lundi 31 octobre 2016

La gauche la plus bête du monde ?



Manuel Valls, en Côte d'Ivoire, est revenu, à mots voilés, sur le rappel à l'ordre de Stéphane Le Foll : le patron, c'est Hollande ! La mise en garde s'adressait bien sûr au Premier ministre, qui avait, la semaine dernière, affiché ses distances à l'égard de François Hollande. L'épisode justifie le départ d'Emmanuel Macron du gouvernement : quand on veut défendre ses propres idées, il faut choisir l'autonomie (voir billet d'hier). Sinon, c'est la juste discipline gouvernementale qui s'impose : Valls à Matignon est "l'obligé" du président. Il ne peut pas se permettre le moindre écart sans provoquer une crise au sommet. Présidentiable, il l'est sans doute, mais sa position officielle lui rend la tâche difficile, sinon impossible en l'état.

Hier, en Côte d'Ivoire, le Premier ministre, quoique à l'étranger, a tenu des propos forts sur la vie intérieure française. Pour dénoncer les divisions de la gauche, il a eu cette phrase assassine : "Nous ne sommes pas dans une cour de récréation, pas dans un bac à sable". Cette infantilisation du débat public ne me convient pas, parce qu'il ne correspond pas à la réalité. On pensera ce qu'on voudra de Montebourg, Macron, Hamon et quelques autres, chacun aura sa préférence, mais en aucun cas le débat entre eux n'est indigne ou purement conflictuel : il dessine au contraire des lignes de fractures politiques et idéologiques réelles. Que cela pose un problème à la gauche en termes d'unité et de victoire, c'est certain, et Manuel Valls a raison de le rappeler. Mais il n'est pas juste de rabaisser ces divisions à des querelles d'enfants, pour s'amuser.

Manuel Valls a eu cette phrase encore plus terrible : "la gauche française peut devenir la plus bête du monde". C'est la reprise d'une formule en vogue dans les années 70 et 80, mais appliquée alors à la droite, qui avait peu d'idées à proposer, qui était à ce point divisée qu'elle jouait contre elle-même. Oui, la gauche actuelle peut connaître cette dérive morbide. C'est toute la question, si difficile en politique, de l'intelligence collective. Mais je crois que certaines protections existent. Il y a 30 ou 40 ans, la droite française souffrait d'un manque d'idées ; à gauche aujourd'hui, de Montebourg à Macron, c'est plutôt le trop plein, car on ne peut pas dire que ces deux hommes, et quelques autres, manquent de réflexion. Le vrai problème, et Valls l'a souligné hier, c'est l'esprit de "responsabilité" : le moment venu, tous ces leaders si différents sauront-ils se réunir, prendre conscience des enjeux, faire des choix communs ? C'est le proche avenir qui le dira, mais il n'y a pas à désespérer.

Enfin, Manuel Valls a posé la question à un million d'euros : "Qui peut rassembler ?" en pensant très fort à lui. Pourquoi pas, mais d'autres, précédemment nommés, pensent aussi très fort qu'ils seraient les mieux à même de "rassembler". Alors, on fait quoi ? Eternelle question politique ... Ma réponse : il est trop tôt pour répondre, ce ne sont pas les hommes qui décident, mais les circonstances et les événements. La droite va choisir son candidat, le président de la République se prononcera en décembre, la primaire de la gauche aura lieu en janvier, le premier tour de la présidentielle est en avril. C'est trois mois avant que tout s'éclaircira, comme à chaque scrutin présidentiel. C'est à ce moment-là que nous saurons si la gauche française est la plus bête du monde ou pas.

14 commentaires:

Philippe a dit…

Coluche avait déjà pensé à Valls :
""Le gouvernement s'occupe de l'emploi. Le Premier ministre s'occupe personnellement de l'emploi. Surtout du sien.""

