dimanche 7 octobre 2012

Le grand retournement



Hier soir, au cinéma municipal de Saint-Gobain, la séance était exceptionnelle, avec une avant-première nationale, le prochain film de Gérard Mordillat, "Le grand retournement", qui sortira en salles le 23 janvier. Pourquoi ici ? Parce que l'anar sympa Dominique Lestrat, initiateur de la soirée, est un copain de Mordillat, qui voulait tester son film devant un public assez altermondialiste et gauche radicale. Le réalisateur, présent pour débattre, s'est inspiré de la pièce de Frédéric Lordon consacrée, en alexandrins s'il vous plait, à la crise financière contemporaine. Autant dire que le défi n'était pas facile à relever ! Le théâtre filmé, ce n'est pas trop mon truc, même quand une usine désaffectée sert de décor.

Pari pourtant réussi, les acteurs sont formidables, on ne s'ennuie pas une seconde, on se laisse prendre par ces péripéties politico-bancaires en trois actes : d'abord une économie qui invente des produits et des titres pourris (les fameux subprimes), ensuite des ultra-libéraux qui s'adressent à l'Etat honni pour se renflouer, enfin ces mêmes libéraux dénonçant la dette publique et l'"incurie" de ce même Etat. De quoi en faire en effet une tragi-comédie ! Sauf que tout ça est tristement vrai. Dernières images du film : des manifs et émeutes en Europe, contre l'austérité imposée aux peuples. C'est l'espoir que nous propose Mordillat : la conscience citoyenne contre la finance prédatrice.

Après le film, pendant l'échange avec la salle, mes oreilles de socialiste ont plusieurs fois sifflé. Gérard Mordillat est très hostile au traité budgétaire européen et sur ce point, pour lui, Hollande ou Sarkozy, c'est kif-kif. Et moi je suis très hostile à sa proposition de quitter la zone euro, de dévaluer les monnaies nationales et de relancer l'économie par l'inflation (je n'y crois pas). Surtout, je ne réduis pas la monnaie européenne à un outil économique : c'est aussi, c'est avant tout un choix politique de commencement de dépassement des nations (et ça c'est progressiste !). J'ai été horrifié d'entendre, à la fin du débat, une dame proposer qu'on reprenne à Marine Le Pen les idées qu'elle aurait volées à la gauche (elle pensait sûrement à la sortie de l'euro, justement) ! Mais non, Marine Facho n'a rien volé du tout et aucune de ses idées sont de gauche : elle manipule simplement les mots, comme ses grands ancêtres des années 30.

De l'oeuvre très diversifiée de Gérard Mordillat, je retiens essentiellement ses livres et documentaires sur le christianisme. Etonnant, étrange même que cet athée, sûrement anticlérical, se soit lancé dans cet énorme travail. Je vois un lien avec le "grand retournement" : Mordillat est fasciné par les mots, le langage, qu'il soit théologique ou économique, qu'il déconstruit en l'analysant ou en le mettant en scène, récit évangélique ou lexique techno-financier. C'est plus un travail d'artiste et d'écrivain que de militant politique ou de penseur économique. J'aimerais bien poursuivre ce débat avec lui en l'invitant au ciné philo de Saint-Quentin (où il avait fait, m'a-t-il dit, des repérages sans suite pour son téléfilm "Les vivants et les morts"). Il m'a donné ses coordonnées, nous verrons bien. Quoi qu'il en soit, à partir du 23 janvier, mettez "Le grand retournement" à l'agenda de vos sorties.

1 commentaire:

les yeux ouverts a dit…

tout ce qui paraît de bon sens (genre:prendre tout aux riches pour donner aux pauvres,revenir aux monnaies nationales, nationaliser les banques..etc..) n'a plus de sens justement en 2012.Il est impossible de sortir du systéme mondial et tous les pays( Cuba aussi..) ont été obligés de s'y contraindre;non que je m'en réjouisse-bien au contraire- mais le fait est là; continuer à croire au "grand soir" pourquoi pas mais hélas je crois plutôt qu'on va vers le " grand noir";il n' y a pas de porte de sortie:le genre humain creuse sa tombe jour après jour et ce n'est pas plus la sociale-démocratie que la révolution qui pourront y faire quelque chose; j'ai 74ans et la chance(!!) de ne pas avoir peut-être( car ça peut arriver vite) à vivre la catastrophe d'un 1929 décuplé qui s'annonce inexorablement