant. Il montre les dents, pas cette fois à son avantage. On dirait qu'il va mordre. Et puis, il y a le gros titre, qui fait de Macron un quasi assassin. On nous prévient : "ses victimes témoignent". Bigre ! Je me suis dit : il faut que je lise ça, que je ne rate pas ce procès.

Eh bien, j'ai été très déçu. Pourtant, le dossier à charge, signé François Ruffin, tient sur six grands pages d'une écriture serrée. Mais il n'y a rien à l'intérieur. On nous raconte longuement les péripéties d'une entreprise qui fabrique des barquettes en alu, à Saint-Vincent-de-Mercuze (38), et qui a fermé. Qu'est-ce que Macron a à voir avec ça ? Le ministre n'a pas répondu, parait-il, aux courriers qu'on lui a envoyés. Ok, ce n'est pas bien. Mais après ?

Une "lettre ouverte à l'ex-ministre" lâche quelques pauvres et banales critiques : "L'industrie [pour Macron], c'est fini. La modernité réside dans les services (...) Depuis trois décennies, la France est vide d'un projet industriel. Vous et vos semblables [sic] laissez faire la débâcle (...) Un peuple peut accepter la domination d'une élite, à condition que cette élite lui assure une protection [drôle de conception politique pour un journal gaucho]. Vous ne l'assurez plus. Vous avez au contraire livré les classes populaires au Minotaure mondial, vous les avez plongées dans le maelström économique".

J'arrête là, le reste est du même tonneau, inintéressant et inintelligent : un catéchisme antilibéral, qui invente de toutes pièces un épouvantail que Fakir prend plaisir à brûler. C'est de la magie, pas de la réflexion. Ces soi-disant anticonformistes répètent des clichés d'un conformisme affligeant. Qu'on critique Emmanuel Macron, je ne demande que ça, parce que j'aime le débat, la confrontation et qu'il y a sûrement des choses critiquables dans ses idées et sa démarche. Mais là, non : les attaques sont purement personnelles, jamais le projet de Macron n'est discuté (est-il au moins connu des rédacteurs ?).

La preuve : le journal reproduit HUIT couvertures de magazines où apparaît Macron, comme si le problème de Fakir avec lui était celui-là, le succès éditorial de l'homme politique. Mais qu'est-ce que ça peut bien leur faire ? Ce qui compte, ce sont les idées. Pourquoi ne pas sérieusement et honnêtement les aborder ? Mais non ! Ou alors en soutenant des choses fausses, car Macron n'a jamais prétendu que l'industrie n'avait pas d'avenir dans notre pays. Il affirme même le contraire !

On peut ne pas aimer Emmanuel Macron, sa personnalité, sa binette, sa vie. Mais quand on fait un peu de politique, c'est le projet qu'il faut discuter, éventuellement contester : pas l'individu. Ou alors c'est qu'on est en manque d'arguments. C'est pourquoi je vous invite à acheter et à lire ce numéro de Fakir. Le méchant Macron à la une ne vous mordra pas, et ses contempteurs ne réussissent vraiment pas à lui passer la muselière. Les adversaires sont parfois plus convaincants que les partisans, lorsqu'ils tiennent entre leurs mâchoires édentées un couteau sans manche et sans lame. Avec de tels attaquants, Emmanuel Macron n'a même plus besoin de défenseurs.

vendredi 7 octobre 2016

Le moins pire d'entre eux



L'Emission politique avec Alain Juppé était, hier soir sur France 2, très attendue. Par moi aussi. C'était son "grand oral", comme beaucoup l'ont dit. Il s'en est plutôt bien sorti. Mieux que Sarkozy il y a quelques semaines. Juppé avait un petit problème d'image : le gestionnaire coincé. Là, il s'est montré souriant, détendu et plaisantant à bon escient. Il est aussi apparu tel qu'il est depuis toujours : modéré certes, mais de droite assurément et libéral sans hésitation.

Quand s'est affiché son programme sur les impôts, c'était édifiant. Famille fortunée : - 21 700 ; famille moyenne : - 2 000 ; famille modeste : + 150. On voit qui a intérêt à voter Juppé, qui en tire le plus gros bénéfice ! L'objectif, c'est que les riches restent et investissent en France. C'est louable, mais ils ne sont quand même pas des centaines de milliers à émigrer (la Révolution française est lointaine). Et puis, qui dit qu'avec les cadeaux que leur fait Juppé, ils investiront ? En social-libéral, j'accepte et je souhaite qu'on aide les entreprises, qu'on diminue leurs charges, qu'on assouplisse le marché du travail. Mais avantager fiscalement les foyers les plus riches, non !

