samedi 30 juin 2012

Vu d'ici



Une manip malencontreuse m'a fait involontairement effacer les commentaires des derniers billets (que je pourrai peut-etre retrouver et republier a mon retour). Que leurs auteurs m'en excusent. L'un d'eux m'a mis sur la piste de la forte hausse des visites sur le blog : celui-ci a ete reference sur Djibouti24, qu'on peut trouver sur Twitter. Merci a eux. Je vous recommande la consultation, d'autant que leur site internet a ete, m'a-t-on ecrit, censure. J'ai par ce biais appris qu'une section socialiste des Francais de l'etranger avait ete creee recemment a Djibouti.

Puisque nous parlons medias, regarder la tele dans ma chambre d'hotel occupe une partie raisonnable de mon temps, et cette activite me semble indispensable, le petit ecran etant un reflet de la realite autant que le spectacle de la rue. Vu d'ici, la France est evidemment toute petite et Saint-Quentin, dont je suis l'actualite a travers les sites de la presse locale, minuscule. Depuis que je suis parti, j'ai beau regarder France 24, la chaine francophone internationale, mon pays n'a vraiment ete present dans l'actualite qu'au moment des elections legislatives. Sinon, rien de tres marquant. C'est une lecon d'humilite que de suivre les informations sur les chaines etrangeres !

Aljazeera est une CNN arabe. Le rythme, les plans, les cadrages sont a l'americaine, certaines presentatrices ne cachent pas du tout leur abondante chevelure alors que d'autres sont sous le voile traditionnel. Il a beaucoup ete question, ces dernier temps, de la place Tahrir au Caire, en live. C'est un evenement : un Frere musulman elu a la tete d'un puissant pays, porte par tout un peuple, suscitant l'espoir mais aussi l'inquietude. La Syrie qui s'enfonce dans la violence est egalement en bonne place. L'avion turc abattu n'a rien arrange. Et puis la Tunisie a fait parler d'elle : le regime se liberalise mais certains artistes sont menaces pour de pretendus blasphemes. Pas facile de moderniser une societe qui croit encore au sacre. En Occident, nous ne risquons plus rien, nous avons bascule en toutes choses dans l'esprit de derision.

Djibouti fait partie de la zone d'influence d'Al Quaida. Le fameux "choc des civilisations" qui fait tant peur n'a lieu qu'a l'interieur de l'Orient, pas dans ou contre l'Occident, qui est trop puissant et dominateur pour etre actuellement menace. En revanche, l'Orient est tiraille entre notre modele de societe (individualisme, confort, loisirs, technologie} et la contestation populaire qui repose sur les valeurs de l'Islam. Je ne sais pas du tout ce que sera l'avenir. Apres tout, il a fallu plusieurs siecles pour que le christianisme renverse l'empire romain, hegemonique et millenaire.

vendredi 29 juin 2012

Le diable blanc



Debut aujourd'hui des epreuves orales du bac, qui m'ont fait retourner a Balbala. La moitie de Djibouti connaissant l'autre moitie, directement ou indirectement, les liens familiaux, amicaux et tribaux etant ce qu'ils sont, l'administration ne peut confier l'oral de philo qu'aux profs francais, pour preserver l'anonymat de l'epreuve. Nous avons ete accompagnes dans nos travaux par des collegues djiboutiens en formation.

Un probleme s'est d'emblee pose a nos consciences : la laicite a la francaise n'a pas cours dans ce pays, ou l'on peut trouver un tapis de priere dans un coin de la salle des profs, ou certains collegues se prosternent rituellement au sein meme de l'etablissement. Que faire si une candidate se presente a nous sous un voile integral qui ne montre que les yeux et laisse difficilement passer la voix ? La consigne est simple : elle doit aller se faire identifier au secretariat, aupres bien sur d'une femme. Pas de probleme : la carte d'identite montre une photo ou le visage est a decouvert. Cette formalite s'effectue de bon gre. Il n'y a que mes principes laiques qui pourraient s'en trouver froisses, mais je ne suis pas ici en Republique francaise.

Autre recommandation : ne pas tenir rigueur aux candidats de leur eventuel tutoiement a l'examinateur, qui fait partie de la langue et de la culture, aucunement un manque de respect ou une familiarite deplacee.

La journee s'est fort bien passee, sans probleme ni incident. Certes, la chaleur de l'apres-midi est particulierement severe, les mouches nombreuses et hargneuses. Les ventilateurs faisaient frequemment s'envoler mes feuilles, leur ronflement n'aidant pas non plus pas a la concentration. La mosquee tout a cote du lycee diffusait un preche disgracieux a entendre, un peu braillard, tres different de la priere habituellement chantee (c'est que le vendredi est jour ferie et que les musulmans y ont droit a un sermon comme les chretiens le dimanche a la messe). Mais tous ces inconvenients sont peu de choses par rapport au plaisir que j'eprouve a voir et a entendre de jeunes Djiboutiens philosopher de la meme facon que de jeunes Picards, de jeunes Parisiens ou de jeunes Berrichons. Cette universalite de la pensee au travail est rejouissante a constater.

Il y a un autre phenomene qui est universel, moins drole celui-la : c'est la crainte, le stress des candidats devant un professeur, c'est-a-dire quelqu'un qui a le pouvoir de les faire reussir ou de les faire echouer. D'autant lorsqu'il s'agit de professeurs francais, reputes severes et incorruptibles. J'ai beau faire tout mon possible pour rassurer les eleves, les mettre en confiance, dedramatiser la situation, la crainte disparait difficilement. J'en suis gene, tout comme en France, a soumettre des jeunes a la torture philosophique, les obligeant a m'expliquer des textes ardus, meme les plus simples. Quel metier, si beau pour l'enseignant et si terrible pour le candidat au bac ! J'en vois qui tremblent, d'autres qui se retiennent de pleurer (attention, ce n'est pas non plus une generalite).

Je suis le diable blanc, l'homme qui ne prie pas au pays de la priere publique, l'homme qui fait peur aux jeunes candidats.

jeudi 28 juin 2012

Brouter le khat



Je voudrais commencer ce billet d'aujourd'hui par un grand merci a mes lecteurs djiboutiens, qui ont fait s'envoler les statistiques de frequentation de ce blog. Ordinairement, je plafonne a une centaine de visiteurs uniques par jour. Depuis mon texte sur le "printemps djiboutien", j'ai atteint les 287 visiteurs, et encore 247 hier. Je ne peux pas croire que ce soit mon lectorat de Saint-Quentin qui se passionne a ce point pour mes aventures africaines (quoique il ne faille jurer de rien). J'en deduis plutot que vous etes nombreux ici a vous interesser au regard que porte un Francais sur votre pays. Sachez que mes reflexions assument totalement leur part de subjectivite et donc d'erreur, ma seule regle etant la sincerite, non pas la pretention a la verite. Merci en tout cas pour votre attention, et n'hesitez pas a me faire parvenir vos remarques et critiques, que je publierai bien sur en commentaires.

Brouter le khat ? Je suis a peu pres certain que cette etrange expression ne dit rien aux Francais de la metropole, pas plus qu'elle ne me disait quoi que ce soit avant que je ne vienne a Djibouti. Pourtant, des le premier jour de mon sejour, j'en ai entendu parler, je l'ai meme lue dans certaines dissertations de philosophie. Le khat (prononcez khate) est une herbe que beaucoup de Djiboutiens machouillent dans l'apres-midi, a la facon dont autrefois on chiquait le tabac. D'ou cette image du ruminant qui malaxe dans sa bouche ... Mais les effets sont tout autres, pas du tout nutritifs : il s'agit en realite d'une drogue qui met, comme toutes ces substances, dans un etat second, detendu, agreable, au gre de l'humeur du consommateur.

Attention : je ne me suis pas laisse aller moi-meme a khater, je ne parle que par oui-dire et sur la foi de mes observations. De fait, dans les rues, on peut croiser des regards anormalement brillants, des visages passablement eclates, on peut entendre des paroles qui ne semblent pas toujours relever d'un etat normal. Tout cela n'est d'ailleurs absolument pas genant pour la vie sociale, je n'ai pour le moment rencontrer personne s'en plaindre vraiment. On pourrait certes reprocher une forme d'inertie, mais la chaleur pousse elle aussi au crime. Le khat est une forme de sociabilite, un rituel qui atteint toutes les couches de la societe, une habitude qui peut passer pour chic, pas une defonce pour marginaux et paumes. Il me faut vous preciser que les effets euphorisants ne sont perceptibles qu'au bout d'environ trois heures de mastication pas tres agreable, amere, ce qui laisse suffisamment de temps pour discuter et agir en toute lucidite.

