mardi 30 octobre 2012

Questions sur la fidélité



Beaucoup de monde ce soir au café philo de l'EPIDE, des nouveaux et un sujet brûlant : à quoi doit-on être fidèle ? A soi, à ses proches, aux autres, à ses origines, à son pays, ... ? La question de la fidélité pose bien sûr celle de l'infidélité : pourquoi la trahison, la tromperie ? Ce qui en ressort, c'est que la fidélité demande toujours quelques efforts.

Le mot vient de fideis, qui signifie foi : n'en faut-il pas pour demeurer fidèle ? C'est un terme ancien, presque moyen-âgeux : on pense à la fidélité du vassal envers son suzerain, ou du croyant envers son Dieu (les fidèles sont ceux qui vont à la messe). Aujourd'hui, on parle plus volontiers de la fidélité conjugale. Bonne question : une infidélité avouée et assumée est-elle encore une infidélité ? Celle-ci ne se nourrit-elle pas du mensonge ? Il y a bien sûr le chien, ami fidèle de l'homme. Finalement, la plus sûre fidélité ne serait-elle pas la reconnaissance du ventre ?

La politique est un territoire infidèle : on est copains comme cochons jusqu'au moment où l'on retourne sa veste ! Et le vieillard, est-il resté fidèle à ses rêves de jeunesse ? La fidélité est peut-être préservée si l'infidélité n'est qu'imaginaire, dans la tête. Mais gare au passage à l'acte ! Quoique même en pensée, le pas est franchi, la transgression est accomplie, l'infidélité consommée.

C'était la dernière séance avec Aurélie, qui part vers d'autres cieux, mais que nous retrouverons, je l'espère, fidèle au café philo en dehors de l'EPIDE.

lundi 29 octobre 2012

Come-back





L'un porte ses doigts sur les tempes et nous regarde fixement comme pour nous faire regretter quelque chose, l'autre affiche une barbe naissante, sourit et salue de la main comme s'il cherchait encore à séduire : les magazines nous en parlent comme s'ils pouvaient revenir sur la scène publique, exercer peut-être de hautes responsabilités. En politique, est-ce qu'on revient quand on est parti ? Est-ce qu'on peut gagner quand on a perdu ? C'est un beau sujet de réflexion, aux réponses incertaines.

Le passé nous donne quelques exemples. Il y a la fameuse "traversée du désert" du général de Gaulle : chef du gouvernement, puis dix ans d'opposition avant de revenir à la tête de l'Etat, alors que le général était déjà un retraité à Colombey. Mais c'était de Gaulle ! François Mitterrand a fait mieux : vingt-cinq ans d'opposition avant d'être élu président ! Mais c'était une conquête plus qu'une reconquête : dans les années 50, Mitterrand n'avait été que ministre.

Ceux qui quittent, de gré ou de force, la vie politique n'y reviennent pas : à la fin des années 80, la "bande à Léo" était promise à un bel avenir ; la plupart de ses membres, et d'abord son chef, ont disparu ou se sont contentés de jouer les seconds rôles. Quant aux occasions prometteuses mais ratées ou refusées (Michel Rocard, Raymond Barre, Jacques Delors), elles ne se représentent pas : les plats en politique ne passent qu'une fois ; après, il faut se contenter des restes.

Dans la vie politique locale, à Saint-Quentin, Odette Grzegrzulka, malgré toute sa fougue, n'a pas réussi à redevenir députée en 2007. Qui sait si elle n'aurait pas réussi cette année, en demeurant dans notre ville et en faisant prospérer son implantation personnelle ? Anne Ferreira, dans le même combat, a perdu de peu alors que les résultats de la présidentielle laissaient espérer qu'elle gagne haut la main.

L'idée qu'on ne meurt jamais en politique n'est qu'une légende consolatrice qui repose sur l'auto-persuasion. En vérité, ses cimetières sont remplis de gens qui se croyaient indispensables ou invulnérables, qui ont bel et bien été "tués" et qu'on ne reverra pas, sinon en fantômes. Les flash-back sont nostalgiques et nombreux, les come-back désespérés et ratés.

La meilleure attitude, qui a toujours suscité mon admiration alors que l'homme n'attire absolument pas ma sympathie politique, c'est celle de Valéry Giscard d'Estaing : président-monarque à la fin de son septennat, quittant l'Elysée sous les huées, il a eu la modestie, et même l'humilité de repartir d'en bas, se faire élire député, redevenir un parmi plusieurs centaines de parlementaires, puis gérer une région, enfin d'accepter de se faire battre à des élections municipales. Comme quoi l'orgueil le plus endurci peut être politiquement mis à mal, pour le plus grand profit moral de sa victime et pour l'honneur de notre démocratie.

dimanche 28 octobre 2012

La pensée est une fête







A l'invitation du café philo des Phares, place de la Bastille à Paris, j'ai animé ce matin autour d'un sujet original et de circonstances, à quelques jours de la Toussaint : "pour qui sont les fleurs des cimetières ?" (vignette 1). D'autant que dans l'après-midi, je faisais visiter le cimetière du Père Lachaise à nos amis du café philo de Soissons. Nous y avons d'ailleurs retrouvé le souvenir de Saint-Quentin, avec le monument en l'honneur d'Anatole de La Forge, défenseur de la ville contre les Prussiens en 1870 (vignette 2). Cette déambulation historique, esthétique et philosophique s'est terminée devant le Mur des Fédérés, où nous avons bien sûr entonné "Le temps des cerises" (vignette 3). Au retour, sur mon répondeur, Gunter Gorhan, l'un des fondateurs du premier café philo parisien, m'avait laissé ce sympathique message : "rencontre réjouissante, la pensée est une fête". Entièrement d'accord.

samedi 27 octobre 2012

La croix et le compas



Jacques Destouches, sous-préfet, avait raison en disant que la cérémonie de ce matin, dans la basilique de Saint-Quentin, n'était pas une simple inauguration de travaux, mais aussi un évènement symbolique. Le lieu n'est pas anodin : c'est le plus haut point de la ville, des générations s'y sont faits baptiser, marier, enterrer, l'art, l'histoire et la spiritualité s'y retrouvent. Sur le parvis, dans le froid, l'abbé de Hédouville accueille les invités. Le maire, Xavier Bertrand, a une veste en cuir qui coupe le vent. L'évêque, Monseigneur Giraud, se repère à son col romain et sa grande croix d'argent ; il prend des photos avec son téléphone mobile (c'est un geek assumé).

L'architecte de la rénovation, maître de l'équerre et du compas, explique à côté du curé le sens de son travail. Une personne me souffle à l'oreille que les maçons (spéculatifs) dans l'assistance ne vont pas entrer dans le saint édifice, mais demeurer comme autrefois devant le portail. Décidément, les préjugés sont tenaces et certaines mentalités datent un peu ! Les Fils de la Lumière, y compris de hauts grades, sont entraînés par la foule vers l'intérieur. Ici, aujourd'hui, nous sommes tous frères ...

Xaxier Bertrand détient dans ses mains une grosse clé, qui n'est pas de saint Pierre mais du maire-propriétaire qu'il est, paradoxalement en vertu de la loi de séparation des églises et de l'Etat. Alexis Grandin fait visiter, en guide-conférencier. Certains élus d'opposition, forcément absents, doivent entendre leurs oreilles bourdonner, et pas seulement du son des cloches : ils se sont opposés, au nom d'une radicale et anticléricale laïcité, aux subventions de réfection. Ceux qui sont là constituent le public fourni des grands jours et des grandes occasions. Parmi ces personnalités emmitouflées, qui ont souvent la goutte au nez : Bernard Delaire, Roland Lamy, Stéphane Lepoudère, Monique Ryo, Jean-Robert Boutreux, Maryse Trannois, Jean-Pierre Semblat, Pascale Gruny, Agnès Potel, Jean-Paul Lesot, Roland Boucier, Michel Garand, Antonio Tejado, Bernard Visse, ... et les caméras de France 3.

Pendant les discours, Xavier Bertrand, en cet endroit chargé d'éternité, est appelé "Monsieur le Ministre", comme si rien n'avait changé. Les yeux sont levés au ciel, même chez ceux qui n'y croient pas. La cérémonie se termine par la bénédiction des vitraux, avec des alléluia et des signes de croix. Dans un coin de la basilique, un pot de l'amitié nous attend, au frais. La croix et le compas sont réconciliés, la République est en paix avec elle-même. Mais il fait toujours aussi froid.

vendredi 26 octobre 2012

Mes petits cailloux



Je suis étonné des remous provoqués par ma candidature au secrétariat de la section de Saint-Quentin, annoncée depuis longtemps et conforme aux règles de mon parti. Dès lundi, le journal L'Union annonçait que j'avais été "évincé" et que ma "mauvaise humeur" expliquait mon "absence" au congrès départemental du PS samedi à Festieux. Tout est faux : je ne manifeste ni bonne ni mauvaise humeur en politique, et si j'étais absent, c'est parce que je participais ce jour-là à la réunion nationale des présidents de la Ligue de l'enseignement à Paris (voir mon billet de ce samedi). Je m'étais fait excuser la veille auprès de ma fédération. Quant à ma candidature, elle a été déposée en bonne et due forme. La théorie qui veut qu'il ne peut y avoir qu'un candidat par motion n'est pas inscrite dans nos statuts, que j'ai toujours respectés.

