vendredi 31 août 2012

Le sabre et la rose



Quand j'ai entendu ça à la radio hier matin, je me suis dit que c'était une connerie comme on en entend au moins quelques-unes par jour autour de nous, que ça ne valait pas la peine d'en parler. Et puis, je vois que la sauce a pris, que les journaux et télévisions l'ont reprise et amplifiée ce matin, pas question donc de l'ignorer : j'ai bien sûr à l'esprit cette proposition d'une sénatrice et maire d'un arrondissement de Marseille, Samia Ghali, de faire appel à l'armée contre le grand banditisme !

Connerie parce que l'armée n'est pas la police, qu'on ne lutte pas contre la délinquance comme on lutte contre une armée adverse. Ce sont deux métiers et deux compétences différentes. Evidemment, la référence à l'armée est impressionnante, spectaculaire, on imagine des soldats qui patrouillent, des chars et des jeeps qui circulent, des hélicos dans le ciel, l'ordre enfin rétabli par ces hommes d'ordre par excellence que sont les militaires. Sauf que c'est du mauvais cinéma, des fantasmes personnels et un scénario idiot.

Mais le projet est pire que con, il est dangereux. Samia Ghali, qui est pourtant socialiste, ignore manifestement un principe de base de la République, qu'on apprend à l'école : l'armée assure la défense extérieure du pays, elle ne se mêle pas de la sécurité intérieure, elle ne fait pas régner l'ordre dans nos rues (même si les gendarmes sont des militaires, nous les distinguons des trois armes, terre, air et mer). Les régimes qui confient à l'armée les tâches de répression sont les dictatures, pas les démocraties.

Qu'une parlementaire commette une telle bourde est stupéfiant. Il est vraiment navrant que les plus hautes autorités de l'Etat aient été obligées de rappeler une évidence. A suivre la sénatrice marseillaise, après le sabre et le goupillon, nous serions entrés dans l'ère du sabre et de la rose ! En cette rentrée politique assez agitée, je me demande si les socialistes ne doivent pas d'abord se méfier des déclarations de certains de leurs élus plutôt que des attaques très convenues de la droite ...

jeudi 30 août 2012

Philo popu



Pas une semaine sans que j'aille faire une animation ou une conférence philosophiques quelque part dans l'Aisne, en des lieux et avec des publics divers, école primaire, bibliothèque, prison, hôpital, centre social, association et autres, qui ne sont pas habitués à la philo, réservée à la terminale des lycées et à la fac. Je ne cherche pas, je ne demande pas, on me sollicite (un jour, même par des militaires, à Couvron !).

Ca n'arrive qu'à la philosophie : la chimie, l'allemand ou la poésie ne connaissent pas un tel engouement. Comment ma discipline professionnelle est-elle devenue à ce point populaire que je l'exerce en dehors de mon métier stricto sensu ? C'est la question que j'ai traitée mardi dernier à la bibliothèque municipale, dans le cadre de mes conférences d'été. Ma réponse : le phénomène est récent (les années 90) mais les racines sont anciennes.

Finalement, la popularité de la philosophie ne remonte-t-elle pas à l'Antiquité ? Socrate se promenait sur l'agora d'Athènes et discutait avec qui voulait bien s'entretenir avec lui. Les stoïciens et les épicuriens ne se contentaient pas de grandes théories, ils proposaient à tout citoyen un mode de vie pour accéder au bonheur (voir à ce sujet les travaux de Pierre Hadot). De quoi rendre populaire ! Par la suite, à l'époque classique et moderne, quelques dates-clés sont à retenir, qui se resserrent progressivement dans la période contemporaine :

1637 : Descartes publie son "Discours de la méthode" en français, pour le rendre accessible à un plus grand nombre, alors que depuis des siècles on philosophait et écrivait en latin.

1850 : Marx sort son "Manifeste du parti communiste", qui est bel et bien, malgré son titre, un ouvrage de philosophie, mais à destination des ouvriers, cas unique au monde, le premier best-seller philosophique.

1945 : Jean-Paul Sartre fait une conférence à Paris sur l'existentialisme, qui attire plusieurs centaines de personnes. Il lance la première mode philosophique, qui se développera à Saint-Germain-des-Prés, dans les cafés et les boîtes de jazz, avec Gréco, Vian et Sagan.

1968 : Diogène vivait dans un tonneau, Sartre harangue les ouvriers, monté sur un bidon, devant l'usine de Billancourt. La philo descend dans la rue.

1977 : la philo entre à la télé alors qu'elle ne connaissait que les salles de classes et les amphis. C'est l'émission de Pivot, "Apostrophes", sur "les nouveaux philosophes", avec une tête de chef indien (Glucksmann) et une gueule de demi-dieu grec (Bernard-Henri Lévy). Des portraits qui n'ont rien à voir avec le prof de philo tradi, vieux, moche et rasoir. Ah ce BHL, il est beau, riche et intelligent, trois bonnes raisons de le détester, trois mauvaises raisons pour qu'il m'épate, à l'âge de 16 ans. Un homme qui vole, qui ment ou même qui tue, il arrive qu'on se montre plus indulgent avec lui ... Quelques années plus tard, André Comte-Sponville, Luc Ferry et Michel Onfray s'engouffreront dans la brèche médiatique.

1991 : "Le monde de Sophie", une histoire littéraire de la philosophie de Jostein Gaarder, se vend à plusieurs millions d'exemplaires dans le monde entier. Cette année-là commence vraiment la popularisation de masse de la philo.

1992 : la philosophie s'installe dans un lieu populaire par excellence, le bistro ! C'est la création du premier café philo à la Bastille, par Marc Sautet. La formule va se répandre à travers toute la planète.

1997 : Avec "Grain de philo", France 3 lance la première émission régulière de philosophie (avant, il y avait quelques émissions épisodiques sur la philosophie).

2006 : la philo a son magazine, un mensuel, "Philosophie magazine", chez tous les marchands de journaux, à côté des revues de pêche, de moto et de porno.

Ce succès imprévisible de la philosophie, qui est plus qu'une mode passagère puisque vingt ans après l'engouement est toujours là, ne fait pas que des heureux. Les plus sceptiques, pour ne pas dire franchement hostiles, c'est contre toute attente certains profs de ... philo, qui estiment que leur belle discipline perd en qualité à se populariser. Peut-être, mais l'important pour moi, c'est qu'il y ait de la pensée, quels qu'en soient la forme et le lieu.

mercredi 29 août 2012

Le 48e engagement



J'avais, dans mon billet de samedi dernier, accordé ma confiance à Rebsamen pour diriger le parti après Aubry. Je la lui retire, parce que je suis mécontent : Rebs est d'accord pour le non cumul des mandats, sauf pour les sénateurs, dont il fait partie. Son argument : un sénateur n'est pas un parlementaire comme les autres, étant élu au suffrage indirect. Si on commence comme ça, si on accepte une exception, on en trouvera d'autres et la loi sur le non cumul des mandats sera vidé de son sens. Copé bien sûr s'est empressé aujourd'hui de soutenir Rebsamen perfidement.

Les arguments en faveur du cumul, je les connais et ils ont leur pertinence, mais je ne m'y plie pas. Pourquoi ? Parce que si vous posez la question à n'importe quel citoyen, de droite ou de gauche, il sera contre le cumul des mandats, il ne trouvera pas ça normal et il aura raison. La commission Jospin va faire des propositions, mais le principe du non cumul doit être farouchement défendu, quitte à en discuter évidemment les modalités. C'est un triple engagement des socialistes :

- En 2010, les adhérents du PS ont adopté à une très large majorité le non cumul entre un mandat de parlementaire et un exécutif .

- En 2011 et 2012, les sénateurs puis les députés ont signé un courrier s'engageant à démissionner.

- En 2012, le 48e des 60 engagements présidentiels de Hollande portait sur ce sujet.

Aubry l'a fortement souligné à La Rochelle et a envoyé une lettre de rappel aux parlementaires. La rénovation est à ce prix. Humainement, il est normal que quelqu'un qui a du pouvoir en veuille encore plus ; démocratiquement, non. Le combat sera difficile mais il sera gagné. Car si ceux qui ont le pouvoir sont influents, ceux qui ne l'ont pas sont les plus nombreux. La défaite des premiers, la victoire des seconds sont des fatalités. En démocratie, le nombre fait loi.

mardi 28 août 2012

L'unité c'est maintenant



Les Français en auraient déjà marre d'Hollande et d'Ayrault ? C'est ce que semble indiquer la chute de leur courbe de popularité. Au bout de trois mois seulement, coupés par les vacances d'été ! Franchement, ce n'est pas sérieux. Et puis, Hollande a été élu pour cinq ans, pas pour trois mois !

Ceci dit, ces indicateurs invitent à la vigilance. J'ai l'impression que c'est le fantôme de Sarkozy qui fait des dégâts : la prétendue lenteur et inaction du gouvernement ne sont qu'un effet de contraste, l'ancien président nous ayant habitués à un rythme d'enfer et à une hyper-présence, qui ne lui ont pas été profitables au final.

Faire gaffe aussi aux erreurs de com' : Montebourg a raison quand il dit que le nucléaire est une "filière d'avenir", Hollande ne voulant pas la supprimer mais la diminuer. Sauf qu'avec des écolos au gouvernement, ça fait un peu bizarre en termes de communication. On ne comprend plus très bien.

Valls, lui, s'en sort parfaitement en matière d'image : c'est l'homme de l'été, il fait parler de lui (que demander de plus en politique ?) et est applaudi par mes camarades à l'université d'été de La Rochelle. Balaise Manu ! A la primaire, il ne récolte que quelques pourcentages, il occupe la place honnie et sans avenir de "l'aile droite" et le voilà aujourd'hui apprécié de toute part ou presque ! Quel mystère que la politique ... Sur le fond, je trouve que son positionnement est correct, souple et ferme. Et je ne le confonds pas du tout avec Hortefeux et Guéant.

Mélenchon, en revanche, pose un sacré problème au PS (mais les choses au moins sont clairs) : il aurait pu adopter un soutien critique, il a choisi l'opposition pure et simple, et même pure et dure. Avec son appel à une manif "unitaire" contre le traité européen (même Lienemann a été conviée !), Mélenchon veut nous refaire le coup tordu de 2005, où il avait réussi à diviser les socialistes. C'est maintenant certain : la gauche de la gauche parie sur l'échec de Hollande, on ne peut plus compter sur elle.

Et la gauche du PS ? Méfiance, elle s'apprête à rompre la solidarité gouvernementale, à contester l'engagement de Hollande (un traité européen non pas rejeté mais renégocié, ce qui a été fait) sur lequel pourtant ses parlementaires ont été élus. C'est inacceptable, au moment où les premières difficultés se présentent, où la popularité est en recul. Si la gauche gouvernementale ne présente pas un front uni, si elle ne le fait pas dès maintenant, si la majorité parlementaire n'est pas préservée, bref si l'aile gauche et les Verts déconnent, c'est champagne à droite et l'avenir mal assuré !

Cette affaire de traité européen n'est pas une petite chose, un souci tactique, un débat secondaire : c'est un engagement identitaire, un choix idéologique, d'abord en faveur de la solidarité européenne (le rejet du traité, c'est le renvoi de chaque pays à lui-même), ensuite en soutien à une philosophique budgétaire sur laquelle la social-démocratie ne doit pas lâcher, la réduction des déficits, la recherche de l'équilibre des comptes publics. Sinon, on laisse filer, on creuse, on fait croire que c'est du keynésianisme (autres temps autres moeurs, devrait-on pourtant comprendre)et c'est toute la protection sociale qui est menacée de s'effondrer en prétendant la conserver. Je suis à la tête d'une grosse association à un million d'euros de budget, on cherche évidemment à se développer, mais on ne fait pas du Keynes, on veille à ce que les comptes n'aillent pas dans le rouge. Vous me direz peut-être qu'une asso et un pays, c'est pas pareil ? Mais si, l'économie reste l'économie, même dans un cadre en effet totalement différent.

