mercredi 2 novembre 2016

Voici venu le temps des traitres



Traitre : ce mot ne fait pas partie de mon vocabulaire. En politique, il est stalinien ou fasciste. Je l'emploie ici de façon volontairement outré, pour les besoins de la démonstration. Vous pouvez le remplacer par des termes plus doux : retournement, évolution, changement. Dans la vie politique, qui a ses lois physiques, la trahison est une réaction naturelle. Elle répond à une règle aussi immuable que les lois de la gravitation dans l'univers.

Depuis quelques semaines et dans les prochaines semaines, un phénomène va s'accentuer : l'un monte, l'autre descend. A ce double mouvement en sens inverse vont correspondre deux conséquences implacables : celui qui s'élève va voir s'agréger autour de lui des éléments hétérogènes, celui qui s'abaisse va assister au détachement des corps qui lui sont pourtant homogènes. Force centripète d'un côté, force centrifuge de l'autre.

Je veux en venir où avec ce langage pseudo-scientifique ? Brutalement : Alain Juppé va enregistrer les ralliements de ses adversaires, François Hollande va subir les défections de ses amis. Ce week-end prolongé nous a offert deux cas d'école :

Qui a dit : "Je pense que François Fillon est le mieux à même de nous conduire à la victoire en 2017". La personne qui s'exprimait ainsi voyait en Fillon un "gaulliste social réformateur". C'était en 2013. Trois ans, ce n'est pas loin. Depuis, Fillon n'a pas changé, défend les mêmes idées. Mais Valérie Pécresse, puisque c'était elle, ne le soutient plus aujourd'hui : elle a rejoint le plus fort, celui qui monte, Alain Juppé. Pourquoi ? Parce qu'il est le plus fort, parce qu'il monte. Si le bénéficiaire de cette poussée était Le Maire, Sarkozy ou Copé, Pécresse soutiendrait Le Maire, Sarkozy ou Copé. L'homme, les idées n'ont rien à voir avec tout ça : simplement la loi du plus fort.

Qui a dit ? "Je suis un ami de longue date de François Hollande". Celui qui, juste avant, l'a trahi, publiquement et violemment. A propos du chef de l'Etat, de ses annonces sur l'inversion de la courbe du chômage ou sur le retour de la croissance, Alain Rousset, puisque c'est lui, a déclaré : "Celui qui s'exprime régulièrement là-dessus depuis cinq ans devrait la fermer !" Voilà comment le président de la région Nouvelle-Aquitaine parle d'un ami, sans oser le nommer. La trahison fait toujours profil bas, avance masquée. Et quand on lui demande de s'expliquer, Rousset dit qu'il ne l'a pas dit, en tout cas pas comme ça, pas dans cette intention-là : il ne visait pas Hollande, il s'exprimait en général, alors que son propos était au contraire très clair et très précis. Mais voilà : l'hypocrisie est consubstantielle à la trahison. "La fermer" : c'est la façon de parler d'un président socialiste de région au président de la République, et c'est consternant.

Dans les semaines et les mois qui viennent, ils seront nombreux, les Pécresse à droite, les Rousset à gauche, qui rallieront celui qu'ils ont combattu, qui lâcheront celui qu'ils ont soutenu. C'est la loi universelle du pouvoir. Comme celle de la pesanteur, on ne peut pas s'en extraire, sauf quelques rares exceptions. Nous sommes entrés dans le temps des traitres, qui s'ouvre à chaque scrutin, qui est beaucoup plus vieux que la démocratie, qui remonte à la nuit des temps.

7 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

""La fermer" : c'est la façon de parler d'un président socialiste de région au président de la République, et c'est consternant" : encore un exemple de la crise de l'autorité en France, on est jamais allé aussi loin dans le mépris et l'insulte envers la fonction présidentielle je crois, sinon que l'on me cite un autre exemple. La branche sur laquelle nous nous reposons, est tellement pourrie et vermoulue, qu'il est possible qu'elle casse très subitement, nous surprenant tous...

Anonyme a dit…

S'il ne reste qu'un fidèle, je parie sur Le Foll.