Anonyme a dit…

Je comprends parfaitement l'exaspération de Manuel Valls qui lui a fait tenir ses propos de politique intérieure depuis l'étranger, ce qui ne se fait pas quand on a un tant soit peu de dignité dans l'exercice de sa fonction et de ses convictions. Hollande me semble totalement coupé des réalités du pays à l'Elysée mais au milieu de ses courtisans et des journalistes on ne perçoit le monde que par le petit bout de la lorgnette. Jadis un grand dessinateur du Canard enchainé décrivait l'occupant de l'Elysée comme un monarque et sa cour à la façon de Louis XIV, cela concernait il y a 50 ans le général de Gaulle. On pourrait en faire autant avec Hollande mais avec la petitesse d'un président "normal" qui n'a pas du tout compris la fonction de Président. Le pire c'est qu'il va s'entêter à se représenter en entrainant dans son naufrage toute la gauche gouvernementale. Il faut dire, avec la plus grande lucidité possible, penser parfois contre son camp, qu'elle ne l'aura pas volé. A force de faire la même politique que la droite votre électorat s'abstient dans un premier temps puis certains votent pour l'original et non point la copie. Si elle veut se sauver la gauche gouvernementale doit à tout prix s'unir derrière le vainqueur de la primaire de gauche en espérant que ce soit Montebourg. Même Macron devrait rentrer dans le rang s'il ne veut pas subir et être tenu pour coresponsable du naufrage qui s'annonce. Faute de quoi ce sera Mélenchon qui pourrait emporter le duel de la gauche non-communiste. Le politologue Laurent Bouvet pense, et il est loin d'avoir tort, que la défaite pourrait être pire qu'en 1993 où la gauche restait unie. Dans ses conditions "Vae victis"

E a dit…

"Ma réponse : il est trop tôt pour répondre, ce ne sont pas les hommes qui décident, mais les circonstances et les événements."
Et les électeurs, ils comptent pour du beurre ?

Emmanuel Mousset a dit…

Ce sont les électeurs qui font les circonstances et les événements.

Anonyme a dit…

Ben oui , bien bête d'avoir propulsé à la présidence , un zig qui n'avait pas envie d'y aller ............ Mais pas du tout et ça se voit encore ...

E a dit…

"Ce sont les électeurs qui font les circonstances et les événements."
Vous comptabilisez les auteurs d'attentats parmi les électeurs ?
Les auteurs de ces actes malveillants tentent de manipuler l'électorat. A ce dernier de conserver son sang froid. L'émotion est trop souvent mauvaise conseillère.

Erwan Blesbois a dit…

Mais enfin Emmanuel soyons clair, mai 68 fut-elle pour toi la révolution marxiste des prolétaires contre le pouvoir capitaliste, une révolution où les travailleurs s'opposaient aux "cadences infernales", et réclamaient de meilleurs conditions de travail et salaires, et les étudiants bourgeois le droit de jouir plus, sans autorité contraignante d'origine patriarcale, propre à la vieille société française et gaulliste traditionnelle ? Ou bien une révolution, comme l'analyse Régis Debray destinée à abolir la vieille société traditionnelle fondée sur l'autorité, afin de s'adapter aux exigences du capitalisme ; destinée au fond à adapter les travailleurs à une société capitaliste en mutation, souhaitant tirer plus de profit de ses acteurs, avec l'arrière pensée de les soumettre à terme, à des cadences encore plus infernales, sous couvert d'esprit de rébellion et de jouissance : cadences plus infernales et salaires bloqués, qui est la réalité des travailleurs aujourd'hui, à qui l'on demande toujours plus de sacrifices ? Esprit de jouissance et de dérision, que réclamaient les étudiants bourgeois de 68, aboutissant à la lente mais non moins systématique déculturation de nos compatriotes, les première victimes étant les classes populaires et les plus défavorisées, à qui l'on demande en compensation une plus grande efficacité professionnelle : le but que recherchait les idéologues libéraux libertaires (dont Minc et Attali sont les archétypes), pour qui - il ne faut quand même pas déconner !-, compte plus encore le fric et le profit, que l'esprit de jouissance et de dérision. Esprit de jouissance et surtout de dérision, que l'on a donné au peuple et qui continue de se manifester dans des émissions devenues débile, à la télévision, et dans tout un état d'esprit ironique et moqueur, voire méchant, qui n'a cessé de se développer dans toutes les strates de la société française, particulièrement chez les gens de ma génération et toutes les suivants, qui sont les enfants puis les petits-enfants des boomers. J'ai l'impression que tu étouffes totalement cette réalité là de mai 68, dont au départ Debray fut l'éveilleur de conscience, et dont Zemmour, sans doute plus caricaturalement, en s'en prenant aux musulmans (seul élément que l'on a retenu de sa pensée pour le qualifier de raciste, puis de fasciste, à l'instar d'un Finkielkraut), a repris le flambeau. La gauche est en réalité "la plus bête du monde", depuis 1983, et qu'elle a pris le tournant libéral, et qu'elle continue de s'enfoncer dans cette voie, qui est un héritage au fond de mai 68, alors que l'aile gauche du parti socialiste dénonce cet engrenage, et à mon avis de façon pertinente. Reste à savoir si les Montebourg, Filoche, Hamon, Lienemann, une fois au pouvoir, pourraient réellement faire autrement ; tant la marge de manœuvre, imposée par la mondialisation, et de plus en plus réduite, aujourd'hui bien plus réduite qu'en 1983. Désormais la caution idéologique du nouveau conformisme libéral libertaire n'est plus mai 68, qui est devenue un mythe un peu poussiéreux, mais la mondialisation, et l'exemple de nos voisins européens, et à plus grande échelle, mondiaux. Et l'absence de choix que nous imposent ces modèles, avec le chantage au chômage et au déclassement social, que ne cesse d'agiter l'oligarchie cosmopolite, déterritorialisée, multiculturaliste, libérale libertaire, bobo, qui détient les manettes du pouvoir et de l'opinion : effectivement dans l'opinion se répand un sentiment fataliste que l'on ne peut rien faire, ni changer, mais que l'on peut seulement exécuter les ordres qui nous viennent "d'en haut", toujours dans le sens de profits de plus en plus énormes pour une toute petite minorité de privilégiés : l'hyper classe. Alors que la classe moyenne se délite, et que les think tank libéraux libertaires ont programmé sa disparition à terme : trop dangereuse, râleuse et revendicatrice.