Déjà, il y a trois semaines, j'avais appris par la presse que la date-limite de dépôt des candidatures n'était pas celle du 20 octobre, selon le secrétaire de section : je ne pouvais donc plus concourir, étant hors-délai. Ce qui là aussi s'est révélé faux, cette date-là étant parfaitement exacte.

Hier, dans L'Aisne Nouvelle, c'est une pleine page qui a été consacrée à cette incroyable affaire. L'image que les socialistes donnent d'eux-mêmes est déplorable : on ne peut pas prétendre être secrétaire de section, représenter l'ensemble des socialistes et ironiser sur ses propres camarades ; on ne le peut pas non plus en se montrant désagréable avec la presse, quand on sait que la fonction exige une bonne maîtrise de la communication et des relations publiques. Dans la même semaine, l'ancien secrétaire de section et conseiller municipal Jean-Louis Cabanes avait rajouté à la confusion en attaquant l'actuelle opposition (sur le fond, ses arguments sont justes, mais l'intervention ne peut que discréditer encore plus la gauche locale).

De cet article, il en ressort notamment que je ne pèse rien, d'où le surnom moqueur et affectueux de "Petit Poucet". Mais pour qu'on sache combien je pèse, encore faudrait-il qu'on puisse le mesurer en me laissant me présenter ! Mes deux voix aux élections cantonales ne veulent pas dire grand chose quand on sait qu'il y a eu onze votants seulement ! Pour la désignation du secrétaire de section, nul ne peut anticiper le résultat, l'actuel titulaire lui-même ne connaissant pas très bien le nombre d'inscrits ... Ce que je sais, c'est que je présente une candidature de convictions, que je veux soumettre mes propositions au débat et que personne ne m'en empêchera.

Et puis, savez-vous comment se termine l'histoire du "Petit Poucet" ? Sa méchante famille veut l'égarer dans la forêt, il sème des petits cailloux derrière lui pour retrouver son chemin, il finit par échapper aux griffes de l'ogre et par rentrer chez lui. Tout est bien qui finit bien. Dans la section socialiste de Saint-Quentin aussi ? C'est ce que je souhaite à nous tous, parce que franchement, pour le moment, les élections municipales, c'est vraiment très mal parti.

mercredi 24 octobre 2012

Les mots menteurs



J'accorde beaucoup d'attention au langage des hommes publics : quand on s'adresse à des millions de personnes, à travers la presse ou les médias, il est normal d'avoir une certaine maîtrise de la parole, de faire attention à ce qu'on dit, d'utiliser les mots justes. Or, depuis une vingtaine d'années au moins, il y a un relâchement manifeste, une dramatique concession aux effets de mode. J'en ai pour exemple trois polémiques récentes dans lesquelles le langage a été malmené, vicié, perverti :

D'abord cette histoire de "salle de shoot" ; une expression plus que maladroite, littéralement criminelle, puisqu'elle laisse croire qu'on pourrait s'injecter la mort dans les veines en toute légalité ! Pourquoi utiliser ce terme de "shoot", qui rend la drogue (c'est le mot exact) presque sympa (se faire un bon "shoot" !). Bien sûr, les gens avertis n'ont pas besoin de traduction, savent de quoi il s'agit et ne se méprennent pas. Mais combien de citoyens ignorent tout de ce dispositif médical, prennent les mots au sens premier ? Beaucoup plus qu'on ne croit ... Et même envers ceux qui savent, les mots doivent être soigneusement choisis et respecter la vérité. Qu'on parle si l'on veut d' "assistance médicalisée" (je ne suis pas spécialiste, c'est à eux de proposer la bonne formule), mais qu'on arrête avec ces odieuses et choquantes "salle de shoot".

Ensuite, il y a les lieux communs déjà anciens, les expressions toute faites auxquelles on ne réfléchit même pas, les pseudo-évidences, les clichés. Le dernier en date, à l'occasion d'un accouchement prématuré qui a entraîné la mort de l'enfant : il a été question de "désert médical" pour expliquer ce drame. La jeune femme a très dignement écarté ce vocable, en lui substituant un mot que notre société n'ose plus employer parce qu'il lui fait peur : "fatalité", oui, une terrible et tragique fatalité. "Désert médical", c'est une formule idiote, qui ne veut rien dire, qui offense la vérité. La France est un pays moderne, hyper-médicalisé, et sûrement pas, en la matière, un "désert", c'est-à-dire, puisqu'il faut bien se soumettre à la signification du vocabulaire, un endroit immense, vide, ingrat et périlleux. Non, la France, avec ses pharmacies un peu partout, son système des urgences, ses toubibs et ses spécialistes, sa Sécu, n'est pas, ni de près ni de loin, un "désert médical". En revanche, que les évolutions du monde moderne, chez les médecins comme chez les patients, nécessitent des adaptations, des réorganisations qui n'ont pas encore été complètement effectuées, je veux bien le croire, et nous le constatons. Mais ce n'est pas avec le concept polémique et erroné de "désert médical" qu'on peut y comprendre quoi que ce soit.

Enfin, et j'ai gardé le plus scandaleux pour la fin, l'emploi de "tournante" à la place de "viol collectif". Scandaleux parce que c'est la reprise du terme même que les voyous emploient pour qualifier leur crime. Scandaleux parce que c'est un mot, "tournante", qui s'amuse, qui joue, par l'image qu'il induit, avec la souffrance humaine. L'objectif, conscient ou inconscient, est d'atténuer la violence provoquée. A chaque fois que je le lis ou que je l'entends, je mesure la somme d'irresponsabilité qui pèse sur celui qui l'emploie. Un code de déontologie devrait s'imposer et prendre des sanctions, disqualifier la légèreté de ceux qui parlent ou qui écrivent à tort et à travers. Une sorte de néo-langage contemporain pourrit complètement le débat public, à grands coups de fausses indignations et de vrais conformismes. Ajoutez à ça une forme d'inculture des prétendues élites, des leaders d'influence et le mal est fait, le poison est distillé dans toutes les couches de la société. Les mots menteurs, c'est terrible.

mardi 23 octobre 2012

Monsieur Bry s'en est allé



Monsieur Bry nous a quittés samedi soir, discrètement, comme il a vécu. Avant de quitter la vie, il m'avait annoncé, il y a quinze jours environ, qu'il allait partir de la ville à la fin de cette année, pour rejoindre sa famille du côté de Lille. J'avais déjà commencé à réfléchir à la cérémonie de départ ... Depuis combien de temps connaissais-je ce charmant monsieur ? Je ne sais pas, tellement il s'était installé discrètement dans nos activités associatives, d'abord à Rencontre Citoy'Aisne, puis à la Ligue de l'enseignement, ex-FOL. Une petite dizaine d'années sans doute ...

Il était de presque toutes nos manifestations, en premier lieu les séances de café philo, ami attentif et fidèle, sans ostentation. Du haut de ses 85 ans, je ne l'ai jamais entendu se plaindre de l'existence ou de la vieillesse, chose rare aujourd'hui. D'ailleurs, sa discrétion l'empêchait de parler de lui-même. Mais après toutes ces années de compagnonnage, je savais que cet amateur de musique classique avait été joueur de saxo et appréciait le jazz, que son amour pour les chats l'avait conduit à prendre des responsabilités à la SPA (comme son père). Instituteur de la vieille école, ayant enseigné dans cette Thiérache qu'il aimait tant, Jacques Bry était très attaché aux règles de l'orthographe et au beau langage, ce qui se sentait lorsqu'il prenait la parole. C'est à ce titre qu'il avait proposé de relire et de corriger mon ouvrage "Les Saint-Quentinois sont formidables".

Je ne me serais jamais permis de l'appeler autrement que "Monsieur Bry", même s'il m'est arrivé, par faiblesse ou par inadvertance, de lui dire "Jacques". Le vouvoiement était de rigueur, aussi inflexible qu'une règle de grammaire. Et devant lui, j'étais pour l'éternité "Monsieur Mousset". Sa politesse et sa courtoisie étaient d'un autre âge, sûrement meilleur que le nôtre. Son élégance était un style de vie, une morale personnelle qui lui avaient permis de traverser l'existence : l'imperméable, la veste, la cravate, le chapeau et les chaussures impeccablement cirées constituaient un personnage prêt à affronter les épreuves du temps. La barbe blanche soigneusement taillée le faisait un peu ressembler à Don Alexandro de La Véga, le père de Zorro.

Mais rien de guindé en lui : au contraire, un humour toujours présent, une distance de bon aloi. Un échantillon de l'esprit de Monsieur Bry, lors d'une intervention dans un café philo : "Je me suis rendu compte que j'étais vieux quand les dames m'ont proposé de me laisser leur place dans le bus". Dans la voiture, entre Soissons et Saint-Quentin, quand nous revenions ensemble le soir de la FOL, il nous arrivait de fredonner des chansons. De même, lors des banquets républicains, il était quasiment de tradition que Monsieur Bry pousse la chansonnette au moment du dessert, dans un registre gentiment anticlérical, tout en demeurant très respectueux de la foi.