Le gros problème, nous l'avons reçu hier en pleine gueule : près de trois millions de chômeurs ! Comment une société peut-elle vivre avec ça ? Le pire, c'est qu'il y a treize ans, ce chiffre de trois millions menaçait déjà ! Les émeutes d'Amiens cet été, pas la peine de chercher : quand il y a 40% de chômage dans certains quartiers, quand la moitié des jeunes sont touchés, mettre le feu c'est pas bien mais il y a de quoi ! La solution ? Le développement, la production, la création d'entreprises et donc d'emplois, c'est-à-dire le secteur privé. L'emploi aidé, les postes de fonctionnaires, ok quand il en faut, mais l'essentiel ne se fera pas là, pas comme ça. La gauche a cinq ans, pas trois mois, pour prouver de quoi elle est capable, faire mieux que la droite au pouvoir. Bon courage.

lundi 27 août 2012

Quelques heures chez les Manouches





Après toutes les critiques, parfois diffamantes, lancées contre le rassemblement évangélique de Couvron, j'ai eu envie d'aller y voir, de mes propres yeux. Je suis resté hier plusieurs heures sur le site, au milieu de cette ville provisoire de 25 000 Tziganes. C'était propre et bien organisé, pas du tout l'image déplorable qu'on a voulu en donner durant tout cet été. En même temps, j'ai compris pourquoi ce peuple suscite le rejet : c'est un autre monde, une culture différente, souvent surprenants. Le cliché du gitan dans sa roulotte, qui vend des paniers en osier et lit dans les lignes de la main, c'est bel et bien fini. Dommage que le voleur de poules et le gamin crasseux demeurent encore dans certaines têtes. La grosse différence n'est pas là où on l'attend, pas tant dans le mode de vie nomade que dans la pratique religieuse, qui détonne avec l'ensemble de la société française.

Je lisais dans le magazine "La Vie" du 15 août dernier qu'un quart des Français seulement sont croyants. Chez les Roms, c'est tout un peuple qui a la foi, qui la pratique, qui la clame, qui la chante. Pour les esprits modernes d'aujourd'hui, c'est forcément dérangeant. J'ai assisté deux heures durant au culte évangéliste (vignette 1) : la ferveur religieuse qui s'en dégage n'a probablement d'égale que celle qui exaltait les populations au Moyen Age. De la messe, nous avons une image bourgeoise, rangée, tranquille. Ici, sous le chapiteau aux couleurs du marsupilami, c'est une foi populaire, passionnée, excessive qui me remonte en pleine figure. Pas de clergé, pas de liturgie, pas vraiment d'eucharistie, mais une cérémonie tout entier concentrée dans la parole violente du pasteur et quelques témoignages qui s'élèvent spontanément du public, 2 000 à 3 000 personnes.

Au premier abord, il y a quelque chose de fanatique, pas très éloigné d'un prêcheur islamiste. Et puis non : à bien regarder, la foule est calme, pas d'exaltation. Surtout, le contenu du sermon (c'est plutôt une harangue) est théologiquement correct, très évangélique. La forme surprend, quand on se souvient de nos prêtres catholiques à la voix douce, presque efféminée. La foi des Manouches est virile, très masculine. Sur scène, il n'y a que des hommes à la parole grave, forte. Les pasteurs à grosses bedaines remontent sans arrêt la ceinture de leur pantalon. Dans le public, les hommes sont aussi nombreux que les femmes (depuis plus d'un siècle, en France, les femmes vont à l'église et les hommes au bistro). Pour vous faire une petite idée, imaginez un meeting de la CGT dans lequel ses gros bras se mettraient à prier à haute voix : le rassemblement évangélique de Couvron, c'est tout à fait ça.

Aucun décorum, très peu de symboles, seulement une croix et, bizarrement, deux étoiles de David (voir vignette 1). Mais pas si bizarrement que ça quand on est attentif aux paroles : les références à l'Ancien Testament sont nombreuses (et dans le Nouveau, aux textes de Paul). Le peuple Rom, sans le dire explicitement mais je le sens, s'identifie en quelque sorte au peuple juif, comme lui élu de Dieu, comme lui maudit des hommes, chassé de toute part, persécuté. Les femmes portent un châle qui cache leur chevelure, qu'elles prennent bien soin de remonter au moment de la prière. Mais chacun est libre de s'habiller comme il veut, de rester ou de partir (il y a des filles tête nue et jupe courte).

Ce qui est étonnant, c'est que cette spiritualité sauvage ne ressort pas non plus de la religiosité populaire telle qu'elle existe encore dans certains secteurs du catholicisme (les pèlerinages, par exemple). Ses ingrédients sont absents : pas de culte de la Vierge, des saints, des miracles chez les évangélistes. Pourtant, le surnaturel est présent. Comment un vieux peuple d'Europe, les Roms, pétri de catholicisme et d'orthodoxie, peut-il être aujourd'hui conquis par les méthodes du protestantisme radical venues des Etats-Unis d'Amérique ?

Cette foi des Manouches nous interroge, citoyens qui ne croyons plus en rien sauf à nous-mêmes. Et si c'était ça qui perturbait dans leur massive présence ? Oui, j'aperçois quelques belles bagnoles (mais bien peu sur des milliers !), oui, ils ont de grosses caravanes (et alors ? c'est comme nous quand nous investissons dans nos beaux petits pavillons de campagne). Le rejet ne s'explique pas pour ces raisons-là. C'est un phénomène plus puissant, mystérieux, irrationnel, même pas réductible au racisme ou à la xénophobie ordinaires, c'est un choc des cultures pendant un assez bref instant, quinze jours seulement, mais suffisant pour créer un malaise dans les villages environnants.

L'Aisne it's open ! c'était le beau slogan du Conseil général. Je crains que pour le coup, vu les réactions, c'était plutôt L'Aisne it's closed ! La scène la plus grotesque aura été, devant les grilles de la préfecture, le maire UMP de Laon quasiment déguisé en cégétiste (il ne lui manquait que les autocollants sur le costume-cravate), organisant une sorte de piquet de grève avec le soutien des élus de gauche, haranguant dans un mégaphone les beaux messieurs et les belles dames du département se rendant le 14 juillet à la garden party du préfet. Et tout ça pour ne rien obtenir du tout. Dans quelques jours, le bilan de ce rassemblement évangélique sera fait par les militants de la Ligue des Droits de l'Homme, à l'initiative de Jean-Paul Vaillant et Olivier Lazo, et nous verrons alors, j'en suis certain, que les peurs qui se sont exprimées cet été étaient largement infondées.

Au retour, je me suis inséré dans une file de caravanes, direction Saint-Quentin (vignette 2). A l'intersection de la N44, j'ai regardé les statues de jardin qu'on voit très bien de cette route, quand on se rend à Laon. Elles appartiennent à l'entreprise de Monsieur Demortier, que la venue des Tziganes avait rendu fou de rage, ramené heureusement à la raison par Olivier Lazo. Je suis sûr que toutes sont là, qu'aucune n'a été volée, ni là ni ailleurs. Que de bruit et de manifestations inutiles !

Arrivé à Saint-Quentin, au moment de prendre la sortie pour le carrefour de la place Dufour Denelle, j'ai eu au volant une hésitation, une interrogation : ce convoi de Tziganes qui va je ne sais où, et si je le suivais, et si je ne tournais pas vers le centre ville ? En finir pour de bon avec mon existence de petit-bourgeois, ma vie d'enseignant, mes petites ambitions politiques, la rédaction de ce blog que tout le monde lit et qui au bout du compte ne sert à personne ... J'ai tourné, j'ai rejoint Saint-Quentin, je n'ai pas osé, je n'ai pas la force ni la foi d'un Manouche, je ne me suis pas engagé sur les routes de la grande liberté. Une autre fois peut-être ...

dimanche 26 août 2012

Premier pas, dernier héros



C'est juste avant d'aller me coucher, hier soir, que j'ai appris la mort de Neil Armstrong. De quoi passer une mauvaise nuit, de quoi rendre hommage à cet espace étoilé vers lequel il s'était élevé, qu'il avait conquis. Un premier pas, c'est idiot, c'est maladroit, ça ne compte pas vraiment, comme en amour où c'est la suite qui importe. Et pourtant, le sien, que notre époque a tendance à oublier, à minorer, parfois à mépriser, ce "petit pas pour l'homme" a été le plus grand de toute l'histoire de l'humanité. Les nabots, qui sont nombreux en notre temps, ont fait payer à ce géant son audace de profanateur. Car Armstrong a violé ce que les hommes ont de plus sacré : leurs rêves. En réalisant le plus ancien d'entre eux, l'impossible, décrocher la Lune, il le tuait. De quoi rendre incrédule ... (certains, pauvres fous, continuent à croire que les Américains ne sont jamais allés sur la Lune).

Magellan, au XVIème siècle, faisait le premier le tour du monde et prouvait que la Terre était ronde, vingt siècles après que les mathématiciens de l'Antiquité l'eurent calculés. Armstrong a réalisé un comparable exploit : il a détruit concrètement la conception d'Aristote, qui estimait que la Lune était la limite au-delà de laquelle résidaient les Dieux. Non, notre satellite n'est qu'un sale tas de poussière grise plein de cailloux, après quoi il n'y a que la nuit, l'infini et le néant.

Ce premier pas sur la Lune est sublime parce qu'il est dérisoire : l'homme s'arrache péniblement à sa planète, il lui faut plusieurs millénaires d'existence et d'intelligence pour en arriver là, mais c'est à peine un saut de puce, juste une petite étincelle invisible à l'échelle des milliards et des milliards de galaxies. Ce qui est émouvant chez Armstrong, c'est que ce géant n'a rien conquis du tout, pas plus que l'enfant qui fait quelques pas hors de son berceau et qui jamais ne connaît le vaste monde. Regardez bien les photos : l'astronaute avait ce visage d'enfant, simple et rieur.

Cet homme est le dernier héros de notre époque de faux héros. Depuis longtemps, Armstrong n'était plus un homme mais un symbole. Neil, lui, s'était retiré dans sa ferme, ne donnant plus aucun interview, renonçant à la star mondiale qu'il aurait pu être. C'est pour ça que la NASA l'avait choisi : parce que ce type foncièrement modeste, effacé, pilote d'avion et rien d'autres, ne jouait pas les héros. Pour conquérir la Lune, il ne fallait pas un frimeur, pas un lyrique, seulement quelqu'un qui obéit aux ordres, qui répète inlassablement les mêmes gestes, les mêmes opérations. Comment ne pas penser à une incroyable ironie de l'Histoire quand la mort de ce héros malgré lui est précédée par la chute de son homonyme, Lance, faux héros passant pour un vrai, gavé de fric, drogué et tricheur, fier de ses ridicules petits exploits sportifs ! L'un a ouvert une nouvelle phase de l'histoire de l'humanité, l'autre a pédalé comme un fou pour gagner quelques secondes sur ses rivaux, un peu de gloriole et beaucoup d'argent : où est le héros ?

samedi 25 août 2012

Qui après Aubry ?



Je suppose qu'il ne va être question que de ça ce week-end à La Rochelle, entre camarades : qui va, qui veut, qui peut succéder à Martine Aubry ? La tête du parti, ce n'est pas rien. Tous les postes de pouvoir ont été distribués pour plusieurs années ; il ne reste plus que celui-là, et non des moindres, quoique assez ingrat : premier secrétaire du PS. Comme toujours en politique, avant de choisir les hommes, il faut fixer les lignes ; on voit après qui est le mieux placé pour les appliquer. Sinon c'est le bazar, le choc des ambitions et des intérêts personnels.

J'attends deux choses du parti socialiste au pouvoir, dans son fonctionnement interne : d'abord, que la profonde rénovation des règles initiée par Martine Aubry se poursuivre (et il y a encore du boulot ! extension du champ des primaires, non cumul des mandats, démocratisation des statuts, etc). Ensuite, que le soutien au gouvernement soit sans faille : le parti godillot, je suis pour ! Ce sont de très bonnes chaussures de marche injustement critiquées, qui permettent pourtant d'aller très loin. Quand on est au pouvoir, c'est très recommandé (dans l'opposition, c'est différent).