En matiere de drogues, je ne vois rien de comparable. Le khat est passe completement dans les usages et les moeurs. Je vais jusqu'a me demander si je ne commettrai pas une impolitesse a le refuser ! Il va falloir que je me prepare a cette circonstance ... Les consommateurs se reperent facilement aux mouvements de leur machoire, a la boule verdatre fluo qui circule tres visiblement entre les joues. Personne non plus ne m'a evoque un quelconque danger sanitaire, sauf la dentition tres attaquee par cette pratique (les dents s'abiment, jaunissent fortement). Le paradoxe, c'est qu'une societe musulmane qui est stricte en matiere d'alcool tolere et meme, semble-t-il, valorise une pratique dont les consequences reviennent au meme, un certain oubli de soi dans un paradis artificiel qui est loin d'etre celui d'Allah.

Brouter le khat est essentiellement une affaire d'hommes, meme si quelques femmes s'y adonnent. On dit meme que ses effets seraient aphrodisiaques ! Mais que ne dit-on pas, sous toutes les latitudes, quand il s'agit de reactiver les fantasmes ...

mercredi 27 juin 2012

Fete de l'independance



C'est aujourd'hui a Djibouti l'equivalent de notre 14 juillet, mais pas pour celebrer une revolution : l'independance du pays il y a 35 ans, territoire francais auparavant. Depuis quelques jours, la ville se prepare : des drapeaux petits et grands un peu partout (deux bandes bleues et vertes avec une etoile rouge sur le cote), des illuminations dans les rues et ronds points, des employes qui s'efforcent de nettoyer les trottoirs. Je crois meme qu'on a installe des feux tricolores a panneaux solaires pour l'occasion ...

Un defile militaire dans le style de celui qui remonte nos Champs-Elyses a ete ce matin retransmis a la television d'Etat (RTD) et commente en francais (certaines troupes sont engagees dans le conflit en Somalie). Il y a la une sorte de paradoxe : ce pays qui fete sont independance, qui dispose de sa langue propre, reste encore tres dependant de la langue francaise, qui est parlee a peu pres partout et par tous. Beaucoup de rues portent des noms francais. La plaque qui les signale est exactement la meme que chez nous : un fond bleu borde de vert. Les enseignes des commerces, des administrations et des ministeres sont ecrites en francais. Et puis, ma simple presence, le fait que la France envoie des professeurs corriger les epreuves du bac renforcent ce paradoxe.

Cette independance n'a pas ete une transition tranquille, dans l'image qu'en donnent les festivites, puisque sont evoques frequemment ses "martyrs". Autre paradoxe : l'armee francaise demeure presente en disposant d'une base. La Legion etrangere, elle, est partie, et elle n'a pas laisse dans le pays que de bons souvenirs ...

Hier, nos avons sans doute eu droit a la journee la plus chaude de notre sejour, avec un vent assez fort soulevant la poussiere, piquant les yeux et faisant tousser. J'ai pris un verre dans un cafe qui est une institution, comme le Flore a Paris, le Carillon a Saint-Quentin ou la Rotonde a Saint-Amamd-Montrond : le Palmier en zinc, un pub qui ressemble beaucoup a ceux de chez nous. Apres, j'ai fait un petit tour du cote du marche, dans la rue des mouches, l'equivalent djiboutien de nos puces de Clignancourt ! Les emplacements des vendeurs de tee-shirts, casquettes et bibelots de toutes sortes s'appellent des caisses (en anglais, nous dirions des boxes).

Pour se deplacer dans la ville quand on n'a pas de voiture et qu'on delaisse ses pieds, il y a deux solutions : le taxi, reperable a sa couleur verte et a sa marque Toyota, et le bus, c'est-a-dire une petite camionnette passablement defoncee, inconfortable, ou l'on ne peut tenir qu'a quelques-uns seulement mais dont le tarif est avantageux (50 francs, contre 500 a 1000 francs au moins pour le meme trajet en taxi). Souvent, une personne se tient debout, accrochee a la porte durant tout le trajet.

Djibouti vit sous le regime de la tolerance religieuse. Il y a trois grandes mosquees et deux eglises catholiques, dont la cathedrale Notre-Dame du Bon Pasteur, un bel et grand edifice, ainsi qu'un temple protestant. Je me suis laisse entendre dire qu'il y avait il n'y a pas si longtemps une synagogue. Et j'ai repere a sa croix byzantine et a la station de bus qui porte ce nom une eglise orthodoxe visiblement fermee.

En ce jour de fete, bon anniversaire a Djibouti et vive l'independance !

mardi 26 juin 2012

Un printemps djiboutien ?



Que sait-on de la realite politique d'un pays quand on ne fait qu'y sejourner trois bonnes semaines ? On a beau regarder, observer, ecouter, on ne comprend pas grand chose. Lorsque les Francais allaient nombreux passer leurs vacances en Espagne dans les annees 60, avaient-ils la conscience physique de vivre temporairement dans une dictature ? C'est la question que je me pose en ce moment : Djibouti est officiellement une republique, tres attachee a la France democratique (nos elections presidentielles ont ete passionnement suivies). Mais quelle est la nature reelle du regime ?

Pour repondre a cette question, regarder autour de soi ne suffit pas, il faut discuter. C'est ce que j'ai fait hier soir, au bar du Sheraton, avec un Francais qui connait depuis longtemps Djibouti, qui s'exprime librement sur le sujet. Pour lui, c'est un Etat policier, une petite dictature, un baril de poudre qui pourrait bien un jour vivre son printemps djiboutien, comme il y a eu au nord de l'Afrique des printemps arabes. Chomage, misere, des milliers d'etudiants qui sortent de l'universite de Djibouti en s'inquietant pour leur avenir : voila quelques elements qui pourraient, dans certaines circonstances, s'averer detonnants.

A ces facteurs objectifs s'ajoute une donnee subjective : la culture djiboutienne est sympathique, conviviale, joyeuse, comme beaucoup de mentalites africaines, mais il y a aussi une violence rentree en elle, une vivacite du regard, du geste, de la parole qui peut rapidement se transformer en colere. On n'imagine pas un Picard declencher aujourd'hui une emeute populaire, meme si chez nous il y aurait parfois de quoi. Mais l'etat d'esprit ne s'y prete pas trop et les conditions ne sont pas tout a fait requises. Ici oui.

En meme temps, d'autres facteurs rendent incertain un soulevement contre le regime. D'abord, la presence de milliers de militaires etrangers dans trois bases, francaise, americaine et allemande, et une troisieme, japonaise, en construction. Quand la force revient visiblement a l'armee, les velleites de revolte sont vite dissuadees. Djibouti est une plate-forme geo-stategique trop importante (au carrefour de l'Asie, de l'Afrique et de l'Occident) pour que les grandes puissances y tolerent des troubles.

Surtout, il y a la memoire djiboutienne, fortement affectee par la guerre civile de 1990. Un peuple en lutte contre lui-meme, c'est ce qu'une nation peut subir de plus terrible, apres l'invasion par une force etrangere. La France n'a pas souffert depuis longtemps d'une guerre civile. Nous avons connu la revolution (1789), la reforme (1936) et la revolte {1968), la guerre et l'occupation partielle ou totale. Notre guerre civile tragique, c'est la Commune de Paris en 1871. Le continent africain, lui, est meurtri constamment par la guerre civile. Par comparaison avec ce qui se passe ailleurs, notamment la Somalie voisine, Djibouti est un ilot de paix qui compte bien le rester. C'est pourquoi je pense qu'un eventuel printemps djiboutien n'est pas pour demain, ni pour les printemps prochains ...

lundi 25 juin 2012

Bac a Balbala



Apres quelques jours de repos, le travail du bac a repris ce matin, avec les deliberations des jurys, a une heure inhabituelle en France : 7h30. C'est la chaleur qui decale tout ! Ma reunion ne se tenait pas a Djibouti mais a Balbala, non loin, une grosse ville aussi, tres pauvre celle-la, de mauvaise reputation. Quand on y entre, on comprend tout de suite : un immense bidonville a ses portes, 80 000 personnes dans une misere de masse (dans la capitale, l'impact de la pauvrete est limite parce qu'elle a une apparence plus individuelle).