A a dit…

"encore un exemple de la crise de l'autorité"...
Ne généralisez pas si rapidement...
Il ne s'agit pas d'autorité dans l'exemple aquitain cité par l'animateur de ce blogue : il s'agit d'irrespect.
Il ne s'agit pas d'autorité dans l'autre exemple francilien : il s'agit d'attraction.
Même dans les cités les plus décriées, l'autorité existe.
Simplement elle ne vous convient pas parce que c'est celle des grands frères voire celle des petits caïds et vous la déniez, ce dont vous avez parfaitement le droit.
Le problème est donc de remplacer ces autorités de bas étage par de l'autorité d'un meilleur aloi.

bobo a dit…

@ Erwan Blesbois pour l'ensemble de son œuvre, et ses commentaires généralement anti-bobos.
Le discours anti-bobos c'est la revanche du "bof" (vous vous souvenez la jeunesse des années 80, totalement passive idéologiquement), jadis conspué, et aujourd'hui totalement décomplexé par la zemmourite ambiante.
Notre époque sacre la "bofitude" (encore différente de la beaufitude) : c'est-à-dire les petits-bourgeois des années 80 qui prennent leur revanche sur leurs aînés (le "peuple" a bon dos ...) , en même temps qu'elle cloue aux piloris ceux pour qui la culture et l'art de vivre ont plus de valeur que l'argent en tant que tel. Parce que c'est ça qui spécifie les fameux bobos en définitive.
J'imagine bien Erwan Blesbois appartenir à cette génération "bof", sans convictions, se laissant porter par les événements, ne résistant pas, et surtout se plaignant tout le temps et maudissant le monde.
Mais le monde pour nous bobos, Erwan, il est beau, il est porteur d'une grand espoir. Et comme devait vous de dire Olivier Chédin, que vous citez parfois : "si le monde vous dégoûte, n'en dégoûtez pas les autres." Et je vous dis cela en toute courtoisie et toute politesse, et gentillesse même... et si vous désirez continuer à vous exprimer, vous en êtes tout à fait libre.
Mais parallèlement, engagez-vous bon sang, luttez, et laissez de côté le monde qui vous persécute. Il ne vous persécute que dans votre tête, car en réalité le monde vaque à ses occupations, sans se soucier de vous. Oui vraiment vous avez raison, vous avez des points communs avec Rousseau. C'est ennuyeux, car comme le disait Nietzsche, Rousseau est un grand malade, peut-être un incurable...


Erwan Blesbois a dit…

Désolé de ne pas partager votre enthousiasme pour la modernité, bobo. Il est clair que si Rousseau était soigné par les psychiatres d'aujourd'hui, il serait déclaré inapte au travail salarié, et mis d'office en invalidité... Par là même nous serions privés d'une grande œuvre littéraire très certainement, tout ça pour laisser les crétins, et notamment les psys, vaquer à leurs occupations. Quant à Nietzsche, ce n'est pas le mieux qualifié pour critiquer la santé mentale des autres... si vous voyez ce que je veux dire. Le désengagement idéologique et politique de mon époque, les années 80, je le déplore, comme vous, et cela ne s'est pas arrangé depuis, bien au contraire.
Venons-en à Zemmour, justement je vais vous livrer une petite réflexion sur ce que j'en pense, de façon non-définitive, car je n'ai pas fini son dernier ouvrage, mais seulement commencé :
"Je ne comprends même plus les réactions de défense de l'Occident, en soutenant implicitement le FN par exemple, à qui tous les partis ont laissé un boulevard idéologique sur la question de l'autorité. En effet à quoi bon défendre l'Occident, où l'on ne rencontre que des gens agressifs, décadents, futiles, jouisseurs, égoïstes : c'est le cas de beaucoup de membres de ma famille, c'est aussi le cas de beaucoup de mes anciens "amis". Pourquoi défendre les valeurs de l'Occident ? Alors que les musulmans au moins ont des valeurs, ils essaient de s'occuper de leur progéniture, en cela ce sont les prolétaires de nos contrées matérialistes et futiles. Ils misent tout sur la famille et l'éducation des enfants, qu'ils ne laissent pas tomber, à la différence des Occidentaux. Ils ont encore des valeurs issues de la religion : ils sont prêts à mourir pour leur cause, ce dont nous sommes devenus incapables, peut-être ont-ils raison et sont-ils beaucoup plus proche de la vérité que nos fragiles sociétés matérialistes. L'Occident est pourri, vermoulu par 300 de capitalisme, par 300 ans à avoir mis l'homme au service de l'économie ; aujourd'hui on en recueille les fruits, les musulmans nous châtient et quelque part on le "mérite", en effet, il n'y a aucune solidarité entre Européens ou plus généralement entre Occidentaux, alors qu'entre musulmans, ou même entre asiatiques... si ! Nous "méritons" peut-être ce qui nous arrive, désormais nos futiles compatriotes blancs, jouisseurs et égoïstes, semblent pris dans l'engrenage de la punition, nous allons "payer" pour tous nos crimes passés, et ça va faire mal ! Quant à mon entourage familiale et professionnel, j'y vois beaucoup de gens qui répondent à un tas de caractéristiques du manipulateur ; je ne vois pas très bien la différence avec pervers narcissique, d'ailleurs. Je suis persuadé que le mal de notre société égoïste, futile et vermoulue, et d'être remplie de manipulateurs à un tas de postes de cadres dirigeants. La perversion narcissique dont le trait marquant est la manipulation, est une maladie qui s'apparente à la psychose, mais où le malade est parfaitement efficient cognitivement, et où il se soigne par la douleur et la souffrance qu'il inflige à ses victimes : je pense que ce type de comportement, est une tendance lourde de nos égoïstes sociétés décadentes...