Un parti politique n'est pas un club de réflexion où chacun dit et pense ce qu'il veut ; c'est une machine de guerre. On a certes le droit d'avoir des états d'âme et de les exprimer (c'est ce que je fais) : mais il y a des lieux pour ça, l'internet, les think tank, les conversations privées, les réunions internes de section (quand elles ont lieu !). Les élus et les responsables d'un parti, à quelque niveau que ce soit, sont tenus à la discipline, à la solidarité, à la responsabilité (les simples adhérents comme moi, c'est un peu différent). Il faudra que le nouveau premier secrétaire soit strict sur ce point-là (le contre-exemple absolu, pour lequel j'en veux beaucoup à François Hollande mais il y a aujourd'hui prescription, c'est 2005 et la violation par notre aile gauche du vote majoritaire des adhérents en faveur du traité constitutionnel européen).

Après quoi, alors qui ? J'aurais souhaité que Martine Aubry, qui a fait pendant quatre ans un très bon travail, reste à son poste. Elle n'est pas au gouvernement, elle mérite d'être à la tête du parti : le rassemblement, c'est ça aussi, que chacun exerce une responsabilité à hauteur de ce qu'il est. A défaut, où vont mes préférences ? Parmi les candidats déclarés, je ne vois pas : Harlem Désir était formidable il y a vingt-cinq ans à la tête de SOS racisme, mais aujourd'hui il fait un peu trop apparatchik (ce n'est pas une insulte, c'est un fait, et puis il en faut); Jean-Christophe Cambadélis est un tacticien hors-pair mais trop homme d'appareil (en interne, il fait merveille, mais un premier secrétaire s'adresse aussi à l'opinion et répond à la droite).

Pour le moment, je ne sais donc pas trop. J'ai quand même trois pistes, trois noms : d'abord, François Rebsamen, parce que c'est un proche de Hollande, qu'il a à la fois de la souplesse et de l'autorité, parce qu'il saura remettre les indisciplinés dans le rang, en rappelant à chacun à qui il doit son pouvoir, ce qui est toujours en politique un excellent exercice d'humilité. Ensuite, Gaëtan Gorce, parce que c'est un visage nouveau, pas très connu du grand public, très soucieux de continuer la rénovation du parti (il a déposé une contribution en ce sens), homme d'idées, personnalité ouverte et sympathique. Enfin, au risque de vous surprendre, je pense à ... Ségolène Royal, dont je ne suis pourtant pas un fan. Mais la politique ne consiste pas à privilégier des préférences personnelles, subjectives, aussi argumentées soient-elles ; la seule question qui importe, c'est de savoir qui serait le mieux placé pour le job, qui serait dans les circonstances actuelles le plus utile à la direction du parti.

Ségolène a porté les couleurs du socialisme aux présidentielles, a connu un véritable élan de popularité (qui d'une certaine façon demeure, quoi qu'on dise), a été trahie aux dernières législatives, n'a plus aujourd'hui les fortes responsabilités nationales qu'elle est en droit d'attendre et que nous sommes en droit d'espérer pour elle. Car il y va, là encore, du rassemblement de tous les socialistes. Et on ne rassemble pas en brassant du vent mais en distribuant des postes, le plus judicieusement possible. Royal à la tête du parti, ça ne manquerait pas d'allure, ce serait un choix intelligent !

vendredi 24 août 2012

Message de rentrée





La rentrée ? Mais quelle rentrée ? Scolaire, professionnelle, politique ? Pour moi, cette semaine, c'est la rentrée associative. Saint-Quentin se repeuple peu à peu de ses vacanciers tout bronzés, les activités reprennent doucement. A la bibliothèque Guy-de-Maupassant, mardi dernier, j'ai donné ma troisième conférence d'été, la plus difficile, sur la pensée souvent mal comprise, sujette à polémique, de Frédéric Nietzsche (vignette 1). Les fidèles étaient au rendez-vous, les autres aussi : je suis toujours épaté qu'on vienne suivre ce genre d'intervention, qu'on y consacre du temps, qu'on s'intéresse à la philosophie alors qu'il y a tant de divertissements possibles. Prochaine et dernière séance, mardi prochain, où nous réfléchirons justement à cette mode de la philo depuis une vingtaine d'années (cafés, cinés, magazines, émissions télé et radio, succès de librairie, etc).

Hier après-midi, c'est le centre socioculturel Léo-Lagrange à Harly qui m'a sollicité pour l'animation d'un débat sur "l'accessibilité des lieux publics aux personnes handicapées", dans le cadre de la journée de lutte contre la discrimination. Rien à voir avec Nietzsche ! mais j'aime beaucoup passer d'une activité à une autre, très différentes, sans m'enfermer dans aucune. Et puis, il y a quand même des points communs, pas de contenu mais de forme : amener à réfléchir, à exercer son esprit critique, être capable pour moi de rendre vivant un sujet, faire preuve de pédagogie et, le plus délicat, libérer la parole, inciter celles et ceux qui souhaitent s'exprimer à le faire, à surmonter leurs hésitations (vignette 2).

Comme toujours, j'en apprends autant que ceux qui viennent là pour apprendre. Par exemple, ces communes de l'Aisne qui ont obligation légale à constituer des commissions traitant des problèmes rencontrés par les personnes handicapées et qui ne le font pas ! J'ai pris conscience aussi qu'il ne faut pas isoler cette question de celles que posent les personnes âgées ou les familles avec poussettes, qui elles aussi ont du mal parfois à circuler dans les lieux publics.

Les efforts des collectivités locales ne sont pas toujours à mettre en cause, mais l'irresponsabilité des citoyens : il suffirait d'un peu d'attention, d'un autre regard pour que la vie des personnes qui se déplacent péniblement soit améliorée. D'énormes progrès ont cependant été consentis, et se prolongeront dans le futur. Après tout, la prise de conscience est récente : après la guerre de 1914-1918, des centaines de milliers d'invalides revenus des tranchées ont dû se débrouiller dans une société qui ne se posait même pas la question de leur réintégration ! Comme quoi les choses changent et qu'il ne faut jamais désespérer de l'humanité : voilà un beau message pour une rentrée ...

jeudi 23 août 2012

Le problème de Benoît



Benoît Hamon était ce matin l'invité du journal de France-Inter. A propos du traité européen, est-il pour ou contre ? D'un côté, il dit que François Hollande est allé au maximum de ce qu'il pouvait obtenir, dans le cadre des rapports de forces actuels. Ce qui conduirait plutôt Hamon, en toute logique, à souhaiter l'adoption du traité, selon le principe de réalité qui veut qu'on accepte ce qui ne peut pas être meilleur. Mais d'un autre côté, le ministre estime que le texte, en l'état, ne fait qu'ajouter de l'austérité à l'austérité, et là on ne voit pas comment il pourrait l'accepter.

Pour mieux comprendre, le journaliste lui demande quel serait son vote sur ce traité ? Benoît Hamon répond qu'il n'est pas parlementaire, qu'il laisse ses amis députés de l'aile gauche (ils sont une vingtaine) se prononcer. Bref, le ministre, tenu à la solidarité gouvernementale, ne se dévoile pas mais ce sont ses camarades qui le feront à sa place : ils voteront contre, c'est à peu près certain, au détriment de la discipline parlementaire de groupe. On est bien loin de l'époque où l'aile gauche, représentée par Jean-Pierre Chevènement, estimait qu'un ministre, "ça ferme sa gueule ou ça démissionne". Benoît parle à demi-mots, fait surtout parler les autres et évidemment ne démissionne pas.

Quant au congrès du PS et le dépôt éventuel d'une motion, Benoît Hamon est tout aussi balancé dans ses propos : "Je ne m'interdis pas de déposer une motion". Est-ce que ça veut dire qu'il va en déposer une ? Oui, puisqu'en politique, quand on dit qu'on ne "s'interdit pas" quelque chose, c'est qu'on va le faire mais qu'on n'ose pas encore le dire. Même ambivalence des mots quant à savoir si Hamon sera le premier signataire de sa motion (qui le poserait alors en candidat au poste de premier secrétaire) : "Je ne suis pas très enclin à être candidat au poste de premier secrétaire". Vous remarquerez, pour le traité comme pour le congrès, le style de l'homme politique, jamais affirmatif mais s'exprimant par dénégations.

Politiquement, s'opposer au traité européen comme déposer une motion au congrès socialiste n'est pas pour moi recevable, introduit d'inutiles divisions sur des points qui devraient faire l'unanimité. Sur la construction européenne, François Mitterrand a toujours tenu bon, jusqu'à menacer de remettre en jeu, dans les années 70, son mandat de premier secrétaire quand son soutien à l'Europe risquait d'être mis en minorité. Quant au congrès, il est absurde de déposer une motion (c'est-à-dire un texte qui propose une ligne politique alternative) lorsqu'on est au gouvernement et que la seule ligne politique est celle pour laquelle on gouverne.

Le plus comique, c'est la réponse de Hamon à la question sur les attaques de Mélenchon : "On a besoin de toi, Jean-Luc !" Le leader du Front de gauche soutient que le gouvernement n'a "presque rien" fait, que Ayrault vit dans un monde "tranquilou, à la papa, planplan" mais Hamon a besoin de cet homme-là ! Moi je m'en passe très bien, de celui qui nous mord la main plus fort que la droite et qui a choisi de rester en dehors du gouvernement. A vrai dire, c'est Mélenchon qui a besoin de Hamon, pour "peser" sur le PS, en bon praticien du rapport de forces, de façon d'ailleurs purement illusoire.

Le problème de Benoît Hamon et de l'aile gauche ne pourra aller qu'en s'accentuant au fil des mois, durant tout le quinquennat : comment soutenir et défendre une politique social-démocrate alors qu'on n'est pas soi-même social-démocrate ?

mercredi 22 août 2012

Le beurre dans les épinards



Etre dans l'opposition n'est jamais en politique une tâche facile. Il n'y a de gratifiant que l'exercice du pouvoir. Après dix ans de gouvernement, la droite doit endosser ce nouveau rôle, essentiel dans une démocratie. Je souhaite qu'elle le fasse avec sérieux et responsabilité, la gauche ayant tout à gagner d'une opposition crédible et constructive. Mais quand le nouveau pouvoir n'est en place que depuis trois mois, avec la coupure des vacances d'été, disposant encore, quoi qu'on en dise, d'une bonne popularité, n'ayant eu le temps de commettre aucune de ces inévitables grosses erreurs, il n'est pas facile de critiquer. Pourtant, c'est le devoir de l'opposition d'essayer.

Sur la Syrie ou sur le style du président "normal", la droite a donné des coups d'épée dans l'eau, qui ne toucheront pas l'opinion. Je ne vois qu'un seul point sensible, sur lequel l'UMP a fait chorus et espère avoir trouvé une faille dans l'armure : la refiscalisation des heures supplémentaires, qui conduit à une perte de pouvoir d'achat pour les salariés. Je crois que l'opposition veut refaire avec cette critique loyale et recevable le coup des 35 heures, qui en 2002 avait coûté beaucoup de voix à la gauche (même si, depuis, la fameuse RTT a été largement réhabilitée). Mais je ne pense pas que cette montée au créneau ébranle le château, pour plusieurs raisons :

1- Les 35 heures étaient une réforme structurelle, presque un choix de société, une mesure de philosophie économique et politique. Ce n'est pas le cas des heures sup refiscalisées, qui ne font que rétablir leur ancien mode de fonctionnement.

2- Cette mesure gouvernementale efface un principe du sarkozysme déchu, le "travailler plus pour gagner plus", qui n'a pas convaincu les salariés électeurs, ni dans les portefeuilles, ni dans les urnes. Cet axiome rejeté par le vote ne sera pas regretté.

3- Les heures supplémentaires retrouvent leur fonction naturelle, qui consiste à adapter le travail à ses besoins, pas à être une variable du pouvoir d'achat. Celui-ci progresse autrement, par la baisse des prix ou l'augmentation des salaires. Les heures sup sont un avantage à la marge, et pas irrévocable.

4- La contestation des 35 heures a eu un fort impact parce que cette réforme concernait à peu près tous les salariés. Les heures sup ne bénéficient qu'à une minorité, leur réforme va toucher 8 à 9 millions de personne. Grosse minorité quand même, mais perte pas énorme : 36 euros par mois en moyenne, deux notes de restau.