Juppé nous a refait le coup, classique à droite, du chômeur qui gagne autant que le salarié, à force d'accumuler les aides sociales. Premièrement, cette situation est hyper-minoritaire. Deuxièmement, même à sommes égales, celui qui vit de prestations sociales est beaucoup moins bien loti qu'un salarié avec des rémunérations stables, lorsqu'il doit faire face aux difficultés quotidiennes, par exemple s'adresser à un organisme de crédit pour obtenir une aide. Malgré tout, Juppé envisage de baisser le RSA au cas où l'égalité se présenterait. Quelle misère de voir ces hommes de droite pinailler pour de telles situations, où l'on oppose un pauvre à un moins pauvre, au nom d'une soi-disant justice !

Même irritation, en ce qui me concerne, à entendre Juppé proposer la dégressivité des allocations chômage. Comme si on restait sans travail par plaisir ! Bien sûr qu'il y a des économies à faire, mais allons les chercher ailleurs que sur le dos des sans emploi. Et ce n'est pas en instituant un plancher de 850 euros qu'on y changera quelque chose. Le plus étonnant, c'est que Juppé fait cette proposition de dégressivité "sous condition" de reprise économique, façon de reconnaître, sans le dire, que la mesure est scandaleuse et injuste en période de chômage de masse. Et puis, faire une proposition "sous condition", ça n'a aucun sens. Les allégements d'impôts pour les plus riches, pourquoi Juppé ne les met-il pas "sous conditions" d'investissements productifs ou de créations d'emplois ? Mais là, non, Juppé ne le propose pas ...

L'émission avait convié le facho de service, Robert Ménard, maire de Béziers, qui n'avait qu'un mot à la bouche, de nombreuses fois répété : "enfants d'immigrés". Eux, il ne les aime vraiment pas ! Notons au passage que ces enfants sont Français, comme lui, vous et moi. Mais ce qui tourmente le compagnon de route du FN, c'est l'"origine". Face à lui, Alain Juppé n'a pas cédé, a été parfait et je m'y suis cette fois retrouvé. Le maire de Bordeaux a souligné que l'immigration légale en France n'était pas excessive, qu'elle était même enrichissante. Il a défendu le principe du regroupement familial. Le facho ne tenait plus en place, tournait sa langue dans sa bouche sèche, cherchait le venin qu'il ne trouvait pas. Juppé nous en a efficacement débarrassé, tant mieux.

De même, le candidat à la primaire de la droite a mouché comme il le fallait Léa Salamé, qui voulait sottement lui faire le coup de l'arrogance, parce qu'il avait lancé à Giesbert, par boutade, qu'il emmerdait ceux qui le trouvaient emmerdant (voir billet de mardi). Visiblement agacée par cette résistance inattendue, l'animatrice qui croit faire sa rebelle a laissé échapper un voyou "ça va ! ça va !" en direction de l'ancien Premier ministre qui, lui, gardait son sourire.

Entre Alain Juppé et moi, il y a la distance de la Terre à la Lune. Avec Sarkozy, de la Terre à Mars. Le Pen, c'est carrément une autre galaxie. Le moment venu, s'il y avait nécessité, je saurais prendre la mesure de ces écarts. En attendant, de celui que Jacques Chirac qualifiait de "meilleur d'entre nous", je dirais simplement qu'il est le moins pire d'entre eux.

jeudi 6 octobre 2016

Le club des Cinq



On spécule beaucoup sur les prochaines présidentielles. On complique généralement la situation. C'est pourtant simple : il y a cinq candidats principaux, qui ont chacun leur chance, parce qu'ils représentent chacun une sensibilité politique forte dans notre paysage politique. A droite, c'est Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, c'est-à-dire la droite dure et la droite centriste. A gauche, c'est Emmanuel Macron, François Hollande et Arnaud Montebourg : le social-libéral, à la façon de Blair, Schroeder et Renzi ; le socialiste de synthèse ; l'aile gauche du PS. Chacun de ces cinq candidats a sa légitimité, incarne des idées qui méritent d'être débattues dans le cadre de l'élection présidentielle. Tous les autres candidats ont sans doute leur intérêt, mais ils sont très minoritaires et ne joueront pas un rôle majeur.

