mercredi 30 novembre 2016

Je suis un révolutionnaire



Je suis un révolutionnaire, et je ne le savais pas jusqu'à présent. Je me définissais plutôt comme un réformiste, un social-démocrate : pas un révolutionnaire ! Au contraire, je me suis toujours méfié de la révolution. Elle a sa nécessité, mais aussi ses errements. Elle est certes grandiose, mais aussi tragique. Elle est un soulèvement du peuple, mais aussi un bain de sang. Surtout, la révolution produit souvent son contraire : en 1789, les Droits de l'Homme se terminent par la Terreur et le despote Napoléon ; en 1917, l'émancipation des travailleurs débouche sur le culte de Staline et son totalitarisme. Non, la révolution, ce n'est pas trop mon truc, quand je compare pertes et profits.

Pourtant, je suis bel et bien un révolutionnaire. Peut-être l'ai-je même été toute ma vie ... J'en ai pris seulement conscience la semaine dernière, en achetant le livre d'Emmanuel Macron, intitulé : "Révolution". Macron est révolutionnaire, je soutiens Macron, donc je suis révolutionnaire : voilà un syllogisme parfait. Le candidat à la présidentielle m'a révélé à moi-même. Bien sûr, certains commentateurs ont souri ou se sont indignés à l'emploi de ce mot de révolution par Macron. Y aurait-il usurpation, imposture, abus de langage ?

Allons-y, réfléchissons. Oui, les mots doivent avoir un sens, et on ne peut pas leur faire dire n'importe quoi. Qu'est-ce qu'une révolution ? Le renversement par le peuple du pouvoir en place, aboutissant à un changement de régime. Est-ce que Macron est révolutionnaire selon cette définition ? Non. Mais qui l'est, en France, plus et mieux que lui ? Montebourg, Mélenchon, Besancenot ? Non plus ! Ils participent aux élections, font partie du système médiatique, respectent le pouvoir établi, ne s'en prennent à lui que verbalement. Besancenot a peut-être un projet révolutionnaire, dans sa tête, mais il n'est pas lui-même, stricto sensu, un révolutionnaire, dans ses actes.

D'ailleurs, il serait bon de le remarquer, il n'y a eu aucune révolution en France au XXème siècle. Mai 68 était une révolte d'étudiants, le Front populaire une immense grève ouvrière. On peut parler, si l'on veut, par métaphore, de révolution, mais une métaphore ne sera jamais une réalité. Même la Commune de Paris, au XIXème siècle, n'était pas une révolution, mais une insurrection (Karl Marx la qualifie de guerre civile).

Pour aggraver notre affaire, certains n'hésitent pas à utiliser le terme contradictoire de révolution conservatrice, pour qualifier les politiques de Reagan, Thatcher et peut-être aujourd'hui Fillon. Ou bien, allant encore plus loin, de faire de Hitler, Pétain et aujourd'hui Le Pen des révolutionnaires d'extrême droite. Arrivé à ce point, le mot prend n'importe quel sens et n'en a plus aucun. Mais puisque tout le monde, ou presque, se prétend révolutionnaire, il n'y a pas plus de ridicule à ce que je m'y mette aussi, à la suite de Macron.

C'est que la définition classique et rigoureuse du mot, que j'ai rappelée en début de billet, ne tient plus à l'heure actuelle. Dans une démocratie, le peuple n'a plus à se soulever, puisqu'il peut légalement s'exprimer. Dans une démocratie, le pouvoir n'a plus à être renversé par la violence, puisqu'il peut être remplacé par l'élection. Dans une démocratie, il n'y a plus besoin de révolution. Mais, en un sens plus faible, il y a encore des révolutionnaires : ceux qui ne jouent pas le jeu, qui perturbent le système, qui veulent renverser la table. Macron est de ceux-là. Je crois bien que moi aussi, à mon petit niveau, je suis un petit révolutionnaire.

Macron, en utilisant l'expression, prend à revers tous ceux qui le critiquent, qui l'accusent d'être un pur libéral, un homme de droite. Le mot révolution est un marqueur de gauche. Jamais un homme de droite n'en ferait le titre d'un bouquin. Quand les mots sont devenus vides de sens, et c'est le cas pour celui-là, ils sont laissés en jachère, à la libre disposition. Macron s'est emparé de la révolution comme d'un clin d'œil, mais aussi dans une intention réelle : remettre en cause les privilèges de la classe politique et des rentiers de l'économie, comme en 1789 ont été remis en cause les privilèges de la classe aristocratique et des propriétaires terriens.

Le révolutionnaire d'aujourd'hui, Emmanuel Macron, a sorti son ouvrage jeudi dernier. Le lendemain mourait le dernier révolutionnaire d'hier, Fidel Castro. Encore un clin d'œil de l'Histoire !

mardi 29 novembre 2016

La politique à table



François Hollande et Manuel Valls étaient fâchés. Il y avait de quoi : le Premier ministre, ce dimanche, donnait l'impression de vouloir se présenter à la présidentielle contre le président de la République. Jusqu'à présent, il avait toujours écarté cette éventualité, arguant de sa fidélité indéfectible au chef de l'Etat. La veille, Claude Bartolone semblait accréditer une telle hypothèse. Voilà de quoi jeter un froid légitime entre les deux têtes de l'exécutif. Mais la politique en a vu d'autres : n'est-elle pas une interminable suite de fâcheries et de réconciliations ?

En même temps, une bisbille à ce niveau, au sommet, la fiche mal. La gauche, déjà mal en point, n'avait pas besoin de ça. Mais c'était dimanche, et nous sommes mardi : en politique, l'éternité se compte parfois en heures. Quelle a donc été la solution ? Un repas à l'Elysée ! Après, le problème était réglé, Valls souriant, Hollande rassuré. Je suis fasciné : comment un simple repas peut-il désamorcer une possible et grave crise ? Je lis que les deux hommes se sont expliqués. Mais ils pouvaient le faire par téléphone, eux qui sont si occupés. Non, je crois que le repas joue un rôle stratégique en politique, trop souvent ignoré. Il faudrait refaire l'histoire des grands de ce monde, au point de vue de la table.

Je les imagine, sous les lambris du palais présidentiel. Le décor est à la fois solennel et apaisant. Le cadre prestigieux n'encourage pas aux polémiques de bas étage. Les huissiers en tenue donnent du sérieux à la rencontre. On ne songe pas à s'amuser. Qu'ont-ils pris à l'apéritif ? Le kir royal détend les nerfs, repose les mâchoires. Quelques amuse-gueule aiguisent l'appétit. Le menu intéresse plus que l'ordre du jour. Un différend se règle de biais, pas de face. Il faut penser à autre chose pour être efficace. Le détour est la meilleure ligne droite. La géométrie politique a ses lois.

En plat de résistance, je suis persuadé que le président et son Premier ministre ont pris de la viande rouge, en sauce, avec légumes et féculents, pour discuter utilement le bout de gras. Mais pas encore, c'est trop tôt à ce stade du repas. Il faut remplir les ventres, caler les estomacs. Après seulement, on peut parler. Pour les cerveaux, c'est l'alcool qui doit faire son œuvre : irriguer, griser légèrement, dédramatiser. A l'approche des fromages et de la salade verte, je suis sûr que Hollande et Valls ont dû rire ensemble, de tout et de rien. Ces gamineries sont nécessaires à une bonne atmosphère.

Le moment du dessert, c'est celui du silence, une vraie prière : le sucre, la crème, le chocolat. On ne mange plus, on ne goûte pas : on jouit et on dit "c'est bon". François et Manuel oublient tout, même pourquoi ils sont là. Ils ont la tête dans leur assiette, et nulle part ailleurs. Le café fort et brûlant ramène à la réalité. Il faut maintenant discuter, mais il n'y a plus besoin : le repas a fait office de raccord. La parole est devenue inutile, comme en amour, où l'on se comprend sans parler. Une dispute ne résiste pas à une table copieuse. Les désaccords se vident aussi rapidement que les verres de cristal. Quand le serveur stylé apporte les digestifs, les deux hommes sont main dans la main, ne font plus qu'un. De leur apparent conflit, il ne reste que des miettes sur la nappe.

Oui, la politique, ce sont de perpétuelles disputailleries. Mais voyez comme il est facile et rapide de les dépasser. Quelques heures après, personne n'y pense plus, même pas BFMTV. Fillon et Juppé sont brouillés ? Un repas ! Mélenchon et Laurent ne se parlent plus ? Un repas ! Marine Le Pen et son père sont en contentieux ? Un repas ! Sarkozy et Bayrou se détestent ? Un repas ! Je pourrais continuer la liste ...

A Saint-Quentin aussi, à gauche, ce ne sont pas les intentions qui manquent, ce sont les repas ! Se retrouver dans un local pourri, au milieu d'une salle glauque, entre une bière chaude et un bol de cacahuètes, c'est l'échec assuré. Il ne peut en sortir que de l'énervement ou de l'abattement, les deux allant souvent ensemble. Lorsqu'on quitte le placard, les problèmes sont plus vifs qu'avant d'y entrer. Quand on pense qu'une table garnie, de la bonne chair, des vins roboratifs règleraient tout, infiniment mieux en tout cas que de longues discussions inutiles et désespérées. J'aurais dû y penser plus tôt, depuis bien longtemps, dès le début. La gauche locale n'aurait pas la gueule de bois, alors qu'elle n'a pourtant rien bu.

lundi 28 novembre 2016

Si la gauche était raisonnable ...



En se donnant François Fillon comme leader, l'électorat de droite a incontestablement trouvé son homme, qui lui plait, qui lui ressemble le plus. Mais un choix n'est pas forcément un bon choix, et un succès peut se retourner en échec. Que restera-t-il dans cinq mois, au jour du premier tour, de cette primaire de la droite fort réussie en apparence ? Pour le moment, ce camp vient de durcir son image. Les électeurs qui se sont déplacés, aussi nombreux soient-ils, sont loin de représenter la majorité sociologique de notre pays.

Malgré les retrouvailles obligées d'hier soir, la droite sort profondément divisée de cette primaire, qui n'a pas été de tout repos pour elle. Désormais, le FN devient un concurrent direct, chassant sur des thèmes assez proches, et les centristes, au contraire, ne peuvent qu'avoir des réserves, sinon de l'hostilité, envers le programme de Fillon, libéral et souverainiste, eux qui sont sociaux et européens. Sans compter le rejet des médias, qui pour beaucoup ne portent pas Fillon dans leur cœur. Avec Alain Juppé, la droite se serait à coup sûr donnée un candidat plus crédible, plus modéré et plus rassembleur. Les sympathisants d'une famille politique sont toujours plus radicaux que l'ensemble des Français. Ils ont des réflexes identitaires qui leur sont au bout du compte préjudiciables. C'est ce qui est arrivé hier à la droite.

La gauche ne pourrait que se réjouir de la désignation de François Fillon, y voyant là une belle aubaine et une possibilité de victoire, si elle n'était dans une situation pire que la droite. Ce n'est même plus de division dont il faut parler, mais d'explosion. Dans ces conditions, gagner semble bien difficile. Samedi, un "carrefour des gauches" s'est réuni pour répondre au problème ... et il n'a fait que l'amplifier. "Gauche", c'est vraiment le mot qui convient, mais au sens de "maladroit", et même, en ce qui concerne Claude Bartolone, de carrément très con : le président de l'Assemblée nationale a proposé que Macron et Mélenchon participent à la primaire de la gauche, alors que ni l'un ni l'autre n'en veulent. Et le jour même où Barto a cette idée géniale, le PRG décidait de présenter son propre candidat ... hors primaire (ce qui n'était pas le cas en 2011).

Mais le pire est dans sa proposition d'un double candidature, Hollande et Valls, s'affrontant à la primaire de la gauche. Bartolone est un comique insoupçonné : pour mieux rassembler, il propose que le président de la République et son Premier ministre s'affrontent sur le ring ! En politique, j'en ai entendu, des conneries, mais c'était plutôt réservé aux locaux. Des comme celle-là, venant de Barto, du sommet, je crois bien que c'est la première fois, dans de telles dimensions.

Si la gauche était raisonnable, elle saisirait l'occasion du choix déraisonnable de Fillon pour avancer une candidature progressiste contre le champion des conservateurs, quelqu'un qui rassemble la gauche social-démocrate, les centristes et la droite modérée. Il y a là un créneau assez large à occuper, une belle opportunité politique. Un seul correspond à ce profil : Emmanuel Macron. Si la gauche était raisonnable et si elle avait envie de gagner ...

dimanche 27 novembre 2016

Vierzy, le 16 juin 1972



Le cinéma de Saint-Quentin, CinéQuai 02, organisera jeudi prochain une séance unique de projection du documentaire "Et puis nous sortirons revoir les étoiles", d'Isabelle Debraye, sur la catastrophe ferroviaire de Vierzy, qui endeuilla l'Aisne et la France entière, le 16 juin 1972 : 108 victimes, 240 blessés. La réalisatrice, qui a poursuivi ses études au BTS audio-visuel du lycée Henri-Martin, est la fille d'un survivant, gravement handicapé à la suite du tragique accident. Je vous renvoie à mon billet du 28 septembre dernier, pour une réflexion sur ce magnifique et terrible film. France 3 en a diffusé une version courte. Jeudi, nous aurons droit à l'intégrale. Isabelle Debraye sera présente et j'aurai le plaisir d'animer le débat qui suivra la projection. La séance débutera à 20h30.


samedi 26 novembre 2016

Fidel Castro est mort



Fidel Castro est mort dans son lit. Il aurait pu être renversé par le peuple, périr dans un attentat ou fuir son pays, comme cela s'est déjà vu dans des régimes du même type. Non, il est mort en paix dans son lit, avec son frère à la tête du pays. C'est l'un des derniers grands révolutionnaires du XXème siècle qui nous quitte : Lénine, Mao, Fidel. Des époques et des régions différentes, mais un même espoir : le communisme.

Fidel Castro est mort, et il aura vu le communisme mourir avant lui. Fidel, c'était le dernier espoir du communisme. L'URSS et la Chine étaient devenues totalitaires, faisaient peur mais Cuba laissait une part de rêve, d'autant que Castro n'était pas un communiste patenté. Les plages de sable fin, le mojito, Che Guevara, les guérilleros, le soleil et la mer bleue, la résistance d'une petite île à la puissante Amérique, la révolution sans trop de violence ni de morts, la défaite de l'horrible Batista, les gros cigares qui n'étaient plus réservés aux richards : quelle légende ! Nous aurions tant aimé qu'elle continue encore ...

Fidel Castro est mort, mais sa légende aussi, depuis bien longtemps déjà. Une dictature en a simplement remplacé une autre. Mais combien de temps aura-t-il fallu pour que toute une partie de la gauche s'en rende compte ? Même chez certains réformistes, qui pourtant n'en avait pas besoin, l'illusion a été tenace. J'ai connu des camarades qui allaient passer leurs vacances dans l'île et en revenaient satisfaits, pas plus gênés que ça. Il est vrai que la froide social-démocratie suédoise porte moins au rêve que le socialisme sous les cocotiers.

Bien sûr, Fidel Castro a fait de bonnes choses. Je ne suis pas historien, pas spécialement intéressé par le sujet, mais je n'en doute pas. Il n'empêche que la réalité est là : Cuba n'était pas une démocratie, les prisonniers politiques étaient nombreux (je devrais sûrement le conjuguer au présent). Et quand on est de gauche et républicain, nonobstant tout le reste, les conquêtes sociales et la défense légitime du pays, cela suffit à condamner, devant l'Histoire, et l'homme et le régime. A ce titre, il sera instructif de noter, durant la journée, les réactions politiques des uns et des autres à ce décès, d'abord à gauche.

Fidel Castro est mort, et ce que l'Histoire retiendra de lui n'est pas ce qu'on croit : son communisme tropical, non, mais la séquence des missiles soviétiques, pointés sur les Etats-Unis, menaçant la paix mondiale, laissant croire pendant quelques semaines à une possible guerre nucléaire, oui, je crois que cela marquera.

Finalement, il faudrait que nos rêves restent des rêves, pour ne pas tourner au cauchemar en passant dans la réalité. Fidel Castro est mort, le communisme est mort mais les rêves, eux, ne meurent jamais.

vendredi 25 novembre 2016

Juppé et Fillon sont précis



Alors, ce débat Juppé-Fillon, hier soir ? Bon, il n'y a pas eu de bagarre, même si Juppé a essayé. C'est fou ce que le premier tour l'a changé ! Il devient offensif, dit des gros mots, traite ses adversaires de "chochottes" ... Il est allé cherché Fillon, l'a titillé, mais ça n'a pas marché : le gagnant s'est enfermé dans une posture présidentielle, insensible aux attaques. Physiquement, c'était flagrant : Juppé gigotait, se tournait vers son adversaire, parlait longuement ; Fillon restait figé, économe de paroles et de regards. Il avait la supériorité du vainqueur.

Juppé s'est encore plus engoncé dans son rôle de perdant lorsqu'il a cité des groupuscules et des marginaux d'extrême droite qui accordent leur soutien à Fillon. Si on devait mettre au passif de tout homme politique les dingues qui se réclament de lui, aucun n'en sortirait indemne. Soyons sérieux : un débat présidentiel, ce n'est pas ça, ni les plaintes de Juppé contre les mêmes dingos qui s'en prennent à lui. Le maire de Bordeaux, là, s'est rabaissé. De même quand il a voulu faire dire à Fillon que celui-ci était contre le droit à l'avortement : c'était faiblard, poussif. Oui, le catholique pratiquant qu'est Fillon est personnellement contre l'avortement. Mais, comme responsable politique, il n'a jamais remis en cause la loi sur l'IVG. Le catholique non pratiquant qu'est Juppé devrait arrêter là-dessus.

D'autant que s'en prendre à Fillon est très simple : son programme est celui d'une droite devenue folle (Juppé, au moins, reste raisonnable et responsable dans son projet). Supprimer un demi-million de fonctionnaires, faire travailler les autres 39 heures en les payant 35 heures, laisser une grande part des remboursements de la Sécu aux mutuelles et aux assurances privées, s'attaquer aux programmes d'histoire dans les écoles, faire copain avec Poutine, etc. : mais qui peut voter pour un tel programme, à part les bourgeois et les réacs ? Hollande, je le sens, va être ragaillardi par cette candidature : Sarkozy, à côté, c'est du petit lait, Fillon, du pain béni, pour le président en difficulté.

François Fillon prétend qu'on le caricature : je veux, mon neveu ! Oui, c'est une loupe, un miroir grossissant qui permet de voir en grande dimension la nature de son projet. J'aime les caricatures : en forçant le trait, elles nous aident à comprendre. A part ça, j'ai été estomaqué, pendant mais surtout après, dans les commentaires, par la répétition d'un mot en vogue : "précis". On en mangeait à toutes les sauces ! Fillon précis, Juppé précis, les journalistes précis, mais personne satisfait et tout le monde demandant encore plus de précision. Arrêtez avec la précision, nous ne sommes pas en horlogerie, mais en politique, où la précision est inutile, sans vertu, contre-productive.

Qu'est-ce que ça peut me faire que Juppé veuille la suppression de 300 000 postes de fonctionnaires et Fillon 500 000 ? Ce qui compte, c'est l'idée générale, la visée globale, pas le détail. Même remarque pour l'âge de départ à la retraite ou l'augmentation du temps de travail : j'attends de l'homme politique une vision, pas des calculs. La précision est le mal d'une époque qui ne croit plus en rien, qui se replie sur des pattes de mouche ou des miettes de pain. La technologie et le juridisme renforcent cette tendance. La précision, c'est l'intelligence de l'ignare : elle fait impression, on peut la multiplier à l'infini, c'est de la graine de cacahuètes. Quand la politique aura renoncé à la précision, les débats seront plus compréhensibles, la démocratie se portera mieux, Juppé et Fillon seront moins ennuyeux. Je leur demande d'être clairs, archi-clairs, mais surtout pas précis, ultra-précis. Car plus on est précis, moins on est clair.

jeudi 24 novembre 2016

Avant la bagarre



Quelques réflexions avant le duel Fillon-Juppé de ce soir :

1- Juppé aurait-il dû se retirer dimanche soir ? Oui, son retrait n'aurait pas manqué de panache. Il est quasiment sûr de perdre au second tour. Surtout, le maintien divise son camp, on le voit bien. Et les fractures seront longues à se refermer. Alors, à quoi bon ?

2- J'aurais bien sûr préféré que Juppé arrive en premier. Comparé à Fillon, il n'y a pas photo : l'européen contre le souverainiste, le modéré contre le libéral, le centriste contre la droite dure. Juppé attaqué par l'extrême droite, pas Fillon : tout est dit.

3- Pourtant, pas d'illusion : à l'origine, Fillon, c'est la "droite sociale", le gaullisme de progrès. Mais il en reste quoi, chez lui, aujourd'hui ? Plus rien. N'est pas Philippe Séguin qui veut. Juppé occupe un créneau, Fillon un autre : allez savoir si les options n'auraient pas pu s'inverser ...

4- L'attraction du pouvoir sera toujours plus forte que les convictions. Le prochain gagnant rallie en masse ceux qui n'ont jamais manifesté aucune sympathie particulière pour lui. Sauf, disent-ils, dans le secret des cœurs et des urnes ! Permettez-moi d'en douter. Beaucoup de potentiels juppéistes se sont transformés en fillonistes de la dernière heure. C'est la vie, c'est humain.

5- Jean-François Copé a fait l'inverse, mais ce n'est guère mieux : ce droitier décomplexé, qui aurait dû logiquement soutenir Fillon, rejoint Juppé. C'est qu'il a une dent contre l'ancien Premier ministre de Sarkozy. Quand ce n'est pas l'attraction du pouvoir qui motive, ce sont les règlements de comptes personnels ... Chez Bruno Le Maire, le choix de Fillon est sans surprise : la droite jeune est aussi une droite dure.

6- Tactiquement, la victoire de Fillon m'arrange. A côté de ce thatchérien, Macron n'est pas loin de ressembler à un bolchevik. Juppé aurait chassé sur les mêmes terres, centristes et sociales-démocrates. C'aurait été plus embêtant. Là, c'est clair.

7- Que vont donc faire les électeurs de gauche qui ont participé à la primaire de droite ? Ils voulaient éliminer Sarkozy, c'est fait. Vont-ils retourner voter dimanche prochain ? Et pour qui ? Puisque leur démarche est purement tactique et manipulatrice, autant qu'ils votent maintenant Fillon, le candidat qui prendra des voix au FN et que la gauche peut battre plus facilement, tellement il est clivant.

mercredi 23 novembre 2016

Noir et couleur



Ce soir, l'hôtel de ville en a vu de toutes les couleurs.

mardi 22 novembre 2016

Macron météore contre les dinosaures



France 3 diffusait hier soir un documentaire sur Emmanuel Macron, pas vraiment le projet, mais l'homme. J'avoue avoir été charmé. Ce personnage est follement romanesque, baroque, audacieux. Quel contraste avec les grises mines et les vieilles barbes de la politique ! Bien sûr, ce sont les idées qui comptent. Mais la personnalité qui les porte n'est pas indifférente.

Macron est plein de panache. Ce n'est pas une réaction de midinette : mon jugement est objectif. Il est souvent question de transgression, le concernant. Je ne crois pas. C'est plutôt de sincérité dont il s'agit. Son regard est vif, profond, entre gris et bleu. Il a l'empathie au fond des yeux. Quand Macron écoute quelqu'un, il ne fait pas semblant, comme tant de politiques, qui passent vite à quelqu'un d'autre.