5- Certes, un sou perdu est un sou perdu. Mais le problème numéro un, c'est le chômage. D'instinct, sans être économiste distingué (il vaut mieux, aucun depuis 30 ans ne sait régler la crise), chacun comprend que la bonification des heures sup n'encourage pas à la création d'emplois. C'est du beurre dans les épinards, mais on fait quoi du beurre quand il n'y a pas d'épinards ? Avec le retour des charges patronales et salariales sur les heures supplémentaires (à l'exception des entreprises de moins de 20 salariés), c'est 4 à 5 milliards qui vont entrer dans les caisses de l'Etat et la prévision de créer 18 000 emplois.

Les heures sup ne disparaissent pas. Ceux qui en profitent auront simplement un peu moins de beurre et les autres un peu plus d'épinards, il faut l'espérer. La droite a raison, de son point de vue, d'attaquer là-dessus ; les vrais débats sont d'ordre économique et social. Et puis, la critique donne l'occasion aux partisans de la majorité d'argumenter, comme j'ai tenté de le faire. Aux citoyens d'en juger et de se faire leur idée.

mardi 21 août 2012

ARS



Qu'est-ce qui m'a fait comprendre en 1981 qu'on était passé de la droite à la gauche ? Pas les nationalisations, pas même l'abolition de la peine de mort (Giscard aurait été capable de cette réforme "sociétale"). Non, l'augmentation d'au moins 25% de la plupart des prestations sociales. Aujourd'hui, avec l'augmentation de 25% de l'ARS (allocation de rentrée scolaire), je me dis la même chose. Promesse tenue, "signée et payée" comme dirait Xavier Bertrand. Et toi, camarade Mélenchon, mange-le bien, digère-le ce "presque rien" : De 71 à 77 euros de plus selon la tranche d'âge pour les familles modestes !

Ah, j'entends aussi les critiques, puisqu'on ne peut pas de nos jours respirer sans critiquer : mieux vaudrait leur distribuer des "bons d'achat", à tous ces pauvres, irresponsables et tellement matérialistes, qui se ruent sur les écrans plats de télévision au lieu de payer des fournitures scolaires à leurs enfants. Ce ne sont pas les "classes moyennes", propres sur elles et bien dans leurs têtes, qui commettraient de tels excès !

Voilà ce qu'on entend, ce qui se dit et ce qui se pense. C'est bien sûr dégueulasse, encore plus quand ces propos viennent de gens prétendument de gauche : vouloir soumettre les classes populaires aux tickets de rationnement, comme pendant la guerre ! Mais j'oubliais : c'est la guerre, une guerre de classes qui ne dit pas son nom, entre classes moyennes (c'est-à-dire toutes les variantes de la bourgeoisie, de la petite à la grande) et classes populaires.

Malgré ce progrès social, plusieurs éditorialistes s'interrogent dans la presse de ce matin et décèlent chez François Hollande une baisse de rythme, un creux de la vague, une sorte de flottement, la fin de l'état de grâce. Déjà ? Mais dans quel monde vivons-nous, où quelques semaines à peine, occupées par les vacances, suffisent à faire passer un gouvernement du soleil d'Austerlitz à la morne plaine de Waterloo ! Moi j'ai confiance, et les bénéficiaires de l'ARS aussi sûrement.

lundi 20 août 2012

Presque rien ?



En politique, on a rarement les adversaires qu'on croit. Ainsi cette rentrée qui approche : on pouvait s'attendre à ce que les critiques les plus violentes contre les socialistes viennent de la droite ; eh non, c'est Jean-Luc Mélenchon qui monte au créneau. Il n'y va pas avec le dos de la cuillère : François Hollande et son gouvernement n'ont "presque rien" fait jusqu'à maintenant. Appréciez tout de même la nuance, la grande retenue du touriste vénézuélien : "presque", ça laisse une toute petite chance. Un grand philosophe français du siècle dernier, Vladimir Jankélévich, a écrit un admirable ouvrage, "Le je ne sais quoi et le presque rien", où il explique que dans ce presque rien que stigmatise le langage courant existe aussi tout un monde, toute une richesse en potentialités. Mais c'est de la philo et je reviens à la politique :

Je ne vais pas me rabaisser à répondre au "presque rien" de Mélenchon. Ce genre de propos doit être traité par le mépris. On peut ne pas être socialiste, contester la ligne du pouvoir actuel et ne pas tomber dans ce style de polémique. La droite d'ailleurs s'en garde bien, faisant son travail normal et démocratique d'opposition. Mélenchon non. Je ne sais pas trop ce qu'il cherche ... Je ne suis pas sûr que ces alliés communistes soient d'accord avec ce type de déclaration à l'emporte-pièce.

L'affaire serait sans grande importance pour le PS si Jean-Luc Mélenchon, après son attaque d'hier, ne cherchait aujourd'hui à diviser les socialistes en lançant un appel à la gauche du parti, l'exhortant à être "autonome" et à le rejoindre dans sa dénonciation de la "direction social-libérale" (sic). C'est inquiétant parce que l'aile gauche peut en effet être sensible à ce discours. Ne s'apprête-t-elle pas à rompre la solidarité gouvernementale et parlementaire en refusant d'adopter le traité européen amendé par François Hollande ? Ne cherche-t-elle pas à se compter dans la perspective du congrès socialiste en déposant sa propre motion ? Face à Mélenchon, face aux possibles tentations de l'aile gauche, il faut que les partisans de François Hollande, dont je suis, tiennent bon sur la ligne social-démocrate voulue à l'élection présidentielle par les électeurs.

dimanche 19 août 2012

Pas facile d'être de gauche



C'est une curieuse histoire que j'ai à vous raconter, qui tombe à pic en cette période de colonies de vacances et autres centres de loisirs. Leurs animateurs ne comptent pas leur temps pour s'occuper de nos enfants. Sauf que la législation européenne s'est mise à compter, en 2003, à travers une directive qui impose un repos journalier de 11h. En 2006, le gouvernement décide d'encadrer le statut de moniteur de colo (c'est le CEE, contrat d'engagement éducatif) : très bien, sauf que la directive européenne n'est pas appliquée. Les syndicats portent plainte devant le conseil d'Etat. En 2011, le CEE est déclaré illégal. Le 26 avril 2012, un décret impose les 11h de repos.

Pourquoi est-ce une curieuse histoire ? Le repos journalier est une mesure de progrès social qui va être critiqué par des associations, organisatrices de colos, qui se réclament pourtant du progrès social. Car cette directive puis son décret les obligent à embaucher alors qu'elles n'en n'ont pas les moyens (les subventions diminuent et ce n'est pas dans leur culture ni leurs missions de dégager des profits). Ou bien il leur faut augmenter les tarifs, ce qui est à nouveau contraire à ce qu'elles défendent : des vacances accessibles à tous (de fait, certains tarifs de centres de loisirs ont augmenté).

Que faire ? S'adapter, il n'y a pas d'autres solutions, soit en scindant les équipes d'animateurs en deux, pour le jour et pour la nuit ; soit en repoussant le repos supplémentaire en fin de séjour. Je tire de cette curieuse histoire deux enseignements : 1) l'Europe peut avoir socialement du bon. 2) Il n'est pas toujours facile d'être de gauche.

samedi 18 août 2012

A la grâce de Poutine



La cause est entendue : la condamnation à deux ans d'internement du groupe punk russe "Pussy" Riot choque, y compris dans certains milieux orthodoxes et gouvernementaux de ce pays. Au-delà de l'indignation, l'occasion est donnée d'une triple réflexion sur la laïcité, la foi et le droit.

La laïcité : que signifie un délit d' "incitation à la haine religieuse" ? Rien du tout d'un point de vue laïque. La haine est juridiquement répréhensible quand elle porte atteinte à des personnes (la "haine raciale" par exemple), pas à des idées. Ce délit n'est qu'un camouflage des concepts non laïques de "blasphème" ou de "sacrilège". De plus, l'acte des "Pussy Riot" incitait à la haine envers Poutine, pas envers la religion.

La foi : les Russes sont chrétiens fervents, comme les chrétiens en France ont cessé de l'être. L'Eglise chez eux a été au siècle dernier parmi les persécutés, pas parmi les persécuteurs. L'orthodoxie a une pratique beaucoup plus physique de la foi que les catholiques, pour lesquels elle est au contraire fortement intériorisée (les orthodoxes, avec leurs prosternations, se rapprochent des musulmans). Pénétrer dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, singer les gestes religieux, détourner la prière à des fins politiques ne peut être vécu par les croyants que comme une profanation. Même en France, si un groupe mimait la messe dans le choeur de Notre-Dame de Paris et parodiait une prière anti-Hollande, comment réagiraient les fidèles et le clergé ?

Le droit : à la limite, l'angle juridique n'est pas le plus effcace pour défendre les "Pussy Riot" et les sortir de prison. A charge contre elles, on peut plaider la violation du droit de propriété, le trouble à l'ordre public et se dire qu'elles pouvaient parfaitement user de leurs droits démocratiques, de manifester leur hostilité politique à Poutine, mais tout autrement, dans le cadre strictement légal du droit d'expression.

Paradoxalement, ces punkettes ne peuvent s'en sortir que par où elles ont péché : profanant la foi, il n'y a que la foi de leurs victimes qui puisse leur pardonner et effacer le délit. Les orthodoxes qui défilent avec des icônes et qui chantent des hymnes religieux à l'annonce du verdict ont oublié la compassion qui devrait les inspirer, et le discernement spirituel : ce sont des jeunes, des provocatrices et elles ont un motif politique. De quoi quand même atténuer le pur sacrilège. Qu'elles puissent donc maintenant bénéficier de la grâce de Dieu ... et de Poutine.

vendredi 17 août 2012

Jeux de signatures



Comme tout adhérent du parti socialiste, j'ai reçu cette semaine dans mon courrier une grosse lettre contenant les "contributions générales", c'est-à-dire les textes politiques soumis à discussion en vue de notre prochain congrès. Comme la plupart des adhérents, j'ai commencé par aller voir qui avait signé quoi et s'il y avait du 02 et du Saint-Quentinois, sachant que les signataires sont quasiment plus importants que le contenu des textes : savoir qui est avec qui, c'est le b-a ba de la politique, surtout quand les alliances et ralliements sont changeants.

Sans surprise, la contribution Aubry-Ayrault, gouvernementale et majoritaire, est appuyée dans l'Aisne par Daudigny, Thomas et Bricout, et Gewerc pour la Région. Moins évident, le choix de Dosière, qui se porte sur la contribution rénovatrice de Gorce (la deuxième de ce genre, avec celle de Montebourg).

Les camarades de l'aile gauche avaient le choix entre trois textes, Hamon, Lienemann et Filoche. Ce dernier ne les a visiblement pas attirés, sauf Bermudez, membre du Conseil fédéral, et notre conseiller général voisin, de la Somme, Boulogne. Ferreira a opté pour la contribution Hamon-Emmanuelli, jusqu'à en être mandataire dans notre département.

L'étrange particularité des contributions, c'est qu'on peut en signer plusieurs à la fois. Championne, la conseillère régionale Doukhan, qui s'en fait trois : l'écolo (pas celle d'Utopia mais l'autre, car il y en a deux de cette inspiration), la rénovatrice de Gorce et la ségoléniste, signée aussi par Gallet, chef des socialistes guisards (les strauss-kahniens - ou plutôt ce qui en reste - ont eux aussi leur texte, mon copain parisien Péninou en tête). Ferreira a laissé sa signature chez Lienemann, suivie par Lançon, Berlemont et quelques camarades de Saint-Quentin, mais aussi le sympa conseiller général Lebée. Mes camarades de Château, Bourdat et Logerot, se retrouvent au côté de Gorce et du Pôle écologique, Bourdat n'oubliant pas non plus Lienemann.