Erwan Blesbois a dit…

...Je ne crois pas que mes propos puissent tomber sous le coup de la loi, pour apologie du terrorisme ; mais comme notre société est tellement vermoulue moralement et paradoxale intellectuellement, peut-être que si : entre la liberté absolue laissée sur le domaine de l'économie ou de la pornographie, et l'interdiction de s'exprimer sur un tas de sujets librement. Mais comme je ne suis pas une personnalité médiatique, tout le monde se fout de ce que je dis, je fais simplement mine de croire le contraire, pour avoir l'impression de jouer un rôle dans une existence absurde, dont je ne crois plus au sens de ses valeurs. Au bout d'un moment, à quoi bon même gagner du fric, et à quoi bon essayer d'enseigner aux enfants des valeurs, dans une société où le mot culture ne veut plus rien dire, et a été remplacé par les termes d'efficience cognitive et d'utilité sociale ? Un monde sans culture, sans morale, où ne compte que la notion d'utilité en remplacement de toute perception du beau. Le libéralisme économique c'est de la pornographie morale ! Le libéralisme est à la religion, ce que la pornographie est à l'amour : donc moralement les musulmans nous sont certainement bien supérieurs. C'est bien aujourd'hui le libéralisme libertaire qui nous dicte nos comportement d'Occidentaux, nous avons tous tantôt des réflexes de putains, puis de proxénètes, alternativement. Quant à nos gosses, ils sont livrés à eux-mêmes ou à des enseignants que le reste de la société méprise, en raison de la durée de leurs vacances, et de leurs faibles salaires, et beaucoup de jeunes tournent mal, ou même se tournent vers les valeurs proposées par l'islam, plutôt que nos absurdes mœurs décadentes et matérialistes. Je comprends le regard du reste du monde, sur notre civilisation décadente et profondément divisée. La branche sur laquelle nous nous reposons, est tellement pourrie et vermoulue, qu'il est possible qu'elle casse très subitement, nous surprenant tous.

Anonyme a dit…

C'est vraiment un signe de la profonde naïveté d'Emmanuel Mousset de qualifier de "traîtres" les personnes citées. S'il était lucide il aurait pu commencer la liste par le nom de son mentor Macron qui, par sa démission, a laissé tomber donc trahi le président Hollande qui l'avait promu ministre. En fait il s'agit d'un principe de réalité de cesser de servir un perdant qui va vous trainer dans sa chute. C'est du masochisme de lui rester fidèle. Pérorer sur des cas de "trahisons" pour en tirer vos conclusions c'est une perte de temps, ou parler pour ne rien dire. Se donner bonne conscience à peu de frais.