Bidonville : le mot est a la fois atroce et juste, la realite nous en est inconnue en France depuis une quarantaine d'annees (et a cette epoque, nos bidonvilles etaient incomparablement moins vastes). Qui dit misere dit violence, delinquance, insecurite. Les rues sont sillonnees de droles de serpents, en plastique, des tuyaux qui vont se raccorder ou ils peuvent : l'eau ici est de l'or.

Le deroulement des epreuves et l'annonce des resultats se font sous presence policiere. Non pas parce que l'administration craint directement dans le lycee l'insecurite, mais parce qu'un incident est vite arrive et que le brasier peut se repandre tres rapidement. Exemple, l'an dernier : les grilles etaient fermees au moment tres attendu des resultats, les eleves se sont rendus en manifestation au lycee de Djibouti ou la police a du intervenir.

La grande crainte qui traverse les esprits, ce sont des emeutes a l'image de ce qui s'est passe dans les pays voisins du Maghreb, c'est la hantise de la simple etincelle qui repand le feu partout. En Tunisie et en Egypte, les revolutions sont parties d'un rien. La presence de la police permet donc d'assurer le bon ordre de l'examen. A 13h00, cet apres-midi, les resultats seront donnes a la radio nationale et les candidats pourront les retirer a partir de 15h00 a Balbala.

Cette annee, l'organisation du bac a ete profondement transformee, delocalisee sur trois centres (non plus seulement Djibouti mais les villes de Balbala et Gabode). Surtout, a partir de l'an prochain, il en sera fini du "bac francais" a Djibouti, qui etait en realite unique au monde. Les sujets venaient du rectorat de Bordeaux et les jurys etaient presides par un universitaire francais. Nous aurons en 2013 un "bac djiboutien", avec une incertitude sur la place de la philosophie dans l'examen.

dimanche 24 juin 2012

Sur la route de Decan



Decan est un refuge animalier a un quart d'heure de route de Djibouti, ou l'on trouve des betes blessees ou sauvees de multiples trafics. Ce n'est pas tant l'endroit qui est interessant a decrire (imaginez n'importe quel zoo chez nous) mais le chemin pour y parvenir et ce qu'on y voit.

Il y a d'abord, encore en ville, l'ambassade americaine, la plus belle et la plus grande de toutes, une veritable forteresse hyper-securisee. Les maisons et terrains qui la jouxtent ont meme ete achetes ou loues, pour eviter des voisins derangeants ou suspects. Ainsi sont les Americains a l'etranger : tres forts et tres craintifs, limite paranos. Toujours est-il que la puissance et l'influence d'une nation se mesurent aux dimensions de son ambassade ...

Sorti de Djibouti, le bitume est plein de trous qui empechent de rouler tres vite et qui obligent a slalomer. C'est pourquoi ici les 4-4 sont nombreux. Nous n'avons pas en France l'habitude des chaussees mal entretenues, defoncees. La moindre bosse, le plus petit denivellement nous font criser. Les Djiboutiens utilisent enormement le klaxon, simplement pour dire qu'ils sont la, qu'ils arrivent, qu'il faut faire attention. C'est presque chez eux une forme de salutation. Autre risque de la conduite : non pas les vehicules mais les pietons, qui occupent frequemment une assez large portion de la route, en bougeant peu a l'approche d'une voiture, laissant le bord aux chevres.

Premiere image etonnante vue de notre vehicule : un cimetiere traditionnel, constitue de domes de terre entoures de pierres en guise de sepultures. Deuxieme image, non loin, hallucinante celle-la : un autre cimetiere, mais de carcasses de voitures, cassees, cabossees, eventrees, eparpillees comme des squelettes de ferraille sur une assez grande distance, le rebut d'une societe qui abandonne la ce dont elle ne veut plus. Je ne sais pas si, en Afrique, les cimetieres d'elephants existent, mais les cimetieres de bagnoles sont tres impressionnants.

Dans la suite logique de cette vision d'apocalypse, nous avons longe un depotoir, une decharge a ciel ouvert, non pas dans un vaste cratere comme il en existait en France il n'y a pas si longtemps, mais a plat, sur quelques kilometres, dans l'ignorance totale de la pollution et du respect de la nature (surement une invention d'Occidental !). Papiers, sachets, dechets sont incroyablement dissemines un peu partout, aides en cela par le vent. Le plus stupefiant, carrement surrealiste, ce sont les arbres decores involontairement de poches de plastique bleues ou blanches, a la facon d'un sapin de Noel degueu. On dirait des sortes de sculptures. Je suis sur qu'un cineaste saurait se servir de ce decor pour composer un film fantastique, en lequel on finirait par trouver une forme d'esthetisme !

A cote de ces apparitions du bord de route, le refuge de Decan, avec ses tortues, lions, hyenes, singes, zebres, autruches et autres bestioles a touristes semble bien peu original a vous raconter. Ce qui retient mon attention dans cette region, c'est seulement ce qu'on ne voit absolument pas en France.

samedi 23 juin 2012

Aventures en centre ville



Pour bien connaitre une ville ou un pays, il faut voyager seul et a pieds. En groupe, on devient inevitablement touriste, on ne s'integre pas a l'environnement. Jusqu'a present, a Djibouti, j'allais du Sheraton au lycee et reciproquement, avec quelques incursions en ville avec les collegues pour prendre un verre, guides par nos amis djiboutiens. J'ai profite du jour de la fete de la musique pour me deplacer par mes propres moyens, en solo, sans destination precise, a l'aventure.

Il m'a fallu vingt minutes pour rejoindre le centre ville. Je suis arrive bien sur trempe de sueur, meme si c'etait la fin de l'apres-midi et qu'on ne voyait plus le soleil. Djibouti n'est pas une ville a touristes ; on n'y trouve donc pas les points de repere habituels de tout Francais en dehors de son pays natal. Il faut prendre soi-meme ses marques, s'orienter. Les blancs sont rares (en tout cas dans les rues du centre ville). La plupart du temps, dans la plupart des endroits, j'etais le seul blanc, ce qui est une curieuse experience a vivre.

Dans l'esprit des Djiboutiens comme ailleurs en Afrique et dans bien des coins pauvres du monde, blanc egale riche, blanc egale peut-etre americain c'est-a-dire tres riche. Et un riche dans un pays pauvre est une opportunite, parfois une proie. Or, je ne suis ni riche, ni americain mais seulement enseignant francais en mission tres temporaire. Il faut donc que je fasse comprendre que je ne suis ni une opportunite, ni une proie.

Ma libre promenade avait tout de meme un but : m'acheter un chapeau, car le couvre-chef en turban dont je vous ai parle il y a quelques jours est un peu trop folklo. J'ai fait deux magasins, a chaque fois assailli par des vendeurs insistant enormement : 6 000 francs djiboutiens, voila ce qu'on m'a proposes ! Mon probleme culturel : je ne sais pas marchander. Meme dans une brocante a Saint-Quentin, je ne discute jamais le prix, je prends celui qu'on me donne. Mais chez nous, le marchandage est un amusement ponctuel sans grand profit ni forte perte. Ici, c'est un trait de civilisation, un comportement social, une forme de convivialite et une necessite economique. Malheur a celui qui ne s'y adonne pas : il sera meprise !

En plus, j'ai beaucoup de mal avec la conversion des monnaies et le calcul mental. 6 000 pour un chapeau pourri, ca me semblait enorme. Mon etalon de mesure {chacun se debrouille comme il peut), c'est le prix d'une course en taxi, de cinq minutes, qui revient invariablement a 500 francs. Je ne veux paraitre pingre ni pigeon, et le moyen terme n'est pas facile a trouver. Je suis reparti avec sur la tete un chapeau a 2 000 francs. Je vous laisse le soin de convertir en euros ...

Sur la place centrale, un quidam, visage avenant, souriant, vient vers moi et me sourit comme s'il me connaissait ! Il me connait, il me croise souvent, c'est un gardien de l'hotel. Pour moi, par sympathie et parce que les Djiboutiens sont "tres gentils", il me propose une "affaire" : des epices tres bon marche vendues par sa mere. Ca tombe bien, quelqu'un en France m'a demande de lui ramener des epices. Sauf que ca tourne mal : je suis le type dans un dedale de rues qui ne conduisent pas a sa mere mais a un vendeur a la sauvette qui m'expose tout un tas de sachets. Tant pis pour la convivialite, je n'ai pas confiance, je sens non pas les epices mais le coup fourre. Le gardien du Sheraton se fait pressant puis joue la pitie : il a un enfant a nourrir et a besoin d'acheter du lait. Tant pis pour la morale chretienne aussi bien que musulmane de la compassion, je me barre courtoisement.

