lundi 13 août 2012

Hollande bourgeois, Fillon pas ?



En lisant ce matin Le Figaro (oui, ça m'arrive), je suis tombé sur la tribune de François Fillon, critiquant la position de François Hollande sur la Syrie. J'ai essayé de suivre, avec bonne foi, son argumentation, sachant que tout point de vue est recevable, à défaut d'être convaincant et partagé. Un reproche, qui termine la réflexion, m'a cependant surpris : Hollande est accusé d'avoir des "postures bourgeoises". L'expression est tellement étrange qu'elle a provoqué en moi sept brèves remarques :

1- François Fillon n'est pas non plus, lui, son parti, la droite en général, étranger à la bourgeoisie. Pourquoi retourner le compliment contre le président de la République ?

2- François Hollande est-il vraiment bourgeois pour François Fillon ? Non, puisque, selon l'ancien Premier ministre, il ne fait qu'adopter de cette classe sociale, en tout cas à propos de la Syrie, les "postures". Hollande ne l'est pas mais fait son bourgeois, d'après lui.

3- Mais faire semblant, n'est-ce pas la définition du bourgeois ? De même que les plus anti-bourgeois sont souvent des bourgeois ... N'est-ce pas aussi l'attitude de tout homme politique ? Quand on demandait à Mitterrand si les communistes étaient des partenaires sincères, il répondait : je fais comme si. La politique, c'est faire comme si, c'est faire semblant. L'important, ce sont les résultats, pas les intentions.

4- Fillon reproche à Hollande de privilégier son image d' "homme normal", alors que la situation est anormale. Peut-être, mais quel rapport entre souci de normalité et appartenance à la bourgeoisie ? Un ouvrier autant qu'un bourgeois, sans doute même plus, aspire à la normalité.

5- La phrase complète est la suivante : "Qu'il abandonne [Hollande] ses postures bourgeoises et atlantistes version guerre froide". Quelqu'un peut-il m'expliquer le lien entre la bourgeoisie, le soutien à l'Amérique (l'atlantisme) et la guerre froide (l'affrontement Est-Ouest dans l'après-guerre) ? Je ne vois pas. La guerre froide est terminée depuis quarante ans, François Hollande est beaucoup moins pro-américain que Nicolas Sarkozy, la bourgeoisie défend ses intérêts et pas forcément l'Amérique.

6- Mine de rien, François Fillon se livre, presque en gauchiste, à une critique de la classe bourgeoise (forme de haine de soi ?) : elle est peureuse (Hollande manquerait de "courage" dans l'affaire syrienne), son existence est une imposture (puisqu'elle n'assume pas ce qu'elle est, puisqu'elle adopte des "postures").

7- En lisant cette tribune du Figaro (journal de la bourgeoisie, quand même !), en voyant son titre ("Un peu de courage, Monsieur le Président"), je m'attendais à ce que François Fillon prône une intervention militaire en Syrie, à la façon de Bernard-Henri Lévy. Pourquoi pas : tous les arguments rationnels sont recevables, comme je l'ai dit au début. Mais non, pas du tout, l'appel au courage consiste seulement à prendre l'avion pour rencontrer à Moscou Poutine. C'est peut-être cela la définition bourgeoise du courage : discuter.

Les "postures bourgeoises" de François Hollande ? Expression vraiment bizarre, même après réflexion. Encore plus bizarre ce qu'elle sous-entend : un François Fillon anti-bourgeois ! On ne peut même pas soupçonner dans sa bouche un lapsus puisqu'elle a été délibérément écrite. Mais il faut sans doute être bourgeois pour comprendre. Ce que je ne suis pas.

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