Et moi dans tout ça ? Bin j'ai signé pour les majos, comme d'hab, puisque réformiste et social-démocrate je suis. J'ai bien conscience que tous ces jeux de signatures ne disent pas grand chose aux communs des mortels. Mais la politique est aussi faite de ces choses-là, il fallait donc que je vous en parle.

jeudi 16 août 2012

Le bonheur à mobylette



Quelques jours après leur ouverture, je suis allé visiter le Village des Métiers d'Antan et le Musée Motobécane, rue de la Fère à Saint-Quentin. Au départ, je n'étais pas très chaud, surtout pour le Village : les reconstitutions historiques avec objets d'époque et personnages costumés, c'est pas trop mon truc, il y a un petit côté ringard, à la limite réac, que je n'aime pas vraiment. Et puis, dans une ville très touchée par le chômage, ce sont les métiers de demain qui m'intéressent, pas ceux d'autrefois ! La nostalgie, non merci. J'avais aussi entendu dire que l'opposition municipale, au dernier conseil où j'étais absent, avait voté contre la subvention à ce projet.

Autant vous dire que j'ai complètement changé d'avis à l'issue de la visite, qui a levé toutes mes préventions. Le Village (ne dites pas "musée", Arlette Sart vous reprendra avec raison) est magnifiquement ordonné, agréable à regarder, pas du tout poussiéreux ou fastidieux : on se promène avec plaisir dans ce qui est un vrai village d'autrefois reconstitué. Ma surprise vient de ce que cet "antan" n'est pas si loin : on y retrouve des objets que beaucoup d'entre nous ont connu dans leur enfance et qui sont ici rendus vivants. Ce que je redoutais a été évité : le passéisme. Je me suis même pris à philosopher sur le destin des métiers et des objets, alors qu'habituellement la visite d'un musée de ce genre me fait bailler (mais ce n'est pas un "musée" ! pardon Madame Sart).

Ce que j'ai particulièrement apprécié ? La boutique des jouets, qui fait rêver autant aujourd'hui qu'hier les grands enfants que nous sommes restés. A l'entrée, comment ne pas être impressionné par le wagon du tramway de Saint-Quentin, restauré par des jeunes en insertion ! Et puis, grosse surprise pour le Berrichon que je suis, hasard incroyable : ce Village évoque aussi, incidemment, ma ville natale, Saint-Amand-Montrond, 11 000 âmes (sans compter les bestiaux). Car à la devanture de la boucherie-charcuterie, sur la table des viandes, vous remarquerez une plaque ainsi rédigée : "Syndicat des éleveurs du Cher - Saint-Amand 1910 - Race charolaise - 4ème section - 15ème prix". Quand je vous dis qu'un lien mystérieux rattache Saint-Amand et Saint-Quentin et que ce lien s'inscrit aussi dans mon destin personnel !

Ce Village, sous la direction de l'association Loisirs et Traditions, est destiné à évoluer. D'autres espaces ouvriront dans les prochaines années. Des animations seront également sollicitées pour faire vivre l'endroit. Je crois aussi que le quartier du Faubourg d'Isle, un peu oublié, gagnera en développement, par cette présence. Voilà en tout cas une belle récompense pour Roland Lamy, président de l'association, qui a porté avec détermination ce projet pendant près de quinze ans.

Et le Musée Motobécane ? Moins impressionnant mais tout aussi formidable ! Là aussi, dans l'idée, pas de quoi s'exciter, des mobylettes les unes au bout des autres. Sauf que chacune raconte à chacun un moment de sa vie. J'ai pris en photo, ci-dessus, celle avec laquelle j'ai sillonné, pendant dix ans, cheveux de hippy au vent (eh oui, les temps ont changé ...), les routes et les bois du Berry, entre 20 et 30 ans. C'est elle, elle est là, ma mobylette ! Quand j'ai rompu avec ma bicyclette pour épouser ma mobylette, ça a été un grand moment dans mon existence. Ah mes années mobylette ! mes années bonheur ! Je suis sûr que vous aussi, en allant rue de la Fère, vous serez heureux.

mercredi 15 août 2012

Cathos contre homos ?



Jamais prière catholique du 15 août n'aura autant fait parler d'elle, tout ça parce que quelques mots visent implicitement le mariage homosexuel et l'adoption d'enfant. En tant que laïque, je n'ai pas à juger l'Eglise, qui fait ce qu'elle veut, défend les idées qui sont sans surprise les siennes : elle a le droit d'être contre le mariage homosexuel et de le manifester publiquement, comme j'ai le droit d'être pour et de l'écrire. Ce qui me semble beaucoup plus intéressant en revanche, c'est de voir comment elle s'y prend et qu'est-ce qu'on peut en penser, non d'un point de vue laïque mais d'un point de vue religieux.

D'abord, l'Eglise de France, dans cette affaire, communique aussi mal que la section de Saint-Quentin du parti socialiste en général : on ne comprend pas très bien quelle est sa position, son texte de prière manque de précision, les explications de ses représentants sont contournées, on a le sentiment qu'elle ne veut froisser personne, qu'elle n'assume pas complètement son refus du mariage homo. Il n'y a pas de bonne com' dans l'incertitude et l'indécision.

Quand, sur les chaînes de radio, des auditeurs interrogent les évêques en leur demandant pourquoi ils refusent l'union de gens qui pourtant s'aiment, ses clercs donnent le sentiment d'être gênés aux entournures, de ne pas vraiment répondre, de se voir battus sur leur propre terrain qui est celui de l'amour, ce qui est tout de même un comble ! En vérité, ils n'osent pas distinguer, en bonne théologie, l'amour humain (les sentiments, les passions) et l'amour divin (la charité, la miséricorde). Quand les cathos prêchent l'amour, ils parlent d'agapè, pas d'eros (excusez l'emploi de ces termes grecs, mais faisant un peu de théologie, je suis bien obligé de passer par un vocabulaire technique, tout comme un ingénieur travaillant dans la mécanique de précision).

Le grand tort de l'Eglise catholique est de se positionner dans des débats de société qu'elle devrait laisser à la société, ces débats étant posés dans des termes qui de toute façon ne sont pas les siens. Après tout, les chrétiens des premiers siècles vivaient intensément leur foi, parfois jusqu'au martyr, sans discuter ou contester les lois civiles de l'empire romain, pourtant pas très catholiques, c'est le moins qu'on puisse dire ! La pratique des lois divines suffisait amplement à leur spiritualité.

Aujourd'hui où il n'y a plus guère en France de martyrs, les messes et les fidèles sont de moins en moins nombreux, la pénurie de prêtres oblige à s'approvisionner en Afrique ; dans ces conditions, l'Eglise devrait se recentrer sur les questions de foi, qui sont beaucoup plus passionnantes que le point juridique d'extension du contrat de mariage aux personnes de même sexe : qu'il s'agisse du dogme de l'Immaculée Conception ou de celui de l'Assomption (puisque nous sommes un 15 août), du monde surnaturel ou des miracles, il y a de quoi faire. C'est ça qui intéresse la population quand elle se tourne vers la religion, pas de savoir si les curés sont pour ou contre le mariage homo, dont se fichent pas mal de gens, surtout quand ils ne sont pas homos.

Pour terminer sur cette prière qui fait le buzz du jour, il faut noter qu'elle s'adresse aussi, tout particulièrement, aux élus de la République afin qu'ils soient inspirés dans leur action publique. Ce qui me ramène à Saint-Quentin, où je souhaite que cette prière aide la gauche à mieux communiquer et à gagner un jour une élection locale, qu'elle aide la droite à faire malgré tout de bons choix municipaux et lui donne la force de laisser un jour sa place à la gauche. Est-ce plus difficile à exaucer qu'une position sur le mariage homo ?

mardi 14 août 2012

Ouf c'est fini



Nous avons souffert pendant quinze jours, nous avons droit maintenant à quatre ans de répit : les jio (Jeux Olympiques), c'est fini, sans que personne ne dénonce le scandale de la monopolisation d'une chaîne publique de télévision. Nous en avons mangé matin, midi et soir. Aucune activité humaine, pas un seul évènement ne connaissent une couverture médiatique aussi hégémonique. C'est comme si on nous donnait à regarder "Le Jour du Seigneur" à presque toutes les heures de la journée !

L'autre scandale, celui d'autoriser des sportives voilées (quel ridicule !), a vite été oublié. Ce que je constate de cette quinzaine infernale, c'est l'utilisation constante d'un vocabulaire quasi religieux, parfois mystique, pour qualifier les exploits des champions et les réactions du public. Ce qui confirme mon idée que le sport est devenu aujourd'hui une religion de substitution, dans les jio sont la grand-messe.

Ce que je constate également, c'est l'absence de contestation de ce spectacle mondial pourtant très contestable. Dans un monde où n'importe quel citoyen gueule pour un rien, c'est le silence des carpes. Où sont les "Indignés", les altermondialistes, l'extrême gauche ? Les jio, c'est l'étalage de l'esprit libéral et national dans toute sa pureté : concourir avec autrui, vouloir être le premier, montrer ses muscles, pratiquer une folle ascèse de son corps, flatter la fibre cocardière, sans parler de la débauche de fric et la fascination du grandiose (qui n'est pas forcément synonyme de grandeur), il y aurait de quoi amener à penser . Avez-vous lu ou entendu un seul intellectuel nous proposer une réflexion critique sur les jio ? Moi pas. L'anticonformisme, l'esprit rebelle, la culture révolutionnaire ne sont vraiment plus de notre temps.

Hier, nous avons eu droit à la parade des champions sur les Champs-Elysées. Ce sont les seuls héros qui le font, qui sont capables de mobiliser les foules, ce sont les derniers modèles de comportement que nous avons à offrir à l'admiration de nos enfants : qui s'en inquiète ? Fini les aventuriers, les savants ou les saints, place aux sportifs ! L'équipe de handball, partiellement alcoolisée, a vandalisé un studio de télévision parce qu'un article de L'Equipe vieux de plusieurs mois ne lui plaisait pas : qui s'offusque de ces attitudes de délinquants ? D'autres que des sportifs agiraient ainsi qu'ils seraient immédiatement condamnés et sanctionnés. Mais on ne touche pas aux nouveaux dieux de l'Olympe.

Allons un peu plus loin dans la réflexion : le coup de boule de Zidane, les mauvaises manières des footballeurs de l'équipe de France, la vulgarité fréquente dans le monde du sport, tout se tient : il y a du voyou dans le sportif. Une activité qui exalte le corps, quand elle se laisse aller et déborder, produit des réactions physiques typiques au monde des voyous. Pour le dire plus trivialement : "Jeux de mains, jeux de vilains", le bon sens populaire le comprend très bien.

Pour ne pas être accusé de parti pris ou d'injustice, je serai tout autant critique à l'égard de ma confrérie professionnelle : les philosophes sont des filous comme les sportifs sont des voyous. Un philosophe travaille avec les mots comme un sportif avec les muscles. Les mots, on peut en faire très vite ce qu'on veut et n'importe quoi, certains philosophes, parfois très grands, ne s'en privant pas. A tout prendre, je me demande même si les filousophes ne sont pas plus répréhensibles que les sportifs, parce que les idées qu'ils produisent ont des conséquences beaucoup plus négatives. A leur décharge, ils sont moins nombreux et moins influents.

lundi 13 août 2012

Hollande bourgeois, Fillon pas ?



En lisant ce matin Le Figaro (oui, ça m'arrive), je suis tombé sur la tribune de François Fillon, critiquant la position de François Hollande sur la Syrie. J'ai essayé de suivre, avec bonne foi, son argumentation, sachant que tout point de vue est recevable, à défaut d'être convaincant et partagé. Un reproche, qui termine la réflexion, m'a cependant surpris : Hollande est accusé d'avoir des "postures bourgeoises". L'expression est tellement étrange qu'elle a provoqué en moi sept brèves remarques :

1- François Fillon n'est pas non plus, lui, son parti, la droite en général, étranger à la bourgeoisie. Pourquoi retourner le compliment contre le président de la République ?

2- François Hollande est-il vraiment bourgeois pour François Fillon ? Non, puisque, selon l'ancien Premier ministre, il ne fait qu'adopter de cette classe sociale, en tout cas à propos de la Syrie, les "postures". Hollande ne l'est pas mais fait son bourgeois, d'après lui.

3- Mais faire semblant, n'est-ce pas la définition du bourgeois ? De même que les plus anti-bourgeois sont souvent des bourgeois ... N'est-ce pas aussi l'attitude de tout homme politique ? Quand on demandait à Mitterrand si les communistes étaient des partenaires sincères, il répondait : je fais comme si. La politique, c'est faire comme si, c'est faire semblant. L'important, ce sont les résultats, pas les intentions.