Si nous n'avons pas à craindre cette diversité de candidatures, qui donne toute sa valeur à la démocratie, nous avons beaucoup à redouter de la division, qui est une plaie en politique. A droite, si Juppé l'emporte lors de la primaire de la droite, les sarkozystes le soutiendront-ils dans la présidentielle ? Rien n'est moins sûr. Entre l'extrême droite et la droite modérée, ne pencheront-ils pas vers la première ? Dans cette hypothèse, la droite rencontrerait des difficultés, car elle ne peut espérer l'emporter qu'en rassemblant ses deux sensibilités, la droite dure et le centre-droit.

A gauche, le problème du rassemblement se pose dans les mêmes termes. Hollande va se présenter, c'est certain et c'est très bien. Mais participer à la primaire, quand on est le chef de l'Etat, j'ai toujours pensé que c'était une mauvaise idée. Le président de la République est le candidat naturel de la gauche gouvernementale, c'est évident, il n'y a pas à en choisir un autre. A ce titre, il doit garder de la hauteur : c'est un atout, lié à sa fonction, qu'il va abîmer dans la primaire, au risque même de se voir battu ou talonné par Arnaud Montebourg.

Emmanuel Macron va se présenter, c'est évident aussi. De ce point de vue, il a raison : défendre son propre projet. Mais les socialistes ont tort de l'attaquer violemment : il faudra bien, le moment venu, rassembler toute la gauche, quelle que soit la sensibilité des uns et des autres. C'est dès maintenant qu'il faut veiller à ce que les conditions de l'unité soient respectées : Macron défend ses idées, mais je ne l'ai jamais entendu condamner aucun membre du gouvernement.

L'essentiel, dans cette présidentielle à venir, c'est que chaque citoyen, électeur, militant se détermine par rapport à ses seules convictions, sans autre considération tactique. Il n'est pas vrai que Macron divise la gauche : au contraire, il introduit une plus-value, il ramène aux urnes et à la politique une partie de l'électorat qui s'en détourne. Il n'est pas vrai que des électeurs de gauche aient raison de participer à la primaire de droite afin de soutenir Juppé : c'est un faux calcul, qui présume que Juppé serait préférable à Sarkozy, alors que ce choix ne concerne que les électeurs de droite.

Je n'ai pas parlé de Marine Le Pen ? Non, parce qu'en République, je ne retiens que les candidats républicains. L'extrême droite, pour moi, ne fait pas partie du débat présidentiel. Ce qui est dramatique, c'est de considérer comme un fait acquis, sur la foi de sondages forcément appelés à varier, que Le Pen sera présente au second tour. Tous les calculs et positionnements des uns et des autres reposent sur cette terrible hypothèse : c'est déplorable.

Rien ne certifie que le FN sera au second tour. Et si tel était malgré tout le cas, ce serait un échec pour la République et un désaveu de la classe politique. Concentrons donc le débat autour des Cinq, qui en sont les seuls dignes, et ne nous définissons pas en fonction de la présence de l'extrême droite. Celle-ci doit être combattue, point final, mais surtout pas instrumentalisée. La tactique, c'est bien joli, mais c'est comme le tic-tac d'une bombe : ça finit par exploser à la figure. Convictions seulement !

mercredi 5 octobre 2016

Rien ne pourra nous arrêter



Hier soir à Strasbourg, Emmanuel Macron a dévoilé les premières propositions issues de son porte-à-porte de l'été. Le thème retenu était "la vie engagée", c'est-à-dire la rénovation du système politique, dont on sent bien aujourd'hui la nécessité et même l'urgence. Trois pistes :

- L'instauration d'une part de proportionnelle au Parlement. La gauche en a souvent parlé, mais elle ne l'a faite qu'une fois, en 1986, mesure annulée ensuite par la droite. La proportionnelle, c'est tout simplement la démocratie, dont le principe majeur est la représentation, qui doit être la plus juste possible. L'extrême droite entrera à l'Assemblée nationale ? Et alors, elle y est déjà ! Le problème est en amont : la lutte contre le FN, à quoi la gauche hélas a renoncé et à quoi il faut revenir, là aussi.

- La limitation du nombre et de la durée des mandats. C'est également un point sensible de la démocratie et une aspiration très forte de l'opinion. François Hollande y a répondu en partie, mais il faut aller beaucoup plus loin. C'est l'une des conditions de la rénovation de la classe politique, qui ne peut plus reposer sur les mêmes, se reproduisant en quelque sorte de génération en génération.