Je passe devant un orchestre sur scene qui se prepare a celebrer les trente ans de la fete de la musique. La chanteuse est blanche, blonde, en bottines et surtout en mini-jupe ultra-courte. Elle fait bien sur sensation, on ne voit que ses cuisses. C'est comme si elle etait nue, dans un pays ou ne montrer ne serait ce que ses cheveux est une forme d'exhibition (dans les dissertations des eleves revient souvent l'image, pour nous etonnante, des Occidentaux chretiens, libertins et laxistes, se promenant ... nus).

A mon retour, je raconte a mes collegues mes "aventures" au centre ville. Un habitue me dit que le coup du gardien d'hotel qui veut aider un blanc est connu : en fait, il n'y a ni gardien, ni aide, seulement quelqu'un qui fait semblant pour mieux vendre ses produits. Tout cela a beau etre irritant, ce n'est pas bien mechant : il y a ruse mais il n'y a pas vol. Surtout, peut-on reprocher a certains habitants d'un pays pauvre (par rapport au notre) d'utiliser tous les moyens pour gagner un peu d'argent ? Je ne le crois pas. C'est a moi d'accepter les moeurs du pays, d'etre raisonnablement prudent et pertinemment genereux.

vendredi 22 juin 2012

Lac Assal



Au onzieme jour de mon sejour a Djibouti, je suis sorti pour la premiere fois en dehors de la ville, en compagnie de mes collegues. Nous sommes alles au lac Assal, un site fameux, a une centaine de kilometres. Des qu'on quitte Djibouti, c'est le desert, pas de beau sable mais de pierres, rochers et arbustes rabougris. Dans ce milieu completement inhospitalier, on s'etonne a trouver tout de meme la vie.

D'abord des animaux, qui parfois traversent la route sans se presser, sans faire attention a vous : chevres, anes, dromadaires et meme des singes (je ne savais pas qu'il y en avait dans les deserts). Mais surtout des etres humains, hommes, femmes, enfants, venus de nulle part : on ne voit pas ce qu'ils font la, comment ils parviennent a survivre en pleine chaleur et en plein soleil. Les petits nous font signe de la main. Certains s'abritent dans des cabanes de toles ou il doit faire une chaleur d'enfer. Quelquefois, nous apercevons des mini-tornades, colonnes de poussiere qui s'elancent vers le ciel, comme on n'en voit que dans les films ou documentaires.

A l'approche du lac Assal se trouve une source d'eau chaude, non a cause du soleil mais d'une activite volcanique. Il ne faut pas y plonger les doigts, c'est brulant et un enfant s'est une fois tue en tombant. Nous nous sommes livres a une experience : deposer deux oeufs frais, les ressortir au bout de quelques minutes ... parfaitement durs.

Et puis, il y a eu l'apparition, c'est le mot qui convient, du lac Assal : brusquement, au milieu de l'etendue du desert, une immense etendue d'eau, qui cependant n'a rien de rafraichissante ; nous sommes ici au dessous du niveau de la mer, il s'agit donc d'un lac sale (le gout de nos levres s'en ressent). Une croute blanche entoure ce lac, qu'on appelle "banquise" comme aux poles ! J'ai marche ce matin sur une banquise en plein desert ! D'ailleurs, le sel craque sous nos pas, comme si c'etait de la neige.

Des marchands vendent des cristaux, des sachets de sel, des ossements petrifies (des tetes d'animaux). L'un d'entre eux portait un tee-shirt de ... l'UMP. Voila ce qu'on trouve parfois, au fond d'un desert, a l'autre bout du monde (j'ai bien sur pris une photo qui fait foi).

jeudi 21 juin 2012

Jaunes malgre nous



Meme au paradis, il y a une petite part d'enfer. Aujourd'hui, mes collegues francais et moi, nous avons vecu le premier incident du sejour (il en faut bien un, c'est la vie !). Hier soir, nous avons rendu nos copies, soulages d'avoir termine en temps et en heure ce gros travail. Mais ce matin, surprise : Nous avons ete appeles de bonne heure a l'hotel pour retourner au lycee corriger un nouveau paquet de 300 copies, oublie par un enseignant. Bizarre, pourquoi personne ne s'en etait rendu compte il y a dix jours, quand les corrections ont commence et que les lots de copies ont ete distribues ? Nous sommes des fonctionnaires, nous ne sommes pas la pour nous prelasser, nous avons donc attaque le boulot, meme si nous comptions sur un legitime repos aujourd'hui.

Le fin mot de l'affaire, nous l'avons appris en fin de matinee, alors que nous etions penches sur les dissertations : des profs de philo djiboutiens ont fait la greve des corrections, parce que l'Etat ne leur a pas payes depuis plus d'un an un sacre paquet d'heures supplementaires. L'affaire est remontee, nous a-t-on dit, jusqu'au president de la Republique, qui aurait engueule son ministre du budget (Djibouti est un petit monde ou l'info circule vite}. Le contentieux a donc ete regle en quelques heures. Mais au depart, pour y faire face et ne pas entraver le bon deroulement du bac, il a ete fait appel aux quatre profs de philo francais du Sheraton, pour corriger les copies des grevistes, faisant de nous des "jaunes" sans le vouloir ... Ce qui evidemment nous a mis furax. Tout est bien qui finit bien : nos collegues ont vu leurs justes revendications satisfaites et ont recupere leurs copies pour les corriger.

Autre surprise, mais plaisante cette fois-ci : mon interview dans L'Aisne Nouvelle d'il y a trois jours a ete affiche dans le centre d'examen, alors que je n'avais rien dit a personne ! Miracle d'internet, de la mondialisation et des alertes Google ! N'empeche qu'un article de L'Aisne Nouvelle sur le mur d'un bureau de Djibouti, c'est curieux a voir. D'habitude, mes "exploits" sont exposes dans la salle des profs de mon lycee par un CPE malicieux, figure saint-quentinoise, qui s'apprete d'ailleurs a prendre sa retraite professionnelle dans quelques jours. Mais je ne serai pas encore la.

mercredi 20 juin 2012

C'est ca l'Afrique !



Je corrige mes 360 copies du baccalaureat dans un petit bureau ou l'on accede malaisement : la porte du couloir qui y conduit est fermee, il n'y a pas de sonnette, il faut tambouriner ou crier, les deux a la fois etant recommandes. Alors, un collegue deja present vient ouvrir (ce qui est le cas le plus frequent). Sinon, il faut aller chercher la cle chez le proviseur, dont on se demande s'il va etre necessairement la. Bref, pas pratique tout ca. Mais quelle importance puisqu'on s'en sort tres bien.

Pour aller aux toilettes, il faut se rendre dans une autre partie du lycee (ce qui arrive assez souvent quand on boit beaucoup ou que les intestins sont soumis a rude epreuve par la chaleur). Alors, ne pas oublier de prendre avec soi la cle, pour ne pas avoir a re-tambouriner et a re-crier. Quand j'ai vu l'etat des WC des hommes, j'ai ete tente d'aller, a l'etage superieur, dans ceux des femmes. On me l'a vivement deconseille (la separation des sexes ne porte pas ici a la plaisanterie). Je me suis donc sacrifie , en relevant le bas de mon pantalon a cause de la boue. Et quand j'ai termine, pas de chasse a actionner mais un seau a remplir pour le vider dans le trou ! Mais la encore, quelle importance puisque ce qui devait etre fait est fait. Il faut que je me debarrasse de mon petit confort d'Occidental !

Penche sur mes copies, je vois des mouches passer devant mes yeux. La fatigue au bout de plusieurs heures de travail ? Pas du tout, ce sont bien de veritables petites betes qui circulent sous mon nez, plus exactement qui traversent la feuille de dissertation : des fourmis ! Quand elles me genent, je les expulse en soufflant dessus. Elles reviennent d'ailleurs tres vite. Quand j'ai besoin de me reposer un peu, je les observe, ca me delasse : certaines transportent des petits bouts de je-ne-sais-quoi, sucre, miette de pain, ... Je me demande ou elles vont comme ca. Je me souviens qu'enfant, dans le Berry, il arrivait que les fourmis s'introduisent dans les maisons (il fallait surveiller et proteger les placards de nourriture). Aujourd'hui, il me semble que ce genre d'invasion n'est plus chez nous a craindre. Je n'aimerais pas avoir une vie de fourmi, meme en Afrique.