4- Fillon reproche à Hollande de privilégier son image d' "homme normal", alors que la situation est anormale. Peut-être, mais quel rapport entre souci de normalité et appartenance à la bourgeoisie ? Un ouvrier autant qu'un bourgeois, sans doute même plus, aspire à la normalité.

5- La phrase complète est la suivante : "Qu'il abandonne [Hollande] ses postures bourgeoises et atlantistes version guerre froide". Quelqu'un peut-il m'expliquer le lien entre la bourgeoisie, le soutien à l'Amérique (l'atlantisme) et la guerre froide (l'affrontement Est-Ouest dans l'après-guerre) ? Je ne vois pas. La guerre froide est terminée depuis quarante ans, François Hollande est beaucoup moins pro-américain que Nicolas Sarkozy, la bourgeoisie défend ses intérêts et pas forcément l'Amérique.

6- Mine de rien, François Fillon se livre, presque en gauchiste, à une critique de la classe bourgeoise (forme de haine de soi ?) : elle est peureuse (Hollande manquerait de "courage" dans l'affaire syrienne), son existence est une imposture (puisqu'elle n'assume pas ce qu'elle est, puisqu'elle adopte des "postures").

7- En lisant cette tribune du Figaro (journal de la bourgeoisie, quand même !), en voyant son titre ("Un peu de courage, Monsieur le Président"), je m'attendais à ce que François Fillon prône une intervention militaire en Syrie, à la façon de Bernard-Henri Lévy. Pourquoi pas : tous les arguments rationnels sont recevables, comme je l'ai dit au début. Mais non, pas du tout, l'appel au courage consiste seulement à prendre l'avion pour rencontrer à Moscou Poutine. C'est peut-être cela la définition bourgeoise du courage : discuter.

Les "postures bourgeoises" de François Hollande ? Expression vraiment bizarre, même après réflexion. Encore plus bizarre ce qu'elle sous-entend : un François Fillon anti-bourgeois ! On ne peut même pas soupçonner dans sa bouche un lapsus puisqu'elle a été délibérément écrite. Mais il faut sans doute être bourgeois pour comprendre. Ce que je ne suis pas.

dimanche 12 août 2012

Nessie au marais d'Isle





C'était hier, à 18h15 précisément. Je terminais de faire le grand tour du parc d'Isle, en revenant par le canal, longeant l'étang, pas très loin du monument aux morts, quand j'ai vu ça dans l'eau, à une petite cinquantaine de mètres de moi, que vous voyez en vignette 1. Heureusement, j'avais mon appareil photo, j'ai zoomé pour mieux voir de quoi il s'agissait, et vous avez le résultat. Pas de doute : c'est un animal, tête de reptile, de batracien et corps de poisson (on distingue nettement la queue). Je connais très bien les différentes espèces de poissons, gamin j'étais pêcheur : je peux vous assurer qu'un comme ça, je n'en ai jamais vu, ça n'existe pas. Les reptiles et les batraciens, je connais moins, mais celui-là, si c'en est un, est unique en son genre.

J'écarte toute possibilité de méprise ou d'imposture. La plage est trop éloignée pour que ce soit un jouet d'enfant, une blague de gamin. De toute façon, la chose était vivante, bougeait, plongeait, jusqu'à ce qu'elle disparaisse complètement. J'exclus, pour les mêmes raisons, l'hypothèse d'une branche ou d'un déchet quelconque qui ferait illusion. J'ai pris une photo plus large (vignette 2) pour que tout soupçon de trucage soit écarté.

Je sais la puissance de l'imagination. Un ami, il y a quelques temps, m'assurait avoir aperçu une sorte de yéti dans ce même marais d'Isle, mais sur la terre ferme cette fois, au milieu de la réserve naturelle. Information prise, l'abominable homme des neiges, ou plutôt des marais, n'était que Daniel Wargnier, travaillant pour l'Institut des sciences de l'environnement à dénombrer les oiseaux. Dans la pénombre, à la lueur de la Lune, je peux comprendre la méprise. Mais dans le cas de ma créature aquatique, sous la lumière du jour, avec ces photos qui attestent de son existence, aucune erreur n'est possible.

Qu'en conclure ? Je ne vois qu'un Nessie local, un petit monstre (car le mien n'est pas très gros) issu de la préhistoire, qui aurait survécu et se serait reproduit dans l'écosystème favorable du marais d'Isle. L'explication vaut ce qu'elle vaut, mais en concevez-vous d'autres ? Je ne pense pas qu'il y ait danger pour l'homme et les enfants. De plus savants que moi sauront en dire plus. En tout cas, en plein mois d'août où tout le monde s'ennuie, quelle histoire ! Mine de rien, je vais contribuer, avec ma trouvaille, au développement du tourisme local. Un Nessie saint-quentinois !

samedi 11 août 2012

Histoire de fesses



Quand j'ai entendu parler d'une histoire de "fesses" à l'hôpital, j'ai tout de suite pensé à ce vieux fantasme qui laisse croire que les infirmières seraient nues sous leur blouse, parce que plus à l'aise comme ça. Mais non : s'il est bien question de "blouse", c'est celle des patients, ouverte dans le dos, là aussi parce que c'est plus pratique pour les soins médicaux. Où est donc le problème ? Ce vêtement d'hôpital découvre les fesses quand on n'y prend pas garde ! Qu'une telle affaire devienne nationale, ait un retentissement médiatique, que la ministre de la Santé s'en saisisse très sérieusement alors qu'on croirait un gag, c'est confondant.

A l'origine, ce sont des blogueurs qui ont lancé le mouvement de protestation anti-fesses (je ne le dirai jamais assez : il faut se méfier de ce qu'on lit sur les blogs !). Ils l'ont fait au nom de la "dignité". Quand on déploie un tel étendard, plus personne n'ose vous reprocher quoi que ce soit. La "dignité", ça ne se discute pas. La dignité contre quoi exactement ? Contre l' "humiliation" que représente la blouse qui montre les fesses. J'avoue que ça m'en bouche un coin ...

Je m'interroge : avant que les blogueurs ne lèvent ce lièvre, où était la dignité ? Pourquoi personne, depuis qu'elle existe, n'a songé à vouer aux gémonies l'humiliante blouse ? Et puis, la dignité à l'hôpital, ça veut dire quoi ? C'est un peu comme l'honneur sur le champ de bataille : de très jolis mots qui n'ont pas grand sens devant la souffrance et la mort.

Une pétition contre les fesses à l'hôpital a recueilli des milliers de signatures. Je sais d'expérience que les gens ne sont pas très regardant quand il s'agit de signer un bout de papier et que ça ne coûte rien. Certains le font pour se débarrasser du pétitionnaire insistant. Alors, pas étonnant qu'une histoire de fesses fasse signer contre elle à tour de bras. La grosse imposture, c'est qu'on oublie de dire qu'à l'hôpital les malades ont le droit de porter un pyjama, et c'est ce que la plupart font quand ils le peuvent, en dessous de la fameuse blouse, lorsque ça ne gêne pas le service.

Bref, notre société est en train de se taper, une fois de plus, un petit délire. Je remarque d'ailleurs que nous rencontrons de plus en plus de problèmes avec les textiles : affaire du voile, polémique sur le jean puis la robe de Cécile Duflot, débat récurrent à propos de l'uniforme à l'école, "journée de la jupe" dans certains lycées, ... Pour illustrer ce billet, j'ai failli joindre une photo où je montrais mes fesses, par dérision. Mais j'ai renoncé, craignant d'aller un peu loin. Je tiens moi aussi à ma "dignité".

vendredi 10 août 2012

Revoilà les Roms



Revoilà les Roms, avec leurs caravanes, leurs installations illégales et les peurs qu'ils véhiculent. Revoilà aussi les démantèlements de camps et les expulsions. Il y a quelques années, comme aujourd'hui en plein été, une polémique indigne avait fait rage, pas très à l'honneur de la France, "pays des droits de l'homme", comme elle aime à se présenter. J'espère que nous n'allons pas retomber là-dedans. La Commission européenne, qui n'est pas composée de gauchistes irresponsables, a fait savoir qu'elle surveillait de près notre pays afin de vérifier si la législation européenne était bien respectée. Ce simple soupçon en dit long sur l'image que donne la France à l'extérieur ...

De fait, il existe chez nous tout un courant d'opinion hostile aux Roms : sales et délinquants, voilà ce qu'on leur reproche, voilà ce qu'on entend au bistro. Les Roms ont un mode de vie particulier, inhabituel, c'est certain. Mais sales, pourquoi ? Les sédentaires urbains qui jettent leurs papiers sur la voie publique ou en pleine nature, qui font chier leurs chiens au beau milieu des trottoirs, est-ce qu'ils sont propres ? Je ne vois pas pourquoi les Roms seraient plus sales que la moyenne des citoyens français. J'entends dire qu'ils laissent du papier hygiénique dans les champs. Ca veut dire quoi ? Je ne comprends pas, cette accusation n'a aucun sens, personne ne s'amuse à faire traîner inutilement ses rouleaux en dehors de ses toilettes (je laisse aux psychologues le soin d'analyser les origines de ce fantasme scatologique).

Et la délinquance, les vols, les dégradations ? Si vous pensez que ces comportements coupables sont propres à certaines communautés et pas à d'autres, je dis non : des gens qui ne respectent pas la loi, il y en a partout, mais plus il est vrai dans les milieux où les conditions de vie provoquent des actes délictueux. Par principe, il n'y a pas à incriminer une communauté, quelle qu'elle soit, ni à élever à la généralité des agissements particuliers, quel qu'en soit le nombre.

Les Roms et autres gens du voyage sont là depuis longtemps : avant, ça se passait comment ? Pas si mal que ça. Alors, pourquoi la société contemporaine, qui dispose de beaucoup plus de moyens qu'autrefois, ne parviendrait-elle pas à régler le problème des populations non sédentaires ? Elle arrive à solutionner des difficultés autrement plus importantes. Pourquoi pas celle-là ? Répondre en disant que c'est de la faute des Roms, que ces gens-là ne font aucun effort, qu'ils sont inadaptables, c'est un peu trop facile, outre que c'est faux.

Dépassionnons ce débat, concentrons-nous sur les aspects techniques et législatifs : y a-t-il suffisamment de places dans les centres d'accueil ? Ce n'est pas certain. Les municipalités ont-elles toujours appliqué la loi qui les oblige à aménager ces sites ? Non. Faut-il forcément écouter les riverains qui se plaignent ? Oui, mais d'une oreille seulement : notre société est devenue telle que n'importe qui, à la moindre occasion, se plaint à propos de n'importe quoi, là où autrefois la simple tolérance, la bonne entente ou la franche explication réglaient pas mal de problèmes, sans que les citoyens viennent pleurnicher dans les gilets de la municipalité, de la justice ou des médias.

Comme tout le monde, je suis pour la stricte application des lois, de sévères sanctions contre les contrevenants, pour l'ordre, la sécurité et la paix des villes et villages de France. Mais quand je constate les délires autour de la présence des Roms (je pense en particulier à ce qui s'est passé ces derniers temps à Couvron dans l'Aisne, hélas validé par la manifestation initiale des élus de tous bords), je dis stop !

jeudi 9 août 2012

Une télé de chez nous



C'est le dossier saint-quentinois de l'été, mine de rien très politique sous ses aspects très techniques : la création d'une télévision locale, en rapport avec la prochaine Cité de l'image et du son (le nom fait spontanément penser à la parisienne Cité des sciences et de l'industrie : quelque chose qui affiche d'emblée son ambition). A mettre en relation avec la stratégie de la Ville et de l'Agglo : s'installer sur le créneau des studios d'enregistrement, blindés dans la capitale, cherchant pas trop loin à travailler. Avec les retombées qu'on imagine en termes d'emploi et de notoriété. Le lycée Henri-Martin et mon collègue et copain Nowak, du BTS audio-visuel, seraient bien sûr impliqués. Cité, télé, formation, emploi, c'est toute une politique municipale qui se dessine. Je ne sais pas comment le PS va se positionner là-dessus, mais il faudra bien. D'autant que, d'après L'Aisne Nouvelle, la télévision saint-quentinoise pourrait être lancée en 2014 et la Cité du son et de l'image ... inaugurée en janvier de cette même année, à quelques semaines des élections municipales !