Il y a aussi ce ton de voix, ferme et apaisant. Oui, tout ça joue dans la séduction qu'il opère sur moi. Il donne envie de le suivre, de se battre pour lui. "En Marche !" Le nom de son mouvement lui ressemble : il va vite, par sauts de puce, ne reste pas très longtemps quelque part, mais marque toujours là où il va, banque Rothschild, commission Attali, secrétariat de l'Elysée ou gouvernement Valls.

Il ne donne pas l'impression d'être un carriériste, d'avoir des ambitions précises. C'est un homme qui butine, qui agit par intuition, à l'inspiration. Je pense à la chanson : "Il est libre, Max ..." Oui, il est libre, Macron, et c'est tellement rare en politique. Il n'a que 38 ans, et il a déjà fait tant de choses.

Le documentaire nous a montré des images incroyables : Macron jeune homme, cheveux longs, jouant le rôle d'un épouvantail dans une pièce de théâtre ! C'est un homme de scène, incontestablement. On retient de lui l'énarque, le financier : le fond de sa personne, ce n'est pas ça, c'est la littérature et la philosophie. Ce qui est stupéfiant et original, c'est qu'il a su concilier les deux, généralement opposés.

Emmanuel Macron a rédigé deux gros romans, restés au fond d'un tiroir. L'un d'entre eux s'emparait du conquistador Cortès, retraçait son épopée. Ce n'est pas insignifiant : Macron est épique, chevaleresque. Et puis, il y a Brigitte, son épouse, omniprésente auprès de lui. Dans la bourgeoisie amiénoise, leur union a fait scandale, à cause de la différence d'âge. Un professeur qui a une histoire d'amour avec un élève, ça ne se fait pas, chez ces gens-là. Brigitte elle aussi est une littéraire, une théâtreuse.

Tiens, j'ai oublié de vous donner le titre du documentaire : "La stratégie du météore". Cet objet céleste file vite et droit, très lumineux, éclairant une partie du ciel. Soit il se perd dans la nuit, subit le destin d'une étoile filante ; soit il frappe la Terre, la marque de son empreinte, ébranle le paysage. On dit même que les dinosaures se seraient éteints sous l'impact terrible d'un météore. Macron météore contre les dinosaures : quel titre de film ce serait !

lundi 21 novembre 2016

Réactions primaires

Alors, les résultats d'hier soir, qu'est-ce que j'en ai pensé ? D'abord, j'ai envie de répondre : rien du tout ! Quand on est de gauche, on ne s'occupe pas des affaires de la droite, ayant suffisamment à faire avec son propre camp. Mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir ma petite idée, de réagir. En premier lieu en étant narquois, à plaisir : les cocus de l'histoire, ce sont ces électeurs de gauche, infidèles à eux-mêmes, qui ont cru bien faire en allant voter Juppé, afin d'écarter Sarkozy (mais de quoi se mêlent-ils ?), et qui se retrouvent avec Fillon, beaucoup plus à droite, beaucoup plus libéral. Ils ont l'air malin, maintenant ! Moralité : il faut toujours, en politique ou ailleurs, se laisser guider par ses seules convictions, et pas jouer les stratèges à la petite semaine.

Mon ironie, facile je l'avoue, s'exerce aussi contre les commentateurs et les sondeurs qui avaient fait de Juppé le futur candidat, pourquoi pas le futur président. Même si un rebond de Fillon avait été détecté par eux ces derniers jours, l'écart entre les deux concurrents restaient notables. Les experts de tout bord n'ont nullement perçu la percée de Fillon. Ils se sont magistralement plantés ! Que cela puisse servir d'exemple à tous pour les prochains mois.

Sinon, les électeurs de droite ont eu du nez : ils ont bien senti, comme moi aussi, dès le premier débat, quel était le candidat le plus sérieux, le plus solide, mais aussi le plus à droite, le plus libéral. Juppé, c'était le candidat de l'ambiguïté, celui qui plaisait aux socialistes dans mon genre, donc un mauvais cheval pour la droite. Non seulement les électeurs de gauche qui ont participé à la primaire ne l'ont pas servi en échouant à le placer en premier, mais ils l'ont même desservi, car un citoyen de droite ne peut que se méfier d'un candidat qui attire des citoyens de gauche, qui plus est malhonnêtes, puisqu'ils ont détourné le sens de la primaire (qui ne s'adressait qu'aux sympathisants de droite). Juppé aura été puni par où il a péché : jeter ses filets en dehors de son camp.

Pour le reste, NKM m'a beaucoup amusé hier soir : il y a quelques jours, elle savait qu'elle ne serait pas élue et s'en contentait ; à l'annonce des résultats, elle semblait presque heureuse d'avoir perdu, elle en parlait comme d'une victoire ! Le pauvre Copé ne mérite aucun commentaire : qu'est-il allé faire dans cette galère de la primaire ? Mais le vrai perdant, c'est Bruno Le Maire, parce qu'il avait tout d'un possible gagnant. Bien à droite pourtant, les électeurs lui ont préféré Fillon, moins novateur, plus traditionnel. C'est un mystère. Sarkozy ? Pas trop de surprise : les gens n'ont pas voulu d'un revenant, qui fait peur à la gauche mais ne séduit plus la droite.

Et maintenant ? François Hollande devrait y réfléchir : les ex n'ont plus la cote. Fillon n'est certes pas un perdreau de l'année, mais il n'a jamais exercé la plus haute responsabilité. L'avantage pour la gauche, c'est qu'il est un ultralibéral assumé et un conservateur en matière de mœurs. Avec Juppé, ni chair ni poisson, c'aurait été moins évident. Bien sûr, la désignation de Sarkozy aurait été préférable pour la gauche, tant l'ancien président représente une droite caricaturale, un utile épouvantail. On ne peut pas tout avoir ... En tout cas, Fillon est un adversaire honorable : convaincu, intelligent, déterminé. Emmanuel Macron l'a fort bien défini : porteur d'un thatchérisme à la française. Est-ce cela que nos concitoyens veulent ? Le débat ne fait que commencer (vous avez remarqué que je parle comme s'il n'y avait pas de second tour ? Quand les carottes sont cuites, on court d'autres lièvres ...)

dimanche 20 novembre 2016

Retour sur candidature



La déclaration de candidature d'Emmanuel Macron, bien qu'attendue, a été l'événement politique de la semaine. Mais le plus surprenant est moins le propos de l'intéressé que les réactions qu'il a suscitées. Jusqu'à sa démission du gouvernement, Macron était généralement apprécié : à gauche, parce que celle-ci était fière d'avoir un ministre si jeune, si intelligent, dont elle avait fait son chouchou, à juste titre ; à droite, parce qu'elle pensait y reconnaître quelqu'un pas si différent d'elle, à tort. Eh bien, les louanges et les sympathies ont volé en éclat, surtout depuis mercredi dernier : pour une partie de la gauche, Macron est un traitre ; pour une partie de la droite, c'est un incompétent. Bref, le gentil qu'on félicitait est devenu le méchant à abattre. Je suis toujours stupéfait comment, en politique, les positions des uns et des autres varient, fluctuent, se retournent selon les situations et les circonstances. On brûle très vite ce qu'on a adoré, et inversement. J'espère échapper à ce vice.

Durant cette semaine, une critique a été récurrente : Emmanuel Macron s'en prend au système, alors qu'il en est le produit, lui, l'énarque, le banquier, le ministre. Alors, contradiction, démagogie, imposture ? Non, rien de tout cela, mais inintelligence, volontaire ou non, de ses contradicteurs. Etre antisystème n'a pas de sens tant qu'on ne dit pas à quel système on s'oppose. Car il y a plusieurs systèmes, comme j'expliquais dans un récent billet qu'il y a plusieurs élites : Macron n'est pas contre le système économique (le marché), mais contre le système politique. Avec cette précision, tout redevient très clair.

Macron n'est pas le produit du système politique actuel : il n'a jamais été élu (on le lui reproche d'ailleurs), il n'a jamais été responsable de parti. Ce système politique, il le conteste fortement, en critiquant les formations politiques, leurs jeux d'alliance, en refusant les clivages traditionnels. Il met cette pensée en pratique, en créant un mouvement dont le fonctionnement ne doit rien aux appareils classiques. C'est déroutant pour certains, rebutant pour d'autres, mais c'est bien la preuve qu'Emmanuel Macron est un candidat antisystème.

On lui reproche de diviser la gauche, en même temps qu'on lui reproche de n'être pas à gauche : j'aime beaucoup ce genre d'argument, qui n'en est pas un parce qu'il est contradictoire. Il faudrait savoir ! Arnaud Montebourg, de son côté, ne trouve pas mieux que lui reprocher d'être "le candidat des médias", tropisme ancien d'une vieille gauche hostile aux moyens de communication, qu'elle n'applaudit que lorsqu'elle croit en bénéficier. Il n'y a jamais eu de "candidat des médias", qui ne vont que vers la lumière, dont Montebourg ne peut pas, hélas pour lui, se targuer.

Florian Philippot fait plus fort, que Montebourg n'a pas osé : Macron, c'est "le candidat des banques". Sûrement parce que Macron a travaillé dans cette branche. Et quand un enseignant se présente à une élection, je suppose qu'on lui reproche d'être "le candidat des enseignants" ? Comme on est bête quand on a aucun argument à opposer à l'adversaire, ou bien qu'on reprend la vieille antienne fascisante sur et contre la finance cosmopolite, apatride (enjuivée, on ne se risque plus à le dire).

Ce que je retiens de cette semaine qui a affolé la classe politique, c'est que les propositions d'Emmanuel Macron, qui sont nombreuses, ne sont JAMAIS débattues ou contestées : durée légale du travail en fonction de l'âge, retraite à la carte, droit à l'indemnité chômage pour les salariés démissionnaires, les autoentrepreneurs et les travailleurs indépendants, nationalisation de l'Unedic, etc. Voilà qui devrait faire réagir et s'opposer les opposants, je suppose. Mais non : ils préfèrent s'en prendre au banquier, au traitre, à l'incompétent, à la créature des médias, à l'ultralibéral (dixit Marine Le Pen). Normal : quand les idées dérangent, quand elles bousculent l'ordre établi, quand on est soi-même en manque de projet, on préfère s'en prendre à l'homme, c'est plus facile. Mais pour ses partisans, c'est de bon augure.

samedi 19 novembre 2016

St-Quentin marche bien



Deuxième réunion, hier soir, du comité local d' En Marche ! mais la première depuis sa déclaration de candidature, dont nous avons finalement assez peu parlé, tant elle était prévisible et quasiment naturelle. Le groupe se met progressivement en place, s'ouvre à de nouveaux adhérents. C'est encore un peu anarchique, improvisé, imparfait, à l'image de ce jeune mouvement sans culture d'appareil, sans présence prépondérante d'élus. Personne n'est là pour nous dire comment il faut penser, à quel courant ou à quel clan il faut s'affilier. Cette liberté fait du bien. Le seul vecteur commun, c'est l'enthousiasme et l'espoir qu'insuffle Emmanuel Macron. Après, chacun pense comme il veut.

Comme il n'y a pas de modèle préétabli, comme le fonctionnement s'opère de bas en haut, à la différence d'un parti politique classique, chaque comité invente ses propres pratiques, agit selon les besoins de ses adhérents. Néanmoins, la direction nationale nous procure des outils. Hier, nous avons commencé à travailler sur les ateliers de restitution du diagnostic : un questionnaire, à partir duquel chacun exprime son opinion, en vue de parvenir à un accord entre tous les membres, après discussion. Le consensus ou le compromis ne sont-ils pas à la base de la politique et de la démocratie ? Au niveau national, c'est aussi ce qu'Emmanuel Macron appelle la recherche de majorités d'idées.

Nous avons ainsi réfléchi à la sécurité dans notre société. L'arsenal législatif doit-il encore être adapté pour faire face à la menace terroriste ? Notre réponse a été négative. Entre prévention, répression et rétention, quelle doit être la priorité des politiques publiques ? Notre préférence est allée à la prévention. Enfin, comment peut se mettre en place la "société de vigilance", contre l'insécurité au quotidien ? Nous avons avancé trois propositions : l'éducation à une citoyenneté pratique, la mobilisation de la population à travers des exercices de protection, la mise en place de cérémonies civiques.