Une collegue djiboutienne a qui je raconte tout ca (la porte, les toilettes, les fourmis) me repond en eclatant de rire : c'est ca l'Afrique !

mardi 19 juin 2012

Couvre-chef



A Djibouti comme dans tous les pays chauds se pose le probleme du couvre-chef. Il faut proteger le corps du soleil mais surtout la tete. Et comme ma chevelure n'est pas tres abondante et clairsemee, je ne peux pas compter sur elle pour faire casque. Je dois etre d'autant plus prudent que le cerveau est mon outil de travail ... Alors je fais quoi ?

Le chapeau est efficace et elegant mais ne convient pas trop aux gens de ma taille. Il me fait ressembler a un champignon. Il y a bien sur la solution de la casquette, cependant insatisfaisante : la nuque demeure vulnerable, et ici ca ne pardonne pas. Alors quoi d'autres ?

Dans la vie, il arrive qu'on reflechisse a une question sans rien trouver. Et puis, de facon inattendue, quand on est confronte au probleme et qu'on doit le resoudre sur-le-champ, la solution s'impose d'elle-meme, sans effort particulier. Sortant du lycee pour me rendre a la Poste, devant imperativement proteger ma tete durant le trajet a pieds, eureka j'ai trouve ! J'ai tout simplement enroule autour de mon crane le foulard leger dont je me sers contre l'effet mauvais de chaud et froid quand on passe du dehors a la clim.

Efficacite garantie : le front, la nuque, les oreilles sont enveloppes. Esthetiquement, je ne sais pas trop ce que ca donne : je ressemble a un arabe, touareg ou bedouin, ce qui a un petit cote couleur locale. Mais je crains aussi l'effet Dupont et Dupond dans Tintin et Milou : c'est quand ils s'habillent en indigenes qu'on les reconnait tout de suite !

En sortant de la Poste, un Djiboutien m'a interpele en me demandant si j'etais ... une femme. A mon avis, j'ai rate mon coup avec ma geniale idee de foulard en turban autour de la tete, qui me fait d'ailleurs un peu ressembler a Maurice Quentin de La Tour. J'ai bien envie cet ete a Saint-Quentin de me promener en ville avec ce couvre-chef, pour voir. Je ne risquerai pas le ridicule, mes amis enseignants et socialistes seront en vacances, peut-etre sous la meme latitude ou je me trouve en ce moment. Chapeau bas a tous !

lundi 18 juin 2012

La defaite de trop



J'ai veille tard dans la nuit de Djibouti pour voir s'afficher sur ma tele le resultat des legislatives a Saint-Quentin. La gauche une fois de plus battue, une fois de trop ! Car toutes les conditions de la victoire etaient reunies : a la presidentielle, Hollande avait creuse fortement l'ecart avec Sarkozy. Logiquement, la victoire devait revenir au PS. si nous ne sommes pas capable de gagner dans de telles circonstances, nous ne serons jamais capable de gagner dans aucune autre circonstance, et surtout pas dans deux ans aux elections municipales, si rien n'est fait pour remedier d'ici-la a la situation ! Car il faudrait etre aveugle pour ne pas voir que le probleme est local, comme je m'efforce de le faire remarquer depuis plusieurs annees.

Cette defaite est d'autant plus cruelle qu'elle se joue a peu de voix. Mais nous avons deja connu ca aux cantonales de 2004, en pire. Cruelle aussi parce que c'est la dixieme defaite du PS dans des elections locales depuis 1998 (legislatives, municipales, cantonales). Je crois franchement qu'il n'est plus possible de continuer comme ca.

Anne Ferreira n'est pas en cause dans cette defaite. N'importe qui a sa place aurait egalement echoue. Je la crois moins responsable que victime :

- Victime d'abord d'une longue et ancienne histoire de divisions entre socialistes saint-quentinois, parfois de querelles personnelles, une vraie plaie qui se poursuit helas encore aujourd'hui et qui empeche d'etre mobilises et de mobiliser notre electorat.

- Victime ensuite d'un manque d'implantation du PS dans la vie locale, d'une presence mediatique tres pauvre, d'une absence d'activites originales digne d'un grand parti de gouvernement.

- Victime enfin d'une ligne politique d'alliance avec l'extreme gauche qui nous donne un style qui n'est pas le notre, qui ne correspond pas a l'image que nous avons au plan national, qui nous marginalise et nous decredibilise.

Cette defaite de trop, alors que la gauche dans tout le pays est en joie, doit absolument etre la derniere. Car trop c'est trop ! J'espere que mes camarades ne chercheront pas des boucs emissaires, ne donneront pas des justifications faciles et consolatrices a la defaite, ne poursuivront pas dans une direction qui ne peut que reproduire l'echec. Il faut changer, il faut tourner la page. Ce n'est pas si difficile que ca, c'est une question de lucidite, de volonte et d'enthousiasme. J'y crois, je ne desespere pas et le moment venu je ferai les propositions pour s'en sortir et pour cette fois gagner.

dimanche 17 juin 2012

Un pays chaud



Autrefois, a l'ecole, on nous parlait des "pays chauds" et ce joli terme nous faisait rever, surtout quand il faisait froid ! Aujourd'hui, les enseignants n'emploient plus je crois ce mot, et c'est bien dommage car il est tres vrai. Si j'avais pour le moment une seule chose a retenir de Djibouti, ce serait la tres forte chaleur, qui domine tout, qui decide des activites et de l'emploi du temps.

La chaleur est "ecrasante", c'est le qualificatif le plus juste. Au cinquieme jour de mon installation, elle m'ecrase litteralement le corps. Mes intestins gargouillent comme une vieille tuyauterie. J'ai meme l'impression que la grosse chaleur dilate le temps : la semaine dure plus longtemps. Je travaille matin et soir. L'apres-midi, il faut reposer le corps, l'esprit ne suit plus et la clim ne regle pas tout.

La nuit tombe tres vite, presque d'un coup, sans transition, vers 18h30. Avant, le soleil est partout et nulle part. Ce n'est pas comme en France l'ete, un beau disque d'or sur un ciel tout bleu. Ici, le ciel est tout gris et le soleil tres present et a la fois invisible, comme le Dieu des musulmans.

Le jour ferie, c'est le vendredi. Mais aujourd'hui, c'est exceptionnellement une fete religieuse, le Prophete ayant recu de Dieu son message, d'apres ce que j'ai compris. Les televisions ont surtout parle de la mort du prince-heritier d'Arabie Saoudite, dont les obseques ont ete retransmises de La Mecque. A vrai dire, ce qui m'interesse ce soir, c'est le second tour des legislatives en France, notamment a St-Quentin, dont j'espere pouvoir avoir le resultat, meme si j'ai ma petite idee ...

vendredi 15 juin 2012

Dans les rues



Ce qui surprend dans les rues de Djibouti, c'est qu'il y a une vraie vie de rue qui n'existe plus en France. Les gens sont assis, discutent, traversent, des enfants abordent les passants. La rue n'est pas seulement un moyen de circulation, c'est un lieu de civilisation, d'echange, d'existence. C'est tres colore, vif, vivant, en mouvement. Les chaussees sont cabossees, les trottoirs mal dessines, la terre le dispute au goudron. Mais justement, les rues d'ici n'ont pas cet aspect artificiel, fabrique, geometrique qu'elles ont chez nous.

Aux Etats-Unis, dans certaines bourgades, un homme seul dans la rue, stationnant, passe pour etrange et la police intervient. Un rassemblement prend des allures de mauvais coup en preparation. En France, des enfants jouant dans la rue, c'est desormais mal vu. Quand des adolescents ou des adultes s'y retrouvent pour se rencontrer, parler, s'attarder, on dit qu'ils "trainent dans la rue". Dans notre societe individualiste et bourgeoise, on est a la maison ou bien au travail, mais pas dans la rue. La valeur du "chez soi" est devenue predominante. A la limite, la rue fait peur. La grande evolution du monde occidental contemporain, ce n'est pas seulement la quasi disparition de la civilisation rurale, c'est aussi la fin de la civilisation des rues, qui est restee intacte a Djibouti et sans doute dans toute l'Afrique.


PS : un americain a du passer apres moi sur l'ordi du Sheraton, je ne retrouve plus la version francaise pour mettre les accents. Tant pis pour eux et desole pour vous !

jeudi 14 juin 2012

Inch'Allah



Djibouti est un territoire français et un pays musulman. L'Islam est partout présent, meme dans les copies du bac, ou les références religieuses sont assez frequentes, ce qui ne nuit pas forcement a la dimension philosophique, pourvu que la réflexion soit présente. De l'autre coté du golfe d'Aden sur lequel donne ma chambre d'hotel, il y a le redoutable Yemen, et de l'autre coté la Somalie. Nous sommes ici a la frontière entre le monde africain et le monde arabe, mais dans une meme civilisation musulmane.

