mercredi 22 août 2012

Le beurre dans les épinards



Etre dans l'opposition n'est jamais en politique une tâche facile. Il n'y a de gratifiant que l'exercice du pouvoir. Après dix ans de gouvernement, la droite doit endosser ce nouveau rôle, essentiel dans une démocratie. Je souhaite qu'elle le fasse avec sérieux et responsabilité, la gauche ayant tout à gagner d'une opposition crédible et constructive. Mais quand le nouveau pouvoir n'est en place que depuis trois mois, avec la coupure des vacances d'été, disposant encore, quoi qu'on en dise, d'une bonne popularité, n'ayant eu le temps de commettre aucune de ces inévitables grosses erreurs, il n'est pas facile de critiquer. Pourtant, c'est le devoir de l'opposition d'essayer.

Sur la Syrie ou sur le style du président "normal", la droite a donné des coups d'épée dans l'eau, qui ne toucheront pas l'opinion. Je ne vois qu'un seul point sensible, sur lequel l'UMP a fait chorus et espère avoir trouvé une faille dans l'armure : la refiscalisation des heures supplémentaires, qui conduit à une perte de pouvoir d'achat pour les salariés. Je crois que l'opposition veut refaire avec cette critique loyale et recevable le coup des 35 heures, qui en 2002 avait coûté beaucoup de voix à la gauche (même si, depuis, la fameuse RTT a été largement réhabilitée). Mais je ne pense pas que cette montée au créneau ébranle le château, pour plusieurs raisons :

1- Les 35 heures étaient une réforme structurelle, presque un choix de société, une mesure de philosophie économique et politique. Ce n'est pas le cas des heures sup refiscalisées, qui ne font que rétablir leur ancien mode de fonctionnement.

2- Cette mesure gouvernementale efface un principe du sarkozysme déchu, le "travailler plus pour gagner plus", qui n'a pas convaincu les salariés électeurs, ni dans les portefeuilles, ni dans les urnes. Cet axiome rejeté par le vote ne sera pas regretté.

3- Les heures supplémentaires retrouvent leur fonction naturelle, qui consiste à adapter le travail à ses besoins, pas à être une variable du pouvoir d'achat. Celui-ci progresse autrement, par la baisse des prix ou l'augmentation des salaires. Les heures sup sont un avantage à la marge, et pas irrévocable.

4- La contestation des 35 heures a eu un fort impact parce que cette réforme concernait à peu près tous les salariés. Les heures sup ne bénéficient qu'à une minorité, leur réforme va toucher 8 à 9 millions de personne. Grosse minorité quand même, mais perte pas énorme : 36 euros par mois en moyenne, deux notes de restau.

5- Certes, un sou perdu est un sou perdu. Mais le problème numéro un, c'est le chômage. D'instinct, sans être économiste distingué (il vaut mieux, aucun depuis 30 ans ne sait régler la crise), chacun comprend que la bonification des heures sup n'encourage pas à la création d'emplois. C'est du beurre dans les épinards, mais on fait quoi du beurre quand il n'y a pas d'épinards ? Avec le retour des charges patronales et salariales sur les heures supplémentaires (à l'exception des entreprises de moins de 20 salariés), c'est 4 à 5 milliards qui vont entrer dans les caisses de l'Etat et la prévision de créer 18 000 emplois.

Les heures sup ne disparaissent pas. Ceux qui en profitent auront simplement un peu moins de beurre et les autres un peu plus d'épinards, il faut l'espérer. La droite a raison, de son point de vue, d'attaquer là-dessus ; les vrais débats sont d'ordre économique et social. Et puis, la critique donne l'occasion aux partisans de la majorité d'argumenter, comme j'ai tenté de le faire. Aux citoyens d'en juger et de se faire leur idée.

Aucun commentaire: