jeudi 31 octobre 2013

Cette femme est infecte



La France entière est en joie, soulagée du retour de ses otages. C'est une rare occasion d'unanimité nationale : quatre vies ont été sauvées. Ce n'est pas beaucoup, quatre vies ? Si, c'est énorme, c'est irremplaçable. Rien qu'une seule vie, c'est sacré ! Voilà pourquoi nous sommes heureux. L'événement n'est pas de politique partisane et n'aura d'ailleurs aucune conséquence électorale. C'est donc un moment de pur contentement, dans un monde où tout va mal (mais c'est ainsi depuis la Préhistoire !).

Sauf que je vais un peu vite en besogne : la France entière se réjouit ? Non, il y en a une qui fait grise mine, qui n'est pas à la fête, qui a besoin de douter et de rabaisser l'impact de ces retrouvailles : c'est le prophète de malheur, l'ange noir, Marine Le Pen. Loin d'éprouver de la joie, c'est un autre sentiment qui la traverse : le "malaise", confesse-t-elle. Et pourquoi donc ? Parce qu'elle n'y croit pas ... (mais en quoi et en qui croit cette femme, nihiliste au fond d'elle-même ?) Elle est pire que saint Thomas : voir ne lui suffit pas. Au contraire, c'est ce qui attise sa méfiance : les attitudes, les silences, les vêtements, les barbes des otages, tout ça lui paraît suspect.

Marine Le Pen est troublée, comme tous ceux qui remuent la vase de leur marécage intérieur. Elle se range derrière de fausses évidences, de trompeurs constats. Pour sous-entendre quoi ? Que la vérité serait ailleurs, que les images nous mentent (le thème du mensonge national, déjà présent dans la rhétorique pétainiste). Ce que cherche cette femme manipulatrice, c'est de miner la confiance des Français à l'égard des gouvernants, des institutions. Son travail de sape est permanent, sans exception, y compris et surtout dans ce genre de circonstances exceptionnelles, lorsque tous les Français peuvent se retrouver et communier dans un même élan. Ca, Le Pen déteste, car elle se nourrit des souffrances et des divisions de la France : un instant d'unité nationale, elle ne supporte pas, elle s'efforce de l'ébrécher avec ses petites dents de rongeur, d'introduire son poison, son venin. Elle a besoin que la France aille mal pour que son commerce électoral se porte bien. Le bonheur des autres l'afflige. Cette femme est un serpent et un rat (pardon pour ces animaux, qui ne méritent pas une telle comparaison).

A vrai dire, la philosophie profonde de Marine Le Pen, ce n'est pas d'abord le nationalisme : c'est le révisionnisme. De même que son père réécrivait à sa façon l'histoire de la Seconde guerre mondiale (dans laquelle les chambres à gaz devenaient un "détail" à l'existence incertaine), de même la fille réinterprète l'actualité qui se déroule sous nos yeux, procédant de manière identique : le doute, le soupçon, les fausses bonnes questions. Aucune réflexion chez ces gens-là : un cerveau de bulot qui en reste aux apparences, à l'anecdote, à ces fameux "détails" qui, du père à la fille, les obsèdent tant. Drôle de barbes ? Et cette tête penchée ? Pourquoi se taisent-ils ? D'où vient ce foulard ? Les uns ont l'air à l'aise, d'autres embarrassés, bizarre, bizarre, comme c'est bizarre ... Voilà le détestable et tortueux mode de pensée des Le Pen. Tous les révisionnistes procèdent ainsi, on l'a vu à propos des attentats du 11 septembre 2001.

Des bulots oui, aussi idiots que ces tristes coquillages, mais des bulots pervers, qui savent ce qu'ils font, et qui font semblant, qui jouent la surprise, la naïveté, la fausse intelligence de celui qui se pose des questions à la con, tout en sachant fort bien les réponses. Quand Marine Le Pen suppose qu'on nous cache quelque chose dans la libération des otages, c'est elle en réalité qui dissimule, et qui l'avoue : "Je n'irai pas jusqu'à faire des théories, je ne serai pas dans mon rôle". C'est que ce genre de bulot est non seulement idiot et pervers, mais aussi lâche. Le Pen n'a même pas le courage de dire ce qu'elle pense : que des otages se sont convertis à l'Islam, qu'on aurait peut-être mieux fait de les laisser là où ils étaient, que le gouvernement les a libérés avec l'argent des contribuables.

Si elle ne se dévoile pas, c'est parce que sa pensée est fausse, mensongère, qu'elle le sait. Son objectif n'est pas la vérité, encore moins la compassion, la générosité. Non, ce qu'elle veut, c'est des voix aux prochaines élections. Et pour cela, il lui faut flatter ce qu'il y a de plus bas dans la nature humaine : l'indifférence envers tout ce qui ne nous concerne pas directement, tout ce qui ne règle pas nos problèmes quotidiens ni ne satisfait nos intérêts personnels. Le message subliminal de Marine Le Pen, c'est que des otages loin de chez nous, elle s'en fout ! Et elle dit aux Français, qu'elle prend à témoin : vous avez raison de vous en foutre, ne vous gênez pas, pensez à vous, rien qu'à vous ... et à moi, qui suis comme vous, en votant pour moi la prochaine fois. Est-ce que ça marche ? Hélas oui, auprès d'un certain nombre de nos concitoyens, dans un mélange de faiblesse, de bêtise et de méchanceté. Tirer les gens vers le bas est toujours plus facile, plus payant que les tirer vers le haut. Mais il ne faut pas non plus désespérer de la nature humaine : la majorité des Français sont heureusement hostiles au Front national.

Lutter contre le révisionnisme est difficile : l'honnêteté a du mal à vaincre la malhonnêteté. Pourtant, il ne faut pas céder. Les otages français ont souffert de leurs conditions de détention, de sa très longue durée ; ils ont été marqués par leurs ravisseurs, qui les ont soumis à des contraintes. Comment s'étonner de ce que leurs comportements ne soient pas ceux d'hommes ordinaires ? Les petites remarques salopes de Marine Le Pen sont d'une indécence totale. Je suis persuadé qu'au retour des déportés de camps de concentration, des esprits mal intentionnés et vicieux ont eu à l'époque des remarques similaires. Quant au débat sur la rançon, il est lui aussi d'une indécence totale : l'essentiel, c'est que les otages soient libérés, à prix d'argent ou non. Le gouvernement soutient qu'aucune somme n'a été versé : au nom de quoi devrais-je en douter ?

Il a existé autrefois en France une extrême droite qui avait une certain grandeur d'âme, une rigueur d'esprit, des qualités littéraires et artistiques : Maurice Barrès, Charles Maurras, Drieu La Rochelle. La violence de leurs idées, qu'évidemment je condamne, ne me prive pas de reconnaître leur talent et leur cohérence. Depuis la trahison de Vichy et le terrorisme de l'OAS, l'extrême droite a été complètement discréditée en matière de pensée. Celle d'aujourd'hui, représentée par la famille Le Pen, est d'une indigence intellectuelle et d'une bassesse morale consternantes, entraînant une partie de l'opinion dans leur dépravation. Tout homme de coeur et d'honneur, tout personne pour qui la dignité et l'honnêteté ont un sens ne peuvent pas voter Front national, s'interdisent d'adhérer aux insinuations et aux provocations de Marine Le Pen, tant cette femme est infecte, dans sa psychologie et son idéologie.

mercredi 30 octobre 2013

La dernière tentation de JR



Dans un journal, je lis tout. Les brèves, par exemple, nous apprennent des choses étonnantes. Samedi, les "Echos de campagne" du Courrier picard m'interpellent par ce titre : "Le PRG fait de la retape dans le Saint-Quentinois". Le délégué de circonscription des radicaux de gauche est désigné : c'est Jean-René Boutreux. René ? Non, Robert, sauf s'il existe un autre Boutreux portant ce prénom, mais je ne crois pas.

JR, comme il nous arrive de l'appeler, bien qu'il ne porte pas le Stetson blanc de l'affreux Ewing (ni ne lui ressemble au moral), est un personnage public depuis longtemps connu à Saint-Quentin et alentours. Pas en rad soc laïquard, mais en écolo modéré, tendance Génération écologie, dont il est membre du bureau national et délégué régional de Picardie. Jean-Robert Boutreux est par ailleurs maire-adjoint à Levergies et responsable de l'association Vie pays environnement. Dernièrement, il s'est impliqué dans le lancement d'un SEL (Système d'échanges locaux). Quand on est un élu, un politique et un associatif, engagé localement depuis au moins une vingtaine d'années, on est forcément quelqu'un qui compte.

Mais quel rapport entre l'écolo et les radicaux (de gauche) ? C'est là où ça se complique un peu. Commençons par le PRG, ex Radical, ex PRS (parti radical socialiste), ex MRG (mouvement des radicaux de gauche). Je me sens assez proche de ce courant, cousin du PS, mais spécifiquement républicain, réformiste et laïque. J'ai souvent regretté qu'il ne soit pas représenté à Saint-Quentin. Petit retour dans le proche passé : après la défaite de la gauche aux élections municipales de 1995, les radicaux se sentent orphelins (à l'époque, en tant que secrétaire de section socialiste, je les avais rencontrés). Au lieu de rallier Odette Grzegrzulka aux municipales suivantes, en 2001, ils choisissent de rejoindre le maire UMP Pierre André ! Ainsi, Dominique Bouvier, Jean Dufour, Michel Aubin deviennent conseillers municipaux, et leur chef de file Alain Peyronie, maire-adjoint.

A la suite de ces défections, le PRG est animé, au début des années 2000, par un jeune homme sympathique, Florent Michelot. En 2008, un nouveau responsable radical de gauche, Stéphane Fabris, membre du bureau fédéral, refuse de rejoindre la liste de gauche-extrême gauche, pour les raisons qu'on devine et qui sont les miennes. Depuis, une nouvelle tête, mais jamais vue, s'est imposée chez les radicaux de gauche saint-quentinois : Halima Kebaïli, responsable du très discret Cercle Pierre-Mendès-France. Bref, un parti largement absent de la scène locale depuis une douzaine d'années, des représentants qui changent régulièrement, aucun élu ... et pas de Boutreux ! Comme je ne crois pas au lapin qui sort du chapeau, il faut trouver une explication, et remonter cette fois dans l'histoire de JR et de GE.

En 1991, Brice Lalonde est l'écologiste à la mode, fringant ministre de François Mitterrand, leader du mouvement Génération écologie à une époque où les Verts ne sont pas encore la force politique qu'on connait aujourd'hui. Brice vient dans l'Aisne, par Château-Thierry, pour recruter et s'implanter. Aux élections cantonales de 1992, GE a son candidat sur Saint-Quentin nord, un bon profil, le directeur du Centre social Europe (situé dans le canton) : Jean-Robert Boutreux ! En 1993, la gauche perd les élections législatives et donc le pouvoir. A partir de cette date, Brice Lalonde, initialement libéral libertaire, devient de plus en plus libéral et de moins en moins libertaire : concrètement, il s'éloigne de la gauche et se rapproche de la droite, jusqu'à appeler à voter Chirac aux présidentielles de 1995.

Dans l'Aisne et à Saint-Quentin, Génération écologie continue de prospérer. Le mouvement a quatre élus au Conseil régional de Picardie, présidé par l'UMP (alors RPR) Charles Baur. GE joue dans l'assemblée régionale un rôle charnière, permettant à la droite d'avoir la majorité qui lui manque. C'est une force d'appoint, dont les votes sont à géométrie variable (ce sera le rôle dévolu au FN après les élections régionales de 1998, Baur s'alliant alors à l'extrême droite). A Saint-Quentin, aux élections législatives de 1997, Génération écologie présente une candidate que Jean-Robert connaît bien : Agnès Boutreux-Potel, qui au second tour appelle à voter Charles Baur, confirmant ainsi la droitisation du mouvement. C'est finalement la socialiste Odette Grzegrzulka qui l'emportera. Mais Agnès Boutreux-Potel, jusqu'à aujourd'hui, sera adjointe dans l'équipe municipale UMP et alliés.

Dans ces années 2000, un étrange personnage va faire son apparition dans la vie politique saint-quentinoise, plusieurs fois candidat sous l'étiquette GE, y compris sur une liste européenne : Daniel Wargnier, poète à ses heures, lieutenant en quelque sorte de JR, qui choisit de rester au second plan, même si ses incursions en politique et ses apparitions médiatiques sont régulières : la dernière en date, une réunion sur et contre le cumul des mandats, il y a un an. Et les radicaux de gauche dans tout ça, quel rapport avec notre écolo ? Eh bien, Génération écologie, née à gauche, puis déportée vers la droite, s'est enfin rapprochée de la gauche au début des années 2010, en signant des accords statutaires avec le PRG (nous y voilà !).

Au fond, je crois que Jean-Robert Boutreux n'a jamais cessé d'avoir en lui une culture de gauche, modérée, rocardienne, même si, au sein de GE, il s'est plié à des orientations qui n'allaient pas tout à fait dans ce sens-là. Mais cet homme de convictions et de réflexions est-il vraiment à l'aise dans un rôle de leader ? Je n'en suis pas certain. Sa nature le pousse au compromis, il se sent peut-être mieux dans la peau d'un conseiller actif que d'un militant qui partirait à l'assaut de la forteresse UMP. Mais qui sait ? Car s'il réorganise le PRG dans le Saint-Quentinois, ce n'est pas pour des prunes : ce parti, en vertu de son alliance avec le PS, aura forcément au moins une place éligible sur la liste de gauche aux prochaines élections municipales. JR en éprouverait-il la tentation ? Alors, il retrouverait probablement dans le nouveau Conseil municipal une ancienne militant de GE, Agnès Potel, mais cette fois-ci dans le camp adverse. La politique joue parfois de drôle de tour, dans cet univers impitoyable qui n'est tout de même pas celui de "Dallas".

mardi 29 octobre 2013

Plus que jamais



On ne va pas se mentir : la gauche traverse une passe très difficile. La popularité du président est au plus bas, le gouvernement n'est pas toujours uni, la majorité parlementaire est traversée de soubresauts, le parti socialiste fait parfois cavalier seul, une partie de la gauche est mécontente, les médias sont critiques, les lycéens descendent dans la rue et la Bretagne se révolte. Dans ces conditions, les élections municipales s'annoncent périlleuses.

Quand on est comme moi de gauche depuis toujours et adhérent du parti socialiste depuis vingt ans, on fait quoi, on réagit comment ? C'est très simple : on reste fidèle à ses convictions, on demeure cohérent avec ses choix, on soutient plus que jamais le président, le Premier ministre, le gouvernement et sa politique. Il y aurait quelque chose d'inconvenant, d'indécent à virer de bord, à prendre ses distances, à se montrer critique. Au contraire, la valeur d'un militant est comme celle d'un marin : c'est lorsque se lève la tempête qu'on mesure la persévérance, le courage et la force de caractère des individus. Quand tout va bien, il n'y a aucun mérite à soutenir un gouvernement. Et puis, s'éloigner, critiquer, même pour de bonnes raisons, ne feraient qu'aggraver la situation de la gauche et du pouvoir, ce dont nous n'avons évidemment pas besoin.

Il faut croire que tout socialiste ne pense pas comme moi, puisque la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, animatrice de l'un des courants de l'aile gauche du PS, s'est exprimée publiquement aujourd'hui pour demander "un changement de cap et d'équipe" (rien que ça !) et, tenez-vous bien, un "Grenelle des forces de gauche" afin de "recréer une majorité" qui inclurait le Front de gauche. En bon soldat, je vais répondre point par point à ce franc-tireur qui, en réalité, canarde son propre camp :

1- "Changer de cap" ? Non, changer de cap, c'est-à-dire, ne jouons pas sur les mots, changer de politique, ce serait se dédire et se contredire, trahir la ligne politique que la majorité des Français ont validé en 2012. Car François Hollande, qu'on soit d'accord avec lui ou pas c'est autre chose, a tenu ses engagements, même s'il en reste encore beaucoup à accomplir, mais le quinquennat n'est pas fini. Le travail réalisé est déjà conséquent, même si les résultats viendront progressivement. "Changer de cap", ce ne serait pas sérieux, ce serait compromettre aux yeux des Français notre crédibilité. Mais j'ai une explication à la demande de Marie-Noëlle lienemann : en éternelle mécontente, je crois que ma camarade n'était déjà pas d'accord avec le cap social-démocrate pris par le parti dans le cadre de la candidature de François Hollande. Elle suggère au gouvernement de "changer de cap" : pour simplifier les choses, je lui suggère de changer de parti.

2- "Changer d'équipe" ? C'est-à-dire, là aussi soyons clairs, procéder à un remaniement ministériel. A cinq mois des élections municipales ? Ce serait une aberration, une pure folie, une imprudence majeure. D'ailleurs, dans l'histoire de la Ve République, on ne l'a jamais vu faire. Après une élection intermédiaire, oui, pourquoi pas : c'est alors le suffrage universel qui commande. Mais avant, non, surtout pas. Marie-Noëlle se laisse impressionner par les sondages et les mécontentements de rue ? Pas moi. Ou alors, j'ai une autre explication à son extravagante proposition : cette nouvelle équipe qu'elle appelle de ses voeux, ne songerait-elle pas à en faire partie ? Ok, il y a de la malice dans mon hypothèse. Mais ce ne serait pas non plus la première fois qu'on verrait ce genre d'intention.

3- Un "Grenelle des forces de gauche" ? J'en tombe sur le cul ! A chaque fois qu'un politique n'a rien à dire, il nous sort le coup du Grenelle de quelque chose. Les accords de Grenelle, c'était en mai 68 des négociations entre le gouvernement, les syndicats et les patrons : je ne vois pas le rapport avec aujourd'hui un rapprochement des partis de gauche ! Lienemann, par une analogie inappropriée, est complètement à côté de la plaque. Elle souhaite que la majorité s'ouvre au Front de gauche, à travers "un nouveau pacte". C'est bien gentil, mais la sénatrice a-t-elle écouté, depuis des mois et des mois, les propos de Jean-Luc Mélenchon, qui pense et dit pis que pendre de la politique du gouvernement ? Alors, un peu de sérieux avant de dire n'importe quoi ...

Il ne faut changer ni de cap, ni d'équipe, ni de majorité parlementaire : il faut tenir bon, défendre la politique du gouvernement et se projeter dans l'avenir. Plus que jamais, être socialiste et fidèle à ses engagements. Pour le reste, c'est le peuple qui jugera.

lundi 28 octobre 2013

On est en République !



Hier, dans sa rubrique Décryptage, le Courrier picard revenait sur l'accident de Julien Dive et les réactions qu'il a suscitées, pour déplorer les attaques dont le journal a été la victime : pour beaucoup de Jeunes Populaires ou sympathisants, la presse n'aurait pas dû évoquer ce fait divers. Les commentaires sont parfois violents, injurieux. Pourtant, Dive est un personnage public : à ce titre, il n'était pas anormal, encore moins scandaleux que les journaux locaux informent leurs lecteurs.

J'ai souvent remarqué que pas mal de militants politiques font des pieds et des mains pour être dans la presse, avec photo s'il vous plaît, à condition que les articles aillent exclusivement dans leur sens, sinon leur tressent des lauriers. Drôle de comportement pour des démocrates en démocratie ! De droite ou de gauche, ils ont une conception très soviétique de l'information et une piètre idée de la liberté d'expression. Des cours d'instruction civique s'imposent !

Imaginez un peu ces militants, quelle que soit leur couleur politique, occupant un jour, d'une façon ou d'une autre, le pouvoir, exerçant des responsabilités : il y aurait de quoi s'inquiéter ! Ils ne se gêneraient sans doute pas pour pratiquer la censure, contrôler les journaux, imposer leurs papiers. J'exagère ? Non, je prolonge des comportements réels, actuels, jusqu'à leurs conséquences logiques. Heureusement que la République est solide et qu'elle ne permettra jamais ces dérives.

Autre attitude préoccupante et liberticide : la menace du recours aux tribunaux. Là encore, quand on est un homme public et qu'on fait de la politique, on doit accepter la critique, même sous sa forme la plus vive, à charge de riposter. C'est ce qu'on appelle le débat démocratique, qui est forcément rude (ce n'est pas, tant mieux d'ailleurs, une aimable conversation de salon mondain !). Certains ne l'acceptent pas, ne l'entendent pas ainsi. A la suite de mon billet "Le retour des Pieds Nickelés", j'ai eu droit, par téléphone et par écrit, aux menaces de Stéphane Monnoyer et José Ribeiro, assorties d'un ultimatum : soit j'efface le billet, soit c'est le procès pour diffamation. Je m'en moque bien sûr comme de mon premier slip. Mais la mentalité qui se dévoile à cette occasion à de quoi nous interroger !

Ce n'est pas nouveau : Daniel Wargnier, de Génération Ecologie, m'avait déjà menacé d'un procès parce que je l'avais un peu bousculé dans un chapitre pourtant jamais paru de mon livre "Les Saint-Quentinois sont formidables". Lui aussi voulait jouer du ciseau et bâillonner la liberté d'expression. Cet été, l'initiateur d'un apéro géant via Facebook (d'ailleurs raté), dont la presse locale avait abondamment parlé en son temps, m'a intimé par lettre recommandée de retirer les billets le concernant (alors que je n'avais fait que reprendre les informations dans les journaux, agrémentées bien sûr par mes commentaires acidulés). A nouveau, le monsieur a brandi la menace du tribunal.

Je ne suis pas le seul à être visé par ces réactions antidémocratiques. Lorsque Pascal Cordier annonce qu'il va porter plainte contre Olivier Tournay, conseiller municipal d'opposition (PCF) parce que celui-ci s'interroge sur le fonctionnement de sa société et émet des critiques, il n'a pas un comportement républicain. Tournay, qu'on soit d'accord ou non avec ses analyses et ses reproches, joue librement son rôle d'élu au sein d'un Conseil municipal. Cordier a la possibilité de répondre s'il le souhaite. Mais pourquoi évoquer spontanément le recours juridique ?

Evidemment, Wargnier, Cordier, Monnoyer, Ribeiro et d'autres ne sont jamais passés aux actes. De pures menaces sans suite, puisqu'elles sont juridiquement infondées. Il n'empêche que leur méthode est détestable. D'autres ne se privent pas d'attaquer devant les tribunaux, pour faire peur (le Front national est expert en la matière, mais comme ce n'est pas un parti républicain, ce n'est guère étonnant). La campagne des élections municipales ne fait que commencer, nous ne sommes pas au bout de nos peines ! En ce qui me concerne, je ne renoncerai jamais à ma liberté, je ne me soumettrai pas au bon ton, à la prétendue bienséance, au politiquement correct. Liberté de la presse et liberté d'expression sont des piliers de la démocratie. Quand quelqu'un veut interdire une façon de parler, un mode vestimentaire ou une opinion personnelle, le bon sens populaire lui rétorque, sans autre justification : on est en République ! Oui, moi aussi je veux aujourd'hui le rappeler à tous mes censeurs : on est en République !

dimanche 27 octobre 2013

Raconter la guerre



Le troisième et dernier café philo de l'année à la Caverne du Dragon-Musée du Chemin des Dames a eu lieu cet après-midi, devant un public nombreux et participatif, parmi lequel la directrice de l'établissement, Anne Bellouin (vignette 1). Le thème en était : Peut-on raconter la guerre ? La séance a été précédée d'une visite commentée de l'exposition "Carnet de guerre d'un poilu, roman graphique de Barroux" (accessible jusqu'au 16 décembre 2013). Emmanuelle Liénard, guide-documentaliste, nous a magnifiquement accompagnés, en présence d'Anaëlle Viard-Crétat, l'une des responsables du site (vignette 2, Emmanuelle au premier plan et Anaëlle en arrière-fond).

Raconter la guerre, c'est souvent raconter sa guerre, surtout pour l'ancien combattant, avec sa part de subjectivité. Mais la guerre est-elle franchement racontable ? Et son récit ne produit-il pas aussi des racontars dont il faut se méfier ? Beaucoup d'intervenants ont convenu que la guerre ne pouvait être laissée au seul historien. Dans sa narration, il se passe quelque chose de l'ordre de la transmission, du lien entre les générations : ce sont les anciens qui parlent de leur guerre aux plus jeunes. La guerre, c'est une histoire de famille, quand plusieurs de ses membres combattent, en sont les victimes, et pas seulement le drame d'une nation. Raconter la guerre, c'est une entreprise littéraire, des images fortes, des passions enthousiasmantes ou douloureuses : raconter la paix, c'est beaucoup moins intéressant ! Enfin, raconter la guerre et ses horreurs, c'est peut-être la meilleure façon pour qu'elles ne se reproduisent pas, ce qui est le souhait de tous.

Dans café philo, il y a philo mais aussi café. C'est pourquoi, à la fin des débats, en compagnie d'Emmanuelle et de Thibaut Dufour, notre barman, nous nous sommes rendus derrière le zinc ! (vignette 3) L'an prochain, le café philo à la Caverne du Dragon se poursuivra, avec un éclat particulier puisque nous entrerons dans la célébration du centenaire de la Grande Guerre. Les dates prévisionnelles sont les suivantes : 16 mars, 13 avril, 11 mai, 21 septembre, 16 novembre 2014. Les thèmes ne sont pas encore arrêtés. La séance de novembre sera décentralisée à Soissons, Laon ou Saint-Quentin. Mais nous aurons d'ici-là l'occasion d'en reparler.

samedi 26 octobre 2013

Le carpe diem de M. Ryo



Ce matin, en lisant L'Aisne Nouvelle, on pouvait croire assister à un grand événement politique : les deux pleines pages consacrées en début de journal à Monique Ryo, première adjointe de Xavier Bertrand à Saint-Quentin, laissaient pressentir une annonce, celle de sa candidature à la tête de liste aux élections municipales, le maire sortant étant frappé par la loi sur le non cumul des mandats, puisque député. Mais non, rien de tout ça. Monique Ryo commet même un lapsus, au détour d'une phrase : "Xavier Bertrand sera la tête de liste pour la droite républicaine". Jusqu'à présent, XB ne répondait pas à la question, préservant le suspense, quoique sa candidature était assez couru. Maintenant c'est fait, on le sait : ce sera bien lui le candidat de la droite et du centre.

Pourquoi Monique Ryo n'a-t-elle pas cette ambition basique en politique, qui consiste à vouloir être légitimement le premier, le chef, la tête ? Ce n'est pas pour contrarier son actuel patron, mais c'est parce qu'elle est philosophe, et que philosophie et politique ne vont guère ensemble, c'est bien connu. Ryo n'est pas philosophe contemporaine ou philosophe des Lumières : non, elle est philosophe de l'Antiquité, de l'école d'Epicure, adepte du carpe diem. A la question de savoir si elle pourrait, en cas de démission de Xavier Bertrand en cours de mandat, prendre sa place, elle répond : "Moi, je ne fais pas la course. Chaque chose en son temps (...) J'aime bien vivre le moment présent, alors je laisse le temps au temps, on verra bien ce qui se passera. Ce n'est pas mon style de courir après les choses. Restons ancrés dans le présent".

C'est de l'Epicure tout craché, je vous dis, foi de connaisseur ! Le philosophe du plaisir donnait cette recommandation à ses disciples : "Pour vivre heureux, vivons cachés". Monique Ryo, pourtant femme politique, donc exposée, applique à la lettre la sentence, en la reformulant à sa façon : "Je suis quelqu'un de discret. C'est vrai que je n'aime pas être en première ligne". Cependant, Monique n'est pas une épicurienne intégrale, elle ne rejette pas absolument la perspective de devenir un jour maire de Saint-Quentin. Epicure, à sa place, aurait dit catégoriquement non. Ah politique, quand tu nous tiens ...

Et puisqu'il faut revenir à la politique, celle de Monique Ryo est modérée, centriste, sans aucune animosité idéologique envers la gauche. Finalement, elle est de centre droit comme je suis de centre gauche, et ça me plaît bien. Par exemple, je note entre nous un point d'accord, sur la réforme du scrutin départemental et l'introduction de la parité : "Je me rends compte que c'est quand même bien d'avoir un peu forcé la main par la loi". Bravo !

Evidemment, il y a des désaccords entre nous, sinon elle ne serait pas à l'UDI et je ne serai pas au PS. Sur la réforme des rythmes scolaires : "On a rallongé le temps scolaire alors qu'on veut alléger la journée". Non madame, le temps scolaire n'a pas été rallongé, il est exactement le même, pas une heure de plus. Mais il a été mieux réparti dans la semaine, comme tout le monde, enseignants, parents, spécialistes, politiques, le demandait il n'y a pas si longtemps. La conséquence, appréciable, c'est que la journée de l'enfant est allégée. L'ancienne institutrice qu'est Monique Ryo devrait normalement approuver.

Autre point de désaccord entre elle et moi : son analyse du vote FN. "Le vote FN est un vote de désespérance. Ce n'est pas du tout un vote d'adhésion". Si madame, c'est un vote d'adhésion, et j'en suis aussi désolé que vous. La désespérance ne se mesure pas dans les urnes. Tout vote, FN, UMP, PS, PCF, extrême gauche, contient probablement sa part de désespérance. Je ne vois pas pourquoi ce serait le privilège du FN, pourquoi il faudrait lui faire cet honneur exorbitant de représenter les désespérés de France. D'autant que son électorat est aussi composé de couches sociales traditionnellement d'extrême droite, et pas particulièrement frappées par la désespérance.

Et puis, en démocratie, il faut partir du principe très simple, de bon sens, que voter c'est exprimer son adhésion à certaines idées. Si Monique Ryo est centriste, c'est qu'elle adhère à des idées de droite modérée ; si je suis social-démocrate, c'est que j'adhère à des idées de gauche modérée. Les électeurs du FN adhèrent eux aussi, à leur façon, à des idées, hélas vieilles comme le monde : la xénophobie, le nationalisme, l'autorité. Si c'était la désespérance qui les animait, ils pourraient tout aussi bien, et encore mieux voter extrême gauche. Ces électeurs-là ne le font pas, parce qu'en leur fond, ils sont xénophobes, au sens propre du terme : ils ont des appréhensions, des récriminations envers les étrangers. A nous, centristes, socialistes et tous les républicains, de les convaincre qu'ils font fausse route en votant Marine Le Pen. Mais ne les dédouanons pas de leurs responsabilités : un citoyen est responsable de son vote, la désespérance n'est pas une excuse, c'est un prétexte.

"Monique Ryo sort de l'ombre", titrait ce matin à la une L'Aisne Nouvelle. Mais on ne vit pas dans l'ombre quand on est n°2 d'une équipe municipale. Dans le clair obscur, à la limite. Monique Ryo est épicurienne et Fille de la Lumière.

vendredi 25 octobre 2013

Rumeur, tumeur



"Moi, monsieur, je suis ancien combattant, patron de bistrot et militant socialiste ; c'est vous dire si dans ma vie, j'en ai entendu des conneries !" Cette formule savoureuse et profondément philosophique est tirée des dialogues du film Un idiot à Paris, signés Michel Audiard. Oui, nous pouvons tous je crois l'attester : des conneries, qu'est-ce qu'on peut en entendre autour de soi, même quand on n'est pas ancien combattant, patron de bistrot ou militant socialiste !

D'ailleurs, les conneries sont statistiquement plus nombreuses que les cons, puisque même les personnes intelligentes n'hésitent pas à les faire circuler. Si encore ces conneries étaient gentilles, sympa, inoffensives ... Mais elles sont souvent méchantes, parfois cruelles, toujours vicieuses. Par exemple cette sale rumeur qui frappe Saint-Quentin comme d'autres villes, prétendant que la Municipalité logerait chez nous des habitants de Seine-Saint-Denis (voir L'Aisne Nouvelle de samedi dernier). Le motif raciste, à l'origine de la rumeur, est évident.

Les rumeurs plus ou moins malveillantes ont toujours existé. Quelques-unes, saint-quentinoises de ces vingt dernières années, me sont revenues à l'esprit :

Parmi les rumeurs politiques, il y a celle annonçant Xavier Bertrand candidat à la mairie de Reims. On se demande bien pourquoi, ayant de solides assises à Saint-Quentin, il irait se présenter à 100 km de là ! Le seul lien avec cette ville est d'y avoir fait ses études et d'être né non loin, à Châlons-en-Champagne. Mais ce ne sont pas des raisons politiques suffisantes ! L'intention cachée de la rumeur, c'est de prétendre que Xavier Bertrand ne s'intéresserait pas à sa ville d'adoption. Odette Grzegrzulka a elle aussi été victime de rumeurs, touchant sa vie privée. Les accusations étaient plus graves, plus blessantes, avec l'objectif de soi-disant prouver son incapacité personnelle à devenir maire de Saint-Quentin. Toutes ces rumeurs, à la fois involontaires et entretenues, sont détestables.

Il y a des rumeurs plus bénignes, mais néanmoins mensongères. Dans le style l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours, un militant de gauche, en pleine élection municipale de 2001, m'annonce qu'il connait quelqu'un qui a vu dans les bureaux de la Municipalité des cartons se remplir, en prévision de la défaite. Quelques semaines plus tard, Pierre André remportait une victoire historique, avec un score de 71% ! Mon camarade avait pris ses désirs pour des réalités, comme c'est souvent le cas dans le mécanisme de la rumeur.

A la même époque, il se disait, un journaliste de L'Union me l'avait confirmé, que la députée Odette Grzegrzulka m'avait fait venir de Paris pour que je prenne la tête de la section socialiste locale. Tout faux ! Je ne connaissais pas Odette et j'ai aménagé à Saint-Quentin à la suite d'une séparation. Mais ce qui donnait de la crédibilité à la rumeur, c'est que quelques mois seulement après mon arrivée, je suis effectivement devenu secrétaire de section. La rumeur, inintelligente, se fie aux apparences et ne va pas chercher plus loin. Elle prend des coïncidences pour des causalités.

Sous la Municipalité communiste, du temps de Le Meur, deux rumeurs connexes se sont propagées. L'une affirmait, à la suite du démontage du monument de 1557 et de la zone piétonne sur la place de l'Hôtel de Ville, que les nombreux pigeons qui peuplaient l'endroit avaient été déplacés ou exterminés. L'autre soutenait que les pièces du monument historique avaient été perdues dans le déménagement, rendant impossible sa reconstruction.

Mais les rumeurs à mes yeux les plus intéressantes à étudier sont les rumeurs que je qualifierais de sociétales. A Saint-Quentin, l'ancienne prison longtemps vide a fait s'interroger (la rumeur est animée par une curiosité malsaine), avec une réponse plusieurs fois entendue : l'emplacement va servir à l'édification d'une mosquée, façon d'exprimer sa peur du musulman et son souhait de le voir en prison ! Moins malveillante mais tout aussi signifiante, la rumeur sur le cimetière militaire de la ZAC La Vallée : si les tombes sont aussi serrées (surtout quand on les aperçoit de loin, à partir de la route), c'est parce qu'il n'y a personne dedans, c'est parce que les croix sont purement symboliques. Etrange rumeur, qui veut simplement traduire l'incompréhension et le refus d'une telle hécatombe, celle de 14-18.

Une rumeur naît quelque part, se répand, se développe, se transforme, finit souvent par mourir, quand ses ressorts, ses causes disparaissent. A Saint-Quentin, le café Le Carillon, honorable établissement par ailleurs, est le vecteur de nombreuses rumeurs, surtout politiques, souvent des micro-rumeurs assez éphémères. Le lieu s'y prête pour plusieurs raisons : il est central, il s'y croise une faune singulière qu'on ne retrouve pas forcément ailleurs, un mélange de militants, de journalistes et de personnalités locales. La fréquentation est importante, notamment le samedi matin, les tables sont très rapprochées, les oreilles indiscrètes sont tout à leur bonheur. C'est pourquoi les gens sérieux et avertis savent que c'est le dernier endroit où il faut aller si l'on tient à garder ses secrets. Mais les récepteurs ou les diffuseurs de rumeurs (ce sont souvent les mêmes) s'en donnent à coeur joie, certains que leurs propos vont prospérer dans ce bouillon de culture et essaimer alentour, comme le feraient des bacilles.

Autant j'apprécie d'étudier l'origine, le sens et le parcours d'une rumeur, autant je la méprise : analyser la vie des cafards ne suppose pas de les aimer. Quand quelqu'un ouvre la bouche pour médire (puisque la rumeur est souvent une médisance), je lui demande poliment de la fermer, particulièrement en matière politique. Car la rumeur, c'est la tumeur de la démocratie.

jeudi 24 octobre 2013

Salut les copains




Hier soir, café philo dans un lieu inhabituel, très beau mais pas forcément très pratique pour ce genre de manifestation : le théâtre du Familistère de Guise. Les rangs d'oignons ne favorisent pas les échanges et la circulation du micro n'est pas évidente (vignette 3). Mais tout s'est fort bien passé, magie du lieu oblige !

Le sujet du jour : l'amitié. Lise Rauscher, présidente de l'association organisatrice l'Entente du Gué de l'Oise, a ouvert la rencontre (vignette 1), suivie par ma présentation du thème et les questions qu'il pose (vignette 2). Nous avons passé en revue les principales références à l'amitié : le meilleur ami, l'ami d'enfance, l'ami qui vous veut du bien, le copain de régiment, touche pas à mon pote, la chambre d'amis, le conseil d'ami, etc.

J'en ai tiré la réflexion personnelle suivante : l'amitié est un sentiment aujourd'hui largement dénaturé. On est très loin de la relation exclusive et passionnée entre Montaigne et La Boëtie, ou bien de la philia grecque qui liait les philosophes de l'Antiquité. Dans notre société, il suffit souvent de discuter dix minutes avec quelqu'un pour prétendre s'être fait un ami. Avec Facebook, le ridicule a atteint des sommets, puisqu'on peut avoir des milliers d'amis, qui sont autant de faux amis. Même à gauche, on oublie parfois que "c'est un joli nom, camarade" (Jean Ferrat), on se met à parler des copains.

Un beau sentiment, l'amitié ? Oui, mais contestable aussi, si l'on en croit Rivarol, confirmé par le vécu de chacun, à plusieurs reprises : "Dans chaque ami, il y a la moitié d'un traître". La moitié seulement ? Rivarol est trop indulgent ...

mercredi 23 octobre 2013

Le retour des Pieds Nickelés



A Saint-Quentin, les Pieds Nickelés sont maintenant deux (moins Antonio Ribeiro), comme les trois mousquetaires d'Alexandre Dumas était quatre (plus d'Artagnan) : il y a Stéphane Monnoyer (Croquignol) et José Ribeiro (Filochard, le frère d'Antonio, alias Ribouldingue, rendu inéligible, comme il se doit quand on est Pied Nickelé et qu'on s'embrouille dans ses comptes de campagne). Les revoici, les revoilà, en fanfare, dans L'Aisne Nouvelle et le Courrier picard d'hier.

Depuis quelques mois, ils ne faisaient plus parler d'eux, tout attachés qu'ils étaient à constituer leur liste municipale bidon, simple prétexte pour se faire une place au soleil du PS. C'est comme dans les films d'épouvante : on croit que les monstres sont morts, qu'on les a tués, et puis brusquement ils se relèvent, ils ressuscitent pour vous sauter à la gorge. Heureusement, nos monstres locaux sont gentils, comme dans L'Ile aux Enfants.

Donc, Croquignol et Filochard veulent une place, éligible évidemment, sur la prochaine liste socialiste. Qui sont-ils pour émettre une telle exigence ? Rien du tout ! L'un et l'autre se représentent à peine eux-mêmes. A quelle formation politique appartiennent-ils ? Strictement aucune. Quel est leur poids électoral ? Proche du néant. Ont-ils, hors de la politique, un engagement associatif, une influence locale qui justifieraient qu'ils figurent sur la liste de gauche ? Non, même en cherchant bien. Monnoyer a fondé il y a quelques années une association mort née. Il rédige un blog au rythme d'un billet tous les deux mois. On ne fait pas de la politique pour soi, par intermittence, mais parce qu'on est représentatif de quelque chose : c'est pourquoi, personnellement, j'ai renoncé aux élections municipales, après avoir recueilli cinq ridicules voix lors de la désignation interne de la tête de liste. Mais nos Pieds Nickelés ne se laissent pas arrêter par ça.

Le pire, quand on est de gauche, c'est de savoir que Monnoyer vient de la droite radicale (les villiéristes, le MPF, où il était le bras droit en ce temps-là d'Alexis Grandin) et que José Ribeiro était il n'y a pas si longtemps à Debout la République de Dupont-Aignan (lui aussi bras droit, mais de Freddy Grzeziczak). Bras droits ils ne le sont plus, mais bras cassés ça continue. Le pire du pire (car il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis), c'est que ces deux-là n'ont pas cessé de changer de convictions, à rendre jaloux les girouettes: Stéphane Monnoyer, après le MPF, est allé à l'UMP, puis au MoDem ; sa dernière chance, c'est le PS, avec une ultime session de rattrapage au PC et à l'extrême gauche ; José Ribeiro a commencé au MRC (mouvement républicain et citoyen, chevènementiste), avant de rejoindre Debout la République (une scission de l'UMP) et de le quitter pour nulle part. Des Pieds Nickelés, je vous dis !

Et puis, entre nous soit dit, un Ribeiro (Antonio) ça va, un deuxième (José) bonjour les dégâts ! La gauche s'est suffisamment ridiculisée il y a six ans en mettant sur sa liste un fantoche qui a tourné casaque à la première occasion pour rejoindre la droite. On ne va tout de même pas remettre les couverts. Stéphane Monnoyer, même Pierre André n'en a pas voulu sur sa liste en 2008. Croquignol et Filochard maire-adjoint ? Merci bien ! Des mousquetaires sur la liste oui, mais pas des Pieds Nickelés.

mardi 22 octobre 2013

Soutenir Manuel Valls



Il faut en finir très vite avec l'affaire Leonarda, à tout point de vue déplorable. Il faut tourner la page. Trois plaies de la société française, de n'importe quelle société moderne, ont été mises en évidence en la circonstance :

1- L'individualisation : on se focalise sur une situation particulière, très particulière, au détriment d'une vision globale du problème. C'est proprement anti-politique : l'action publique vise à l'intérêt général. Ce sont les administrations qui sont chargées des cas personnels, familiaux et techniques.

2- La sentimentalité : ce sont les émotions qui décident des prises de position, les sentiments sur l'instant, forcément subjectifs, arbitraires et très variables. On ne gouverne pas avec son coeur mais avec sa tête. Les arbitrages de l'Etat ne peuvent pas dépendre des réactions d'une jeune fille de 15 ans, aussi légitimes soient-elles.

3- La médiatisation : c'est le règne de l'image, le choc des photos, la répétition obsédante des reportages, la mise en scène universelle d'un malheur privé, la dramaturgie du direct. Le monde de la communication est ainsi, c'est celui d'aujourd'hui, on ne le changera pas, beaucoup y trouvent leur compte. Mais les politiques ne doivent pas se soumettre à cette logique pernicieuse pour les missions d'intérêt public qui sont les leurs.

A partir de là, je constate, dans la multitude des points de vue qui se sont exprimés sur cette affaire, qu'un seul a été cohérent, rigoureux et strictement républicain : c'est celui de Manuel Valls, qui a joué son rôle de ministre de l'Intérieur, en refusant de se laisser aller aux trois plaies que je viens d'évoquer. La vérité est de son côté, la tournure des événements, dont on pouvait au départ douter, lui a donné raison. L'expulsion s'est déroulée conformément aux règles et au droit, aucune faute policière n'a été commise. Cette famille a menti sur sa situation, le père a eu un comportement répréhensible, Leonarda a manipulé autant qu'elle a été manipulée, dans cette affaire où elle aura eu un statut de vedette. Je ne souhaite pas que cette famille revienne en France. D'autant qu'elle aura donné une mauvaise et fausse image du peuple rom, lui aussi victime médiatique de cette déplorable histoire.

Il n'y a pas de politique Valls, il n'y a qu'UNE seule politique, celle du gouvernement, qui est celle de Manuel Valls, que tout socialiste doit absolument soutenir (et peu importe ce que nous pouvons penser de la formulation de certains de ses propos, discutables). Cette politique à l'égard de l'immigration illégale est définie par des circulaires et des lois. Je la résumerai ainsi, à ma façon :

1- L'immigration clandestine est un phénomène mondial, compréhensible, qu'il n'est pas réaliste ni humain de vouloir ramener à zéro. Il faut donc intégrer à la société française, sur critères, dans la mesure de nos moyens, un certain nombre de ces immigrés illégaux. Toute incitation financière au départ a prouvé qu'elle était inopérante et coûteuse.

2- Les immigrés clandestins qui n'entrent pas dans ces critères (durée de présence sur le territoire, possibilité de travailler, scolarisation des enfants, etc) doivent être expulsés. C'est le cas de la famille de Leonarda.

3- La République doit rappeler ses principes : tous les modes de vie, sédentaires ou nomades, sont admis, pourvu que les lois soient respectées. A ce titre, le peuple rom est parfaitement intégrable en France.