Nos deux dernières rencontres ont eu lieu dans le cadre du GAP (groupement associatif de pays, dont la photo dans L'Aisne Nouvelle montre Monsieur Bry) et pour ma conférence-débat sur L'audace à la bibliothèque municipale de Saint-Quentin (en vignette). C'était un laïque, un républicain et un militant, que le poids des années n'avait absolument pas arrêté. Il était enfin un lecteur assidu de ce blog, depuis sa création. Récemment, il m'avait confié avec malice qu'il était l'auteur de nombreux commentaires, pendant de longues années, sous le pseudonyme de "Lormont". J'ai été surpris sans l'être vraiment, tellement ce mystérieux et bienveillant correspondant était en osmose avec mes écrits. Ce billet d'aujourd'hui, je l'ai rédigé comme il aurait aimé le lire. Je lui devais bien ça. Nous rendrons un dernier hommage à Monsieur Bry ce jeudi, à partir de 13h45, au funérarium quai du vieux Port, 1 rampe Saint-Prix à Saint-Quentin.

lundi 22 octobre 2012

Une ville pour tous



Il a beaucoup été question ces derniers jours à Saint-Quentin des problèmes d'accessibilité des personnes handicapées. En fin d'après-midi, la Ville recevait le trophée des bonnes pratiques, des mains de la déléguée ministérielle chargée de ce secteur, Marie Prost-Coletta (au micro), en présence du député-maire Xavier Bertrand, du sous-préfet Jacques Destouches et de la présidente d'Habitat Saint-Quentinois Marie-Odile Lefèvre.

La déléguée a expliqué toute l'importance et toutes les difficultés à adapter la cité à la circulation des personnes empêchées, surtout quand la municipalité dispose d'un patrimoine historique peu évident à modifier. La gare de Saint-Quentin, qui n'était pas aux normes, le sera dans sa prochaine conception. Fin août, animant un débat sur ce sujet au centre Léo Lagrange à Harly, j'avais mesuré l'ampleur des revendications et du travail à effectuer, dont on n'a pas toujours une claire conscience quand on est valide. C'est en tout cas un beau dossier à défendre, qui ne peut s'entreprendre que dans la durée, tellement la tâche est immense.

dimanche 21 octobre 2012

Candidat



J'ai envoyé cette semaine ma lettre de candidature pour le poste de secrétaire de la section socialiste de Saint-Quentin. La dernière fois, c'était il y a douze ans, où j'avais été élu sans problème. Cette fois, c'est une autre histoire ... Pourquoi cette candidature ? Parce qu'il y a un moment où il faut cesser de critiquer pour faire des propositions, accepter de prendre des responsabilités. Secrétaire de section, ce n'est pas forcément gratifiant : c'est un rôle de gestion, presque d'administration. Au PS comme ailleurs, on se bat pour être élu, pas pour devenir secrétaire de section. Des amis me disent parfois : arrête avec ça, tu as mieux à faire ! Oui, sûrement, par exemple lire tout Dostoïevski, que je reporte depuis trente ans. Il est certain qu'avec le boulot, la philo et les asso, j'ai de quoi faire. Mais que voulez-vous, j'aime la politique !

Est-ce que je me présente parce que je pense être le meilleur ? Non, pas du tout, ce n'est pas l'élément déterminant en politique. J'ai pour moi, objectivement, d'être un peu connu en ville, d'avoir une formation politique correcte et beaucoup de détermination. Mais ce n'est pas ça qui va l'emporter. Ce qui va faire la différence, ce qui va motiver le choix de mes camarades, ce qui fera que je serai désigné ou pas, ce seront mes propositions.

Le fond de l'affaire est là : les socialistes saint-quentinois ont perdu toutes les élections locales, sans exception, depuis bientôt quinze ans. Pourquoi ? Parce qu'il y a un défaut de présence, d'action et d'organisation. La faute à qui ? A personne et à tout le monde, à notre histoire, à la situation. Je ne me présente pas contre Jean-Pierre Lançon, qui a fait ses choix, respectables. Les miens sont simplement différents, et tout aussi respectables, c'est ce que j'expliquerai à mes camarades. A un an du début de la campagne des élections municipales, je crois que je peux leur apporter quelque chose, une "plus value" comme on dit en économie.

Est-ce que j'ai des chances de l'emporter ? Ce ne sera à l'évidence pas facile : dans un parti d'élus qui est aussi un appareil politique, il faut avoir le soutien des élus et de l'appareil. Je n'ai ni l'un ni l'autre. Ca ne me dérange pas plus que ça, d'abord par morale personnelle : je n'ai jamais attendu dans ma vie que quelqu'un me pousse au cul pour entreprendre. Ce que j'ai obtenu, je l'ai obtenu par moi-même. Et quand j'échoue, je ne fais pas reporter la responsabilité sur les autres, j'assume.

Ce n'est pas un parcours solitaire et orgueilleux : de tous les socialistes locaux, je suis l'un de ceux qui s'engage le plus dans des actions collectives, et si je suis très convaincu dans ce que je fais, tous ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas frimeur. Et puis, ce qui compte, ce n'est pas de se présenter parce qu'on est certain de gagner (bien peu alors se présenteraient !), c'est d'avoir des idées, d'être persuadé de leur pertinence et de leur utilité, et de se battre pour elles. Il n'y a finalement aucune autre raison qui motive la décision d'être candidat.

Ai-je tout de même un petit espoir de l'emporter ? Oui, bien sûr, car comme dirait l'autre, "rien ne se passe comme prévu" en politique. Je compte sur une prise de conscience, une volonté de changement et par dessus tout le désir très fort de gagner en 2014. Mais si je ne suis pas désigné secrétaire de section ? Je féliciterai Jean-Pierre Lançon et j'irai lire Dostoïevski.

samedi 20 octobre 2012

Paris-ASTI







Réunion des présidents de la Ligue de l'enseignement aujourd'hui à Paris, et même mésaventure que mardi dernier, en moins grave : le train s'arrête cette fois-ci à Chantilly et nous devons en changer pour une raison mystérieuse. Conséquence : 30 minutes de retard. Pris par cette rencontre, je n'ai pas pu participer au congrès départemental du parti socialiste, pour la première fois ! Dommage ... En revanche, j'ai pu honorer le traditionnel repas africain de l'ASTI, au centre social Champagne-Artois.

Vignette 1 : Jocelyne Nardi, la présidente, remercie les dames qui ont préparé les plats. Vignette 2 : les guides Soleil ont assuré le service des tables et la vente de la tombola. Vignette 3 : une partie des 70 personnes présentes.

vendredi 19 octobre 2012

Têtes d'affiche





Hier soir, au ciné philo, la cinéaste Béatrice Champanier, au côté de Julie, de l'ACAP-Chemins de Traverse, répond aux questions du public, après la projection du film "La vierge, les coptes et moi" (vignette 1). Avec la directrice du multiplexe Michèle Zann, en fin de séance, devant l'affiche (vignette 2).

jeudi 18 octobre 2012

Maurel et les poppys



C'est ce soir le vote des socialistes pour la désignation de leur premier secrétaire national. A Saint-Quentin, nous recevions hier l'un des deux candidats, Emmanuel Maurel, représentant de l'aile gauche. Mon choix c'est Harlem, mais je suis quand même allé voir Emmanuel au restaurant des Champs Elysées. La "réunion publique" était inhabituellement organisée : quatre grandes tables rondes autour desquelles une partie de l'assistance était assise, comme si elle allait manger, mais sans les couverts, l'autre partie restant debout. Sur les tables disposées pour le pot final, des citrouilles annonçaient-elles le proche Halloween ?

Parmi le public, quelques figures bien connues : Alain Reuter, vice-président du Conseil régional de l'Aisne, Jean-Robert Boutreux, de Génération Ecologie, qui fréquente de plus en plus les réunions de gauche (à ce train, il va faire partie de la prochaine liste municipale !). Une équipe de la chaîne de télévision LCP suivait le candidat, qui a choisi notre ville pour sa dernière réunion de campagne.

C'est que Emmanuel Maurel est poperéniste (comme autrefois Jean-Marc Ayrault !) et que l'Aisne, comme l'a rappelé Anne Ferreira à ses côtés, est une terre historique pour les poppys (c'est ainsi qu'on les appelait il y a 35 ans, en opposition à leur bête noire, les rockys, les rocardiens, les premiers rappelant un groupe de jeunes chanteurs à succès et les seconds un fameux film de boxe avec Stallone). De fait, les poperénistes venus de tout le département étaient très présents, dans la soixantaine de participants, ce qui donnait à la rencontre un aspect très "réunion de motion", comme on dit dans notre jargon. Mais certains visiteurs étaient inattendus, comme ces deux jeunes femmes iraniennes militant contre le régime de leur pays et avec qui j'ai discuté de ... café philo.

Emmanuel Maurel a fait une bonne intervention, courte et efficace (ce qui change des longs discours empesés et filandreux qui sont la plaie de la politique, et même sa mort). Sur le fond, je suis bien sûr en désaccord : il est hostile au traité budgétaire européen, je défends son utilité ; il se présente comme le "candidat anti-rigueur", je suis favorable à la rigueur économique (réduction des déficits, rééquilibrage des comptes publics). Mais j'ai apprécié sa dénonciation du cumul des mandats, son souhait d'un parti fort, fier, actif. Surtout, j'ai trouvé que son ton était rassembleur, pas du tout hostile à la personne d'Harlem Désir, favorable au débat d'idées, très éloigné d'une certaine gauche sectaire.

Depuis ma première rencontre avec lui, à Laon en 1999, dans un débat sur l'Europe (déjà !), il s'est psychologiquement étoffé, il a acquis cette fermeté et cette souplesse qui font les leaders. Et sympa avec ça ! Il aurait pu ostensiblement me faire la gueule, m'ignorer, sachant que jamais je ne le rejoindrai ni ne voterai pour lui ; non, il m'a aimablement salué, et je lui ai en retour souhaité bonne chance, même si je sais, et lui aussi, qu'il ne sera pas désigné ce soir à la tête du PS. Peu importe, dans ce genre de situation, c'est le score qu'on fait qui compte et qui peut peser sur l'avenir. Maurel n'est pas un opportuniste, il a la cohérence pour lui, bien que ce ne soit pas la mienne.