Ce résumé trop succinct ne rend pas compte de la richesse de nos échanges, de nos argumentations, de nos divergences aussi, de l'état d'esprit qui préside au débat. Il n'a pour objectif que de vous donner envie de venir voir, de nous rejoindre à votre tour et d'apporter votre contribution. Bien sûr, les tâches militantes plus traditionnelles ne sont pas exclues, comme une présence sur les marchés pour faire connaître En Marche ! et son comité local, afin d'élargir notre audience. Vous pouvez vous associer dès maintenant, en passant par le site internet du mouvement, adhérer et rejoindre le comité de Saint-Quentin.

vendredi 18 novembre 2016

Au ciel et sur terre



La salle des mariages de l'Hôtel de Ville était pleine, hier soir, principalement des étudiants de l'Insset et d'Elisa, pour assister en direct au lancement de la fusée emportant Thomas Pesquet vers la station spatiale. Madame le maire était présente, sacrifiant, comme moi, la première heure du dernier débat des primaires de la droite. Mais la conquête de l'espace, c'est quand même plus intéressant ! Au moment où commencent à vibrer les moteurs, une vieille superstition incontrôlable me prend : et si tout allait exploser ?

Pourtant, je le sais : c'est très rare. A la limite, le départ d'une fusée est sans suspense. L'émotion est tout de même là, quand l'engin s'arrache à la terre. J'aurais pensé que le public aurait à ce moment-là applaudi. Non, aucune manifestation de joie : l'évènement est maintenant banal. Nous avons suivi aussi loin que possible la torche dans la nuit, jusqu'à ce qu'elle devienne un petit point lumineux, presque invisible. Sur l'écran qui retransmettait le lancement, nous avons vu apparaître les astronautes, tranquilles, nous faire un petit coucou de la main. C'est quand même fabuleux !

De retour, j'ai suivi le débat des candidats à la primaire, moins extraordinaire que l'événement précédent. Deux d'entre eux sont vraiment too much : Jean-François Copé qui se prend pour Bonaparte au pont d'Arcole (dans le débat précédent, il avait cité Zorro ; y en aurait-il eu un quatrième qu'il aurait été capable de s'identifier à Batman ...). NKM a conclu en disant qu'elle ne serait jamais ... élu, qu'elle le savait, et que c'était la raison pour laquelle il fallait voter pour elle (c'est une logique très spéciale).

Le candidat raté, qui s'est crashé depuis le début, c'est Bruno Le Maire, qui avait pourtant tout pour plaire : une taille de présidentiable, des yeux bleus pour charmer et des cheveux blancs pour rassurer, une belle voix posée, grave.  Surtout, il est le plus intelligent de la bande, avec mille pages d'idées et une plume. Un littéraire, ce n'est pas si fréquent en politique. Il aurait pu incarner une droite moderne, jeune, enthousiaste. Eh non, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. La mayonnaise n'a pas pris. Trop intello pour l'électorat ? Je ne sais pas, c'est un mystère.

Sarkozy et Juppé ont été égales à eux-mêmes. Pas grand-chose à en dire, de ces deux-là, qui seront peut-être les vainqueurs de dimanche prochain. François Fillon a, en revanche, été conforme à ce que j'avais perçu dès le premier débat : le meilleur, sur le fond et dans le ton. Il a réussi quelque chose de difficile en politique : se différencier (ce que Le Maire n'a pas réussi). Quant au dernier candidat, Jean-Frédéric Poisson, il ne vaut même pas la peine d'en parler. C'est comme les starlettes dénudées sur les plages au festival de Cannes : elles attirent les photos avant l'arrivée des vedettes, et puis on ne parle plus d'elles.

Ce dernier débat aura été le moins bon des trois (et le premier le meilleur, le plus professionnel). Les journalistes se sont laissés à la fin déborder, ne maîtrisant plus rien. Quelle idée a pris Pujadas de vouloir opposer les candidats sur de petites phrases ! Il n'était pas au niveau, malgré un sourire qui tentait de sauver en vain les meubles. Quelle idée aussi d'aller chercher Elkabbach, qui a voulu faire du mauvais Elkabbach ! Voyant cela, j'avais envie de retourner au ciel, avec Thomas Pesquet.

jeudi 17 novembre 2016

Une rose bleue



La symbolique ne fait pas tout, mais elle est importante en politique. Abandonner un symbole, c'est perdre un peu de son âme. Les socialistes ont le poing et la rose, les communistes la faucille et le marteau, les gaullistes la croix de Lorraine et le Front national la flamme tricolore. Sauf que celle-ci vient de s'éteindre définitivement, au profit d'un étrange symbole : une rose bleue !

Mauvais signe que de renier ses origines, avoir honte de son héritage. Surtout quand on prétend donner des leçons d'identité, qu'on prône la fidélité aux racines. Comme quoi la fameuse flamme bleu-blanc-rouge, pourtant très parlante, sentait aussi le cramé, puisque le FN a soufflé dessus. Tout ça pour la remplacer par une rose bleue. Quelle idée ! Il faut vraiment se creuser les méninges pour comprendre le message, s'il y en a un.

Une rose bleue, ça vous évoque quoi ? Moi, rien. C'est n'importe quoi, une rose bleue. On ne trouve aucune référence tirée de l'histoire ou de l'idéologie. Non, une rose bleue me ferait plutôt penser au symbole ésotérique d'une secte d'initiés. D'ailleurs, il y a peut-être un peu de ça dans l'extrême droite. Une rose bleue, c'est mystérieux, ça ne correspond à aucune réalité. Je sais bien que d'habiles jardiniers produisent des roses de toute sorte, des blanches, des rouges, des jaunes et mêmes des roses roses. Mais des roses bleues, je n'en ai jamais vues.

Certes, dans les aventures de Tintin et Milou, un album s'intitule : "Les oranges bleues". C'est une invention du professeur Tournesol. Aujourd'hui, avec les opérations transgéniques, il est sans doute possible de faire pousser des roses bleues, vertes ou noires. Un OGM serait donc devenu le symbole du FN. Les manipulations du vivant engendrent des monstres, y compris dans le domaine floral. En politique, c'est hélas flagrant.

Mais je n'ai bien sûr rien compris, puisque la candidate du FN a dû s'expliquer. Le bleu, c'est le symbole de la droite républicaine et la rose, le symbole de la gauche socialiste. L'association des deux seraient une grosse feinte, une ruse colossale ou une petite blague, comme on voudra : faire venir à soi les électeurs des deux partis de gouvernement, LR et PS. Je croyais pourtant que le FN tenait à cultiver sa différence, et pas la confusion. Il n'est plus ni gauche ni droite, comme il se targuait, mais les deux à la fois !

Cette rose bleue est sans épines. Là, on aura compris : les discours du FN en sont pleins, pas la peine d'en rajouter. Nous savions que ce parti politique était non seulement un danger, mais aussi une imposture. Nous ne savions pas jusqu'à hier que cette imposture se manifesterait jusque dans le choix de son symbole.

mercredi 16 novembre 2016

La révolution démocratique



"Je suis candidat à la présidence de la République". La phrase prononcée ce matin par Emmanuel Macron était tellement attendue et prévisible qu'elle n'aura pas surpris. En revanche, si l'on se reporte quelques mois en arrière, quelle surprise ! Personne n'aurait imaginé que le ministre de l'Economie fasse en si peu de mois un tel chemin ... qui ne fait que commencer. Le cadre de la déclaration de candidature était symbolique à plus d'un titre : la banlieue, Bobigny ; le travail, la jeunesse et la formation (un centre d'apprentissage) ; le discours dont je retiens une formule frappante, la "révolution démocratique". Si une entrée en campagne se juge d'abord par l'annonce de la candidature, celle d'Emmanuel Macron aura été très réussie.

Cette candidature est une chance pour ma famille politique, le socialisme réformiste, la gauche de gouvernement. Emmanuel Macron ne renie pas ce qui a été fait par François Hollande et son équipe. Il aurait souhaité aller plus loin, il présente maintenant un nouveau projet. Car la gauche ne peut plus être ce qu'elle a été. Cette famille, qu'on appelait autrefois le parti du mouvement, est la mieux placée pour comprendre qu'il faut bouger. Individualisme, autonomie, mobilité, mondialisation, ce sont des valeurs et des faits que l'ancienne gauche ne prenait pas en compte dans ses manières de penser. Macron les intègre dans la redéfinition d'un progressisme qui dépasse les clivages obsolètes.

Pour une partie de la droite aussi, la voie ouverte par Emmanuel Macron peut être une opportunité. La radicalisation autour des thèmes identitaires ou sécuritaires conduit à l'impasse ou au Front national. Les centristes sont orphelins de François Bayrou, dont l'aventure individuelle n'a pas su aboutir sur une offre politique crédible. Le rassemblement des progressistes s'adresse à tous les républicains de bonne volonté.

Les premières réactions à la candidature Macron ne sont pas tendres. C'est normal : celui qui menace le système ne peut que faire réagir le système. Sa révolution démocratique n'est pas faite pour plaire à tout le monde. A droite, nous verrons demain soir ce qu'il se dira, lors du dernier débat télévisé pour les primaires. A gauche, la faiblesse des critiques donne raison à Macron. "C'est embêtant", a concédé Jean-Christophe Cambadélis. Mais qu'est-ce qui est embêtant dans un grand débat démocratique ? Ce n'est pas de se présenter, c'est de n'avoir aucune idée. "Il faut avoir de l'expérience", a fait remarquer Manuel Valls. Parce que Macron n'en a aucune ? Mais si, et peut-être plus que le Premier ministre, dans les tâches qui sont nécessaires pour redresser la France. "Le rassemblement est nécessaire", a souligné François Hollande. Mille fois d'accord ! Mais le rassemblement ne se décrète pas, et il faut laisser la démocratie respirer. La révolution démocratique, c'est ne pas laisser leur chance aux mêmes, c'est sortir du cercle de ceux qui sont déjà en place, c'est présenter des idées nouvelles.

mardi 15 novembre 2016

Le jour où Macron est devenu président



La déclaration de candidature d'Emmanuel Macron est annoncée pour demain matin. Dans quinze jours, la primaire de la droite donnera la victoire à Nicolas Sarkozy, de justesse, contre Alain Juppé. L'apport d'électeurs de gauche au maire de Bordeaux aura été insuffisant. L'ancien président a eu pour lui l'appareil, les militants et la droitisation de la campagne.

A gauche, François Hollande, comme tout le monde s'en doutait, s'est porté candidat en décembre, pour défendre son bilan et poursuivre son projet. Du coup, Manuel Valls, sur lequel beaucoup comptait au Parti socialiste, s'est effacé, reportant sa candidature pour la prochaine fois. Mais qui sait s'il y a une prochaine fois en politique ?

Arnaud Montebourg, lui, n'a pas renoncé. Et il n'a pas eu tort, de son point de vue. Ce qui devait arriver arriva : il ressort vainqueur des primaires de la gauche, face à un Hollande trop et injustement discrédité. Le président de la République n'aurait jamais dû s'engager dans ce piège des primaires. Mais le créneau de la gauche traditionnelle est déjà occupé par Jean-Luc Mélenchon : Montebourg a du mal à y prospérer.

Un seul homme tire profit de la situation : Emmanuel Macron. La gauche de gouvernement préfère se rallier à lui qu'à Montebourg. Quant au centre droit, qui espérait en Juppé, il ne supporte pas Sarkozy et choisit de voter pour le social-libéral. Le second tour voit donc s'affronter Le Pen et Macron, celui-ci l'emportant haut la main. Voilà comment un inconnu du monde politique il y a deux ans, simple conseiller du chef de l'Etat, est devenu le 8ème président de la Vème République.

lundi 14 novembre 2016

La colère n'est pas un argument



Depuis l'élection de Donald Trump, les interprétations abondent pour rendre compte de ce résultat inattendu. Elles tournent souvent en boucle, sont prises pour argent comptant. Mais une justification n'est pas une explication. Après la fallacieuse et facile "révolte contre les élites", j'aimerais aujourd'hui analyser et contester la "colère du peuple", autre cliché pour soi-disant éclairer la victoire de Trump.