- L'instauration du bilan de mandat. C'est une idée qui m'est chère, qui devrait aller de soi : tout élu en charge d'un exécutif devrait se soumettre à l'examen de ce qu'il a fait (ou pas fait). L'élection ne peut plus être la panacée. Si je ne suis pas trop favorable à la démocratie dite participative, le contrôle citoyen me semble en revanche nécessaire. Etre élu et n'avoir de comptes à rendre à personne durant tout son mandat, se contentant du verdict du prochain scrutin, ça ne va plus. Pour le bilan de mandat du chef de l'Etat, Emmanuel Macron propose un comité de citoyen tiré au sort. Le champ des commissions d'enquête parlementaires serait élargi, les ministres pourraient être auditionnés par les députés. Aujourd'hui, les politiques sont confrontés aux questions des citoyens dans des shows télévisés qui me déplaisent. L'idée est pourtant bonne, mais dans un cadre institutionnel, à l'abri du spectacle médiatique.

En marge de son meeting, Emmanuel Macron a répondu à la critique de Manuel Valls sur sa conception de la laïcité : non, celle-ci ne peut pas se réduire à des interdits, à une conception fermée, autoritaire et antireligieuse. Depuis une dizaine d'années, nous assistons à un incroyable détournement de la laïcité au profit de l'extrême droite, qui en a fait une idée liberticide et islamophobe, alors que l'authentique laïcité est tout le contraire.

Une dernière chose : à tous ceux qui laissent croire malhonnêtement que Macron ne serait ni de droite ni de gauche (en vue de l'isoler politiquement), son positionnement hier a été très clair, les critiques ont visé Nicolas Sarkozy et Alain Juppé (qui, quelques jours auparavant, ne l'avaient pas épargné, oubliant leurs propres turpitudes au sommet de l'Etat). Il n'empêche que bien des débats politiques d'aujourd'hui échappent au clivage gauche/droite (mais sans le faire disparaître) et qu'il est bon que des personnes de gauche et de droite travaillent ensemble, dans la mesure du possible et autant que la cohérence le leur permet.

Hier, Macron a monté la première marche. La deuxième, ce sera le 11 octobre, au Mans, sur "la vie quotidienne", les questions économiques et sociales. La troisième, le 18 octobre, sur "la vie ensemble", l'intégration, à Montpellier. Et puis après, peut-être, sûrement, le haut du podium ? Emmanuel Macron a terminé hier soir sur cette phrase, dans l'enthousiasme et la détermination : rien ne pourra nous arrêter.

mardi 4 octobre 2016

Juppé sans ses bottes



Ce sera sûrement le candidat de la droite à l'élection présidentielle. Il faut donc que je m'intéresse à lui. Franz-Olivier Giesbert, un chapeau sur la tête (!), en a fait un documentaire, diffusé hier soir sur France 3 : "Juppé, le ressuscité". Il y a du Mitterrand en lui, quand il se promène tranquillement dans les rues de Bordeaux, comme le président socialiste parcourait les quais de Seine. Surtout, même sens de la distance : la présidentielle, il y va parce qu'il n'a rien à perdre. Les électeurs qui le trouvent trop classique ? Qu'ils aillent voir ailleurs, Juppé ne les retient pas. A ce propos, je partage complètement sa critique des réseaux "sociaux", son rejet de l'immédiateté dans la communication politique. Ses petits camarades de droite ? A chacun, ils distribuent les bons points et quelques piques bien senties, comme Mitterrand savait les lâcher contre les siens. Le résultat de l'élection ? S'il gagne, tant mieux ; s'il perd, tant pis. Pas de doute : Juppé a pris de la hauteur, celle qui met au niveau de la fonction suprême.

Pour le reste, Alain Juppé est fidèle à lui-même : un homme de droite, plutôt modéré, sans grande originalité. Pourquoi plait-il ? C'est un grand mystère, comme toutes les formes de charisme politique. Après un Sarkozy surréaliste et surexcité, l'électorat droitier aspire peut-être à un retour au classicisme, technocrate, bonhomme et bourgeois. Juppé, ce n'est ni mes idées, ni ma culture, ni mon style. Je prends un exemple : son rapport à la religion, dont il aime la pompe, l'encens et la défense par Chateaubriand. Comme Jean d'Ormesson, il se prétend "catholique agnostique", ce qui ne veut strictement rien dire, sauf à réduire la foi à une simple tradition, ce qui est offensant pour le christianisme authentique. La messe, il s'y rend parce que c'est le seul endroit où on ne l'emmerde pas (sic). L'Eglise appréciera.