Connaissez-vous le plus gros tube des Poppys (les chanteurs, pas les militants poperénistes), au début des années 70 ? "Non, non, rien n'a changé, tout, tout, a continué, hé ! hé ! hé ! hé !" Je me dis que la politique, c'est un peu ça aussi, un éternel retour des meilleures choses comme des pires.

mercredi 17 octobre 2012

Service public



Hier matin, en gare de Saint-Quentin, je devais prendre le train à 08h06 pour un rendez-vous à Paris à 10h00, rue Récamier, au siège national de la Ligue de l'enseignement. Je m'installe, mais rien ne bouge, pas de départ : au bout de dix minutes, une voix métallique explique qu'un problème d'alimentation électrique empêche la locomotive de partir. La voix ajoute que le délai d'attente est impossible à déterminer. Quinze minutes plus tard, la voix revient pour demander aux voyageurs de changer de train, de se rendre sur la voie 4. Manifestement, la loco n'a plus de jus. Et moi un peu moins : je sens que je vais être en retard à mon rendez-vous.

Sur le quai 4, le nouveau train n'est pas encore là et il pleut. Pas d'abri pour se protéger. Une bonne partie des voyageurs redescendent dans le passage souterrain, moi aussi, n'ayant pas de parapluie. Les gens sont calmes, semblent prendre leur mal en patience. Est-ce de la résignation, de l'habitude ou de la sagesse ? Quelques téléphones portables sonnent (une sonnerie fait dring-dring, imitant les téléphones à l'ancienne). Le train arrive enfin, et nous partons avec environ 45 minutes de retard. C'est maintenant sûr, mon rendez-vous c'est fichu. Mais l'essentiel est d'être dans un wagon qui se rend à Paris.

Non loin de la capitale, le train s'arrête en pleine campagne. Que se passe-t-il ? Une voix humaine, non métallique, prononce une stupéfiante formule : "Ca bouchonne pour entrer dans Paris". Je savais que des "bouchons", c'est-à-dire des embouteillages, existaient sur les routes et même dans les aéroports, quand trop d'avions demandent en même temps d'atterrir. Mais il me semblait et il me semble encore que les embouteillages sont impossibles sur les rails. La preuve que non. Il va falloir que je réfléchisse à ça, ou qu'on m'explique.

A 10h00, nous étions gare du Nord. La voix est revenue, pour la dernière fois, expliquant que des agents allaient distribuer aux voyageurs une "enquête ponctualité" (j'ai d'abord cru à une plaisanterie, une forme d'ironie) afin de se faire rembourser (mais ce n'était pas clairement annoncé). En effet, des employés en uniforme donnaient une enveloppe, "à renvoyer sous 60 jours", avec cette adresse postale : "SNCF régularité". A l'intérieur, une fiche avec cette phrase : "Vous avez subi une perturbation et votre train est éligible à l'engagement horaire garanti", accompagnée de plusieurs questions avec plusieurs cases pour les réponses. Je n'ai rien compris et j'avais perdu assez de temps, j'ai tout jeté dans la première poubelle venue.

Je suis arrivé rue Récamier avec une heure de retard, et je me suis rendu compte qu'après tout ce n'était pas si grave. Par le passé, il y a longtemps, j'ai beaucoup pris le train, ce genre d'incident était extrêmement rare, on me dit aujourd'hui qu'ils sont fréquents. Que devient donc notre service public ? En sortant de la Ligue de l'enseignement, redescendant la rue de Sèvres, j'aperçois sur le trottoir d'en face une figure saint-quentinoise familière : serait-ce lui ? Non, je dois me tromper. Je traverse quand même la rue pour vérifier, c'est bien lui, Pierre André, qui se rend à une séance au Sénat. Quelle journée !

mardi 16 octobre 2012

Bonjour et au revoir





Hier soir, au ciné philo, après la projection du documentaire "Gipsy Caravan", Daniel Popelard, aumônier des gens du voyage de l'Aisne, Jean-Paul Vaillant, référent du groupe de travail de Laon, et Olivier Lazo, responsable départemental de la Ligue des Droits de l'Homme, ont répondu aux questions du public (70 personnes), informant et dénonçant les préjugés (vignette 1). Mylène Kokel, de la Ligue de l'enseignement de l'Oise, est venue nous présenter le film. Après la traditionnelle photo de fin de séance (vignette 2), rendez-vous a été donné pour un prochain ciné philo ... ce jeudi, avec le film de Namir Abdel Messeeh, "La vierge, les coptes et moi", en présence de la cinéaste Béatrice Champanier. On ne reste pas très longtemps sans se revoir ...

lundi 15 octobre 2012

La connerie de Vincent



Appelez ça comme vous voulez, le vocabulaire est riche et laisse le choix : couac, boulette, erreur, faute, dérapage, bévue, gaffe ... moi je préfère le bon vieux mot, très parlant, de connerie, oui c'est ce qu'a fait Vincent Peillon ce dimanche, en affirmant qu'il était favorable à un débat sur la dépénalisation du cannabis. Non pas qu'il ait intellectuellement tort : ce débat sérieux mérite d'être mené, hors de toute polémique, et j'avoue que je n'ai pas trop d'avis personnel sur la question, tellement elle est délicate et complexe. Mais ce n'est pas à un ministre, et surtout pas à celui de l'Education nationale, de lancer ce débat ! La ministre de la Santé, à la rigueur, mais je préfère encore que ce soient des experts et des associations qui l'organisent, et pas au sein du gouvernement. Bref, le ministre a intellectuellement raison mais politiquement tort.

Vincent se rattrape aujourd'hui en disant que sa réflexion n'était que "personnelle", que pour le reste il est "solidaire" du gouvernement : j'entends bien, sauf que des réflexions "personnelles", ça n'existe pas quand on est ministre, on ne peut pas se le permettre. Bien sûr, un membre du gouvernement n'arrête pas, à ce titre, de penser ! Mais il garde pour lui ou pour ses amis ses réflexions "personnelles", il n'en fait pas publiquement état. François Hollande a été très clair pendant sa campagne, et son engagement vaut mandat, quoi qu'on en pense : pas de dépénalisation du cannabis ! Tous les ministres, tous les responsables socialistes doivent se caler là-dessus, sinon c'est le bin's.

Cette petite connerie, que tout le monde dans trois jours aura oubliée, tombe d'autant plus mal, au milieu de cette affaire d'une élue EELV présumée impliquée dans le blanchissement de la drogue. Rien à voir ? Non, rien à voir en effet, mais l'opinion va tout confondre, tout amalgamer et faire des rapprochements inappropriés. Ce gouvernement qui a tout mon soutien, qui mène une bonne et courageuse politique, n'a qu'un seul défaut, heureusement corrigible : il ne communique pas très bien. Quant à l'élue écolo, il faut évidemment la virer : la présomption d'innocence, que je n'ignore pas, a une valeur juridique, pas politique. Quand on a la charge d'un mandat que le peuple vous a confié, on démissionne lorsqu'une sale affaire vous tombe sur la tête, innocent ou pas. Ne serait-ce que pour assurer sa défense personnelle, cette élue doit partir, et tout de suite, pas attendre qu'on l'y oblige.

Et puis, en tant qu'adhérent de base, je demande à mon parti qu'il remette un peu d'ordre dans les rangs. J'aime bien les débats, mais encore une fois, la politique ce n'est pas ça, surtout quand on est au pouvoir. Déjà, la semaine dernière, sur l'Europe, l'aile gauche avait donné une mauvaise image du PS, indisciplinée. Pour Vincent, j'ai aussi ma petite explication psychologique : quand on a été comme lui prof de philo, donc forcément très intelligent, on est plus facilement à la merci d'une connerie que le commun des mortels, qui tombe de moins haut quand il chute. C'est paradoxal mais c'est comme ça ... Quant à Jean-François Copé qui crie à la démission, il ferait mieux de se la fermer, parce que j'ai toujours son "pain au chocolat", autrement plus grave, à travers la gorge.

dimanche 14 octobre 2012

La passion n'a pas d'âge







"Rien de grand ne se fait sans passion", c'est le philosophe Hegel qui l'a dit, mais mon voisin pourrait le dire aussi ... Il leur en faut, de la passion, aux DDEN, dans ce qu'ils font, aller visiter les écoles pour voir si tout va bien, s'il y a des améliorations à apporter, éventuellement des scandales à dénoncer. Les Délégués Départementaux de l'Education Nationale étaient réunis ce samedi matin à Laon, et je suis allé saluer leur travail. Passion aussi, lors de cette assemblée générale présidée par Christian Deparnay, quand la discussion a porté sur la réforme des rythmes scolaires, qui provoque pas mal de questions et même des contestations ! Dans la salle, les Saint-Quentinois étaient en force, avec quelques figures familières : Michel Bourlet, Annette Pierret, Gérard Blanquart, Daniel Bourdier, ...