A la politique que je viens de définir, qui est celle de Manuel Valls, du gouvernement et du parti socialiste, il y a une alternative, qu'il faut prendre très au sérieux tant elle serait gravissime pour notre pays : c'est le projet du Front national, qui consiste à expulser massivement TOUS les immigrés illégaux, à supprimer les aides aux plus pauvres, à réduire le nombre de naturalisations, à supprimer le droit républicain du sol au profit du sang. Marine Le Pen se garde bien de dire à quelles conditions ce projet serait applicable : un régime autoritaire, un Etat forcément policier, une logique de ghettoïsation et d'apartheid, une république ethnique et la réprobation de toutes les démocraties et sociétés civilisées. Si ce n'est pas du fascisme, ça y ressemble beaucoup. Voilà vers quoi nous irons, dès les prochaines municipales, si la gauche ne soutient pas fermement Manuel Valls.

lundi 21 octobre 2013

Erreur de jeunesse



Il y a trente ou quarante ans, personne n'en aurait parlé, ou bien seulement la rumeur, dont on sait qu'il faut se méfier. La presse n'en aurait probablement fait aucun gros titre, sinon peut-être une brève, quelques lignes anodines dans la rubrique des faits divers. L'opinion publique n'y aurait porté aucune attention, sauf de curiosité, et nulles conséquences politiques ne s'en seraient suivies. Je veux bien sûr parler de l'accident de voiture de Julien Dive, jeune responsable UMP et conseiller municipal d'Itancourt, dans la nuit de vendredi à samedi, à Saint-Quentin, contrôlé ensuite positif.

Les temps ont changé, en bien ou en mal, chacun jugera. Aujourd'hui, vie publique et vie privée se mêlent, la médiatisation des hommes publics est permanente, jusque dans des événements de l'existence personnelle qui autrefois n'en sortaient pas. Influencée par la démocratie américaine, notre société est devenue beaucoup plus exigeante en matière de comportements individuels de ses responsables politiques, versant parfois dans le puritanisme. A bien des égards, la morale est maintenant supérieure à la politique, et l'image qu'on donne de soi l'emporte sur l'action qu'on mène.

Il y a quelques années, c'est Jean-Luc Tournay, alors secrétaire de la section communiste de Saint-Quentin et conseiller régional, qui avait été conduit en cellule de dégrisement, sans cependant avoir provoqué d'accident. Qui n'est pas menacé de tomber dans de telles erreurs ? Le taux d'alcoolémie légalement permis est rapidement dépassé, sans qu'on s'en rende compte. J'ai connu une époque, dans mon Berry natal, où il y avait une tolérance générale à l'égard de la consommation d'alcool, où le facteur acceptait volontiers, en hiver, le petit verre qu'on lui offrait (dans de multiples maisons !), où même les gendarmes avaient la réputation de boire, sans que la population en soit plus que ça choquée. Aujourd'hui, c'est terminé : les écarts ne sont plus acceptés, les erreurs sont considérées comme des fautes. Le personnage public n'a plus le choix, il doit faire attention et se contenter du jus d'orange dans les inaugurations.

Julien Dive a bien compris tout ça je crois, il a eu la bonne réaction, dans les 48 heures qui ont suivi l'accident : démissionner de ses mandats de responsable départemental des Jeunes Populaires et de secrétaire national de l'UMP. Je retiens deux expressions dans son commentaire sur sa page Facebook : "erreur de jeunesse", un terme familier qui porte plus facilement à pardonner, et "assumer", répété trois fois en quelques lignes. Oui, ce qu'on retiendra de cet accident spectaculaire mais pas si grave que ça, qui n'a entraîné que des pertes matérielles, qui aurait pu arriver à beaucoup d'entre nous, c'est que Julien a "assumé", qu'il en a tiré les conséquences qui s'imposaient. Je comprends les réactions de ses amis sur Facebook, qui regrettent majoritairement cette décision et souhaitent que Julien Dive se maintienne à ses postes de responsabilité. Comme quoi l'amitié est mauvaise conseillère en politique ! Les militants UMP devraient plutôt le féliciter d'avoir fait ce choix qui en réalité le sauve.

Et puis, Julien Dive n'en a pas fini avec la politique ! Il retrouvera vite des responsabilités, car ce qui lui est arrivé dans la nuit de vendredi à samedi sera vite oublié. C'est un militant exemplaire, très présent dans la vie locale, garçon sympathique, que j'avais salué pas plus tard que vendredi soir, lors de l'inauguration du 115 rue d'Isle, quelques heures avant le funeste accident. D'ailleurs, a-t-on besoin de titres pour faire de la politique ? Je suis persuadé que nous continuerons de voir Julien engagé, investi, comme si de rien n'était, comme s'il ne s'était rien passé, ce qui est encore la meilleure façon de répondre à la fatalité. Julien Dive est jeune, plein de talents et d'enthousiasme : il a tout l'avenir politique devant lui, qu'une voiture renversée ne compromettra pas.

L'accident en lui-même n'est pas grave, mais aurait pu, si les conséquences n'avaient pas seulement été matérielles : je crois que c'est surtout cela que Julien Dive doit méditer personnellement. Je veux terminer en me réjouissant que Julien en soit sorti indemne et qu'il n'y ait eu aucune victime. Ce fait divers ne changera évidemment rien à la campagne des municipales, et il va de soi que son exploitation politique, en public ou en privé, serait particulièrement détestable. L'avertissement est nécessaire, quand on sait à quel point l'action politique fait hélas parfois feu de tout bois.

dimanche 20 octobre 2013

Coup de com





Il y avait longtemps que j'avais le projet en tête : je l'ai réalisé mardi dernier, au Centre social Saint-Martin à Saint-Quentin, un module de formation sur la communication, à destination des bénévoles et responsables associatifs de l'Aisne. J'ai souvent remarqué que les associations ne savent pas très bien communiquer, ou pire, ont des préjugés sur (ou contre) la presse et les journalistes. Le but de la formation était donc d'informer et de conseiller, sachant que dans une société de communication, toute structure a impérativement besoin de communiquer sur elle-même et ses activités. J'ai voulu situer cette formation dans un cadre assez large, celui du CDOS (Comité Départemental Olympique et Sportif de l'Aisne) et des Fédérations d'Education Populaire de notre département, qui proposent 17 modules de formation (voir le lien à la fin de ce billet). J'avais à mes côtés une journaliste professionnelle.

Dans un premier temps, nous avons expliqué ce qu'est un journaliste. Aussi étrange que cela paraisse, beaucoup de gens méconnaissent ce métier, ses règles professionnelles, sa déontologie, jusqu'à employer parfois des termes très péjoratifs pour le qualifier : journaleux, scribouillard, pisse-copie ... Il est fréquent de rencontrer des personnes qui assimilent le journaliste à une sorte de greffier, chargé de faire des compte-rendus d'événements, de sténographier des propos de réunions. D'autres attendent du journaliste qu'il soit un faire-valoir, que son article soit quasiment un encart publicitaire. Finalement, bien que nous soyons en démocratie, toute une partie de l'opinion publique se fait une conception soviétique de la presse locale.

Nous nous sommes donc attachés à corriger cette image et la réalité : un journaliste est un professionnel de l'information, dont le métier est régi par une déontologie ; il est libre de ses sujets et de la façon de les traiter. Quand il y a problème entre les responsables associatifs et les journalistes, ce n'est pas parce que les journalistes font mal leur métier, mais parce que les associatifs (ne parlons même pas des politiques, où c'est souvent l'horreur, la cata !) ignorent ce métier et ne savent pas communiquer.

Il faut commencer par inverser le théorème de base : les journalistes ne sont pas au service des associations, ce sont les associations qui doivent se mettre au service des journalistes. D'où la nécessité pour elle d'intégrer quelques connaissances de base en la matière. Par exemple, on ne communique pas sur n'importe quel sujet : il faut avoir quelque chose de nouveau et d'important à dire (et pas simplement à répéter), il faut pour la presse locale une information locale (et pas nationale, aussi intéressante soit-elle). Autre exemple : quand un journaliste ne vient pas à un rendez-vous, inutile de le soupçonner, c'est qu'il aura été pris ailleurs, parce que l'actualité tombe sans prévenir (d'où la nécessité d'avoir son téléphone mobile ouvert à côté de soi).

J'ai tenu à dissiper un préjugé tenace : celui du journaliste copain, qui laisse croire qu'il suffit de copiner, tutoyer, offrir des pots pour avoir un papier favorable. J'ai connu cette manie détestable il y a une quinzaine d'année, en arrivant à Saint-Quentin. Les journalistes de l'ancienne génération pouvaient éventuellement, pour quelques-uns, y être sensibles. Mais les nouvelles générations, trentenaires, y sont totalement imperméables, parce que souvent beaucoup plus professionnelles que leurs aînés. Et c'est une bonne chose pour tout le monde, car le journaliste copain était largement un mythe, une illusion (de même qu'il n'y a pas de prof copain pour les élèves). Un responsable associatif ne doit pas choisir son journaliste, il doit les aborder tous à égalité, avec professionnalisme et sans volonté de copinage.

Deuxième volet de la formation, la pratique : comment composer une invitation à la presse ? Comment rédiger un communiqué ? Sur ce point, des associations se plaignent que leurs communiqués ne passent jamais ou sont tronqués : mais quand ils font plusieurs pages, c'est inévitable ! Comment organiser un point-presse ? A déconseiller : la salle de bar bruyante, canettes de bière sur la table, intervenants multiples, oreilles indiscrètes, intrus inopportuns. Comment répondre à une interview ? A ce niveau, c'est le must : plus besoin d'aller vers la presse, c'est la presse qui vient vers vous. Mais il faut éviter le second degré, l'humour mal placé (qui passe à l'oral, mais plus à l'écrit), les propos alambiqués. Le pire des comportements, l'anti-communication absolue, pourtant très répandue : ne pas répondre à l'appel d'un journaliste. Si on n'est pas obligé de tout lui dire, il faut avoir la courtoisie de le rappeler, et le plus rapidement possible (dans les deux ou trois heures qui suivent l'appel, à défaut dans la journée, mais pas plus tard).

Faut-il utiliser le off, c'est-à-dire des propos non destinés à être publiés mais dont le journaliste peut faire l'usage de son choix, pourvu que la source ne soit pas citée ? Les avis sont partagés, le mien est très tranché : non au off ! D'abord parce que c'est un sujet à confusion : à force de parler, on ne sait plus très bien ce qui relève du off et ce qui n'en relève pas. Surtout, le off est sujet à manipulation, sans vérification possible. Un homme public doit assumer tous ses propos, quels qu'ils soient, en quelque endroit que ce soit (ou alors il se tait). La communication n'est pas le lieu des messes basses ou des confidences.

Dernier sujet, sensible lui aussi : la photo dans le journal ! Elle génère beaucoup de fantasmes. Des gens me disent parfois : pourquoi on te voient tout le temps dans la presse ? Leur question est au fond accusatrice : je serais coupable du péché de narcissisme. C'est faux. D'abord, je ne suis pas "tout le temps" dans la presse, mais il suffit d'y passer régulièrement depuis plusieurs années pour donner l'impression qu'on couche dans les salles de rédaction ! Ensuite, c'est la décision des journalistes : on ne choisit pas d'avoir "sa" photo dans le journal. Mais quand on organise pas mal d'activités (en moyenne deux par semaine en ce qui me concerne), le relais médiatique est indispensable et inévitable. Là encore, par rapport à la photo, il faut réagir en professionnel, pas en moraliste ou en psychologique (ou alors, il ne faut pas faire le choix d'être un personnage public).

Même la photo se prépare, tout comme une conférence ou un communiqué de presse. Je vais pinailler, mais tant pis, c'est dans les détails qu'on juge de la qualité de ce qu'on fait. A proscrire : les pulls à losanges ou autres motifs décoratifs, qui ressortent dans le journal et vous donnent des allures d'arlequin ou de polichinelle. A enlever : les lunettes noires. Sur la page Facebook d'un candidat aux élections municipales, un homme et une femme se baladent devant l'Hôtel de Ville avec des yeux de mouche, qui font bad boy pour lui et frime de fille pour elle. Non, pas de lunettes teintées pour les photos, trop mauvais genre.