Erwan Blesbois a dit…

Je vais m'égarer un peu du sujet initial, mais ne pas déroger au fil de ma pensée, qui ne doit pas intéresser grand monde j'en conviens, mais au vue des réactions sur ce blog, je vois que certains réagissent à mes propos, donc je continue sur cette voie et remercie Emmanuel Mousset de me laisser un espace visible de parole. Je reviens sur la question cruciale de l'engagement politique : pourquoi j'ai tant de mal à m'engager en politique, ce que me reproche constamment Emmanuel Mousset ? La République s'est fondée sur un modèle d'autorité qui faisait consensus et unité, sur le modèle autoritaire du catholicisme, qu'elle a tout de suite vidé de son sens spirituel, pour n'en garder que le modèle autoritaire et hiérarchique : par analogie c'est pour cela que je dis que Zemmour a la nostalgie "d'une autorité patriarcale d'origine catholique", alors que paradoxalement il est d'origine juive, et qu'une telle nostalgie uniformatrice d'origine catholique de l'époque gaulliste, ne devrait pas le toucher, puisqu'il devrait en toute logique revendiquer sa différence. Peut-être a-t-il conscience, par une lucidité particulière, à l'instar d'un Finkielkraut, que la société française privée de tout principe d'autorité, risque rien de moins que la fragmentation, puis par un jeu de dominos, l'effondrement, et que la seule autorité susceptible de faire consensus en France, sous un habit républicain, est au fond d'origine catholique ; alors qu'aujourd'hui ce sont les prédateurs libéraux libertaires, les fauves de wall street, de la City et de la finance en général, qui nous infligent leur réussite arrogante et méprisante, qui font autorité ; ou encore l'idole fric, qui fait autorité, et qui influence les mœurs décadentes et déculturées de nos contemporains. La société pourtant semble pleine de bonne volonté, tout le système semble bon et vise à l'épanouissement de chacun par l'école. Pour Emmanuel Mousset, qui a une vision un peu naïve mais bienveillante, "bisounours" dirait un commentateur fidèle de ce blog, tout n'est qu'une question de bonne volonté et de mérite, et ceux qui sont "exclus", soit font preuve de mauvaise volonté, soit sont des malades. En réalité, je ne souscris pas du tout à cette vision républicaine de la laïcité, du mérite, de l'éducation, qui a voulu totalement évacuer l'héritage de l'autorité patriarcale, par le contre-héritage "impossible" diront certains, de la révolution de mai 68, qui aboutit aux violences que l'on connaît dans les établissements scolaires, et l'impossibilité d'enseigner dans certaines zones sensibles. Quel parti aujourd'hui en France pose la question de l'autorité ? Il semble que devant le vide abyssal laissé par tous les autres partis, le FN construit les fondations de ses succès futurs, on lui laisse le champ libre, personne ne vient lui contester la souveraineté sur ce terrain, ni même l'aile gauche du PS, et c'est bien dommage. Seul Sarkozy, par opportunisme s'agite un peu sur ce terrain, puisque de façon récurrente, après avoir lancé une offensive médiatique et provocatrice, il bat au fond systématiquement en retraite. Car son fonds de commerce idéologique, est la pensée libérale libertaire, comme on l'a vu à l'œuvre durant son quinquennat : c'est une grande gueule sur le terrain de l'autorité, mais un tout petit faiseur ; si c'était un prof, ce serait un type qui gueulerait un bon coup au début de l'année pour installer son autorité, et qui tout le reste de l'année laisserait ses élèves, livrés à eux-mêmes. Il en existe des profs comme ça, que l'on prend pour des types autoritaire, qui font un peu peur, mais qui au fond sont des laxistes, qui se foutent de l'intérêt de leurs élèves.