La passion était également présente, ce samedi après-midi, lorsque j'ai donné une conférence-débat à la bibliothèque Guy-de-Maupassant, sur le thème de l'audace. Les passionnés de la philo étaient fidèles au rendez-vous (vignette 3). Ce n'est jamais évident de se déplacer pour aller voir un type qui vous parle dans un micro pendant une heure trente ! Il y a tellement plein d'autres choses à faire ... L'audace, justement, est motivée elle aussi par la passion, celle de Danton devant l'Assemblée nationale ou bien celle de Bonaparte au pont d'Arcole. Mais comment peut-on vivre sans passions ?

La passion enfin, toujours ce samedi, le soir, pour le Jour de la Nuit, où nous avons comme chaque année, non pas mis le feu mais l'obscurité dans l'hyper-centre de Saint-Quentin, demandant à la Municipalité de le plonger dans le noir, toutes lumières éteintes. Pourquoi ? Pour voir enfin le ciel apparaître au dessus de nos têtes, pour pouvoir admirer les étoiles, les galaxies, l'univers ... Là encore, il en faut, de la passion, pour rester une heure dans le froid à regarder en haut, avec ou sans télescope (vignette 1).

Quand Jupiter s'est levé du côté de la brasserie L'Univers (quelle coïncidence !), le spectacle était magnifique dans le viseur, la planète et ses quatre lunes comme si elles étaient toute proches. Le ciel nous a aussi gratifiés d'une belle étoile filante, presque aussi grosse que l'étoile mystérieuse dans Tintin et Milou, du côté de l'Hôtel de Ville cette fois. Les observations avaient été précédées par une double intervention en salle Vitez, Carine Souplet sur la protection de la nuit et moi sur la nuit telle qu'on la voit au cinéma (vignette 2). Une soirée très réussie, et de nouvelles idées pour l'an prochain. La passion, je vous dis !


Merci à Laurent Portois (Saint-Quentin Astronomie) et Francis Daudré (Astro-Club 02) pour les photos.

samedi 13 octobre 2012

Les jeux sont ouverts



Pas la peine de se mentir : je n'ai pas été satisfait par le score de "ma" motion, défendue par Harlem Désir. Moins de 70% alors qu'on a avec soi tout le gouvernement, la plupart des courants, une bonne partie de l'aile gauche et surtout qu'on incarne la ligne Hollande-Ayrault, non je ne peux pas être satisfait ! La faute à qui ? Il y a d'abord cette dissidence irresponsable d'une fraction de l'aile gauche, qui n'a pas non plus récolté énormément (13%, pas la peine de casser la baraque pour ça ...). Ensuite, il y a la surprise, comme la politique en est pleine : la motion du très médiatique Hessel (11%), que personne n'a vu venir, moi le premier, alors que la popularité de son premier signataire aurait dû susciter quelques inquiétudes.

Surtout, il y a la faible participation, tout de même incroyable : nous sommes au gouvernement, nous sommes attaqués par la droite, la gauche de la gauche et une partie des médias, c'est donc le moment où un adhérent doit manifester son soutien en allant voter. Eh bien non ! Le fond du problème, qu'il faudra un jour aborder, c'est le niveau, la qualité et les modalités de notre recrutement ; car il n'est pas normal qu'un adhérent ne fasse pas le simple effort de se déplacer pour s'exprimer quand son parti lui en offre l'occasion. Mais quel type de militants avons-nous ? Mon expérience me laisse dubitatif ...

Dans l'Aisne, les résultats reflètent assez largement la situation nationale, avec cependant une nette différence : le plus gros score de l'aile gauche dissidente (32%), lié à des raisons historiques d'implantation ancienne. Mais il faut aussi relativiser ce résultat : au congrès de Reims, l'aile gauche départementale avait un résultat bien meilleur, au point que son leader d'alors, Claire Le Flécher, était en capacité de devenir logiquement première secrétaire fédérale, s'il n'y avait eu un retournement dont la politique est friande. Aujourd'hui, Anne Ferreira, sauf énorme surprise, n'est pas en capacité de battre Arnaud Battefort, candidat de la motion Aubry-Ayrault-Désir.

A Saint-Quentin, la surprise (ou surprise à moitié ?) c'est que l'aile gauche n'est pas majoritaire. Certes, dans la section historique, elle recueille 25 voix, contre 15 à la motion Désir (ce qui n'est pas si mal pour celle-ci, étant donné qu'elle n'a aucun élu pour la booster) ; mais dans la section nouvelle, celle de Neuville-Saint-Amand, constituée à la suite de la crise des dernières élections municipales, "ma" motion rassemble 21 voix. Faites les comptes, le rapport de forces est de 36/25 en faveur de la sensibilité social-démocrate. Cinq ans après les alliances avec l'extrême gauche et le déni du principe majoritaire, la majorité socialiste saint-quentinoise demeure réformiste, pro-européenne et gauche plurielle, pas radicale et noniste.

Bien sûr, cette configuration actuelle ne préjuge pas de la suite, où scrutins et enjeux seront différents ; et c'est loin d'être gagné en ce qui me concerne ! Mais c'est tout de même la preuve que les jeux sont ouverts, que la situation n'est pas figée. Prochain rendez-vous, nouvelle occasion de mesurer l'influence des uns et des autres : jeudi, pour la désignation du premier secrétaire national.

vendredi 12 octobre 2012

L'art déco, c'est cadeau





Alexis Grandin était aphone mais est allé quand même au bout de son discours, sous les regards attentifs de Stéphane Lepoudère et Bernard Visse. Dans l'assistance, plusieurs personnalités locales, dont Maryse Trannois, Roland Lamy, Francis Crépin, Denis Lefèvre, Pomme Legrand, Jean-Robert Boutreux. Un en revanche qui n'avait pas perdu sa voix, c'est Didier Perrier, dont la puissance de l'organe descendait du ciel, c'est-à-dire du plafond de l'espace Saint-Jacques (vignette 2). C'était ce soir, le vernissage de l'exposition "Saint-Quentin Art Déco (2e partie)", composée des photographies de Pauline Jurado Barroso sur les Nouvelles Galeries (vignette 1), dont le discours a été très bref, l'oeuvre faisant foi. C'est un magnifique complément au travail de Sam Bellet (qui a réalisé la couverture des "Saint-Quentinois sont formidables" !). Et si vous ne l'avez pas encore fait, empressez-vous d'acheter l'ouvrage d'une toute beauté "Saint-Quentin Art Déco", un cadeau tout trouvé à l'approche des fêtes (à offrir bien sûr avec les "Saint-Quentinois formidables" !).

Leader en République



J'étais invité ce soir par la Jeune chambre économique de Laon à animer un débat autour de la notion de leader, dans la brasserie Les Arcades. A gauche, le mot est mal porté, difficilement assumé. Pourtant, le leader n'est pas réservé à l'économie : un leader politique, ça existe. Il y a aussi les leaders d'opinion. Questions et réflexions ont été passionnantes. Un leader solitaire, est-ce que c'est concevable ? Forcément non, puisque la définition du leader est d'avoir du monde derrière lui. En même temps, être leader est une question de tempérament : Daniel Cohn-Bendit a l'âme d'un leader, sa puissance et sa rhétorique ; néanmoins, dans son parti, il n'est pas suivi. Leader un jour (un mois pour Dany, en mai 1968) ne signifie pas leader toujours !

Et quand un leader rencontre un autre leader, que se passe-t-il ? Des étincelles ! Mais non, deux crocodiles dans le même marigot, c'est un de trop : des deux, l'un sera plus leader que l'autre et l'emportera sur lui. Pour moi, le leader est celui qui a la capacité de régler les problèmes d'un groupe, ce qui explique que ce dernier se reconnaisse en lui : pas de leader autoproclamé, c'est l'action, les résultats qui font le leader (et parfois le défont, quand ils sont négatifs).

Le vrai leader ne cesse jamais de l'être, au lit avec sa femme ou quand il enfile ses chaussettes. Etre leader du haut d'une tribune est trop facile : ce n'est pas à cet endroit qu'on les reconnaît, mais dans des circonstances plus triviales, où la présence d'un leader en apparence ne s'impose pas tout en se révélant nécessaire. Je pense à la sortie au restaurant entre de nombreux amis : comment faire au moment de l'addition ? C'est l'hésitation, l'embarras ; chacun paie sa part, mais il faut retrouver les plats dans le menu ; on divise la note entre tous, certains qui ont moins consommé se sentent lésés. C'est là où le leader intervient, comme Bonaparte se saisit du drapeau pour foncer sur le pont d'Arcole : se lever, prendre les choses en main, trancher. Voilà le leader : sa qualité principale, c'est le sens de la décision.

Le leader a aussi une face cachée, sombre : il ne cherche pas à se faire aimer ou apprécier, il ne vise qu'à l'efficacité, il est prêt à mentir ou à manipuler pour voir triompher la cause qu'il défend. Un leader gentil, sympa, sincère, ça n'existe pas. Il faut oser, prendre des risques, sentir en soi une part de supériorité pour se porter à la tête d'un groupe et prétendre l'incarner, lui apporter la victoire. Pour poursuivre la réflexion, j'ai conseillé la lecture d'un ouvrage récemment paru, du philosophe Jean-Claude Monod, "Qu'est-ce qu'un chef en démocratie ?" ou comment concilier l'autorité du leader avec le système égalitaire et populaire qui est à la base de la République. Le leader en République, ça existe aussi, ce n'est pas un concept réservé au régime autocratique. Un chef n'est pas nécessairement un leader, un petit chef encore moins. Le monarque absolu n'est pas un leader. Il faut se battre pour le devenir, faire ses preuves, mobiliser le groupe, lui insuffler de l'énergie. Pas facile d'être leader, pas facile de trouver un leader.

mercredi 10 octobre 2012

Les électrons libres



C'est une expression qui fait partie des lieux communs en politique : les électrons libres. Je n'aime pas l'employer parce qu'un domaine doit avoir son vocabulaire propre, sans aller chercher dans un autre registre : en l'occurrence, la politique n'a pas à s'inspirer des sciences physiques. Mais la formule existe, je l'utilise à mon tour : 20 députés, en choisissant de se désolidariser de la majorité parlementaire socialiste sur un texte important (le traité budgétaire européen), sont devenus des électrons libres.