Il y a une dizaine d'années de cela, un conseiller municipal d'opposition pestait devant moi qu'on le "coupe" systématiquement sur les photos de groupe. Il y voyait une forme de censure à l'égard de son éminente personne. Dans ce genre de situation, je n'explique pas, je conseille : mets-toi au milieu du groupe, tu ne seras pas coupé ! Il n'y avait jamais pensé, mais je ne sais pas s'il l'a fait. Quoi qu'il en soit, il faut savoir qu'un lecteur retient surtout deux choses d'un article : le gros titre et la photo. On me dit rarement : on a lu ce que vous avez dit dans le journal, mais le plus souvent : on a vu votre photo dans le journal.

Je vous invite à participer, si le sujet de la communication associative et locale vous intéresse, à la deuxième session, qui aura lieu à Saint-Quentin le 03 décembre prochain, de 18h00 à 20h00, dans un lieu qui vous sera indiqué après inscription (le module reprendra, élargira et approfondira les thèmes seulement évoqués dans ce bille). L'inscription se fait en ligne, à l'adresse suivante : http://aisne.franceolympique.com , rubrique "formation des bénévoles". Cette formation est gratuite, le nombre de places par session est limité à douze.

Pour terminer, je vais vous livrer un secret, qui ne vous dispense pas de vous inscrire à ce module : la première des formations à la communication, c'est d'acheter, de lire et d'aimer la presse locale.

samedi 19 octobre 2013

Garand attaque perso



Dans les journaux locaux de ce matin, Aisne Nouvelle et Courrier picard, c'est la deuxième grande intervention médiatique de Michel Garand, tête de liste socialiste aux élections municipales, qui est relatée, dans le cadre d'une conférence de presse donnée hier au bar Le Carillon. La première avait eu lieu en juin, lors de la campagne interne de désignation du premier des socialistes. Il était entouré de son équipe, notamment Stéphane Andurand, son directeur de campagne, Jacques Héry, secrétaire de la section de Neuville-Saint-Amand, et Laurent Elie, secrétaire départemental du MRC (mouvement républicain et citoyen, chevénementiste).

Un début de campagne, c'est l'occasion de découvrir l'angle d'attaque du candidat. Les possibilités sont nombreuses : parler de soi, présenter son projet, critiquer le bilan de la Municipalité sortante. Michel Garand a choisi une autre approche : se fixer sur la personne et la fonction de Xavier Bertrand, à travers plusieurs reproches :

1- D'abord, le fait, selon Michel Garand, que l'actuel maire ne vive pas à Saint-Quentin mais à Paris. Ce qui le fait taxer par lui de "maire VSD" (du nom d'un magazine, Vendredi-Samedi-Dimanche, sous-entendant que Xavier Bertrand ne serait présent dans sa ville que ces jours-là), et même de "presque maire SDF".

2- Ensuite, et dans une veine identique, Michel Garand reproche à Xavier Bertrand ses ambitions présidentielles, qui là aussi se feraient au détriment de Saint-Quentin.

3- Enfin, les reproches se font plus ou moins psychologiques ou moraux : l'impolitesse du maire (qui ne dirait plus bonjour à Michel) et de ses adjoints (qui seraient victimes d' "intimidation" de la part du premier magistrat). Michel Garand corrobore ce sentiment par la mention d'un courrier "en recommandé" que lui a adressé Xavier Bertrand, et qui pourrait, si j'ai bien compris, les conduire jusque devant les tribunaux.

Cet angle d'attaque, en ce début de campagne, est-il le bon ? Il n'y a pas de préjugé ou d'a priori possibles en politique. Est bon ce qui réussi, c'est-à-dire ce qui entraîne l'adhésion des électeurs. Réponse en mars prochain.

vendredi 18 octobre 2013

Cohue au 115



On l'appelle déjà le "115", sans avoir besoin de préciser qu'il s'agit de la nouvelle galerie d'art, rue d'Isle, dont c'était ce soir l'inauguration, doublée d'un vernissage, celui de l'exposition de la photographe Emilie di Nunzio Joly. Grosse cohue dans la salle (vignette 1), où les artistes locaux étaient nombreux : Pomme et Luc Legrand, Michel Krakowski, Claude Renouvin, François-Xavier Dessirier, Annie Lalonde, Erika Jambor, Fabrice Leroy, beaucoup de responsables d'association et plusieurs élus locaux.

Le jardin qui prolonge la galerie offrait un havre de paix, avant d'être envahie pour la consommation du cocktail. Au moment où Emilie di Nunzio Joly a fait visiter ses oeuvres en les commentant, Jean-Claude Decroix, chef du protocole, a dû élever la voix pour faire taire les bavards et les bruits, qui sont l'apanage d'une foule. L'intérêt s'est surtout fixé sur les bijoux composés par la photographe, à partir des plans de la basilique, création très originale. Une annonce dans le discours de Xavier Bertrand : la possible installation de la billeterie de Saint-Jacques dans la rue d'Isle.

Je reviendrai dans la semaine qui vient, durée de l'exposition, tant un vernissage, surtout celui-là, n'est vraiment pas le moment idéal pour apprécier des oeuvres d'art. En attendant, j'ai demandé à l'artiste de poser devant la façade de la galerie. Mais j'avais oublié un détail : une photographe n'aime pas trop être photographiée ! Emilie di Nunzio Joly s'est tout de même pliée, de bonne grâce, à l'exercice (vignette 2). Merci.

Des socialistes atypiques



Si j'étais socialiste marseillais, pour qui voterais-je dimanche au second tour des primaires citoyennes pour désigner la tête de liste aux prochaines élections municipales ? La belle madame Ghali ou le bon monsieur Mennucci ? Je me tâte, j'hésite ... Heureusement que mon cas de figure est purement hypothétique ! Patrick Mennucci, c'est du sérieux et du solide ; mais Samia Ghali, c'est l'audace et le renouvellement. Entre les deux, mon coeur balance, avec tout de même une petite préférence, un faible pour Samia. Pourtant, je me méfie de celle qu'on appelle là-bas la panthère (voir mon billet de lundi, Légalité et honnêteté). Mais s'il fallait écarter en politique tous ceux dont on se méfie, on ne ferait plus de politique.

Qu'est-ce qui me plaît chez elle ? Elle ! C'est une socialiste atypique, quoique sénatrice. C'est moins sa position qui est atypique que son style, son langage, sa manière d'être. A la voir et à l'entendre, on ne devine pas qu'elle est socialiste. Samia Ghali est d'abord elle-même, fille d'immigrés, femme des quartiers populaires. Elle est sans doute populiste, mais au bon sens du terme : elle comprend et elle traduit les aspirations du peuple, et surtout elle parle comme lui. Ce qui nous change agréablement des technocrates ou des apparatchiks qui sont souvent, les uns et les autres, des robinets d'eau tiède, des moulins à prières électorales. Le problème des hommes politiques d'aujourd'hui, c'est qu'ils nous assomment de chiffres et de techniques, qui diluent complètement le message politique. Quand Ghali demande l'intervention de l'armée pour combattre la délinquance dans les quartiers chauds de Marseille, on peut être en désaccord, trouver le propos démago, stupide ou dangereux, mais tout le monde saisit ce qu'elle veut dire.

Que Samia Ghali ait battu au premier tour de la primaire une ministre et des élus beaucoup plus influents qu'elle au sein du parti est très instructif d'un changement de mentalités. Aujourd'hui, tout ce qui ressemble de près ou de loin à un notable suscite la méfiance et est vite dézingué. A tort ou à raison, Ghali se présente comme la candidate anti-système, et ça marche ! C'est ce qu'il faut retenir de cette consultation, dont l'issue est d'ailleurs incertaine : on sent dans l'électorat une forme de révolte contre les installés de la politique. Quand ce mouvement d'opinion profite à l'extrême droite, c'est dramatique. Mais quand des personnalités socialistes le canalisent et le récupèrent (au bon sens du terme), je m'en félicite. Je pense que c'est le cas avec Samia Ghali.

La candidature de Ségolène Royal aux élections présidentielles de 2007 a été un premier signe : c'est aussi une socialiste atypique, qui n'a pas été moulée par l'appareil, ce qui lui a valu quelques déboires pendant sa campagne. Dans un autre genre et à un autre niveau, la désignation hier soir à Amiens de Thierry Bonté comme tête de liste aux municipales est également la victoire d'un socialiste atypique, adhérent récent, ancien journaliste de télévision, pas du tout socialiste d'appareil. Battre d'abord Didier Cardon, puis René Anger, des socialistes de longue date, bien implantés, très soutenus, il fallait tout de même le faire !

Royal, Ghali, Bonté se distinguent des socialistes traditionnels par leur capacité à capter les médias. Ils n'ont pas non plus leur prudence de langage, leur sens du calcul, leur discrétion tactique, les signes de connivence qui constituent la culture du socialiste d'appareil. Bien sûr, je ne cherche pas à opposer les uns et les autres : il faut des deux. Mais dans l'état de scepticisme envers la classe politique dans lequel se trouve l'opinion, il est bon de faire toute leur place à ces socialistes atypiques, qui suscitent l'adhésion parce qu'ils collent à l'air du temps.

jeudi 17 octobre 2013

Assez d'images, des paroles !



Dans l'affaire Leonarda, je ne peux que désapprouver et condamner l'expulsion de cette jeune fille scolarisée. A différents titres : d'abord en tant que Français, l'image déplorable qui est donnée de mon pays, patrie des droits de l'homme, à ce qu'on dit. Ensuite en tant qu'homme de gauche, qui n'a pas voté François Hollande pour revoir les mauvaises manières de Nicolas Sarkozy. Enfin en tant que membre du parti socialiste, qui se préoccupe de la confusion au sein même de nos rangs, jusqu'au sommet de l'Etat, dans cette triste affaire.

En même temps, je me refuse à condamner Manuel Valls, et je trouve politiquement irresponsable de profiter de cette affaire pour l'accabler. C'est une stratégie d'ensemble qui doit être discutée, une ligne politique en matière d'immigration qu'il faut expliquer, pas un homme à transformer en bouc émissaire. La solidarité gouvernementale joue dans tous les sens ; aucune pièce du dispositif ne doit être sacrifiée. Un ministre de l'Intérieur, de quelque bord qu'il soit, sera toujours l'homme qui fait respecter et appliquer la loi dans toute sa rigueur et sa sévérité. On ne peut pas le lui reprocher. S'il y a eu entorse au droit, l'enquête le déterminera.

Ce que je déplore dans cette affaire, comme dans celle de Lampedusa, c'est la dimension émotive et médiatique. On en reste trop aux images chocs et aux sentiments qu'elles provoquent immédiatement. Il n'y a plus aucune distance, aucune précaution, aucune réflexion : nous sommes dans le réflexe, d'ordre moral ou psychologique, beaucoup plus que dans le jugement politique. Or, ce qu'il faut, ce n'est pas s'attarder sur tel ou tel cas personnel, particulièrement spectaculaire, comme dans l'affaire Leonarda. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une pédagogie claire en matière de ce que doit être une politique d'immigration aujourd'hui.