Beaucoup de femmes voilées dans les rues, sans doute autant par tradition que par religion, pas de burkas. Ces voiles de toutes les couleurs sont d'ailleurs très beaux et protègent efficacement du soleil. Rien ne renvoie a une quelconque soumission de la femme. Des profs de philo elles aussi portent ce fameux voile qui a tant fait débat en France. Hier, vers 18h30, alors que nous corrigions des copies, une collègue s'est levée pour aller faire sa prière a l'appel du muezzin. Tout ça se fait très naturellement, librement et sans ostentation.

L'appel du muezzin ! C'est a Dubai que je l'ai entendu pour la première fois il y a douze ans : c'est plus qu'un cri, c'est un véritable chant sur la ville, de mosquées en mosquées, profond et émouvant. Nos cloches a coté sont un tintamare ridicule. J'aime la simplicité, la rigueur et la force de l'Islam. Je ne sais pas si c'est la chaleur ou l'impregnation ambiante mais je me sens devenir musulman !


PS : je ne sais pas si vous avez remarqué, je me débrouille un peu mieux avec les accents du clavier, mais ce n'est pas encore parfait.

mercredi 13 juin 2012

Esclave de luxe



Vous etes hostiles a l'euro ? Vous pensez que le franc a complement disparu ? Venez ici, a Djibouti, ou l'ancienne monnaie a toujours cours, mais en valeur djiboutienne. Puisque je parle argent : pour prendre le taxi afin d'aller au lycee, il faut marchander le prix de la course, ce qui n'est absolument pas dans mes moeurs.

Le journal d'ici, La Nation, glisse sous ma porte de chambre, m'apprend que Marine Le Pen a appele a faire battre Xavier Bertrand dimanche prochain. Quel poison cette femme ! Si Bertrand doit etre battu, ce sera par des voix republicaines, pas extremistes. Les socialistes doivent rejeter ce piege et ce soutien dont on se passerait bien !

j'ai commence ce matin la correction des copies, au rythme de 50 par jour sur une semaine. Pas question de tomber malade ! Je me retrouve avec mes collegues dans une sorte de petit bunker, protege des 40 degres de chaleur, mais sous une lumiere artificielle. Le tourisme n'a pas sa place dans cet emploi du temps et ce mode de vie. Djibouti n'est d'ailleurs pas une destination de villegiature. Je ne me plains certes pas, le Sheraton est agreable. En fait, je suis devenu une sorte d'esclave de luxe, un peu comme les pedagogues dans la Grece antique, des esclaves qui n'avaient rien a voir avec l'image que donnaient ceux de l'Egypte des pharaons, mais esclaves quand meme !


PS : mes collegues m'ont dit que le clavier que j'utilise est americain, d'ou l'absence d'accents. Qui a une solution pour l'esclave ?

mardi 12 juin 2012

Djibouti me voici !



Parti hier de Paris a 11h10, je suis arrive a Djibouti a 21h15. Dans l'avion d'Air France, la presse nationale me dit que Xavier Bertrand est en ballotage "favorable" pour le second tour des legislatives. Ca me fait penser aux "avis" que les enseignants donnent aux candidats du bac dans leur livret scolaire : "favorable", c'est quand on estime, au vu des resultats dans l'annee et des efforts consentis, que l'eleve a de grandes chances de reussir a l'examen, ce qui n'empeche pas certains de se planter. Et puis, on ne devient pas depute comme on devient bachelier !

Le bac justement : je suis ici pour ca, il n'y a que 13 profs de philo pour 5 781 candidats, il faut donc recruter jusqu'en Picardie pour suppleer. Les epreuves ont commence hier. Mes premieres images de Djibouti en debut de nuit, ce sont des hommes sur les trottoirs, dans des chaises, un fusil a la main, gardant l'entree de certaines residences. Je suis loge a l'hotel Sheraton, avec piscine et vue sur la mer. Je vis cependant dangereusement : il faut se mefier, m'a-t-on dit, de ce qu'on mange et de ce qu'on boit. Pas de fruits non peles, pas d'eau du robinet. Il est meme recommande de se brosser les dents a l'eau minerale !

Demain, j'attaquerai mes premieres corrections, un paquet de 370 copies ! Apres, il y aura l'oral a faire passer. Mes collegues djiboutiens, que j'ai rencontre aujourd'hui, ont des classes de 50 eleves et frequemment 300 copies a corriger par mois.



PS : l'absence d'accents dans ce billet n'est pas un effet litteraire de ma part, inspire par le lieu. C'est simplement le clavier du Sheraton qui me joue ce mauvais tour, auquel j'espere pouvoir remedier.

dimanche 10 juin 2012

On va gagner !



On va gagner ! On va gagner ! c'est ce que j'ai entendu ce soir à Saint-Quentin, au palais de Fervaques, à l'annonce des résultats. Mais qui va gagner ? Tout le problème est là ! A l'applaudimètre, j'avais l'impression que la droite dominait. Mais j'ai cru entendre aussi Ferreira vaincra ! à moins que ce soit Bertrand vaincra ! Je ne sais pas trop ... Le premier slogan respecte la rime, mais Anarchie vaincra, qui est le modèle initial, ne la respecte pas. Le bon point de Xavier Bertrand, c'est qu'il arrive en tête. Le bon point d'Anne Ferreira, c'est qu'elle n'est qu'à trois points d'écart. La surprise, c'est que le FN ne peut pas se maintenir.

Quand je suis sorti de Fervaques, il pleuvait à trombles alors que le mauvais temps avait été contenu toute la journée. Ca aussi, j'ai du mal à l'interpréter ... La seule certitude ce soir, c'est que demain à la même heure je serai sous une chaleur étouffante, à Djibouti, de correction de baccalauréat. Je n'aurai même pas le loisir d'assister au dénouement de l'élection dans la deuxième circonscription de l'Aisne. Pendant les trois prochaines semaines, j'essaierai, où je serai, de vous raconter ce qui se passe. Mais là aussi, il y a pas mal d'incertitudes ...

samedi 9 juin 2012

Le ciel est laïque !





Depuis deux ans, je me demandais vraiment si le ciel était laïque. En effet, à chaque cérémonie de juin devant le monument dédié à l'école publique dans le parc des Champs Elysées à Saint-Quentin, il pleuvait à seaux. Pas aujourd'hui ! Le ciel est donc bel et bien laïque. Je ne sais pas si c'est le soleil qui a fait sortir les élus comme la pluie fait sortir les escargots, mais ils étaient plus nombreux que d'habitude (vignette 2). Jean-Claude Decroix veillait au bon ordre du protocole en ces temps délicats de campagne électorale.

Les enfants des écoles ont chanté une belle Marseillaise, sans cette année les tenues solennelles qui les faisaient ressembler à des communiants. Jacqueline Hargous, présidente de l'association des amis de l'école publique, a terminé son discours en demandant à ce que l'école aime ses enseignants (vignette 1). Annette Pierret est intervenue au nom des DDEN, délégués départementaux de l'éducation nationale, rappelant leur précieuse et indispensable contribution au bon fonctionnement de l'école. Françoise Jacob, représentant la Municipalité, adjointe à l'enseignement, a énuméré les travaux et financements dont bénéficient les écoles de Saint-Quentin.

Tout le monde est reparti content vers la salle du Splendid pour assister aux prestations des enfants. L'un des noms inscrits sur le monument des Champs Elysées est Jean Macé, fondateur de la Ligue de l'enseignement, qui estimait que l'école était nécessaire à la République pour former des citoyens et des électeurs. N'oublions pas de mettre la leçon en pratique demain en reprenant le chemin des écoles, non pour s'instruire mais pour voter.

vendredi 8 juin 2012

Michel ce héros



C'était hier à Vervins les obsèques de Michel Lefèvre, une semaine après le terrible choc. L'église n'était pas assez grande pour recevoir tous ses amis. De cette émouvante cérémonie, j'ai retenu le célèbre discours de Martin Luther King, "J'ai fait un rêve". Le moment le plus poignant pour moi : le "Ne me quitte pas" de Jacques Brel s'élevant dans la nef. Michel nous a quittés ... Mais les chansons de Jean Ferrat redonnaient espoir : l'amour est toujours plus fort que la mort. Et l'amour de Marie-Françoise, l'épouse de Michel, était grand pour celui qu'elle appelait "mon héros" !