C'est peu par rapport à la masse des députés PS, mais c'aurait été suffisant pour faire capoter le projet : le gouvernement l'a échappé bel ! Car s'il lui avait fallu s'appuyer sur des voix de droite, c'en était bien fini de sa majorité de gauche ... 20 députés, c'est plus que ce que laissaient espérer les pressions de toutes sortes qui se sont exercées ces derniers jours sur ces électrons aussi irréductibles que les Gaulois du village d'Astérix !

On peut en sourire, pousser un ouf de soulagement, c'est tout de même un problème. Tout électron libre est un danger potentiel pour le corps dont il se dissocie. Mais la liberté, n'est-ce pas une belle chose, y compris pour les électrons ? Non, si elle s'exerce dans l'incohérence et si elle provoque le désordre. Laurent Fabius l'a dit ce matin au micro d'Apathie : le choix de ces 20 députés n'est "pas logique". C'est le projet, l'histoire et les décisions du parti socialiste qui sont contredites par ce vote négatif.

Et puis, un électron libre ne le reste pas très longtemps : il se détache de son noyau pour en rejoindre un autre, comme un satellite quitte l'attraction d'une planète pour succomber à une autre. A Saint-Quentin, l'histoire de la gauche est pleine d'électrons libres : chez les socialistes, en 1995, aux élections municipales, certains se sont éloignés de leur parti pour se laisser capter par la force de gravitation du parti communiste ; en 2008, le principe majoritaire a été bafoué et c'est l'orbe de l'extrême gauche qui a aimanté les électrons socialistes déboussolés. Chez les communistes, la section locale s'est affranchie du Front de gauche pour s'agréger en une planète singulière, à part.

Encore une fois, je n'ai rien contre la liberté, mais pas celle-là. L'appartenance à un parti, comme à un syndicat ou à une association, exige un minimum de discipline, dont la première est le respect du vote majoritaire. Ce qui n'empêche pas l'existence de débats, dont un congrès est l'occasion. De même, adhérer à un parti ne signifie pas être d'accord sur tout ; mais il faut s'accorder sur l'essentiel, sinon on s'en va (car l'électron a beau se dire libre, il continue à tourner comme un fou autour de son atome !). Il y a des points secondaires qui prêtent à discussion mais des engagements fondamentaux qui n'en souffrent pas (les socialistes peuvent éventuellement débattre autour du projet de canal Seine nord, ils doivent se rassembler sans exception derrière le traité européen). Personnellement, je me sens plus atome qu'électron.

mardi 9 octobre 2012

Pas d'ennemis de l'intérieur



Je suis gêné et inquiet par toute cette polémique autour des terroristes islamistes, l'insistance à dire qu'ils sont français, qu'ils vivent au coeur de nos quartiers si tranquilles. De tels propos engendrent la peur, créent un climat anxiogène dont notre pays n'a vraiment pas besoin. Et quand Jean-François Copé en rajoute avec son histoire de "petits pains au chocolat", c'est la cata ! Un vieux concept, sans le dire, est remis au goût du jour : celui d'ennemis de l'intérieur. Il n'y a pas si longtemps, c'était les ultras d'extrême gauche qu'on dénonçait ; aujourd'hui, ce sont les fanatiques musulmans. Comme si la société avait besoin de se créer des ennemis pour exister, pour survivre.

Quand une société n'est plus sûre d'elle-même, quand elle ne croit plus en rien, oui, voilà ce qui arrive : il faut aller chercher des dérivatifs. La République ne se connaît pas d'ennemis de l'intérieur, mais seulement des menaces extérieures éventuelles. Les ennemis de l'intérieur, c'est une phobie de l'extrême droite, conceptualisée par Charles Maurras dans l'entre-deux guerres. Pour ce penseur réactionnaire, il y avait une "anti-France" qui travaillait à la perte de notre pays : c'étaient les juifs, les protestants, les francs-maçons et les communistes. Cette idéologie a nourri le régime de Vichy. Aujourd'hui, ce sont les gauchistes et les islamistes qui sont visés.

Mais, me direz-vous, ces terroristes-là sont bien réels ? Oui, mais la République ne doit désigner aucune origine ethnique ou aucune conviction religieuse à la vindicte populaire. Sa norme, c'est la loi : quand des individus amassent des armes et projettent des attentats, ils contreviennent au principe républicain qui bannit la violence physique et instaure la paix dans les relations publiques et privées. Mais ce n'est pas une confession, une communauté ou une idéologie qu'il faut montrer du doigt. La question du terrorisme doit être laissée aux professionnels de la sécurité intérieure, police, gendarmerie, justice et ne pas devenir un thème politique.

lundi 8 octobre 2012

Roger Pigot



La dernière fois où j'ai discuté politique, assez longuement, avec Roger Pigot, c'était il y a deux ans, à l'ouverture de la fête du timbre au palais de Fervaques (c'était un passionné de philatélie) : situation du PS à Saint-Quentin, alliance avec l'extrême gauche, etc. Depuis, je le voyais parfois, en ville, avec son épouse Elisabeth, 42 ans de vie commune, enseignante comme lui. Roger était affable, discret et socialiste. Le connaissais-je vraiment ? Ce sont les plus proches que souvent on connaît le moins. Il nous a quittés, c'est à l'occasion de ses obsèques ce matin que je l'ai, paradoxalement, découvert. Ca ne l'aurait pas trop surpris, lui que je connaissais tout de même suffisamment pour apprécier son ironie. Il venait, un peu comme moi, de l'école Pilote et Hara-Kiri, des lectures de jeunesse qui forment pour la vie.

Son père était cheminot, à Beautor, il est devenu instituteur. Son fils était ce matin à la cérémonie en grand habit de militaire, se refusant à tout éloge, Roger n'aimant pas ce genre-là. C'était un esprit curieux de tout : son métier bien sûr, le goût de transmettre aux autres le savoir, les classes de découverte qui l'ont beaucoup marqué, mais aussi la politique, conseiller municipal à Homblières durant un mandat, préoccupé essentiellement des questions sociales. L'équipe d'alors, il la trouve trop conservatrice, il arrête, mais les logements sociaux pour lesquels il s'est bien battu ont fini par voir le jour. Mais la science rencontre aussi son intérêt, ainsi que l'art lyrique.

Roger était un gros lecteur, un abonné du "Monde" comme il n'en existe peut-être plus guère aujourd'hui, faisant de la fréquentation du quotidien une manière de formation personnelle. Avec la télé, beaucoup de choses ont changé. C'était aussi un passionné de cinéma et de chanson : moment poignant de la cérémonie, quand Elisabeth a repris à haute voix un air de Brel, inhabituel en ce genre de lieu. Pink Floyd aussi était à son palmarès. La lumière dans la salle mortuaire s'est éteinte, comme pour nous faire rejoindre à notre tour la nuit, mais c'est la vie qui s'est imposée, à travers une série de photos de Roger Pigot, ses moments d'amour et de bonheur.

Un homme honnête et convaincu, un camarade s'en est allé. Avec son épouse, il formait quelque chose de très beau et qui se fait maintenant plutôt rare, un couple engagé, toujours ensemble, dans la vie et sur le terrain. J'aurais aimé qu'il voit gagner la gauche à Saint-Quentin. Il y a des rêves comme ça qu'on dit qu'on ne fera jamais. Heureusement qu'il n'y avait pas que la politique dans sa vie, que l'utilité sociale d'un homme peut se manifester autrement ! Ces dernières années, il s'était porté volontaire dans la recherche sur les tumeurs cancéreuses, la maladie qui a fini par l'emporter. Au pied de son cercueil, des disques et un numéro du "Monde", toute une existence résumée en quelques objets. Et 70 personnes environ pour l'accompagner à sa "dernière demeure", comme on dit. Des chants, des applaudissements, les obsèques d'aujourd'hui ne ressemblent plus guère à ceux d'hier. Mais dans tous les cas on cherche à saluer quelqu'un qu'on ne reverra pas, s'arrangeant comme on peut avec la symbolique. Il faudrait simplement qu'on n'oublie pas Roger Pigot.

dimanche 7 octobre 2012

Le grand retournement



Hier soir, au cinéma municipal de Saint-Gobain, la séance était exceptionnelle, avec une avant-première nationale, le prochain film de Gérard Mordillat, "Le grand retournement", qui sortira en salles le 23 janvier. Pourquoi ici ? Parce que l'anar sympa Dominique Lestrat, initiateur de la soirée, est un copain de Mordillat, qui voulait tester son film devant un public assez altermondialiste et gauche radicale. Le réalisateur, présent pour débattre, s'est inspiré de la pièce de Frédéric Lordon consacrée, en alexandrins s'il vous plait, à la crise financière contemporaine. Autant dire que le défi n'était pas facile à relever ! Le théâtre filmé, ce n'est pas trop mon truc, même quand une usine désaffectée sert de décor.