J'ai envie de dire : assez d'images, passons maintenant aux paroles ! Quant aux sentiments, qu'ils restent dans nos coeurs, dans la sphère privée : comme on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments, on ne fait pas non plus de bonne politique, et même de politique tout court, avec des sentiments, quels qu'ils soient, mais avec de justes principes, qu'il revient à l'Etat de rappeler. Sinon, l'opinion publique est ballottée entre des émotions forcément contradictoires, éphémères, d'amour un jour, de haine le lendemain. Nous sommes saturés d'images et d'actes de toute sorte ; il nous faut au contraire des paroles.

mercredi 16 octobre 2013

Charcuterie et confiture



Lundi dernier, le Conseil général de l'Aisne a débattu d'une réforme importante, celle des cantons, qui est beaucoup plus qu'un simple redécoupage : un changement en profondeur de l'assemblée départementale. Les termes de la réforme sont clairs et indiscutables, au nombre de quatre :

1- La France a la maladie de la multiplication, c'est-à-dire de la complication. Le nombre de nos communes est invraisemblable, celui de nos cantons, sans doute légitime autrefois, ne l'est plus aujourd'hui. Nous allons passer de 42 à 21, c'est très bien, c'est raisonnable, c'est suffisant.

2- Le découpage jusqu'à ce jour était complètement déséquilibré sur le plan démographique. La nouvelle carte assure une meilleure répartition de la population dans les cantons.

3- Les femmes étaient sous-représentées, c'est le moins qu'on puisse dire, au Conseil général. Aucune assemblée élue ne connaît dans la République un tel scandale. Là comme ailleurs, la meilleure solution pour remédier à ce travers, c'est le principe de parité, en l'occurrence des candidatures en binôme, féminine et masculine.

4- Enfin, une étrange anomalie, le renouvellement partiel tous les trois ans, est corrigée par une élection intégrale tous les six ans, ce qui aligne le scrutin cantonal sur la norme démocratique habituelle.

Qui ne serait pas d'accord avec ça ? Les questions de nature institutionnelle, comme l'organisation d'une élection, devraient pouvoir faire consensus. Le clivage gauche-droite, indispensable à la démocratie, est surtout valable sur les questions économiques et sociales. Eh bien non, la majorité du Conseil général de l'Aisne a rejeté cette réforme de justice et de bon sens ! Sauf les élus socialistes, bien sûr. L'UMP, les centristes et les progressistes ont voté contre, les communistes n'ont pas participé au vote. Si le nombre d'élus baissait, je pourrais comprendre les réactions négatives, personne ne souhaitant scier la branche sur laquelle il se trouve ; ce n'est pas le cas, il y aura autant d'élus après qu'avant la réforme, mais désignés autrement. Quelles sont donc les objections ? Je vous en livre un échantillon significatif :

- Christophe Coulon (UMP) y voit "de pures arrières-pensées électoralistes". Trop facile ! A ce compte-là, on ne change plus rien du tout, en vertu de ce soupçon parfaitement infondé. A chaque fois qu'il y a réforme de la carte électorale (par la gauche ou par la droite d'ailleurs), on parle de "charcutage". En réalité, aucune modification d'un scrutin ne peut altérer l'expression du suffrage universel, quel que soit le système. C'est notre histoire politique qui le démontre. Laissons donc de côté cet argument-là, qui n'en est pas un.

- Annick Venet (divers droite) : "C'est dommage qu'il faille une loi pour que les femmes accèdent à la vie publique". Oui, en effet, c'est dommage, mais c'est comme ça : depuis que le monde est monde, c'est la loi qui fait progresser les sociétés. S'il fallait attendre que tout se fasse naturellement, spontanément, s'il fallait compter seulement sur l'évolution des mentalités, nous en serions encore au temps des maîtres et des esclaves. Annick Venet aurait dû surmonter ses regrets et adopter la réforme.

- Frédéric Mathieu (progressiste) : le binôme paritaire le préoccupe, il craint que les deux élus se tirent dans les pattes, se déresponsabilisent en disant "c'est pas moi, c'est l'autre". Frédéric confond l'assemblée départementale et une cour de récréation, dans laquelle on entend en effet ce genre de propos. Mais les conseillers généraux sont des grands.

- Du même Mathieu, cette autre crainte : "C'est plus difficile pour les petites formations politiques d'être représentées". Sur ce coup-là, je l'approuve, il a raison. Mais au lieu de m'en désoler comme lui, je m'en réjouis, car ce n'est que justice, quand on est petit, d'avoir une petite place. Actuellement, de petites formations politiques, qui sont à peine des formations politiques, se taillent la part du lion. C'est trop : la part du lapin, c'est bien.

- Frédéric Mathieu, encore lui, a eu une formule savoureuse, qui mériterait de devenir collector : "La bipolarisation, ça mène à la tripolarisation". Et la connerie, est-ce que ça mène à l'intelligence ?

- Mais dans le genre, personne ne pourra égaler ou surpasser Bernard Ronsin : "On va forcer les femmes à faire de la politique alors qu'elles n'en ont pas forcément envie. Dans ma profession, j'ai affaire à de plus en plus de femmes. Il y en a de très compétentes, mais elles nous pourrissent la vie. Elles seraient mieux avec des casseroles à faire de la confiture". Ca pourrait être du bon Michel Audiard, ce n'est hélas que du mauvais Ronsin. Si j'étais de droite, je mettrais vite fait ce type dans un placard à confiture avec une casserole sur la tête. Non, la parité ne force pas les femmes à faire de la politique, mais elle force les hommes à faire leur place aux femmes en politique. Si la réforme des cantons avait pour seule conséquence d'écarter Bernard Ronsin, elle serait pleinement justifiée.

mardi 15 octobre 2013

Les Yeux ouverts



Hier soir, le ciné philo a accueilli une quarantaine de personnes, dans le cadre du festival Les Yeux ouverts sur les migrations, proposé par la Ligue de l'enseignement de l'Oise, pour la projection du film de Moussa Touré, La Pirogue.

En ouverture, à mes côtés, Mylène Kokel, animatrice de la Ligue 60 (vignette 1). En fin de séance, avec, de gauche à droite (vignette 2), Michèle Zann, directrice du Cinéquai 02, Anne-Marie Poucet, présidente du festival international du film d'Amiens (et par ailleurs ma cousine, également professeur de philosophie, au lycée Henri-Martin il y a trente ans !), et Mylène.

lundi 14 octobre 2013

Légalité et honnêteté



Les primaires socialistes à Marseille ont rencontré un beau succès de participation. Mais l'annonce des résultats a été médiatiquement ternie par des accusations de fraude. Pourtant, l'écart entre les candidats est suffisamment significatif pour ne pas laisser planer ce soupçon. En politique, il faut savoir gagner autant que perdre, et ne pas avoir la défaite mauvaise. Ceci dit, les reproches de la candidate ministre méritent d'être examinés.

De quoi s'agit-il ? De bus qui auraient été loués par la candidate arrivée en tête, pour transporter des électeurs évidemment en sa faveur. Cette pratique est-elle qualifiable de fraude ? Non, la légalité n'interdit pas de véhiculer ses partisans jusqu'aux bureaux de vote. Dans les scrutins internes au PS, j'ai souvent vu des camarades se transformer pour un jour en chauffeur de taxi bénévole. Ce n'est pas irrégulier, mais ce n'est guère honnête. En rigoureuse démocratie, l'électeur se déplace lui-même. On ne lui force ni la main, ni les pieds.

La seule exception, ce sont les personnes qui ne peuvent pas se déplacer par leurs propres moyens et qui doivent bénéficier d'une aide pour accomplir leur devoir de citoyen. Par exemple, il est normal qu'une maison de retraite organise le transport de ses résidents vers le lieu de vote. Mais qu'un parti politique ou des militants s'en chargent, non, ce n'est pas une pratique honnête. Tout électeur doit prendre sur lui la décision de se rendre dans le bureau de vote, et l'assurer par ses propres moyens. Tout le reste, c'est magouille et compagnie.

Dans mon billet de samedi, j'ai salué les immenses efforts réalisés par le parti socialiste ces vingt dernières années, qui font de lui le parti le plus démocratique de France. Mais la démocratie, ce ne sont pas seulement des règles et des lois : c'est un état d'esprit, une mentalité. Dans ce domaine, il reste encore des efforts à faire, qui viendront avec le temps, avec les nouvelles générations de militants. La démocratie, c'est aussi une question d'honnêteté. Entre les inévitables failles inhérentes à toute légalité, la malhonnêteté s'infiltre et prospère, sans qu'on y puisse grand chose. Quand j'ai été écarté de la candidature pour le secrétariat de la section, le procédé était malhonnête, et plus encore les justifications minables qui ont suivi. Même l'intervention de Solférino n'aura pas suffi : c'est dire les progrès qui restent à faire !

Il ne faut pas se faire d'illusion : la politique provoquera toujours des comportements généreux en même temps que des attitudes malhonnêtes. Quand un bout de pouvoir est en jeu, les hommes sont prêts à tout. C'est d'ailleurs la définition de la malhonnêteté : être prêt à tout. En la matière, le recrutement familial ou amical dans les sections est une pratique particulièrement malhonnête, puisqu'on fait venir des personnes qui ne sont pas socialistes mais qui servent seulement à apporter des voix pour tel ou tel candidat à une quelconque investiture ou scrutin interne. Mais aucun règlement ne pourra jamais empêcher ça. Et quand la malhonnêteté est généralisée, quand elle profite à tout le monde, personne ne songe à la dénoncer.

Malgré tout, il faut se réjouir de ce qu'est devenu le parti socialiste par rapport à ce qu'il a été. Le changement d'époque n'y est pas pour rien : il y a des travers humains qui passaient autrefois, qui ne sont plus acceptés aujourd'hui. Les primaires socialistes à Marseille sont donc une belle réussite, et aucun comportement douteux ne peut les remettre en cause ou les entacher de fraude.

dimanche 13 octobre 2013

Peuple de gauche




A l'intérieur du peuple de France, qui n'est pas homogène mais divers, il y a de multiples peuples : un peuple ouvrier, un peuple breton, tant d'autres encore, dont un peuple de droite et un peuple de gauche. Bien sûr, ces concepts sont relatifs, aux contours incertains. Mais qui pourrait nier qu'il existe une sensibilité, une culture, une sociologie de gauche (si l'emploi du mot peuple vous semble excessif) ? Des femmes, des hommes, des familles marqués par des valeurs, des repères, des personnages, une histoire commune. Il peut arriver, comme à Saint-Quentin, qu'une partie de ce peuple de gauche vote à droite aux élections locales, parce qu'il est séduit par des hommes comme Pierre André ou René Huel, qui vient de disparaître, au service de leur ville, dévoués, ouverts à tous et produisant des résultats. Il n'empêche qu'aux élections nationales, ce peuple de gauche se reconnaît dans les candidats de la gauche, socialistes, communistes, radicaux, républicains, écologistes, et il vote pour eux.

Hier soir, comme chaque année depuis bien longtemps, je me suis retrouvé parmi ce peuple de gauche, les 130 participants au traditionnel repas africain de l'ASTI, association de solidarité avec les travailleurs immigrés, dans le centre social Artois-Champagne. Tous ceux qui étaient là n'étaient pas forcément de gauche, mais l'ambiance, les rencontres, les préoccupations, les échanges appartenaient à ce que j'appelle le peuple de gauche. Je circule pas mal dans la ville et le département, je ne m'y trompe pas, je sais discerner entre un microclimat de gauche et un écosystème de droite, les deux faisant partie de la biodiversité politique de notre cité et de notre pays.

Ce peuple de gauche est étranger aux appareils, il ne s'intéresse pas nécessairement à la politique partisane, il est rarement encarté, comme on dit ; mais il vote à gauche, d'instinct, par tradition. Ce peuple-là ignore les conflits idéologiques ou les querelles de personnes. Qu'il soit socialiste, communiste, écologiste ou autre, il a une exigence, une volonté, une forme de bon sens : il s'attend à ce que la gauche, au-delà de ses différences légitimes, soit unie, car le peuple de gauche sait, avec certitude, par expérience, sans avoir besoin de grande analyse, que la division c'est l'échec assuré.