Pour la gauche, Alain Juppé restera celui qui, il y a 20 ans, ce n'est pas si vieux, a jeté des millions de salariés dans les rues, contre la réforme des régimes spéciaux de retraite. Avec lui, le mouvement social prendra une tournure nouvelle : s'emparant du thème de la retraite, mobilisant puissamment autour de cette angoisse inédite, se radicalisant aussi, FO s'alignant sur la CGT. Pourtant, sur l'assurance-maladie, Juppé avait fait un bonne réforme, soutenue par les syndicats réformistes et une partie de la gauche. Mais le symbole de la retraite mise à mal, dans une France commençant à devenir vieillissante, a été le plus fort. Les électeurs de gauche qui s'apprêtent à voter pour Juppé en participant à la primaire de la droite l'auraient-ils oublié ?

Le documentaire de Giesbert nous a rappelé les affaires dans lesquelles Alain Juppé a été impliqué : un loyer à bon marché, les emplois fictifs à la Mairie de Paris. Je ne le juge pas là-dessus, c'est le travail de la justice, qui est derrière nous. Juppé me semble un honnête homme. On lui a beaucoup reproché sa formule : "droit dans mes bottes". Moi, elle me convient, comme me convenait la soi-disant psychorigidité de Lionel Jospin : rigueur, droiture, exigence. Evidemment, ça n'amuse pas tout le monde. Mais est-ce que la politique est faite pour amuser ? Aujourd'hui, Juppé a changé, se veut plus décontracté. Il lui arrive même de rire et de dire des gros mots. Sera-t-il notre futur président de la République ? Je ne le souhaite pas, mais il est, de tous les candidats à la primaire de la droite, celui qui en a le plus l'étoffe.

lundi 3 octobre 2016

Juju pas jojo




Ce matin, au milieu de mon paquet de publicités tombées dans ma boîte aux lettres, j'ai trouvé le n°2 du bulletin trimestriel de Julien Dive, le député Les Républicains de la circonscription. C'est un quatre-pages nickel (je parle de la forme : le contenu, chacun a ses convictions).

La dernière page est particulièrement réussie ; c'est une mosaïque de 12 photos, où rien ne manque : Julien Dive recevant dans sa permanence, Julien Dive coupant un ruban tricolore, Julien Dive avec un casque d'ouvrier pour bien montrer qu'il est avec des ouvriers, Julien Dive avec des sportifs (footeux et cyclistes), Julien Dive avec Roland Renard et Jean-Louis Bricout (il est important qu'un homme de droite s'affiche avec des hommes de gauche, pour manifester son sens de l'ouverture), Julien Dive avec Xavier Bertrand et Frédérique Macarez (il est important qu'un homme politique n'oublie aucun de ses proches, à qui il doit un petit quelque chose).

Tout ça est judicieux : un sans faute en matière de communication politique. Sur la dernière photo, Julien Dive bande un arc, s'apprête à décocher une flèche. Que vise-t-il ? Le cœur de son électorat ? Ou bien ses futurs adversaires aux prochaines législatives ? Allez savoir s'il n'y a pas du subliminal ...

Alors, nickel de chez nickel ? Non, la couverture est une cata ! Regardez-moi ça (en vignette) : Julien Dive tout tristounet, ne regardant même pas son lecteur ou électeur dans les yeux, mais parlant à un inconnu dont on ne voit que le nez et la main. Et dans quel endroit se trouve notre député ? Au milieu de nulle part ! On aperçoit, dans un flou qui n'est pas artistique, des sortes de grands chariots portant des grilles, la plupart vides, ou bien avec quelques paquets d'on ne sait quoi. Le lieu est cafardeux et l'on comprend que le député ne soit pas très gai. Il me fait penser à un préposé des Postes, dans le petit matin glauque, au moment de faire le tri du courrier (je connais, j'y ai travaillé, il y a longtemps).

Franchement, quelle idée d'avoir choisi une photo si peu sexy, pas glamour du tout ! A moins que ce soit une fine stratégie : faire partager la banalité de la vie ordinaire, qui évidemment n'a rien à voir avec l'existence d'un parlementaire. Auquel cas j'aurais complètement tort dans mon jugement. A vous de vous faire votre idée.