Pari pourtant réussi, les acteurs sont formidables, on ne s'ennuie pas une seconde, on se laisse prendre par ces péripéties politico-bancaires en trois actes : d'abord une économie qui invente des produits et des titres pourris (les fameux subprimes), ensuite des ultra-libéraux qui s'adressent à l'Etat honni pour se renflouer, enfin ces mêmes libéraux dénonçant la dette publique et l'"incurie" de ce même Etat. De quoi en faire en effet une tragi-comédie ! Sauf que tout ça est tristement vrai. Dernières images du film : des manifs et émeutes en Europe, contre l'austérité imposée aux peuples. C'est l'espoir que nous propose Mordillat : la conscience citoyenne contre la finance prédatrice.

Après le film, pendant l'échange avec la salle, mes oreilles de socialiste ont plusieurs fois sifflé. Gérard Mordillat est très hostile au traité budgétaire européen et sur ce point, pour lui, Hollande ou Sarkozy, c'est kif-kif. Et moi je suis très hostile à sa proposition de quitter la zone euro, de dévaluer les monnaies nationales et de relancer l'économie par l'inflation (je n'y crois pas). Surtout, je ne réduis pas la monnaie européenne à un outil économique : c'est aussi, c'est avant tout un choix politique de commencement de dépassement des nations (et ça c'est progressiste !). J'ai été horrifié d'entendre, à la fin du débat, une dame proposer qu'on reprenne à Marine Le Pen les idées qu'elle aurait volées à la gauche (elle pensait sûrement à la sortie de l'euro, justement) ! Mais non, Marine Facho n'a rien volé du tout et aucune de ses idées sont de gauche : elle manipule simplement les mots, comme ses grands ancêtres des années 30.

De l'oeuvre très diversifiée de Gérard Mordillat, je retiens essentiellement ses livres et documentaires sur le christianisme. Etonnant, étrange même que cet athée, sûrement anticlérical, se soit lancé dans cet énorme travail. Je vois un lien avec le "grand retournement" : Mordillat est fasciné par les mots, le langage, qu'il soit théologique ou économique, qu'il déconstruit en l'analysant ou en le mettant en scène, récit évangélique ou lexique techno-financier. C'est plus un travail d'artiste et d'écrivain que de militant politique ou de penseur économique. J'aimerais bien poursuivre ce débat avec lui en l'invitant au ciné philo de Saint-Quentin (où il avait fait, m'a-t-il dit, des repérages sans suite pour son téléfilm "Les vivants et les morts"). Il m'a donné ses coordonnées, nous verrons bien. Quoi qu'il en soit, à partir du 23 janvier, mettez "Le grand retournement" à l'agenda de vos sorties.

samedi 6 octobre 2012

Un congrès pas comme les autres



Le congrès de Toulouse du parti socialiste n'est forcément pas comme nos autres congrès auxquels j'ai participé ces dix dernières années. D'abord, le PS est au pouvoir. Dans l'opposition, un congrès sert à choisir une ligne politique. Là, ce n'est pas le cas : la ligne, nous l'avons, c'est celle du gouvernement, à laquelle participent tous les courants du PS, puisque tous, sans exception, sont membres de cette équipe. Ce qui n'interdit évidemment pas le débat : cinq motions ont été déposées, sont à discuter, servent à enrichir ce qui se fait. Mais aucune ne peut prétendre à être une alternative à la ligne du gouvernement. Ou alors je ne comprends plus rien ...

Ensuite, ce congrès n'est pas comme les autres parce que le traditionnel clivage, au sein du PS, depuis toujours dans son histoire, entre une majorité réformiste et une sensibilité plus radicale dite "aile gauche", n'a pas lieu cette fois-ci. Le représentant de cette "aile gauche", Benoît Hamon, suivi par plusieurs de ses camarades, a choisi de prendre ses responsabilités et de rejoindre la motion Ayrault-Aubry-Désir, ce dont je me félicite. Il reste bien sûr un résidu d'"aile gauche" avec la motion Maurel-Lienemann-Filoche, qui va tenter de fédérer les mécontents ; mais ce reliquat n'est pas politiquement significatif.

A suivre les débats, à lire les textes des uns et des autres, je comprends une chose : c'est l'Europe qui nous sépare, c'est le point de rupture entre socialistes. En politique, il n'y a pas de vérité, il n'y a que des opinions : mes camarades qui sont contre le traité budgétaire européen, je respecte leur point de vue, qui n'est ni plus vrai ni moins vrai que le mien, qui suis pour. Mais ce que je dénonce fortement, c'est leur incohérence : comment peuvent-ils, comment pourront-ils, dans les années à venir, soutenir la ligne Hollande-Ayrault alors que celle-ci, dès le budget de rigueur 2013, est déjà très largement impactée par ce traité ? En réalité, leur position est politiquement intenable, contradictoire.

Le destin de l'aile gauche, dans l'histoire du parti, est invariable : elle ne peut pas sérieusement camper sur ses positions en restant à l'intérieur du parti, inconfortablement. Chevènement a fini par partir, Mélenchon aussi. C'est dommage de perdre des camarades de qualité, mais c'est tout à leur honneur d'être allés, l'un et l'autre, honnêtement, jusqu'au bout de leur cohérence et d'en tirer les conséquences. En politique, on a le droit d'avoir toutes les idées qu'on veut, et je répète que les miennes ne sont pas meilleures ni pires que celles des autres ; elles sont tout simplement autres. Mais on n'a pas le droit d'être incohérent, car au final, ce sont les Français qui en font les frais, qu'on soit à la tête du pays ou d'une collectivité locale.

vendredi 5 octobre 2012

Activités associatives





Café philo de rentrée à Soissons samedi dernier (vignette 1). Mercredi soir, conférence de presse sur le Jour de la Nuit à Saint-Quentin, en présence de Laurent Portois, président de Saint-Quentin Astronomie, Carine Souplet, correspondante dans l'Aisne de l'ANPCEN, et Francis Daudré, président d'Astro-Club 02 (vignette 2). Hier soir, sympathique débat sur le bénévolat, autour d'une vingtaine d'associations locales, animé par Frédérique Lepot, de la CPCA : nous étions dans le cadre du GAP (groupement associatif de pays), accueillis par les Eclaireurs de France, rue Papillon. Parmi les intervenants, Marie-Lise et Jean-Pierre Semblat, Stéphane Polak, directeur de l'APF, Maryse Trannois, présidente de la Société académique.

jeudi 4 octobre 2012

No we can't



Vous vous souvenez ? C'était il y a cinq ans, tout le monde disait "Yes we can" un peu ridiculement, parce qu'un noir devenait président de l'empire américain, qu'il souriait, qu'il était mince et sympa. Depuis hier soir, c'est fini : Obama le superbe, le magnifique, le médiatique a fait plouf, dans le premier débat des présidentielles l'opposant à Mitt Romney, un mormon gaffeur et conservateur qui n'a pourtant rien pour plaire. Obama baissait la tête, se perdait dans ses fiches, paraissait hésitant et terne, face à un Romney précis, offensif et incisif. Rien n'est perdu pour Obama, j'espère bien qu'il va se refaire, parce que son bilan est bon et que l'arrivée d'un républicain à la Maison Blanche n'arrangerait rien.

Ce débat perdu par le camp démocrate prouve l'importance de l'image dans la politique contemporaine. Une mauvaise tête, un coup de fatigue, des répliques mal préparées et c'en est fait ! Obama l'hyper-communiquant est mis en difficulté. En France aussi, les débats télévisés sont devenus déterminant, beaucoup plus qu'avant. Au parti socialiste, les débats pendant les primaires entre les concurrents ont énormément influencé l'opinion. Pendant la campagne des présidentielles, c'est au moment du débat de l'entre-deux tours que François Hollande a acquis sa stature de chef d'Etat (on se souvient du fameux et décisif "moi, président de la République, ..." répété je ne sais combien de fois !).

A Saint-Quentin, si Anne Ferreira n'avait pas renoncé à débattre avec Xavier Bertrand, peut-être serait-elle aujourd'hui députée, et le maire n'aurait sans doute pas pu annoncer alors sa candidature à la primaire pour les élections présidentielles. Le débat politique, c'est une confrontation à laquelle on n'échappe pas. Normal : c'est à ce moment-là qu'on juge vraiment du caractère des candidats, de leurs compétences pour assurer la fonction, de leur capacité à répondre aux questions et à essuyer des coups. Des débats, je souhaite que nous en ayons aussi en vue de se donner, à Saint-Quentin, un secrétaire de section et une tête de liste aux élections municipales. Pour savoir si un postulant est capable ou pas, je ne vois rien d'autres qu'un débat pour s'en assurer, pour mesurer son sens de l'adversité.

mercredi 3 octobre 2012

Qui suit qui ?



Faire de la politique, c'est pour la plupart suivre quelqu'un, et pour quelques-uns, c'est d'être suivis par les autres. C'est pourquoi il est important de savoir qui suit qui : c'est une façon d'anticiper l'avenir, de prévoir les futures alliances et de deviner les choix qui seront faits. Au parti socialiste, dans le cadre du congrès, il y a d'abord eu le temps des contributions, signifiant mais pas complètement, puisque chacun avait la liberté de signer plusieurs textes, ce qui rend aléatoires les conclusions. Maintenant, nous sommes entrés dans la phase des motions, où chaque adhérent ne peut faire qu'un seul choix : c'est là où l'on sait, avec certitude, qui suit qui, qui est avec qui.