La dispersion des voix entre différentes listes de gauche aux élections municipales, c'est un luxe de riches : quand on est fort, on peut se le permettre, s'amuser à ce compter, jouer du biscoteau au nom du rapport de force ; de toute façon, au deuxième tour, ce sera le grand rassemblement et au bout la victoire. Mais quand on est faible, que l'adversaire est fort, inutile de chercher à ratisser large au premier tour en partant en ordre dispersé : il n'y a pas de deuxième tour, le râteau, on se le prend en pleine gueule dès le premier tour, et c'est le FN qui tient le manche. Voilà ce que sait instinctivement le peuple de gauche, et il a raison, parce que toute l'histoire de la gauche, à quelques rares exceptions près, lui donne raison.

Hier soir, dans l'assistance, il y avait des militants syndicalistes, des chrétiens progressistes, des prêtres ouvriers, des responsables associatifs, tout un tissu, tout un réseau que constitue ce peuple de gauche. Henri Bailleul a ouvert la tombola (vignette 1, avec Jimmy Fakourou derrière lui) ; Jocelyne Nardi, présidente de l'ASTI (vignette 2, au micro, au fond, Marcel Ouillon)), a présenté les dames qui ont préparé le repas africain. Claudette Lemire, à la tête de l'association pendant vingt ans, figure emblématique du mouvement, était bien sûr présente. Viviane Caron et Yvonne Bou, de l'association Autrement dire, avaient réservé toute une table.

Dans ce genre de repas, une question se pose toujours à chaque participant : avec qui s'installer et passer toute la soirée ? Il faut bien choisir, en profiter pour se mêler avec des personnes dont on ne partage pas nécessairement les idées (c'est mon principe, je n'aime pas l'entre soi). Mais peu importe, puisque c'est ici le peuple de gauche ! Je me suis trouvé des compagnons de table ma foi fort agréables, très sympathiques, des connaissances de vieille date, avec lesquelles j'ai longuement discuté (vignette 3, avec au fond Antonio Tejado). Nous avions tant de choses à nous dire.

samedi 12 octobre 2013

L'union à petits pas



Bonne nouvelle pour la gauche saint-quentinoise : une première alliance vient d'être conclue, entre le PS et le MRC, en vue des élections municipales. C'est Laurent Elie, secrétaire départemental du parti chevènementiste, qui l'annonce dans L'Union d'aujourd'hui. Il y aura donc des représentants du MRC sur la liste, forcément en position éligible. Certes, le MRC n'est pas fortement présent sur Saint-Quentin. Mais il ne faut pas mégoter, ni bouder son plaisir : l'essentiel est que le PS ne soit pas seul, qu'il se trouve des alliés. L'inquiétude, mais je pense que l'expérience a servi de leçon, ce serait de rééditer avec ce parti ce qui s'est passé aux dernières élections municipales de 2008 : les défections successives de Freddy Grzeziczak et Antonio Ribeiro. Je ne suis pas superstitieux, je ne crois pas au "jamais deux sans trois".

L'union de la gauche avance, à petits pas, mais elle avance, et c'est ce qui importe. Le grand pas, ce serait de retrouver nos camarades communistes. Il semble que ce soit, là, mal parti, puisque le Courrier picard d'aujourd'hui annonce que le PCF dévoilera sa liste le 8 décembre. Il reste donc un peu moins de deux mois pour convaincre les communistes locaux qu'ils n'ont rien à gagner à faire une liste séparée, que la gauche a tout à y perdre dans une ville où la droite est puissante et l'extrême droite menaçante. D'autant qu'Olivier Tournay, tête de liste PCF, dit qu'il a du mal à boucler sa liste à cause de la parité. 45 noms à trouver, ce ne sera pas facile, ni chez les communistes, ni chez les socialistes (sauf à mettre n'importe qui, mais il faut espérer que la notoriété et la compétence seront des critères de sélection).

C'est que tout va aller maintenant assez vite, dans le calendrier des élections municipales. Le 3 novembre, nous connaîtrons les candidats socialistes pour figurer sur la liste municipale, et le 21 novembre, la section de Saint-Quentin se prononcera sur la composition de cette liste. A ce propos, il faut saluer les progrès de mon parti en matière de démocratie interne, de déontologie électorale et de respect des règles. J'ai connu une époque où les colistiers ne déposaient aucune déclaration écrite de candidature, où leur choix était laissé à la discrétion de la tête de liste, avec parfois d'amicales pressions qui faisaient que certains se retrouvaient sur une liste à l'insu de leur plein gré, pour reprendre la célèbre formule. Au PS, le temps de l'arbitraire est terminé, de la culture orale aussi, et c'est tant mieux : les colistiers ne le sont que parce qu'ils l'ont voulu et demandé, ce qui restaure la responsabilité politique individuelle. Il faut désormais envoyer un courrier à la fédération et à la direction nationale. On peut penser que ces précautions inédites éviteront les élus fantômes qu'on a hélas pu connaître à Saint-Quentin, ne siégeant plus une fois élus (un vrai scandale démocratique).

Nous aurons l'occasion, dans les prochaines semaines, de reparler de la liste qui se prépare. Les noms qui figureront seront déterminants pour la suite de la campagne et le succès final. On peut s'attendre à ce que les cadres de l'appareil, qui ont soutenu la candidature de Michel Garand, seront en bonne place, et c'est tout à fait normal. Mais je crois aussi que le PS doit s'ouvrir et se renouveler, ne pas en rester à des candidatures partisanes. Le vivier de recrutement est trop restreint et trop ancien pour qu'il soit véritablement fécond. Il faut aller voir ailleurs, faire bouger les lignes, dépasser les limites de notre propre camp. Bien sûr, cet élargissement ne se fera que dans un deuxième temps. Je reste très attaché à la suggestion que j'avais faite pendant la campagne interne de désignation de la tête de liste : 50% des places réservées à la société civile, c'est-à-dire à des Saint-Quentinoises et des Saint-Quentinois investis dans le tissu économique, syndical et associatif de la ville, pas engagés politiquement. Mais avant, il faut tout faire pour que se réalise l'union PS-PCF : c'est l'urgence du moment.

vendredi 11 octobre 2013

Jamais content



Une nouvelle pièce de L'Echappée est toujours un événement. Cette fois-ci, Didier Perrier a mis en scène un texte de Frantz-Xaver Kroetz, Haute-Autriche, l'histoire d'un couple d'ouvriers qui découvre les limites de ses illusions et de son bien-être. C'est pourquoi, en avant-première, dans la bibliothèque municipale Guy-de-Maupassant, nous avons débattu, hier soir, du thème principal de la pièce : l'insatisfaction (et son corollaire, la satisfaction). Les comédiens, Mélanie Faye, Chantal Laxenaire et Laurent Mouzille, nous ont interprété quelques passages, insérés de façon impromptue et heureuse dans le cours de nos échanges (en vignette, avec Didier Perrier).

Mais pourquoi sommes-nous donc insatisfaits ? La société de consommation attise les envies, croit nous combler et finalement fait de nous des êtres frustrés. L'insatisfaction, c'est peut-être aussi une faille dans la nature humaine, le manque au coeur du désir, que rien ne peut jamais vraiment satisfaire. Moralement, l'insatisfaction est la qualité du perfectionniste, qui s'en sert pour progresser, qui en fait un moteur de l'action. A moins qu'elle ne soit une imperfection, chez celui qui n'est content de rien, qui ne cesse de se plaindre, qui vit dans une constante mauvaise humeur. A se demander s'il n'y a pas une forme de plaisir à se montrer insatisfait, à tout critiquer ...

Alors, la satisfaction serait-elle une meilleure disposition d'esprit ? La sagesse ne consiste-t-elle pas à se contenter de ce qu'on a ? En même temps, se satisfaire de ce qu'on est et de ce qui se passe n'est guère vertueux : c'est une sorte d'abdication devant la réalité, une complaisance à l'égard de soi-même. Un travail satisfaisant n'a rien de génial ou de performant. On associe souvent la satisfaction à l'assouvissement des besoins les plus primaires : nourriture, sexe, etc. Ce n'est pas non plus très glorieux pour elle !

Allez voir Haute-Autriche. A Saint-Quentin, c'est au Centre social Europe, mais les 15, 17 et 18 octobre, on joue à guichets fermés. Il reste encore quelques places les 16 et 19 octobre. Dépêchez-vous de réserver ! En novembre, la Compagnie L'Echappée jouera à Château-Thierry, Montataire, Laon et Soissons.

jeudi 10 octobre 2013

René Huel



René Huel est décédé ce mardi, à l'âge de 73 ans. Il était l'adjoint aux travaux, engagé depuis 40 ans dans la politique locale. Etait-il de droite ou de gauche ? Je ne sais plus. Il était surtout de Saint-Quentin, attaché à son Faubourg d'Isle comme Alain Gibout est attaché au quartier Saint-Martin. Si quelqu'un mérite bien le titre d'homme de terrain, c'est lui, René Huel, qu'on n'imagine pas derrière un bureau. C'est que nous avions pris l'habitude de le voir arpenter les rues de sa ville, qu'il connaissait comme sa poche. Les trottoirs, les chaussées, les canalisations, le sol et le sous-sol de la ville étaient devenus son univers familier. J'avais l'impression qu'il connaissait le moindre recoin. A chaque difficulté, il était immédiatement présent, très disponible.

Il y a des élus qui haussent le col, qui brillent par la parole : Huel était tassé sur lui-même, petit et trapu, des allures d'inspecteur Columbo, plutôt taiseux, quoique capable de jolis discours (je m'en souviens d'un, que j'avais apprécié, lors de l'inauguration du marché aux Fleurs, il y a quelques années). D'apparence, René Huel était bougon, pas forcément souriant. Mais pour ce qu'on sait des apparences et des sourires ... Il était de ces élus, très nombreux, majoritaires je crois, qui font honneur à la classe politique et dont on ne parle pas assez : complètement engagés dans ce qu'ils font, sans rechercher reconnaissance ou récompense, dévoués à leur mission, ne cultivant aucune ambition personnelle, c'est-à-dire l'exact contraire du tableau trop souvent dépeint de l'élu et du politique.

Quand l'équipe municipale rencontrait la population, René Huel faisait des jaloux parmi ses collègues, car c'est vers lui que les habitants surtout se rendaient. Les travaux, ça peut paraître moins glorieux que l'éducation ou la culture, mais c'est tellement plus important pour les citoyens d'une ville ! Car ce sont des questions qui se règlent seulement au niveau de la ville, qui concernent tout le monde et qui touchent à la vie la plus quotidienne. J'oserais dire que de tous les adjoints, René Huel était le plus populaire, parce qu'il était le plus utile et parce qu'il ne cherchait pas à se rendre populaire.

A la terrible question que devrait se poser à lui-même tout homme politique : qu'as-tu fait de ta vie publique, qu'as-tu apporté aux autres ? René Huel pouvait répondre sans peine, après toutes ces années de bons et loyaux services. Il me semble aussi qu'il disposait d'une qualité que la politique ne confirme pas toujours : la fidélité. Je crois que ses amis politiques ont su trouver en lui un homme de confiance, au sens fort du terme. Nous aurons à coeur de rendre hommage à cet homme de coeur, samedi, à 10h00, en l'église Saint-Eloi.