La colère n'est pas un argument. Elle a un double vice. D'abord, elle permet de légitimer le résultat : Trump serait l'expression d'une colère, de quelque chose de spontané, qui ne se maîtrise pas, qui est donc du côté du bien immédiat. C'est la colère du juste. D'autre part, l'argument de la colère exonère l'électeur de toute responsabilité. Sous la colère, on ne réfléchit pas, on réagit, on pousse un coup de gueule, on renverse la table, peu importe le vote qu'on émet. Par conséquent, la colère excuse la xénophobie et le nationalisme. On se dit qu'un homme en colère a sûrement ses raisons.

Eh bien non, la colère n'est jamais un argument. La démocratie n'a pas été créée pour que les hommes se mettent en colère, mais pour qu'ils assument des choix, quels qu'ils soient. C'est pourquoi on parle de "citoyens", qui défendent des intérêts ou des convictions, mais qui ne sont pas des hommes en colère. D'ailleurs, la colère est mauvaise conseillère, en politique comme dans la vie.

Vous pourriez bien sûr me reprocher une approche trop rationnelle de la question. Les hommes sont faits aussi de sentiments, et la colère en est un, qui ne se contrôle pas. Je sais bien, mais ce n'est pas parce que les êtres humains ont des défauts et des faiblesses qu'il faut les accepter, les valider et les encourager. L'idéal est toujours supérieur à la réalité, et c'est lui que nous devons regarder.

Enfin, en admettant même que la colère soit une vertu, rien ne justifie qu'elle se reconnaisse là-bas en Trump, chez nous en Le Pen. Il existe d'autres partis, d'autres sensibilités par lesquels la colère pourrait se manifester : les formations d'extrême gauche. Pourquoi les gens ne se portent-ils pas sur elles ? Leur colère deviendrait alors révolutionnaire ! Mais non, ce n'est pas ce qui les intéresse, ce n'est pas ce qu'ils font.

Pourquoi ? Parce qu'en réalité, ces électeurs ne sont nullement en colère, et pas plus en souffrance que n'importe qui : en Trump ou en Le Pen, ils trouvent simplement un exutoire à leurs pulsions xénophobes. Leur choix est aussi froid et rationnel que le vôtre et le mien ; mais les finalités ne sont pas les mêmes (pour moi en tout cas). Mais ça, aucun homme politique n'osera le dire : tous ont besoin, plus ou moins, des voix de l'extrême droite, espèrent les reconquérir et veillent à ne pas les vexer. Alors, la colère est l'argument tout trouvé, et pourtant le plus mauvais qui soit.

dimanche 13 novembre 2016

Donald Macron ou Emmanuel Trump ?



Depuis l'élection américaine, certains commentateurs se sont demandés si Emmanuel Macron n'était pas le "Trump français". La comparaison me fait évidemment hurler, tant les deux personnages sont complètement différents, et même opposés. Mais il est vrai que le communiqué de Macron, pour réagir à la victoire de Donald Trump, m'avait un peu surpris : pas vraiment critique envers le nouveau président, insistant surtout sur le besoin de changement des Américains.

Et c'est vrai aussi : Trump, aussi détestable soit son programme et sa personne, représente une rupture avec la classe politique traditionnelle. Comme Macron, il n'avait jamais été élu auparavant. Comme Macron, sa popularité politique a été fulgurante. Comme Macron avec le Parti socialiste, Trump est en délicatesse avec le Parti républicain. L'un et l'autre ont suivi leur chemin, sans se préoccuper de se définir par rapport aux autres. Ils bousculent le jeu politique classique et rencontrent l'assentiment d'une forte partie de la population. Mais le parallèle s'arrête là. Après, tout les distingue.

J'ai montré hier, à partir de l'entretien d'Emmanuel Macron à L'Obs, que ses propositions en matière sociale étaient à la fois fortes et novatrices. Je crois et je souhaite qu'une élection, et la prochaine en France, la présidentielle, se joue sur les questions sociales. Car ce qui intéresse et préoccupe fondamentalement les citoyens de n'importe quel pays, ce sont ces questions-là. Le libéralisme progressiste d'Emmanuel Macron conduit à renforcer les droits sociaux et la protection des travailleurs, dans une société devenue individualiste, mobile et mondialisée. Voilà pour moi l'essentiel de son message, voilà le débat fondamental de la prochaine élection, voilà ce qui fait que Macron peut toucher la gauche et une grande partie de l'électorat populaire, si la pédagogie de son projet est bien menée par les équipes d'En Marche !

Donald Trump, c'est tout le contraire ! Une fois que vous avez enlevé le discours patriotique, xénophobe et économiquement protectionniste, vous ne trouvez plus rien en matière sociale. C'est pourquoi il est faux de dire, comme on l'entend, que Trump est le candidat des pauvres, des déshérités. La preuve : il s'est engagé à abroger la réforme sociale la plus spectaculaire depuis un siècle de vie politique américaine, qu'on appelle l'Obamacare, mise en œuvre par le président Obama, après un long combat. L'une des sources de grande pauvreté aux Etats-Unis, c'est l'absence de couverture sociale pour plus de 30 millions d'Américains, qui ne bénéficiaient d'aucune assurance-maladie. Maladie, décès frappaient lourdement cette population, d'une manière honteuse dans un pays riche et démocratique. La réforme a mis fin à cette injustice. Eh bien, Donald Trump veut la supprimer.

Ses raisons ? Il déteste l'Etat fédéral et tout ce qui en provient. Trump est anti-libéral à l'égard des Chinois, des Mexicains et du monde entier. Mais à l'intérieur de son pays, il est hyper-libéral : voilà l'imposture du personnage, l'attrape-gogo. L'Obamacare est, pour lui, une réforme socialiste, c'est-à-dire, à ses yeux, l'horreur. Ce populiste reçoit l'appui d'une partie du peuple, mais certainement pas des pauvres. Contre l'Obamacare, il a aussi invoqué l'augmentation des tarifs des assurances privées, conséquence d'après lui de cette réforme.

Sociologiquement, le vote Trump, son cœur de cible électoral, c'est celui des classes moyennes inférieures contre les classes populaires. Les premières dénoncent le soutien de l'Etat aux secondes. Elles craignent de se "paupériser" à leur tour, d'être "déclassées" (sic), de rejoindre ces classes populaires dont elles tiennent à se distinguer. Nous retrouvons le même clivage sociologue en France. Je me souviens qu'il y a 15 ans, sous Jospin, on reprochait aux socialistes de trop aider les pauvres, avec la création de la CMU, les minimas sociaux, etc. Cette critique était souvent faite sous couvert d'un pseudo-discours de gauche, en réalité populiste, comme peut l'être celui de Trump aujourd'hui.

On voit la radicale différence d'avec Emmanuel Macron, qui, lui, n'hésite pas à nommer la misère sociale, en parlant des "pauvres", des "illettrés", que personne n'ose plus citer aujourd'hui, craignant de se faire rabrouer. Macron aborde concrètement les difficultés sociales de ceux qui ne peuvent pas se déplacer, se former, trouver un emploi, espérer évoluer dans la vie, maîtriser l'informatique, ceux des campagnes isolées, des quartiers abandonnés, le salariat précarisé, hors-statuts, qu'il appelle "les assignés à résidence". De tous les candidats à la présidentielle, il se pourrait bien que ce soit Emmanuel Macron qui ait le projet le plus social à nous proposer. Alors non, il n'y a pas de confusion possible entre Trump, le populiste antisocial, et Macron, le libéral très social.

samedi 12 novembre 2016

C'est quoi, son programme ?



Macron, il est bien, il est sympa, il est intelligent. Mais quel est son programme ? Nombreux sont les partisans du prochain candidat à la présidentielle (mais oui !) à avoir entendu cette remarque, qui signifie une réserve, une réticence et même une critique, pourtant injuste : Emmanuel Macron, à plusieurs reprises, a exposé ses analyses et ses propositions en matière d'économie, de laïcité ou de sujets de société. Seulement, son projet n'est pas totalement finalisé, puisqu'il a décidé de consulter les Français avant.

Depuis jeudi et la parution de L'Obs (en vignette), plus personne ne pourra dire : Macron, c'est quoi son programme ? Sauf ceux, bien sûr, qui feindront malgré tout de ne toujours pas le connaître, afin de n'avoir pas à en débattre : c'est tellement plus facile d'ignorer que de discuter ! Mais les faits sont là, dans le magazine : c'est la première fois, et pas la dernière, puisqu'il développera ultérieurement d'autres volets, qu'Emmanuel Macron est aussi précis et complet.

Je vous renvoie à cette lecture, dont je retiens d'abord qu'elle inscrit le ministre dans une démarche authentiquement de gauche, en réponse aux doutes et incertitudes de certains. Il y a des marqueurs qui ne trompent pas : les emplois aidés, le collège unique, une bonne partie de la droite est contre, Macron est pour. La dégressivité des allocations de chômage, le contrat unique de travail, le retour aux 39 heures, la critique de l'"assistanat" sont portés par une bonne partie de la droite, Macron est contre. Il va même jusqu'à proposer une nationalisation, certes singulière, celle de l'Unedic ! Et puis, il estime que l'école primaire, chère au cœur des socialistes, doit avoir la priorité.

Macron s'inscrit donc bien dans une perspective de gauche très classique. En même temps, il y a des points de rupture : c'est ce qu'on appelle son fameux libéralisme, qui n'a cependant rien à voir avec le capitalisme sauvage, qui s'accorde au contraire avec la conquête de nouveaux droits sociaux (ce qui définit, là encore, ce qu'on appelle le socialisme). Macron propose que la protection sociale que garantit l'Unedic soit élargie aux autoentrepreneurs et aux salariés démissionnaires. Il suggère de moduler le temps de travail selon l'âge, jusqu'à le réduire à 30 heures pour les plus de 55 ans.

Même logique d'assouplissement et d'individualisation pour le départ en retraite : de 60 à 67 ans selon les situations. J'adhère complètement, et mon cas personnel est un exemple : prof de philo dans un établissement que j'aime beaucoup, je n'aurais aucune difficulté à quitter le métier à 67 ans (d'autant que j'y suis entré tardivement, à 34 ans). Mais sans doute pas avec les mêmes horaires et la même charge de travail ...

Sur les questions d'éducation, Emmanuel Macron poursuit sa logique : enseignants mieux payés là où il est plus difficile d'enseigner, autonomie des établissements pour s'adapter aux besoins et au terrain. Comment ne pas y être favorable, à partir du moment où il ne s'agit pas d'une privatisation de l'école (évidemment inconcevable), à partir du moment où Macron préserve un programme défini nationalement.

Nous attendons avec impatience les prochaines mesures du projet Macron, notamment en matière de politique étrangère. Nous attendons surtout sa déclaration de candidature à l'élection présidentielle, pour que de nouvelles opportunités soient données à la France, pour que la gauche épouse enfin son temps, pour que les progressistes se rassemblent, au-delà des clivages anciens et des partis traditionnels. Macron, c'est ça son programme !

vendredi 11 novembre 2016

Les terroristes passent à l'attaque



Hier matin, je venais de commencer un sujet de dissertation avec les élèves, sur la question : faut-il se méfier de la conscience ? quand nous avons entendu la sonnerie, à 10h40, alors que la fin du cours est à 11h00. Pas normal. Pas normal non plus sa durée, beaucoup trop longue. Et là, c'est le signal : alerte intrusion ! Des terroristes ont pénétré dans l'établissement, nous devons appliquer les consignes. C'est un exercice, bien sûr, mais qu'est-ce qui distingue la fiction de la réalité ? Rien du tout. Dans ce genre de situation, il faut faire comme si.

Mes élèves (20 filles et 1 garçon) ont joué avec sérieux le jeu, qui n'est pas un jeu. D'abord, je verrouille les deux portes de la salle et je baisse les volets des fenêtres. Puis des élèves poussent le bureau contre une porte et une armoire contre l'autre, très rapidement, presque avec plaisir. Ensuite, nous renversons les tables sur le côté, et nous les disposons en cercle au milieu de la pièce, comme les chariots dans les westerns, pour se protéger de l'attaque des Indiens. Nous nous allongeons à terre, derrière les tables. Pour les poètes, je dirais que la disposition des corps formait une sorte de corolle.

Toute lumière éteinte, nous étions dans une presque parfaite pénombre ... sauf que j'avais oublié de fermer l'ordinateur : son éclat bleuté nous rendait repérable aux terroristes. Pour les poètes, je dirais que c'est un peu comme un aquarium éclairé dans une chambre obscure. Clic : le noir total. De plus, dans le couloir, l'électricité a été coupée. Le silence et la nuit tombent en plein jour sur le lycée. Nous nous sentons invisibles et invulnérables. Que peut un terroriste contre nous ? Il ne peut pas entrer, il ne sait même pas que nous sommes là. Il ne peut pas tirer par le hublot de la porte, parce qu'il ne nous voit pas. Et s'il fait feu en aveugle, nous sommes à l'abri des tables. Que lui reste-t-il ? Se faire exploser au milieu du couloir, débarrasser l'humanité de sa personne ...

Nous sommes restés ainsi allongés dix minutes. Un élève a suggéré qu'on poursuivre le cours dans cette position (j'ai de bons élèves). Je sais bien qu'une assemblée d'aveugles pourrait philosopher, que les seuls outils requis sont le cerveau et la voix, mais tout de même ... Un visage tout rond est apparu dans le rond du hublot : un barbu, pas terroriste du tout, puisqu'il s'agissait de monsieur l'intendant, qui supervisait l'opération. Nouvelle sonnerie, retour de la lumière, fin de l'exercice.

Jusqu'à hier matin, j'étais légèrement sceptique sur ce genre d'entrainement. On se dit qu'on fait ça pour la forme, que si des terroristes passaient réellement à l'attaque, tout serait différent. Et puis, j'avais en tête qu'on ne peut rien contre un dingue qui veut tuer ou tout faire péter. Enfin, à quoi bon apeurer les élèves, qui le sont suffisamment par la télévision ...

Mais non ! Au contraire : ces gestes simples, à la portée de tous, que mes élèves ont répétés dans un grand calme, sont d'une efficacité redoutable, quand on y réfléchit. Les terroristes ne sont pas des militaires ou des mercenaires, mais des fanatiques : les attentats ont montré qu'ils commettaient un tas d'erreurs, parfois grossières. Des citoyens vigilants, organisés et méthodiques, ont les capacités de réduire considérablement l'impact des attentats, jusqu'à dissuader de les perpétrer. Je crois à la force du nombre contre la folie de quelques-uns. Une société qui fait corps ne craint plus grand-chose. Surtout, elle est armée psychologiquement. L'état d'urgence doit être dans les têtes, tranquillement préparées. C'est bien supérieur à toutes les lois sécuritaires qu'on pourra imaginer. A méditer, un an après les terribles attentats.

jeudi 10 novembre 2016

La nouvelle élite mondiale



L'analyse la plus courante de la victoire de Donald Trump porte sur une réaction du peuple contre les élites, que l'on constaterait dans de nombreux pays, jusqu'en France. Non, cette explication est erronée. Toute société, depuis toujours, est gouvernée par une élite, c'est-à-dire un groupe restreint qui occupe le pouvoir ou exerce son influence. Les seuls à pouvoir se réclamer d'une révolte contre les élites sont les anarchistes, les partisans du "Ni Dieu, ni maître", ce que n'est pas, évidemment, Donald Trump. La vraie question n'est pas de se demander si le peuple s'est révolté contre les élites, mais quelles élites s'est donné le peuple, à qui a-t-il remis le pouvoir en votant Trump.

Dans l'histoire des sociétés, les élites sont de nature très diverses (Platon, dans son ouvrage "La République", étudie celles de son temps) : élite militaire, élite religieuse, aristocratie héréditaire, etc. Sous la Vème République, les élites politiques étaient constituées, à droite, par de hauts fonctionnaires (à l'époque du gaullisme), à gauche par des intellectuels (Régis Debray, agrégé de philosophie, écrivain, était, sous François Mitterrand, l'une de ces figures). Depuis une vingtaine d'années, la société a changé, les élites aussi (celles-ci sont le reflet de celle-là). L'Amérique vient d'en apporter une magistrale démonstration.

Lors de mon premier voyage aux Etats-Unis, il y a une trentaine d'années, j'entendais déjà parler de Donald Trump. Il était alors l'image du beau gosse, du play-boy, friqué et frimeur, toujours entouré de jolies femmes et de grosses bagnoles, s'offrant le luxe de sa propre tour à New-York. Trump faisait et fait encore partie d'une toute petite élite : celle des milliardaires. Il ne s'en cache pas : au contraire, il s'en vante, en fait un argument politique. Sa fortune, il ne la doit pas à des investissements productifs dans l'industrie, mais à des placements juteux dans l'immobilier. Ce n'est pas un grand patron. Trump, c'est d'abord l'élite du fric facile, assumée, proclamée. Tout au plus un malin, pas un créateur d'entreprises.

Mais ce n'est pas que cela : c'est aussi une créature des médias, à l'ère de la télé-réalité, des chaînes d'information continue, des réseaux sociaux et des tweets. Ceux qui l'écoutent en version originale sont consternés par la pauvreté de son langage, l'inconsistance de ses idées. Donald Trump reflète bien, en ce sens, notre époque : dire n'importe quoi, en quelques mots, très vite oubliés. Trump s'est fait connaître aussi en animant un show télévisé, où il prenait plaisir à "virer" les invités, comme on imagine un patron licenciant cyniquement un employé.

La nouvelle élite mondiale, qui colle à notre temps, qui est portée au pouvoir par la population, la voilà : riche et pensant à s'enrichir, jouant avec les médias, affichant fièrement sa vulgarité. Marx nous apprend que toute élite défend ses intérêts, sous couvert d'une idéologie. Celle de Donald Trump, qu'on retrouve dans de nombreux pays, y compris chez nous, c'est un mélange de xénophobie, de nationalisme et d'antilibéralisme. Trump n'est pas libéral, mais archi-capitaliste : son objectif est de protéger l'économie américaine de la concurrence mondiale, afin que les capitalistes made in USA puissent continuer à prospérer. C'est d'ailleurs une vieille tendance américaine. La lutte des classes, Marx nous le dit aussi, se déroule autant, sinon plus, entre les possédants qu'entre eux et les exploités.

Voilà donc la nouvelle élite mondiale se mettre en place, dans le pays le plus puissant du monde, qui donnera sans doute des idées à d'autres, ailleurs. Mais la lutte continue et rien n'est encore gagné pour eux.

mercredi 9 novembre 2016

Je n'aurais jamais cru ...



Je n'aurais jamais cru que les régimes communistes s'effondreraient aussi vite à la fin des années 80.
Je n'aurais jamais cru que Jean-Marie Le Pen battrait en 2002 un Premier ministre socialiste.
Je n'aurais jamais cru, sauf au cinéma, que des avions s'écraseraient contre les tours du World Trade Center.
Je n'aurais jamais cru qu'un jour je deviendrais professeur de philosophie.
Je n'aurais jamais cru que Charb, Wolinski, Cabu, Bernard Marie seraient assassinés en plein Paris.
Je n'aurais jamais cru que les socialistes de Saint-Quentin s'allieraient en 2008 à trois partis d'extrême gauche.
Je n'aurais jamais cru que ce blog rencontrerait le succès.
Je n'aurais jamais cru que le FN serait le premier parti d'opposition chez nous.
Je n'aurais cru que la tête de liste PS aux dernières élections municipales démissionnerait au bout d'un an, sans donner d'explication.
Je n'aurais jamais cru que je signerais une chronique amusante dans un journal gratuit.

Je n'aurais jamais cru que Donald Trump serait élu ce matin président des Etats-Unis d'Amérique.

C'est fou ce à quoi je n'ai jamais cru, avec une certitude absolue et raisonnée (je n'ai énuméré que quelques exemples marquants). Il va falloir maintenant que je change, que je me mette à croire en l'incroyable.

Je crois désormais que Marine Le Pen peut être élue l'an prochain présidente de la République. Pourtant, au fond de moi, je n'y crois pas. Comme je ne croyais pas à la liste de tout ce qui précède ! C'est fini, on ne m'y reprendra plus. Je crois aujourd'hui en la possibilité de victoire de l'extrême droite, pour ne pas avoir à y croire demain, après que tout aura été fait pour l'en empêcher. Croyez-moi, c'est la seule méthode efficace.

mardi 8 novembre 2016

Des évêques pas très catholiques



Les évêques de France demandent pardon aux victimes des prêtres pédophiles, organisent des messes et prières en ce sens. Ce qui retient mon attention dans cette réaction et cette initiative, c'est combien elle est peu conforme à ce qu'on peut attendre du catholicisme.

1- L'Eglise demande pardon parce que tout le monde aujourd'hui demande pardon. Le mea culpa est entré dans les mœurs d'une société qui s'est pourtant éloignée du christianisme. Mais ce pardon n'a pas de sens, d'un point de vue catholique. L'Eglise n'est pas responsable de ses membres pourris, qui doivent, seuls, répondre de leurs actes. Il n'y a pas de responsabilité collective dans cette affaire. S'estimant sainte, l'Eglise ne peut pas se considérer elle-même comme sale. De même, par analogie, en matière politique, la République n'a pas à répondre des crimes du régime de Vichy et à demander pardon pour ce qu'elle n'a pas commis. Sur ce point, je soutiens François Mitterrand contre Jacques Chirac. En vain, je le sais, puisque les temps sont à la repentance.

2- L'inventeur du pardon, c'est le judéo-christianisme. Mais pas à la façon des évêques de France. Il n'y a que le criminel qui puisse demander pardon, et la victime qui puisse pardonner, de personne à personne. Pas une institution à des personnes qui exigent souvent bien autre chose qu'une parole de pardon. D'autre part, quel sens peut avoir cette démarche en direction d'un non croyant ? C'est alors vers Dieu que le fidèle se tourne pour réclamer le pardon.

3- D'un point de vue spirituel, qui n'est évidemment pas le point de vue moral, encore moins juridique, la première victime, c'est le prêtre violeur, victime de ses pulsions et, aux yeux d'un théologien strict, des démons. Car il y a quelque chose de diabolique à ce qu'un prêtre, dans la dignité qui est la sienne, fasse tout le contraire, viole non seulement un enfant mais aussi les commandements de Dieu. Les prières des fidèles doivent aussi et surtout être dites en direction des curés pédophiles, afin qu'ils puissent être sauvés, pour ceux qui croient en un Sauveur. Mais notre époque est-elle prête à ce qu'on se soucie des bourreaux, qu'on songe au salut des salauds ? Je ne crois pas, je pense même que la proposition ferait scandale.

4- Si l'âme de ces prêtres pervers et maudits, serviteurs de Dieu devenus jouets du diable, requière les prières des fidèles, leur corps mérite tout autant la condamnation, par l'exclusion de la communauté chrétienne. Je m'étonne que l'Eglise de France n'ait pas fait usage de la procédure d'excommunication, qui ne vise pas que les hérétiques, même si c'est son motif le plus courant. Si nos évêques était violemment chrétiens, ils appliqueraient à la lettre les recommandations du Christ à l'égard de qui s'en prend à un enfant : lui mettre une meule au cou et le jeter à la mer ( Evangile selon saint Matthieu, 18, 6). Mais ce serait à leur tour d'avoir des comptes à rendre devant la justice !