D a dit…

"Il en existe des profs comme ça,"
Voulez dire qu'ils veulent la paix et la paie ?
Et que du reste ils n'ont rien à faire ?
Parlez plus clairement pour celles et ceux qui n'ont pas étudié à haut niveau SVP...

Erwan Blesbois a dit…

Pourquoi les profs seraient-ils plus vertueux que les hommes politiques ? Pourquoi les profs seraient-ils les seuls à représenter l'idée d'autorité, alors que toute la société a jeté le bébé "autorité" avec l'eau du bain, je me répète mais depuis mai 68. Les profs ne peuvent pas être un empire dans un empire, c'est-à-dire des gens vertueux mais dans une société..., je me répète encore, globalement perverse : à cause de la logique de prédation nécessaire pour survivre induite par le libéralisme libertaire. Vous me suivez ?

D a dit…

Non parce qui présiderait à lancer tout le monde vers l'abîme que vous nous annoncez ?
Pour qu'il y ait une logique, il faut qu'il y ait un cerveau pensant avant cette logique...
Qui est ce cerveau là ?

Anonyme a dit…

Il est évident que le rappel des changements depuis 1968,rappel historique est important:l'arrivée de Mitterrand en 1981 où il a été applaudi là où j'étais,dans une ville universitaire de droite.Tout le monde est descendu pour fêter son élection sans se cacher ni cacher ses opinions.Cette période est révolue.L'espoir de retrouver une telle joie débordante pour la réussite du candidat PS(pas n'importe lequel)ne se reproduira pas.Il y a un électorat qui n'a plus de conviction et qui attend,depuis des années,idée reprise en coeur parles journalistes,les derniers échanges politiques.Le citoyen attend ces derniers débats à une semaine du jour du vote.
Celà me donne à réfléchir.Y a-t-il encore des têtes pensantes?

Erwan Blesbois a dit…

Euh non... Si je dis qu'il y a un cerveau je simplifie, j'adhère à la théorie du complot. Personne de particulier derrière tout ça, juste le déclin de l'autorité, des valeurs morales, au profit de l'individualisme. J'ajouterais qu'un être "équilibré" ne ressent pas ça : la chute dans l'abîme, le ressenti se fait dans la petite enfance, ensuite cela rejailli à l'âge adulte : j'ai de la chance, j'ai été traumatisé petit, chouette ! Il y a énormément de gens en dehors de moi que l'on qualifie de déclinistes et qui vomissent l'idéologie de 68 : peut-être qu'ils le disent mieux que moi, d'une façon moins catastrophiste, je ne sais pas. Le "cerveau", la cause première, est le premier organisme vivant unicellulaire qui a été créé sur Terre, mais par qui ? Ou alors le "cerveau" c'est le Big Bang, mais qu'y-a-t-il avant le big bang ? Etc. etc. on ne peut remonter la chaîne des causes jusqu'à la cause première qui expliquerait tout... la vie est absurde : mais l'Esprit humain a l'obsession de remonter toujours plus loin dans la chaîne des causes, pour se rapprocher de son origine. Et comme je l'ai déjà dit, si il y a un but à tout ça, il est peut-être dans la création d'une intelligence artificielle, encore des milliards de fois plus douée qu'un homme normal pour se rapprocher de l'origine. Auquel cas l'IA n'aura plus besoin de l'humain, et l'humain pourra se soulager de ce qui au fond le fait le plus souffrir : la conscience. Alors il pourra plonger dans un coma éternel, débarrassé du fardeau de la conscience, dans une béatitude éternelle peuplée d'images et de rêves, comme sous l'effet d'un opium aux effets sans fins : bref le cauchemar d'Emmanuel Mousset.

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne suis pas un drogué, moi, monsieur Blesbois.