Très politique aussi, le choix de celui qui gérerait la Cité et s'occuperait de la télé (tout ça au conditionnel, évidemment) : le sympathique Bastien Millot, qui a ses entrées à Paris et un peu partout, y compris auprès du Conseil régional de Picardie qui l'a chargé d'une autre télé, régionale celle-là. Problème : n'y a-t-il pas concurrence entre les deux projets, voire contradiction ? Je les crois plutôt complémentaire. Et puis, tout ça coûte cher, mieux vaut unir ses forces : d'où la gentillesse récente et inhabituelle du maire de Saint-Quentin à l'égard des présidents du département et de la région, peut-être inspirée par François Hollande, "président des bisous" ? La politique, c'est aussi à certains moments la paix des braves ...

Mais la guéguerre n'est jamais très loin : Millot est proche de Copé qui est contre Bertrand, et réciproquement. Je ne pense pas que ça posera un problème à XB : aux dernières cantonales, il a soutenu sans difficulté Jérôme Lavrilleux, lieutenant de Copé ("Homme intelligent ne divise pas inutilement son propre camp", c'est un proverbe signé Mousset).

Une télévision locale aura forcément une énorme influence. "Saint-Quentin TV", sur le web, est regardé mais la "vraie" télé, le journal de France 3 Picardie, est quand même préféré et beaucoup plus suivi. C'est comme mon blog : très consulté, mais très largement dépassé par les tirages et la lecture de la presse locale. L'internet, surtout dans les milieux populaires, ne rivalise pas avec le papier et l'écran télé. Il y a donc un enjeu politique autour de cette télé locale. Normalement, qui apporte le fric détient le pouvoir (ça, ce n'est pas un proverbe signé Mousset, c'est un constat ordinaire). Or, c'est la municipalité de Saint-Quentin qui va financer la télé. Elle devra donc donner de sérieux gages d'indépendance si elle veut être crédible, et ce ne sera pas évident.

Ou alors, il faut envisager une télé qui ne dit pas un mot de politique, qui écarte les sujets qui fâchent, qui fait des reportages pépères à la Jean-Pierre Pernault au "13h00" de TF1 : très bien, mais ce ne sera pas une "vraie" chaîne de télé, qui ne peut pas être un bulletin municipal ou paroissial. N'importe quel sujet de société, quand on veut le rendre intéressant, débouche assez vite sur la politique. L'Aisne Nouvelle se demande s'il faudra "octroyer une tribune" au PS et aux partis politiques. Non, je crois que ce serait une erreur, nous retomberions dans le magazine d'une collectivité locale, qui a obligation légale d'accorder une libre expression aux opinions politiques. Cette chaîne doit être non partisane, complètement libre et traiter indépendamment de tous les sujets susceptibles d'intéresser les Saint-Quentinois, sans obligation ni exclusion, invitant qui elle veut. C'est comme ça que je comprends sa ligne éditoriale. De toute façon, L'Aisne Nouvelle offre déjà une tribune libre aux partis et le PS, depuis une dizaine d'années, ne s'en saisit pas. Alors la télé ...

Ces projets de Cité de l'image et du son, de télévision locale et plus largement de développement de Saint-Quentin, l'inévitable débat qu'ils vont provoquer à l'approche des élections municipales, tout ça m'excite beaucoup. Il y a plein de choses à faire et j'aurai encore tant de choses à vous dire dans les prochains mois ...

mercredi 8 août 2012

Mourir de vieillir



On se souvient du film de Cayatte et de la belle chanson d'Aznavour. Aujourd'hui, on meurt moins d'aimer que de vieillir. C'est le sens de l'intervention saisissante de la ministre déléguée aux personnes âgées, Michèle Delaunay : nos vieux se suicident, surtout les hommes, surtout passés 85 ans. Ce n'est plus mourir de vieillesse ou de maladie comme autrefois, mais en mettant fin à ses jours. Les "vieux jours" sont désormais insupportables à vivre. Vieillir est devenu une souffrance à abréger (à ne pas confondre avec les problèmes de la "fin de vie", des soins palliatifs, de l'acharnement thérapeutique et de l'euthanasie, qui constituent un autre débat).

La ministre évoque des cas récents de suicides de personnes très âgées, spectaculairement dramatiques : défenestration, fusil dans la bouche, sépulture sauvage dans un fossé. Je les rappelle crûment pour souligner tout le désespoir qui s'en dégage. Tout suicide est tragique, mais certains sont sublimés par leurs motifs, l'honneur chez les stoïciens ou la passion chez les romantiques. En revanche, qu'un vieillard séparé de la mort par seulement quelques années puisse précipiter le moment fatal, au lieu de profiter tranquillement de ce temps qui lui reste à vivre, cela a quelque chose de particulièrement scandaleux, et même d'énigmatique. Jusqu'à présent, l'acte suicidaire semblait réservé à l'adolescent inconscient et fragile.

Dans L'Union, ce matin, un article confirme atrocement ce désespoir qui frappe le grand âge : il a 90 ans, elle a 88 ans, 64 ans de vie commune, malades ; tous les deux, habitant à Reims, ont voulu en finir. Le mari a poignardé sa femme et n'a pas réussi à se tuer. Il a eu cette phrase terrible en guise d'explication : "J'ai suicidé ma femme et je n'arrive pas à me suicider". Ces situations sont extrêmes mais elles se multiplient. Face à ces tragédies, nous avons tendance à réclamer plus de moyens, de personnel et d'argent pour s'occuper de nos anciens. Nous avons bien sûr raison mais je crains que le mal soit plus profond et le remède insuffisant.

Notre société, depuis quelques décennies, vénère de façon folle trois déesses qui valent bien celles de l'Antiquité grecque et romaine : Beauté, Jeunesse et Santé (voyez le barouf qu'on fait autour des JO). Quand on est vieux, le culte ne marche plus, on se sent exclus par la mentalité commune, on n'est plus conforme aux canons et valeurs ambiants. L'argent, les moyens, l'entourage n'y peuvent pas grand chose : c'est dans la tête que ça ne va plus, parce que notre société déteste la vieillesse, même si parfois, hypocritement, elle s'en défend.

Et puis, il y a un évènement unique dans l'histoire de l'humanité qui est trop souvent négligé : pour la première fois, une civilisation, la nôtre, occidentale, s'est débarrassée du système de croyances, de religions, de transcendance sur lequel toutes les sociétés du passé, sans aucune exception, reposaient, dotées d'idéologies différentes selon les lieux et les périodes. Aujourd'hui, un vieillard n'a plus rien à espérer après la vie, pas d'au-delà auquel croire alors qu'autrefois l'idée d'un monde invisible et d'une réalité surnaturelle allaient de soi. Quand on approche de la mort, il n'y a plus que la mort, sans espoir de rédemption.

Enfin, et c'est sans doute le plus délicat à aborder, il y a ce qu'il est convenu d'appeler l'individualisme contemporain, qui a atteint un niveau incroyablement élevé : chacun veut être libre, vivre dans le confort et les loisirs (ce qui est parfaitement légitime). Sauf que la dépendance de nos vieux parents, membres de la famille ou même amis très âgés oblige à ce que nous détestons : le sacrifice et la dépendance (car les personnes qui dépendent de nous font que nous dépendons autant d'elles, quand il faut s'en occuper longtemps et lourdement, au détriment de notre confort et de nos loisirs). On a beau parler à tout bout de champ de "solidarité", celle-ci est très difficile à mettre en pratique chez des citoyens devenus à juste titre individualistes. Le christianisme, certes dans un tout autre contexte social, avait inventé deux valeurs bien utiles : l'amour et la charité. Il en faut, à fortes doses, pour s'occuper de personnes âgées, malades, qui n'ont plus toute leur tête. A défaut, je ne vois pas comment on fait. Mourir de vieillir ? Oui, quand on meurt peut-être de ne plus être aimé.

mardi 7 août 2012

Michel Polac, une époque



Il faut avoir eu comme moi vingt ans au début des années 80 pour savoir quel choc a été la découverte, quand on est encore jeune, de Michel Polac à la télévision. Le journaliste, écrivain et animateur, qui nous a quittés aujourd'hui, a littéralement révolutionné le petit écran. En 1981, avec la victoire de François Mitterrand, un nouveau monde semblait naître, non seulement en politique mais dans le monde de la culture et des médias : Polac, homme de gauche quoique esprit indépendant, libertaire, s'inscrivait dans ce changement, a même longtemps incarné, aux yeux d'une certaine droite, ce changement tant redouté, tant détesté.

Avant Polac, les émissions de débat à la télé étaient contrôlées et compassées, politiquement correct comme on dit maintenant. Giscard avait entre-ouvert les portes et fenêtres, mais les limites étaient tout de même strictes. Michel Polac, avec cette émission vite culte "Droit de réponse", a fait exploser tout ça. Fini les échanges courtois, de bon ton, autour d'une table basse, où les invités attendent sagement qu'on leur donne la parole pour parler d'eux-mêmes et de leurs livres, genre "Apostrophes" ou "Les Dossiers de l'Ecran". Dans la forme, Polac disperse son monde dans un décor de type bistro, qui préfigurait les cafés philo d'aujourd'hui.

La liberté de parole était la règle, qui tournait parfois à la foire d'empoigne. On se croyait dans un amphi enfumé et bavard de Mai 68, avec des intervenants qu'on n'avait pas l'habitude de voir jusque là à la télé. Il est même arrivé qu'on en vienne aux mains, entre les journalistes de Charlie hebdo et ceux du torchon d'extrême droite Minute. Je me souviens du titre d'un quotidien du lendemain : "On s'est battu à la télé". Quelle époque ! C'était avant la vogue des débats superficiels et psychologisant, à la Delarue ou à la Dechavanne. Polac était un vrai journaliste, qui travaillait sur dossiers, qui lançait des débats de société, plus guère présents actuellement sur le petit écran.

Je suis triste ce soir, parce que Polac est mort, parce qu'une époque se termine avec lui, mais disparue depuis longtemps déjà. Ce qu'est devenue ensuite notre télévision est bien souvent effrayant. De Polac, je veux aussi souligner ce qui est moins connu, son oeuvre d'écrivain, notamment la publication de son journal intime, qui est passionnant, qui nous apprend beaucoup sur cet homme et sa philosophie personnelle de la vie. Michel Polac est mort mais il a bien vécu, il a créé, il a été utile : son existence est pleinement justifiée, et cette pensée me rend un peu moins triste.

lundi 6 août 2012

La fin de nos rêves



Ce matin, les patrons et les administrations auraient dû donner congé à leurs employés. Les chaînes publiques de télévision auraient dû organiser de longues émissions en direct. Sur les places des grandes villes de France et du monde, des écrans géants auraient pu retransmettre les images. Des centaines de millions de personnes au moins à travers la planète auraient dû se sentir concernées et mobilisées. Rien de tout cela n'a eu lieu : l'atterrissage d'un énorme robot sur la planète Mars a fait parler, forcément, mais pas du tout à la hauteur de l'évènement.

L'exploit technologique est pourtant extraordinaire, relevant presque du miracle. A 570 millions de leur foyer, des hommes ont maîtrisé en aveugle une opération à la perfection. Deux années d'exploration commencent, dont les découvertes pourraient bouleverser les sciences, les religions, la philosophie si des traces de vie étaient repérées. Aujourd'hui, l'humanité, si souvent capable du pire, a montré le meilleur d'elle-même, a fait la démonstration de son incroyable puissance. Elle a peut-être ouvert un nouveau chapitre de son histoire. Pourtant, les commentaires des médias et les réactions de l'opinion ont été très en deçà de ce "pas de géant", pour reprendre la fameuse expression.

Le pire, c'est que cet évènement unique et immense a été rétrogradé par la finale du cent mètres aux Jeux Olympiques ! On tombe de haut, c'est le cas de le dire. Des types qui torturent leurs corps, qui essaient de courir plus vite les uns que les autres, qui sont sacrés champions parce qu'ils ont bouffé quelques secondes, qui se dressent à la fin sur des cubes avec des galettes d'or ou d'argent autour du cou, voilà l'exploit dérisoire qui a volé les qualificatifs revenant à la prouesse martienne : "fabuleux", "légendaire", "bonheur absolu", "fierté nationale" et j'en passe. Avec ça un milliard de téléspectateurs, paraît-il. Pauvre humanité !