Quand je me suis approché du corps pour la bénédiction, j'ai fait à Marie-Françoise, de la main et du regard, un signe de complicité, surpris de la voir comme d'habitude si belle, si digne, faisant face au malheur avec beaucoup de tenue. Michel aurait aimé voir ça, aurait été très fier d'elle. Ce qui m'a frappé, c'est sa veste blanche, pure, lumineuse, comme un défi à la mort. S'habiller de noir, c'est accepter le destin, concéder au drame. Michel était du côté de la vie, il n'aurait pas aimé les airs et les vêtements sombres.

Pendant la célébration où se sont faits entendre, étrangement, les noms de Jésus-Christ et de Robespierre, il y a eu un moment magique, presque surnaturel, que j'ai peut-être été le seul à percevoir : non pas un choeur d'anges mais mieux que ça, des cris et des rires d'enfants venant de la cour de récréation de l'école voisine. Cette chorale-là, pourtant involontaire, était plus belle encore que celle de l'église, elle rendait un hommage très juste à Michel Lefèvre.

De lui, je pourrais aussi vous dire qu'il était un laïque non sectaire et un socialiste ouvert, qu'il m'épatait en tant que militant politique de terrain, capable de se faire élire puis réélire dès le premier tour dans un canton de droite ! Mais ce sont des souvenirs plus personnels qui me viennent à l'esprit, qui peuvent paraître dérisoires, qui ne le sont pas pour moi : par exemple ses chemises impeccablement repassées, ce soin qu'il tenait à être toujours très présentable, et puis ce dessert qu'il m'a fait connaître, que je me suis mis à mon tour à apprécier, que je commande désormais systématiquement au restaurant : le Colonel, un mélange délicieux de glace citron et de vodka. Pour Michel, les plaisirs de la vie passaient par la table.

En 2004, il m'a proposé de lui succéder à la tête de la FOL, Fédération des oeuvres laïques de l'Aisne, et pendant huit ans, à chaque renouvellement de présidence, il m'a accordé sa confiance. J'ai vécu avec lui quelque chose de très rare dans la vie associative : pas une seule dispute, pas une seule ombre entre nous, alors que les problèmes de gestion de cette lourde structure n'étaient pas minces. Nous étions pourtant, sous bien des aspects, très différents l'un de l'autre. Mais j'ai appris avec lui, sans qu'il m'en fasse la leçon, d'une façon naturelle et spontanée, que lorsque la différence est vécue dans la complémentarité, on peut faire énormément de choses, on peut aller très loin ensemble.

Michel n'était pas mon héros mais tout de même une sorte de modèle. Je retiendrai ce congrès de la Ligue de l'enseignement, à Toulouse, il y a deux ans, où nous étions tous les deux allés, où nous avions passé de bons et simples moments. Notre relation allait de soi, sans ostentation. Il y avait entre nous une estime mutuelle, peut-être une admiration réciproque. Rien de tout cela n'est mort. Il y a une mémoire qui se poursuit, une inspiration qui continue. Nous pouvons quitter ce monde, nos actes n'en finissent pas moins de témoigner pour nous. Jacques Brel peut cesser de supplier, Michel Lefèvre ne nous a pas quittés.

En vignette, Michel en 2005 à Saint-Quentin, où nous avions fêté dans le palais de Fervaques le centenaire de la loi de séparation des églises et de l'Etat.

mercredi 6 juin 2012

Dosière en grande forme



Ce soir, à Sissonne, René Dosière en grande forme tenait une réunion publique. Les participants étaient accueillis par le maire, Pierre-Marie Lebée. Parmi le public, le radical de gauche Didier Boda et la verte Catherine Aribas, ainsi que plusieurs maires de la circonscription et le Saint-Quentinois Maurice Vatin. Le député a commencé par expliquer son refus de prendre Fawaz Karimet comme suppléant : par loyauté envers celui avec qui il a travaillé pendant cinq ans, Jean-Michel Wattier, par ailleurs membre du PS et président de l'association des élus socialistes et républicains de l'Aisne.

Puis René Dosière a décliné ses thèmes de prédilection : le non-cumul des mandats, que le président de la République a appliqué à ses ministres ; l'élection des présidents des communautés d'agglomération au suffrage universel direct ; la moralisation de la vie politique, entreprise par François Hollande en simplifiant le train de vie du chef de l'Etat et en diminuant les rémunérations des membres du gouvernement. Ce n'est pas ça qui réduira les déficits, mais le symbole est important et dans cette période de crise où beaucoup de Français souffrent, l'exemplarité doit être de mise. Les idées de Dosière ont le vent en poupe et sont reprises au plus haut niveau, le député ne doute pas de sa réélection. C'est sans doute ça, à 71 ans, le secret de sa grande forme.

mardi 5 juin 2012

A la vie, à la mort



Dans douze jours, à Saint-Quentin, de Xavier Bertrand et d'Anne Ferreira, un des deux sera politiquement mort. C'est aussi ce qui rend cette élection déterminante et passionnante. Si le maire de Saint-Quentin est battu par la candidate socialiste, c'est son statut d'homme politique national qui sera atteint. Si c'est au contraire la candidate socialiste qui échoue alors que la tendance nationale devrait la conduire à réussir, c'est sa candidature aux élections municipales qui sera compromise.

A l'heure qu'il est, les jeux ne sont pas faits. Il y a des intuitions, des craintes et des espoirs, mais aucune certitude quant au résultat. Xavier Bertrand a pour lui son ancrage local, Anne Ferreira la dynamique gouvernementale. Mais qui, au final, l'emportera ? La seule certitude, c'est que l'un des deux n'en sortira pas indemne, sera fortement disqualifié pour l'avenir. Tous les scrutins locaux n'ont pas été par le passé aussi cruciaux que celui-là. A la vie, à la mort, c'est parfois la loi impitoyable de la politique, même si les résurrections ne sont jamais totalement à exclure.

J'entendais ce matin, comme chaque matin, Alain Duhamel sur RTL, nous dire que cette campagne des législatives était la première sous la Vème République à être "introuvable", "invisible", en faisant justement remarquer qu'aucune grande émission de débat n'avait été organisée à la télévision. Il est certain que nous n'allons pas vers une "vague rose" comme en 1981, même si le PS sera à coup sûr le vainqueur. La victoire de Mitterrand était "historique", celle de Hollande n'est que "normale", pour reprendre le vocabulaire en vigueur. Duhamel a souligné que l'élection était moins nationale que locale, un scrutin au niveau de chaque circonscription, avec de grands duels, des enjeux importants, et il a cité "la circonscription de Xavier Bertrand". Introuvable et invisible sans doute, mais à Saint-Quentin passionnant et déterminant.

lundi 4 juin 2012

Meeting à Europe









Meeting d'Anne Ferreira, candidate socialiste dans la 2ème circonscription de l'Aisne, ce soir dans le quartier Europe à Saint-Quentin, salle Pablo Neruda. Invités d'honneur : Marie-Noëlle Lienemann et Thierry Marchal-Beck, président du Mouvement des jeunes socialistes (MJS). A la tribune : Jean-Jacques Thomas et Stephan Anthony (vignette 1). Au premier rang, le Conseil régional de Picardie était bien représenté : Michèle Cahu, Bernard Bronchain, Olivier Chapuis-Roux (vignette 2). Au milieu d'un public de 75 personnes (vignette 3), une guest star a été chaleureusement remerciée par la candidate : Stéphane Monnoyer, ex-responsable local du MoDem, en dissidence (vignette 4).

dimanche 3 juin 2012

Dur dur



Depuis que je suis Saint-Quentinois, j'ai connu six scrutins locaux. Je peux vous dire que celui que nous sommes en train de vivre est à la fois le plus passionnant et le plus paradoxal. Le plus passionnant parce que, pour la première fois depuis que j'habite dans cette ville, mon parti peut gagner : sur le papier, arithmétiquement, les jeux sont faits. Même si une législative n'est pas une présidentielle, l'écart de voix entre Hollande et Sarkozy est tel dans la deuxième circonscription de l'Aisne qu'on imagine mal qu'en seulement cinq semaines l'électorat se retourne, se déjuge, qu'une partie significative de bulletins PS se transforment en bulletins UMP. Quant à l'impact local, un récent sondage a montré qu'il n'intervenait que pour 20% des électeurs. Tous les autres vont se déterminer sur des choix nationaux.