La motion majoritaire, Ayrault-Aubry, ne publie que les signatures des grands élus, ce qui rend difficile une analyse précise des rapports de force sur le terrain, en l'occurrence dans l'Aisne, même si une petite idée s'en dégage, puisque les élus, dans un parti d'élus, ont une influence majeure et attirent dans leur sillage de nombreux adhérents. En Picardie, Claude Gewerc, Yves Daudigny, Jean-Jacques Thomas, Jean-Louis Bricout rallient cette motion, sans surprise. En revanche, plus surprenant est de retrouver la signature de Philippe Casier, secrétaire de la section d'Amiens, qui représente l'aile gauche. Mais c'est le fait politique de ce congrès, dont je me félicite : le sens des responsabilités d'une partie de l'aile gauche qui joue le rassemblement contre la division. Benoît Hamon et Liêm Hoang-Ngoc, économiste de l'aile gauche, ont montré l'exemple.

La motion de l'aile gauche a cette particularité de faire figurer tous les signataires, élus ou pas, ce qui a l'avantage, pour la section de Saint-Quentin, de mesurer assez exactement son influence : 17 adhérents ont donné leur nom. On retrouve évidemment en tête Anne Ferreira, suivi des élus municipaux Jean-Pierre Lançon et Carole Berlemont, mais pas Céline Sené. Dans le département, les poperénistes historiques suivent Maurel, Lienemann et Filoche, les trois têtes nationalement connues de cette motion : Philippe Crinon à Vervins, Bernadette Bourdat à Château-Thierry, Georges Bouaziz et Patricia Caron à Villers-Cotterêts (le maire Jean-Claude Prusky en est aussi), Alain Moreau à Soissons. Coralie Deshaie, la nouvelle conseillère régionale, se reconnaît aussi dans l'aile gauche, ainsi que le vice-président du conseil régional de Picardie Alain Reuter. Côté conseil général de l'Aisne, on note la présence, déjà ancienne, de Pierre-Marie Lebée.

Pas de grosses surprises, quelques-unes tout de même : l'absence de la poperéniste historique Sylviane Gatteau et du chef de file du PS à Chauny, Mario Lirussi, pourtant de sensibilité aile gauche, le ralliement de Fawaz Karimet (peut-être provoqué par son désenchantement au second tour des dernières législatives). Claire Le Flécher, qui au dernier congrès aurait pu devenir première secrétaire fédérale au nom de l'aile gauche, n'apparaît pas, ayant probablement choisi de suivre Benoît Hamon. Une petite erreur, me semble-t-il, sauf hasard d'une homonymie : Sylvain Logerot figure parmi les signataires de la motion de l'aile gauche, alors que son nom est mentionné dans une autre motion, celle de Gaëtan Gorce, dans laquelle son nom est d'ailleurs, autre erreur, répété deux fois. Mais à force d'étaler des listes serrées de noms sur plusieurs pages, on finit par se tromper ! Plusieurs camarades de Château-Thierry ont choisi de soutenir cette motion "rénovatrice", mais pas "aile gauche".

En conclusion, ce congrès va déboucher sur des résultats très prévisibles, sauf énorme surprise peu probable. Dans l'Aisne, Arnaud Battefort, pour la motion majoritaire, devrait battre Anne Ferreira, pour la motion aile gauche. A Saint-Quentin, cette même aile gauche, qui est devenue majoritaire dans les conditions que nous savons, à l'occasion du désordre des dernières municipales, devrait rester majoritaire. Une raison pour ne pas me présenter ? Non, au contraire : la politique, c'est comme le sport, l'essentiel c'est de participer, sachant que la vraie victoire, celle qui fait honneur, ce n'est pas contre ses propres camarades qu'on la remporte, mais contre la droite. Qui m'aime me suive ...

mardi 2 octobre 2012

Mailly et Bertrand en républicains



C'était une étrange assemblée ce soir dans la salle des mariages de l'Hôtel de Ville à Saint-Quentin : de vieux militants, un jeune lambertiste, des élus de droite, des libres-penseurs, des syndicalistes de gauche, un maire politiquement inclassable (Marcel Lalonde, premier magistrat de Chauny). Bref, une rencontre "improbable", comme on dit aujourd'hui, mais bien réelle, à l'occasion du 25e congrès de l'union départementale Force ouvrière, en présence de son secrétaire national, Jean-Claude Mailly, reçu par l'ancien ministre du Travail Xavier Bertrand, avec lequel, en tant que syndicaliste, il s'est affronté ces dernières années. Rencontre "improbable", je vous dis, et qui ne manquait pas de piquant.

Qu'est-ce qui pouvait bien justifier une telle réception ? Quel lien peut unir tous ces hommes (et quelques femmes seulement) pour se retrouver ensemble ? Les trois allocutions (Bertrand, Mailly, Gérald Fromager, le secrétaire départemental, en vignette) levaient le mystère : des républicains, ce sont tous des républicains qui ont vanté, chacun son tour, les vertus républicaines, le respect, le dialogue, la franchise. Tenir le même discours, ne pas pratiquer le double langage, même et surtout quand on est en désaccord, c'est la qualité dont le maire de Saint-Quentin a gratifié le syndicat de Bergeron et Blondel, sous-entendant que toutes les organisations professionnelles ne pouvaient pas en dire autant. Jean-Claude Mailly a poursuivi dans cette ligne : l'essentiel, c'est de se parler, y compris en "s'engueulant". Mais il est allé plus loin, en soulignant l'importance de la dimension humaine, au crédit de Xavier Bertrand, en qualifiant leurs rapports de "relation d'amitié". En toute fin de son discours, il a laissé échapper, en direction de Xavier Bertrand, un tutoiement qui venait illustrer son propos.

Gérald Fromager, lui, a mis l'accent sur les bons rapports entre la section locale FO et la municipalité de Saint-Quentin, qu'il n'a pas hésité à mettre en contraste avec les rapports, eux conflictuels, de la CGT avec la mairie, au sujet de la bourse du travail. Il a précisé que Force ouvrière était très bien où elle était, qu'elle ne voulait pas d'une maison des syndicats rassemblant toutes les confédérations. A ses côtés, Xavier Bertrand, qui n'en demandait pas tant, buvait du petit lait alors que le champagne n'était pas encore servi, mais ses yeux pétillaient. Et moi dans mon coin j'étais bien malheureux : putain, l'unité de la gauche à Saint-Quentin, c'est pas pour demain ! La solution : se donner un chef comme la droite s'est donnée un chef. Vive le syndicalisme quand même !

lundi 1 octobre 2012

TSCG



L'Assemblée nationale examine cette semaine le traité européen, traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire (TSCG). Une vieille histoire va donc recommencer : d'un côté les partisans de l'Europe, favorables au compromis, qui préfèrent le réel à l'idéal ; de l'autre les adversaires de l'Europe, sur des lignes radicales, qui préfèrent l'idéal au réel. Je me situe évidemment sans hésitation, et depuis toujours, du côté des premiers.

Au moins les choses sont-elles politiquement claires : la gauche réformiste, en France et en Europe, est pour le TSCG, la gauche de la gauche, alliée à l'extrême gauche, est contre, et elle l'a fait savoir hier dans les rues de Paris. Choisis ton camp, camarade ! Il y en a quand même qui ne choisissent pas vraiment, qui sont entre les deux : les Verts, qui sont européens au gouvernement et anti-européens dans leur parti ; l'aile gauche du PS, qui est contre le traité mais soutient la politique gouvernementale (qui sera pourtant fortement conditionnée par les exigences de ce traité, dès le budget de rigueur 2013).

Le gouvernement joue gros dans cette affaire : si le Premier ministre est obligé d'aller chercher des voix à droite pour faire passer le traité, ça la fichera mal. C'est la cohésion de la majorité qui sera en cause. François Hollande a renégocié le traité et obtenu 120 milliards pour la croissance, une taxe sur les transactions financières et un projet de contrôle des banques. Et malgré ça, certains députés socialistes voteraient contre ? Non, ce n'est pas sérieux, ce n'est pas crédible. Si certains camarades ont du Mélenchon refoulé en eux, qu'ils l'expriment et qu'ils en tirent les conséquences ...

A ce propos, je me dois de rectifier une erreur dans le billet du 15 septembre, où j'avais annoncé, sur la foi de la presse locale, le ralliement d'Anne Ferreira à la motion Ayrault-Aubry : c'était trop beau, ce n'est pas ça du tout, Anne au contraire maintient sa fidélité à l'aile gauche en étant la mandataire de Marie-Noëlle Lienemann dans l'Aisne (alors qu'elle avait été mandataire de Benoît Hamon au moment des contributions, celui-ci ayant finalement rejoint la motion majoritaire sans qu'hélas Anne le suive). Par conséquent, elle s'opposera au TSCG comme elle s'était opposée en 2005 au Traité constitutionnel européen, à ma grande déception.

Ce nouveau traité, parlons-en ! L'avez-vous lu ? Je suis sûr que non ! Et pourtant, il ne fait que 24 pages, d'une large écriture, en opposition aux traités précédents, volumineux et indigestes. Bien sûr, ce n'est pas de la littérature, mais le sujet oblige : c'est un texte économique et financier, pas politique au sens classique. Il est ramassé en 16 articles, qui se comprennent assez bien. Tout ça est disponible sur internet. Allez, lisez, voyez ... et nous en reparlerons.