L'indifférence des peuples et parfois des élites pour la conquête spatiale est un désastre en matière de civilisation. Pensez-y un peu : la plus grande aventure de tous les temps, un formidable concentré d'intelligence, éclipsés par une performance purement physique, quasiment mécanique, ridicule dans ses excès. D'un côté la marche vers l'infini, vers les mystères de l'univers, de l'autre des hommes en sueur, des souffles de phoque avec des ambitions de lièvre. Les sociétés modernes, depuis qu'elles ont adopté la religion du sport, ont renoncé à leurs rêves de grandeur. Ce n'est pas criminel mais c'est navrant.

dimanche 5 août 2012

My hosto is rich



J'ai cru mal entendre ce matin en écoutant la revue de presse de France-Inter. J'ai donc acheté le JDD pour complément d'information. J'ai bien compris : l'hôpital public va s'ouvrir aux riches patients étrangers pour aider à boucher le fameux "trou" de la Sécu. Pourquoi pas : après tout, autant attirer en France les malades fortunés pour les soigner. C'est une nouvelle version du "faire payer les riches", étant donné qu'une tarification particulière leur serait appliquée.

Pourtant, l'idée me chiffonne, d'où ma surprise de départ. De coûteuses infrastructures, du matériel de pointe financés par le contribuable et servant aux classes hyper-aisées de la planète, j'ai du mal à avaler, même quand on m'explique que la France y gagnera plus qu'elle n'y perdra. Des gens à fric venant se confier à notre médecine, le phénomène a toujours existé et c'est plutôt flatteur pour notre pays. Mais de là à en faire un système lucratif, un marché, quelque chose ne passe pas chez moi.

Le problème est sans doute moral : tous les Français n'ont pas les moyens de se faire soigner, l'hôpital public rencontre tout un tas de difficultés en matière de personnels, de moyens. Mais les milliardaires passeraient outre et seraient reçus comme des rois, certes au prix fort. Je ne veux pas jouer ici les misérabilistes ni les Robin des Bois ; simplement, je m'interroge, je suis sceptique, j'ai des réticences.

Et puis, il y a autre chose, plus embêtant : des tas de personnes nous disent, en faisant les gros yeux, que "la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde", tronquant ainsi une déclaration ancienne de Michel Rocard. En revanche, accueillir toute la richesse du monde, ça semble convenir. Un malade reste un malade, dans un palais ou dans une cabane, mais entre les riches et les pauvres, quels sont ceux qui ont le plus besoin du service public de santé ? Je le répète : ma réflexion est plus morale qu'économique. Et ce n'est pas interdit.

samedi 4 août 2012

Le monde de Tim Burton



Il vous reste une journée, celle de demain, pour aller voir une formidable exposition que je suis allé visiter ce matin à Paris, à la Cinémathèque française, consacrée à l'oeuvre de Tim Burton. Mais armez-vous de patience ... et de lecture : l'attente est d'environ deux heures, 300 personnes au moins faisant la queue pour entrer ! Je suis passé par là, le temps passe plus vite qu'on ne croit. C'est en soi instructif : dans notre société tellement pressée où nous voulons tout, tout de suite, il est réjouissant de constater qu'un sacrifice de temps est encore concevable, pourvu que le jeu en vaille la chandelle, comme on dit. J'ai vraiment été surpris : une foule calme, pas d'impatience, de protestation, de resquille.

Je ne suis pas un grand fan de l'univers de Tim Burton, fait de merveilleux et d'horrible. Mais je lui suis redevable d'avoir relancé le personnage de Batman dans les deux premiers films de la série (voir mon billet de dimanche dernier). En 1989, la découverte du Joker, plus burtonien que l'homme chauve-souris, a été un choc pour moi. Burton, c'est une incroyable créativité, une oeuvre complètement originale qui a renouvelé le conte pour enfants, qui a toujours été un mixte de rêve et de cauchemar, pour en faire quelque chose d'adulte et de très réussi.

Pour comprendre le monde de Tim Burton, et c'est ce que l'expo montre très bien, il faut se rappeler qu'il a commencé par travailler pour Disney, qu'il est avant tout un dessinateur, un esthète. Sa force est d'avoir su inventer des créatures souvent délirantes qui se sont mondialement imposées, par exemple Edward aux mains d'argent. Ce n'est pas donné à tous les réalisateurs ! Tim Burton produit, au sens fort du terme, un cinéma d'imagination. A la fin de l'exposition, je me suis retrouvé en face à face avec une femme redoutable issue du Batman n°2, Catwoman (en vignette). Et n'oubliez pas : fermeture demain. Miaou !

vendredi 3 août 2012

Le droit ou la force



François Hollande aurait-il trouvé son premier opposant de gauche sérieux ? Peut-être, si on lit Le Parisien d'aujourd'hui. L'opposant, c'est Bernard-Henri Lévy, qui critique la position de la France à propos de la Syrie, ou plutôt la non position selon BHL, puisqu'il reproche l'attentisme du gouvernement et demande une intervention militaire. Pour le reste, il a voté Hollande et approuve sa politique économique et sociale.

Ce qui se passe en Syrie est en effet terrible et devrait nous préoccuper : ce n'est la lointaine Afrique ou la complexe Asie. La Syrie est presque une voisine de l'Europe, elle a des liens historiques et culturels avec la France. Mais est-ce qu'une guerre civile, même terrible, peut troubler nos vacances et soulever d'indignation l'opinion ? Malheureusement je ne crois pas. Et puis, la politique étrangère a été absente de la dernière campagne présidentielle : pourquoi resurgirait-elle aujourd'hui ?

Hollande n'a donc rien à craindre de BHL. Un philosophe, surtout celui-ci, beau, médiatique et riche, n'inquiète jamais personne en politique. Pourtant, Lévy n'a pas tort de secouer les consciences sur la tragédie syrienne. L'intervention militaire est une formule politique qui ne fait jamais plaisir à gauche, où sévit un vieux fond pacifiste et antimilitariste, vaguement anar. Moi aussi, spontanément, je suis du côté du droit et répugne à la force. Mais on fait comment quand le droit est bafoué et que la force injuste règne ? C'est pourquoi je me reconnais plus dans la tradition de la Révolution française qui n'hésitait pas à prendre les armes pour défendre la liberté des peuples à travers le monde.

Le "printemps arabe", la démocratisation du Maghreb, tout le monde a applaudi. En Tunisie et en Egypte, la transition a été à peu près pacifique. En Libye, il a fallu se battre et intervenir, et Lévy n'y a pas été pour rien. En Syrie, où l'ONU n'a rien pu, il va bien falloir s'interroger, pas trop longtemps, sur la solution militaire. A Saint-Quentin, je salue l'initiative des docteurs Jaber et Natteau de solidarité avec le peuple syrien. Comme quoi, même en plein coeur des vacances, il y a des citoyens qui agissent.

jeudi 2 août 2012

Hollande prend le train



C'est l'évènement politique de la journée, du moins si j'en crois les radios et les télés : François Hollande a pris cet après-midi le train pour aller en vacances. Gare de Lyon, il a traversé comme tout le monde la gare, au milieu de la foule, avant de s'installer comme n'importe qui à son siège, sans protection particulière. Jésus fascinait les foules parce qu'il marchait sur les eaux, le roi saint Louis parce qu'il guérissait les tuberculeux : François Hollande fait plus fort que ces deux-là réunis, il est populaire en déambulant dans un hall de gare et en s'asseyant dans un fauteuil de train. Notre conception du Souverain, du personnage charismatique a considérablement évolué au fil des siècles !

Prendre le train, c'est anormal pour un président de la République, qu'on imagine à l'arrière d'une puissante voiture avec chauffeur et gyrophares ou, mieux encore, dans un jet privé aux couleurs de l'Elysée. Mais le train, dans l'inconscient collectif et la mémoire historique, ce n'est pas n'importe quel moyen de transport : c'est le service public par excellence, "La Bête humaine" de Zola et "La Bataille du rail" de René Clément, le train électrique de notre enfance, les départs émouvants et les retours joyeux sur les quais. Même les vaches aiment regarder passer les trains ! L'avion n'est pas accessible à tous, l'automobile suscite de nombreuses critiques, le train est cher au coeur des Français.

Surtout, je crois que nous vivons un puissant effet de contraste : Nicolas Sarkozy nous avait habitué à un autre mode d'exercice de la présidence, à une image complètement différente. Que n'a-t-on pas dit sur l'airbus présidentiel du précédent chef de l'Etat, décrit comme un appareil à la James Bond ! Un carrosse en plein ciel, une vraie chambre, de quoi se détendre, presque un gros jouet d'enfant, "Air Sarko One" comme on l'appelait, pour imiter celui du maître du monde, la superpuissance américaine. Les fantasmes, les rumeurs ont fait le reste et la fascination s'est retournée en exaspération. Hollande en TGV, c'est le contre-modèle absolu : plus de fantasmes mais un brin de séduction. L'absence de forte attraction protège le nouveau président de toute violente répulsion. Normalité, banalité, billet SNCF, c'est la devise du jour. Jusqu'à quand l'opinion, par nature infidèle, restera-t-elle sous le charme ?

mercredi 1 août 2012

Leadership incertain



J'ai écrit il y a quelques jours que l'actualité politique à Saint-Quentin était en ce moment éteinte. Au niveau national, ce n'est pas mieux. Le gouvernement va partir en vacances et la société va connaître, pendant la première quinzaine d'août, un phénomène unique au monde, qui n'existe qu'en France et qui ne choque personne : le pays va entrer en léthargie, va interrompre toutes ses activités de l'année, va mettre entre parenthèses l'histoire, la politique, le monde, et va vivre sous cloche. Nous sommes les seuls à faire ça et à le trouver normal !

Si on regarde de près, il y a quand même, en politique, quelque chose qui va bouger, frémir, murmurer : c'est la lutte pour le leadership au sein de l'UMP. Il n'y a jamais de vacances dans la course pour le pouvoir. Au PS, pas besoin, on est tranquille : le pouvoir, on l'a ! Pendant dix ans, l'UMP a été puissante et unie derrière Nicolas Sarkozy (à part de Villepin qui a posé un moment un petit problème, mais il y a toujours quelqu'un dans la vie qui pose un moment un petit problème). Aujourd'hui, elle n'a plus de chef. Or, en politique, on ne gagne que si on a un chef incontestable derrière lequel on se range. Mais quel chef ? Où aller le chercher ?

C'est à la fois simple et compliqué : le leadership ne se décrète pas ; c'est la victoire qui en décide, c'est elle, et elle seule, qui fait le chef. Pourquoi aujourd'hui Hollande est-il le chef incontesté de tous les socialistes, alors qu'il y a deux ans il recueillait dans nos rangs 3% d'opinions favorables ? Parce qu'il est devenu le chef. A droite, ils n'ont plus de chefs, il leur faut en trouver un, cinq ou six sont déjà en lice pour la présidence de l'UMP, aucun d'entre eux ne peut prétendre à une candidature "naturelle" qui s'imposerait à tous (le problème serait alors réglé mais ce n'est pas le cas puisque, dans la défaite, personne ne s'impose plus qu'un autre).

Tout ça est vrai aussi à l'échelle locale, à Saint-Quentin : pour les élections municipales de 2014, on sait avec certitude qu'il n'y aura qu'un seul candidat, tête de liste sérieuse à droite, Xavier Bertrand, parce qu'il est le gagnant des dernières élections locales et qu'il détient dans la ville le pouvoir. En revanche, la gauche, qui n'a connu que des défaites et qui sera depuis bientôt vingt ans dans l'opposition, aura plusieurs candidatures socialistes, trois ou quatre probablement, par la force des choses et selon la même logique évoquée précédemment. Qui sortira du chapeau pour conduire la liste ? Les pronostics sont incertains et bien malin qui peut connaître maintenant le résultat. Normal : cela vaut aussi pour qui prendra la tête de l'UMP en novembre prochain.