Tous ces éléments objectifs devraient permettre la victoire d'Anne Ferreira sans trop de difficultés, du moins inspirer une forte confiance et un climat d'optimisme. Or, et c'est là le paradoxe, il y a un doute, une prudence, une incertitude que je sens autour de moi, dans les conversations ordinaires où l'enthousiasme normalement devrait être plus puissant (mais c'est peut-être aussi une forme de sagesse ?). Anne elle-même, dans L'Aisne Nouvelle de ce samedi, prend du recul : "C'est une élection difficile (...) Il y a des gens qui votent pour ceux qu'ils connaissent". Même la perspective pourtant improbable d'une élimination au premier tour n'est pas totalement écartée : "On ne se place pas dans cette hypothèse-là, mais il y a toujours des points d'interrogation quand on fait une campagne".

Jouer profil bas est peut-être, après tout, une stratégie payante, le coup de la modestie face au très connu et très présent Xavier Bertrand. Le paradoxe, c'est que c'est généralement lui que les médias présentent en situation "difficile" ! Libération, dans un article du 29 mai consacré à Saint-Quentin, le dit "pas tout à fait serein" quant à l'issue du vote mais souligne l'atout de sa forte notoriété et sa "stratégie du gars du coin". Pour le reste, dans son entretien avec Jérôme Poinsu de L'Aisne Nouvelle, la candidate socialiste informe que Stéphane Monnoyer (MoDem) l'a assurée personnellement de son soutien, qu'elle attend d'Antonio Ribeiro qu'il se stabilise politiquement, que les candidats de l'Alliance écologiste indépendante la préoccupent et qu'elle ne se représentera pas à un nouveau mandat régional si elle est élue députée. Quant à prendre la tête de liste aux élections municipales, rien n'est décidé.

Le Courrier picard a fait, dans son édition de samedi, quelque chose à ma connaissance de complètement inédit : une enquête (pas véritablement un sondage) sur les intentions de vote dans la circonscription. Les résultats sont donc à prendre avec précaution et relativité. Xavier Bertrand arrive en tête, Anne Ferreira le talonne, sauf à Remicourt, seul quartier où les deux sont à égalité, dans un secteur pourtant électoralement à droite ... mais où réside la candidate (ce qui confirmerait la prime à la notoriété). Cette enquête ne préjuge pas de la suite et surtout de la fin de campagne, mais elle conforte politiquement et psychologiquement la droite. Ce que j'en retiens surtout, c'est la méconnaissance des électeurs et le désintérêt pour l'élection, ce que la gauche a sans doute le plus à redouter.

Un vrai sondage celui-là, c'est dans Le Figaro d'hier, dont les estimations me surprennent : au premier tour, 11 points d'écart entre Xavier Bertrand (41%) et Anne Ferreira (30%). C'est énorme, à tous les sens du terme ! Au second tour, inévitablement avec une telle différence, c'est l'UMP qui l'emporterait (52% contre 48%). En cas de triangulaire, l'échec est encore plus flagrant (UMP : 44% ; PS : 38% ; FN : 18%). Ce dernier résultat confirme ce que j'ai toujours pensé et écrit sur ce blog : contrairement au préjugé, la triangulaire n'est absolument pas profitable à la gauche. En gelant des voix populaires à l'extrême droite, elle prive le PS de sa victoire, qui ne pourra se produire que dans le face à face avec Xavier Bertrand, pas dans l'espoir d'un tiers qui viendrait perturber le jeu.

Dernier élément de réflexion : le reportage de France 2 au journal de 20h vendredi. La "bataille de Saint-Quentin" (c'est le titre) est réduite à un duel UMP-FN, Xavier Bertrand et Yannick Lejeune étant directement interviewés, pas Anne Ferreira qui est présentée, de façon un peu désobligeante, comme "ne faisant pas campagne sur son nom". Des détails sans importance, me direz-vous ? Moi qui m'intéresse à la communication, je ne pense pas que ces petites questions d'image soient négligeables. Mais nous n'y pouvons pas grand chose ...

Il reste encore une semaine avant que les citoyens ne se prononcent. Demain soir sera le prochain rendez-vous déterminant pour les deux principaux candidats qui vont rassembler leurs troupes à Saint-Quentin, à une heure trente d'intervalle. Une nouvelle occasion de mesurer le rapport de forces. Mais le dernier mot revient toujours, en démocratie, à l'électeur dans le secret de l'isoloir. Et ça, on ne peut rien en dire, rien prédire, ni espérer ni redouter : simplement croire, militer et attendre ...

samedi 2 juin 2012

Ni d'Eve ni d'Adam



J'ai reçu ce matin dans ma boîte aux lettres les professions de foi des candidats à l'élection législative dans la 2ème circonscription de l'Aisne. Je me suis surtout intéressé aux "petits", à ceux qu'on ne connaît pas très bien. Des écolos drôles d'oiseaux par exemple : Sylvie Glinatsis et son suppléant Olivier Dauptain, dont on ne sait même pas d'où ils viennent. Habitent-ils seulement dans l'Aisne ? Sont-ils déjà venus à Saint-Quentin ? C'est fou mais on peut en douter ... Ah si, on apprend de quel parti ils sont : le MEI, Mouvement écologiste indépendant d'Antoine Waechter, star de l'écologie au début des années 90.

Et puis, plus étrange encore, il y a l'Alliance écologiste indépendante, ni de droite ni de gauche, qui au lieu d'avoir deux candidats, titulaire et suppléant, en a dix ! Je suppose que le nombre compense chez eux la très faible notoriété ... Parmi eux, Jean-Louis Fontaine représente le "Collectif des Démocrates Handicapés" (sic). Il y a même un Hulot, mais qui s'appelle Marie-Martine. Enfin, un de leurs candidats ressemble vraiment à Francis Lalanne et porte ce nom. Ca doit sûrement être le vrai. L'Alliance, ce n'est pas n'importe quoi, c'est "le 7ème mouvement politique français" (re-sic). Je ne sais pas comment ils font pour compter. En tout cas, ils sont manifestement fiers de ce classement.

Un autre qui vient de nulle part, c'est Jean-Thierry Gampert, du Parti de la France. Vous pensez qu'on ne peut pas faire plus facho que Le Pen et Lejeune, le candidat du FN dans la circonscription ? Vous vous trompez, il y a Gampert. Ce n'est pas une profession de foi, c'est un torchon, dont je ne voudrais même pas comme papier-toilette. "La France aux Français", nous dit le monsieur en reprenant le slogan de l'extrême droite des années 30. Pour lui, Marine Le Pen est quasiment de centre gauche.

J'ai lu aussi très attentivement la prose abondante des deux candidats d'extrême gauche. Michel Aurigny, du Parti ouvrier indépendant, s'en prend à plusieurs reprises au traité européen "TSCG", sans jamais décliner ce sigle, qui en devient mystérieux et inquiétant (mais c'est peut-être fait pour ça). Quant à Anne Zanditénas, de Lutte ouvrière, elle tape sur le PS : "les socialistes ne sont pas plus capables de juguler la crise qu'ils ne sont décidés à défendre les salariés contre le grand capital". Même ses alliés de l'opposition dans le conseil municipal de Saint-Quentin ?

Enfin, ils ne sont pas présents dans la course aux législatives mais ils font campagne quand même : ce sont les communistes rebelles, Corinne Bécourt et Olivier Tournay, avec un étrange et nouveau concept politique : faire campagne sans avoir de candidat et sans soutenir aucun autre candidat. Je suppose qu'ils ne donneront pas de consigne de vote mais qu'ils iront malgré tout voter. Il faut être révolutionnaire pour avoir des idées pareilles !

vendredi 1 juin 2012

Michel


Michel Lefèvre est décédé cet après-midi dans un accident de la route. Il était vice-président du Conseil général de l'Aisne, maire de Rougeries, dix ans président de la FOL (fédération des oeuvres laïques de l'Aisne). Dans la campagne des législatives, il était le suppléant de Jean-Louis Bricout, maire de Bohain. C'était un camarade et un ami. Il aimait la vie. Je pense à Marie-Françoise, son épouse, et à tous ses proches. Ses obsèques auront lieu jeudi après-midi à Vervins. Ce soir, il n'y a plus que le silence et la tristesse.

En vignette, Michel lors de l'assemblée générale de la FOL en 2009, dans un exercice qui lui tenait à coeur, la remise de médailles.