Il est aujourd'hui difficile à l'Eglise d'être pleinement catholique dans un monde qui ne l'est plus. Nous ne croyons plus au dieu Jupiter ni au Seigneur Jésus-Christ. Les mots de la religion ont perdu de leur sens, et quand ils sont malgré tout utilisés, c'est à contresens. Pour libérer le prêtre pédophile de ses pulsions de mort, ce n'est pas l'exorciste qu'on va aller chercher, c'est le psychologue. La défaite du catholicisme est dans cette abdication, beaucoup plus que dans la libération des mœurs.

lundi 7 novembre 2016

Les orphelins et le diviseur



Les deux événements politiques du week-end ont été la position du PCF pour la présidentielle et les déclarations d'Arnaud Montebourg. Les communistes ! J'ai connu ce parti flamboyant, dominateur. Aujourd'hui, et depuis pas mal de temps, il est dans l'incertitude, pour ne pas dire l'errance. A la dernière présidentielle, le PCF s'était rangé derrière Jean-Luc Mélenchon, ex-socialiste depuis peu. Ce ralliement n'était pas très glorieux, presque baroque : le grand Parti communiste français suivant le petit Parti de gauche, d'anciens PS cherchant à se reconvertir. Autrefois, c'était le contraire : les non communistes étaient à la traîne.

Serait-ce le retour du refoulé, une prise de conscience tardive ou une réaction d'honneur bafoué ? Samedi, les cadres du PCF ont dit non à Mélenchon, n'ont plus voulu revivre une nouvelle humiliation. Pourtant, tout amour propre rentré, l'alliance avec Mélenchon était grandement avantageuse : avec 11% en 2012, le PCF ne pouvait espérer mieux. Présentant un candidat issu de ses rangs, quel serait le résultat ? 2% ? J'ai l'impression que les communistes n'ont le choix qu'entre deux humiliations : se soumettre ou s'effondrer.

Le pire dans cette affaire, c'est que le PCF a un chef sans autorité, ce qui est le plus préjudiciable en politique. Pierre Laurent, qui défendait l'option Mélenchon, n'a pas été suivi. Que va-t-il faire maintenant ? On n'ose pas songer à lui pour être candidat à la prochaine présidentielle ... Certains de ses camarades pensent à la solution Montebourg : c'est extravagant ! Se passer de Mélenchon pour se retrouver au côté d'un encore récent ministre de Hollande !

Arnaud Montebourg, parlons-en : on dit de Macron, à tort, qu'il n'a pas de programme. Et celui de Montebourg, où le voyez-vous, à part la vieille rengaine du made in France, qui ne fait pas un projet ? Dimanche, il a eu une trouvaille : "l'union des gauches". Génial ! Les nostalgiques auront une larme à l'œil, puisque l'expression leur rappellera l'union de la gauche du début des années 70. Pourquoi ne pas ressortir le Programme commun, de la même époque ? Mais l'union de quelles gauches ?

Montebourg est le premier à diviser en tapant fort sur la gauche de gouvernement, dont il faisait partie il n'y a pas si longtemps. Avec les communistes ? Ils ne veulent plus entendre parler d'accord avec les socialistes, sauf pour des élections locales. Et puis, Montebourg a décidé de participer à la primaire socialiste : que deviendra-t-il si un autre est choisi, Hollande par exemple ? Va-t-il soutenir, comme il s'y est engagé, celui dont il condamne la politique ? Non, tout ça ne tient pas debout. D'un côté des communistes orphelins, de l'autre un socialiste diviseur : quelle misère ! Décidément, l'avenir de la gauche se joue ailleurs.

dimanche 6 novembre 2016

Insolents et insoumis



Emmanuel Macron a réuni hier à Paris 800 cadres du mouvement En Marche ! Du nouveau dans son discours ? Pas totalement, et c'est heureux : il faut de la constance en politique. Mais il y a de petites touches inédites. D'abord, la charge contre le Front national : non pas pour se focaliser sur ce parti, qui n'en vaut pas la peine, mais pour s'adresser à son électorat, l'écouter et le reconquérir. Macron a fait ce constat, après le diagnostic de ses marcheurs : aujourd'hui, le terrain est occupé par l'extrême droite. C'est elle qui va vers les gens, maintient des activités militantes. On le voit bien à Saint-Quentin. Macron nous donne comme objectif d'aller rechercher ces électeurs perdus, désabusés par la politique et abusés par l'extrême droite.

Et puis, Emmanuel Macron a dénoncé fortement le pessimisme, le défaitisme, l'esprit de renoncement de la classe politique, qui considère lâchement comme un fait acquis la présence fatale de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. Accepter cela, c'est légitimer le Front national, alors qu'on prétend le combattre. C'est en réalité baisser les bras ou faire des moulinets dans le vide, agiter du vent ! Non, le second tour doit se jouer entre candidats républicains.

Emmanuel Macron a annoncé qu'il présenterait un "contrat de transformation" dans la seconde moitié de novembre, qui finalisera son projet pour la France et les Français. Mais pas question d'un long programme de propositions flatteuses et intenables, qui créent d'abord la surprise et au final la déception. Si François Hollande n'avait pas, pour plaire au cœur de son électorat, lancé son stupide "mon ennemi c'est la finance" (seuls Lutte ouvrière ou le NPA peuvent sérieusement revendiquer ce slogan), s'il avait clairement annoncé son projet de loi travail, dit El Khomri, je pense que la gauche de gouvernement ne serait pas dans l'état où elle se trouve.

Le "contrat" que propose Macron fait inévitablement penser à celui de Pierre Mendès-France dans les années 50 : s'engager sur quelques grandes réformes auprès des Français, s'en tenir à ça, ne pas promettre la Lune, qui certes fait rêver mais engendre à terme la mélancolie. Pas de ça chez Macron, mais "l'optimisme de la volonté", et une combativité qui fait aujourd'hui défaut à gauche.

Des mots inhabituels sont sortis de sa bouche, lorsqu'il a demandé à ses partisans "insolence" et "insoumission". Jusqu'à présent, c'était "bienveillance" et "écoute". Mais ce n'est pas forcément contradictoire. De fait, sans même le vouloir, Macron bouscule le système. Après Jean-Luc Mélenchon, une nouvelle "France insoumise" ? L'insolence et l'insoumission, oui, ça me plait bien. Et "ne jamais s'habituer à la médiocrité", a précisé le leader d'En Marche ! Ok, chef, on y va.

Son discours s'est terminé par un très présidentiel "Vive la République ! Vive la France !" qu'il n'avait pas prononcé jusque-là. Et la salle a répondu par de nombreux et enthousiastes "Macron président !" Comment voulez-vous que cet homme-là ne se présente pas ? On y va, tous ensemble.

samedi 5 novembre 2016

Nous avons besoin de vous



Aujourd'hui se sont réunis à Paris les comités locaux du mouvement En Marche ! d'Emmanuel Macron. Hier soir, à Saint-Quentin, au café L'Edito s'est tenue la première rencontre du comité local, en présence de Norbert, Mehdi, Raphaël, Yann, Bruno et Laurent. Mike ne pouvait pas être des nôtres. Ce matin, Jean-Marc et Cécile nous ont rejoints. Une dizaine, c'est un bon début. Il nous faut, maintenant, dans notre ville, amplifier la dynamique nationale en faveur d'En Marche ! et d'Emmanuel Macron. L'intérêt existe, le besoin de renouveau est présent, le mouvement peut et doit se développer.

Hier, nous avons fait connaissance, partagé nos expériences. Venant du centre droit ou de la gauche social-démocrate, le désir de changer la vie politique, de proposer une nouvelle donne est fort. Macron suscite l'enthousiasme, représente un espoir parce qu'il offre la possibilité d'un militantisme hors des logiques d'appareil. Chacun arrive avec ses idées, ses compétences et le dialogue peut s'engager. Il ne s'agit pas de se ranger aveuglément derrière un leader ou de s'enfermer dans un courant. Oserais-je dire que s'invente avec En Marche ! un militantisme libre, ouvert et intelligent ?

Sur le fond, nous avons discuté, entre autres, du rapport, souvent mal compris, entre la gauche et le libéralisme, le marché, l'entreprise. Aussi de la nécessité à adapter la politique aux changements de société : ubérisation, individualisme, etc. De même, si gauche et droite continuent à exister, le clivage est moins pertinent qu'autrefois. Redonner enfin à la vie politique, qui laisse parfois l'impression qu'on ne peut plus rien réformer, de l'enthousiasme, de la bienveillance et de l'optimisme, que la personne d'Emmanuel Macron incarne assez bien. D'où certainement la curiosité et l'engouement qu'il suscite.

Dans les jours qui viennent, Mehdi concevra sur l'internet une plateforme où nous pourrons poursuivre nos échanges à distance. Puis des rencontres directes traiteront des propositions d'Emmanuel Macron. Car c'est le seul bémol : son projet n'est pas assez connu. Bien sûr, l'élaboration est collective et progressive. Mais les premières mesures ont été présentées, en matière économique, sociale et éducative. A nous d'en discuter et d'en faire la pédagogie.

Dans l'immédiat, il faut élargir notre cercle. L'adhésion est gratuite ; il suffit de partager les valeurs du mouvement. Pour s'inscrire : https://en-marche.fr/adherer.html . Ensuite, le nouveau membre choisit son comité local et est contacté par l'animateur. Nous avons besoin de vous !

vendredi 4 novembre 2016

Primaire de droite, primaire de gauche



Hier soir, deuxième débat de la primaire de la droite et du centre. Juste après, le présentateur de BFMTV a commenté : "Il y a eu du fight cette fois". Voilà comment on parle sur cette chaîne ... Oui, le ton a été plus vif, l'ambiance plus détendue aussi. Mais ce qui m'intéresse, c'est de comparer cette primaire de droite avec la primaire de gauche en 2011. Même procédure, et pourtant, rien à voir. Cinq différences sautent aux yeux :

1- L'actuelle primaire de la droite est fortement médiatisée, beaucoup plus que la primaire socialiste. En amont et en aval des débats, plusieurs documentaires ont été consacrés aux principaux candidats, et ce n'est sans doute pas terminé. Je ne suis pas certain qu'il n'y ait pas un effet de saturation chez les spectateurs. A force de mobiliser, on peut aussi ennuyer et démobiliser, quand le vote viendra.

2- En 2011, les différences étaient très nettes entre les postulants de gauche. Au sein du Parti socialiste, les clivages sont anciens, historiquement marqués. Entre un social-libéral et les nostalgiques du Programme commun, il y a un monde. A droite, c'est beaucoup moins vrai. A les entendre, on a le sentiment qu'ils disent à peu près tous la même chose, qui peut se résumer en deux mots : extension du libéralisme et renforcement de l'autorité. Les divergences paraissent ponctuelles, secondaires, mineures. Nous n'avons pas l'impression d'avoir à choisir, contrairement aux candidats socialistes de 2011, entre des projets très différents.

3- Le contraste le plus saisissant entre la primaire 2016 et la primaire 2011, ce sont les comportements personnels des uns envers les autres. Les candidats socialistes veillaient à ne pas s'attaquer entre eux, craignant d'apparaitre comme des diviseurs. La défense de leurs idées respectives suffisait à se différencier. Quand Martine Aubry avait déclaré, sur François Hollande : "Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup", on le lui avait reproché, la remarque pourtant guère violente avait été jugée agressive. Certains ont même prétendu qu'elle avait perdu des points à cette occasion, peut-être l'élection. Hier soir, les candidats de droite ne se sont pas privés de s'interpeller, parfois durement, d'ironiser, cherchant à tout prix à se démarquer. Quand la différence n'est pas suffisante par les idées, on va vers les reproches personnels.

4- Le premier débat de la primaire de la droite et du centre a eu une séquence très forte, impressionnante : les affaires judiciaires, qui frappent quelques-uns des candidats, et non des moindres. Emplois fictifs, dépassement des comptes de campagne, affaire Bygmalion ... Cette dimension-là, qui pourrit forcément le débat et qui sans doute marquera, était totalement absente de la primaire de gauche.

5- En 2011, nous avions le sentiment que chaque candidat était, ou presque, sur la même ligne de départ. Rien n'était joué, notamment entre Aubry, Hollande et Montebourg. Celui qui finalement l'emportera était crédité au départ de 3% d'intentions de vote. Après l'empêchement de DSK, super-favori, tout semblait possible. Cette fois-ci, à droite, Alain Juppé part en tête et rien ne semble pouvoir le déloger (hier soir encore, avec la première enquête d'opinion suivant le débat).

Le plus surprenant dans le débat d'hier, c'est que les candidats avaient parfois conscience que leurs échanges tournaient à vide, qu'ils se retournaient contre eux-mêmes, quand il a été question des rapports avec François Bayrou ou avec l'extrême droite. L'un d'entre eux a été, sans surprise, particulièrement minable : Jean-Frédéric Poisson, dont l'image initiale de "bon gars" s'est effondrée.

jeudi 3 novembre 2016

Médiapart en marche



Je ne vais pas trop sur internet. Mais hier, oui : Emmanuel Macron était le premier invité de la nouvelle émission de Médiapart, en accès gratuit. Le social-libéral chez les gauchistes, Macron face à Plenel, il fallait ne pas manquer ça ! Et je n'ai pas été déçu : internet est capable du pire comme du meilleur. Hier soir, c'était le meilleur. A côté, les émissions politiques à la télévision font pâle figure. Qualité, investigation, sérieux, tout y était.

Je m'attendais au clash entre l'invité et ses interlocuteurs. Eh bien non : les échanges ont été courtois, ouverts, sans complaisance certes, mais sans hostilité. Macron a été intéressant, comme à son habitude, et plus que ça, dans un milieu qui ne lui était pas du tout acquis : séduisant. Oui, il me semble bien qu'il a épaté les gauchos de Médiapart, Edwy Plenel en tête. Mais je ne prétends pas non plus qu'il les a convaincus, loin de là. La sympathie simplement passait entre eux. C'est que Macron est un type foncièrement sympathique, bienveillant envers autrui, énergique, enthousiaste : une telle personnalité ne peut qu'irradier autour de elle.

Dans son contenu, rien de très nouveau. Nous avons seulement appris qu'il ne proposerait pas le droit de vote aux immigrés, parce que ce n'est pas leur revendication première. L'aéroport Notre-Dame-des-Landes doit se faire, parce que la population consultée par référendum en a décidé ainsi. La loi El Khomri : il aurait fallu l'annoncer d'avance, être beaucoup plus clair dans sa pédagogie, la pousser plus loin dans sa philosophie. Le grand moment, je crois, en phase aussi avec Médiapart, c'est dans le soutien de Macron à l'accueil des migrants : la France n'a pas été complètement à la hauteur de l'enjeu, contrairement à l'Allemagne.

Et puis, l'inévitable question sur sa candidature à la présidentielle : ira ? ira pas ? Emmanuel Macron a énuméré cinq conditions : se définir par rapport à soi et pas par rapport aux autres, ne pas compromettre l'équilibre des institutions, maintenir l'amitié avec le chef de l'Etat, ne pas renier ce qui a été fait au gouvernement, proposer une offre politique nouvelle. Il y a donc du pour et du contre. Mais, à choisir, j'aurais plutôt tendance à penser que Macron se portera candidat, y compris si Hollande l'est à nouveau.

De ce que j'ai vu et entendu de cette émission, l'exercice d'Emmanuel Macron rencontre-t-il des limites ? Je pense que oui (bien étonnant serait la perfection !). Sa façon de s'exprimer n'est pas totalement accessible au tout venant. Macron est souvent dans l'analyse, très pointue et pas facile à suivre. Il devra en quelque sorte policer sa parole, la rendre plus abordable au grand nombre. Mais ce que je retiens surtout de lui, de son intervention d'hier soir, c'est que son projet, à rebours de la caricature qu'on en fait, est profondément social. Il s'agit, pour lui, de réintégrer à la société, au travail, à la formation, des catégories entières de la population, de nombreux quartiers qui en sont aujourd'hui exclus. Et c'est peut-être ça la sensibilité commune avec Médiapart, qui fait que la rencontre d'hier entre eux et lui s'est correctement déroulée.

mercredi 2 novembre 2016

Voici venu le temps des traitres



Traitre : ce mot ne fait pas partie de mon vocabulaire. En politique, il est stalinien ou fasciste. Je l'emploie ici de façon volontairement outré, pour les besoins de la démonstration. Vous pouvez le remplacer par des termes plus doux : retournement, évolution, changement. Dans la vie politique, qui a ses lois physiques, la trahison est une réaction naturelle. Elle répond à une règle aussi immuable que les lois de la gravitation dans l'univers.

Depuis quelques semaines et dans les prochaines semaines, un phénomène va s'accentuer : l'un monte, l'autre descend. A ce double mouvement en sens inverse vont correspondre deux conséquences implacables : celui qui s'élève va voir s'agréger autour de lui des éléments hétérogènes, celui qui s'abaisse va assister au détachement des corps qui lui sont pourtant homogènes. Force centripète d'un côté, force centrifuge de l'autre.

Je veux en venir où avec ce langage pseudo-scientifique ? Brutalement : Alain Juppé va enregistrer les ralliements de ses adversaires, François Hollande va subir les défections de ses amis. Ce week-end prolongé nous a offert deux cas d'école :

Qui a dit : "Je pense que François Fillon est le mieux à même de nous conduire à la victoire en 2017". La personne qui s'exprimait ainsi voyait en Fillon un "gaulliste social réformateur". C'était en 2013. Trois ans, ce n'est pas loin. Depuis, Fillon n'a pas changé, défend les mêmes idées. Mais Valérie Pécresse, puisque c'était elle, ne le soutient plus aujourd'hui : elle a rejoint le plus fort, celui qui monte, Alain Juppé. Pourquoi ? Parce qu'il est le plus fort, parce qu'il monte. Si le bénéficiaire de cette poussée était Le Maire, Sarkozy ou Copé, Pécresse soutiendrait Le Maire, Sarkozy ou Copé. L'homme, les idées n'ont rien à voir avec tout ça : simplement la loi du plus fort.

Qui a dit ? "Je suis un ami de longue date de François Hollande". Celui qui, juste avant, l'a trahi, publiquement et violemment. A propos du chef de l'Etat, de ses annonces sur l'inversion de la courbe du chômage ou sur le retour de la croissance, Alain Rousset, puisque c'est lui, a déclaré : "Celui qui s'exprime régulièrement là-dessus depuis cinq ans devrait la fermer !" Voilà comment le président de la région Nouvelle-Aquitaine parle d'un ami, sans oser le nommer. La trahison fait toujours profil bas, avance masquée. Et quand on lui demande de s'expliquer, Rousset dit qu'il ne l'a pas dit, en tout cas pas comme ça, pas dans cette intention-là : il ne visait pas Hollande, il s'exprimait en général, alors que son propos était au contraire très clair et très précis. Mais voilà : l'hypocrisie est consubstantielle à la trahison. "La fermer" : c'est la façon de parler d'un président socialiste de région au président de la République, et c'est consternant.

Dans les semaines et les mois qui viennent, ils seront nombreux, les Pécresse à droite, les Rousset à gauche, qui rallieront celui qu'ils ont combattu, qui lâcheront celui qu'ils ont soutenu. C'est la loi universelle du pouvoir. Comme celle de la pesanteur, on ne peut pas s'en extraire, sauf quelques rares exceptions. Nous sommes entrés dans le temps des traitres, qui s'ouvre à chaque scrutin, qui est beaucoup plus vieux que la démocratie, qui remonte à la nuit des temps.

mardi 1 novembre 2016

Madame la présidente



Depuis que la candidature de François Hollande est incertaine, chancelante, les postulants à la magistrature suprême se multiplient. Les femmes ne sont pas en reste. Il y en a au moins cinq qui y songent, qui y ont songé ou qui y songeront, sans parler de tous ceux qui y songent pour elles. L'Amérique donne des idées : une femme s'apprête à devenir la présidente de la première puissance au monde. Pourquoi pas chez nous ? Voici donc les candidates supposées, espérées ou fantasmées :

Ségolène Royal. Elle est connue, a du métier et s'est déjà lancée dans l'aventure présidentielle. Mais Ségolène, comme on l'appelait alors, n'a pas digéré que le Parti ne la soutienne pas, ou peu. Si on vient me chercher, c'est pour échouer, répond-t-elle. Il est vrai que la question n'est pas si bête : quel est le meilleur candidat pour perdre ? Certains verraient bien une candidate. Mais il ne faut jamais partir battu, surtout lorsqu'il n'est pas impossible de gagner. Le vrai problème de Ségo n'est pas celui-là : c'est que le socialisme moderne qu'elle a incarné est désormais représenté par Emmanuel Macron, et qu'il n'y a pas de place pour deux sur ce créneau-là.

Christiane Taubira. L'aile gauche en rêve. C'est la candidate du socialisme moral, justicier, pur et dur. Avec elle, le PS se referait une virginité, c'est certain. Et puis, Taubira est tellement détestée par la droite qu'on est sûr, avec elle, d'être à gauche. Mais ce serait une candidature pour se faire plaisir, avec un brin de poésie. Le FN en prendrait un coup, sans avoir rien à faire. Une candidature de témoignage, pour ceux qui désirent ne pas l'emporter. Ce n'est pas comme ça qu'on agit lorsqu'on est un parti de gouvernement.

Najat Vallaud-Belkacem. Il parait qu'elle pense à l'Elysée. Elle a pour elle la jeunesse et le sourire. Les trentenaires l'aiment beaucoup, puisqu'elle en fait partie. La France de la diversité, comme on dit aujourd'hui, s'y reconnaît aussi. Najat est issue d'un milieu populaire et s'est hissée au sommet par son travail et son intelligence : en termes de story-telling, c'est conforme à l'idéal de gauche. Et puis, son domaine actuel, c'est l'éducation : voilà qui parle aux socialistes. La ministre est presque trop parfaite de sa personne pour être candidate. Surtout, quel projet incarne-t-elle ? Où peut-on la situer ? Il faut quand même un dessein pour candidater ...

Anne Hidalgo. Je suis surpris qu'on pense à elle pour la présidentielle, mais la rumeur circule. C'est qu'elle incarne la victoire socialiste dans la capitale, au milieu de tant de défaites. Et Paris, ce n'est pas rien, c'est presque le monde entier ! Et puis, Hidalgo est le signe de la mutation sociologique de la gauche : elle est l'élue des bobos, des classes moyennes supérieures, qui tiennent le haut du pavé, et pas seulement dans la capitale. D'accord, j'aime bien, mais la France, c'est aussi l'inévitable province, son profil bas, sa haine de Paris (parisien, parisianisme sont à mettre au compte des insultes ordinaires, de la xénophobie de terroir).

Martine Aubry. Je l'ajoute à la liste, même si la maire de Lille dit n'être pas intéressée. Mais comme changer d'avis est dans sa nature profonde, autant l'inclure. Malgré son refus provisoire, elle a de nombreux atouts dans son jeu. Sa qualité (et sa bizarrerie), c'est qu'elle est une social-démocrate incontestable qui plait pourtant à l'aile gauche. Elle sait y faire, choisir les mots et pousser les coups de gueule. La plupart du temps, c'est sans effet, mais l'intention est là et convient à ceux qui se contentent de peu. Aubry a l'expérience, elle est rassembleuse. N'ayant pas participé au gouvernement, elle peut prendre ses distances avec un bilan décrié. Il ne lui manque qu'une chose, toujours la même : la volonté. C'est tout le problème des grandes gueules : crier fort, mais agir peu.

Madame la présidente ? Je le souhaite, j'espère le voir un jour, mais je ne crois pas que ce soit pour ce coup-là.