samedi 31 décembre 2016

Passez votre réveillon avec Macron



Emmanuel Macron a le vent en poupe. Les sondages le portent, la dynamique est là. Il faut l'intensifier. Le soufflé ne doit pas retomber. Rentabilisez votre réveillon, faites-en une occasion pour macroniser vos invités ou vos hôtes. C'est ce qu'on appelle, à En Marche ! où nous avons reçu des consignes pour le Jour de l'An, de la "micropolitique". Attention : pas question de se comporter en militant lourdingue, chiant et contre-productif. Mais il est possible de faire mentir l'adage qui veut qu'on ne parle pas de politique en famille ou entre amis ce soir-là, pour ne pas s'engueuler.

Le macronien est ouvert, tolérant, à l'écoute. Il n'impose pas ses idées, lance l'appât, laisse venir et ferre au bon moment. Le tonton qui vote FN, il faut le laisser parler, jusqu'au moment où l'on pourra retourner ses "arguments" et l'amener tout doucement de notre côté. Même tactique avec le petit cousin qui ne jure que par Mélenchon. Mais la masse des convives est indifférente. Il n'empêche qu'elle en viendra à la politique, en cours de soirée, lorsque les autres sujets auront été épuisés et que dire du mal des absents aura lassé. Pour lancer la conversation, annoncez, dans un clin d'œil, que vous êtes "en marche" : tout le monde rira et tout le monde comprendra.

Bien sûr, au début, il ne faut pas s'attendre à un niveau élevé de discussion : de Macron, on vous parlera de Brigitte et de leur écart d'âge, ou bien de ses cris en fin de meeting. Préparez votre plan de soirée, distillez quelques idées accrocheuses que la table retiendra. Evitez les polémiques idéologiques qui ne débouchent sur rien (Macron, libéral ou pas ?) ; les gens veulent du concret, du précis. Votre objectif : cinq idées à faire passer. Je vous propose l'organisation suivante :

Entre l'apéritif et les huitres, abordez les 1 500 euros supplémentaires, chaque année, pour un couple de smicards, après suppression de leurs cotisations chômage et maladie. Quand vient le boudin blanc aux pommes cuites, glissez la modulation du temps de travail par la négociation dans les branches et les entreprises, avec maintien des 35 heures légales là où il n'y a pas accord. Au moment du chapon, avancez la division par 2 de toutes les classes de CP en ZEP. La bûche est l'occasion de rappeler qu'aucun déremboursement de soins santé ne sera pratiqué, pour marquer la différence avec le candidat de la droite. Au champagne, introduisez l'élargissement des indemnités chômage à tous ceux qui aujourd'hui n'en bénéficient pas.

Vous voilà prêt pour les douze coups de minuit, le terrain est désormais favorable grâce à votre travail : bonne année, bonne santé, Macron président en mai ! C'est bref, léger, fun. Il faut être pétillant comme les bulles que vous absorbez, comme le regard et le sourire d'Emmanuel Macron.

Le grand jeu n'est pas terminé. A l'instant où vos amis partent, à moins que ce ne soit vous qui les quittiez, au milieu de la nuit ou au petit matin, n'oubliez pas les cadeaux. Oui, distribués à la fin, c'est plus marquant qu'au début. Trois produits au choix : le T-shirt, la tasse ou le sac, imprimés En Marche ! et si possible personnalisés. C'est une petite attention qui fait chaud au cœur. Ainsi votre réveillon sera-t-il réussi, sur le plan militant. Si vous êtes une trentaine, estimez-vous heureux que 5 ou 6 aient pu être sensibilisés à vos propos et se demandent s'ils ne vont pas finalement voter Macron. Le but aura été atteint et la soirée réussie. A vous de jouer, maintenant !

vendredi 30 décembre 2016

Quand on parle du loup ...



On ne parle que de lui, dans l'Aisne, en cette fin d'année. Sa photo fait la une de la presse locale. Qu'est-ce qu'il est beau, le loup ! Il parait qu'il revient, qu'il s'installe dans le département. Un seul a été aperçu, mais c'est comme s'ils étaient des centaines, parce qu'un loup solitaire, ce n'est pas impressionnant, il faut la meute. Est-on bien sûr qu'il s'agit de lui ? Même pas ! Il y a une photo qui date de quelques mois, mais qu'est-ce que ça prouve ? Qu'est-ce qui ressemble plus à un loup qu'un chien-loup ? Et puis, il y a le renard, très différent, mais que les urbains que nous sommes peuvent facilement confondre avec le loup. Sans compter la fameuse histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours et qu'il a pris pour un loup ...

Je ne sais pas si le loup est vraiment de retour. Au moins la nouvelle fait-elle parler. Surtout, elle inquiète, elle fait peur. Les spécialistes ont beau nous dire que le loup n'est pas dangereux, que sa cruauté n'est qu'une fable, que c'est lui qui craint les hommes, on a du mal à le croire. Le loup, c'est notre lion. Son évocation rappelle le Moyen Age. Dans une société moderne, les loups ont disparu. S'ils reviennent, c'est une preuve supplémentaire de régression, de décadence. Après le chômage, la pauvreté, les injustices, il ne manquait plus que ça : les loups ! Il faut que nous allions très mal ... L'animal est associé aux grands froids, dont nous avons horreur. Victimes, nous l'étions, de toute sorte de façon : maintenant, c'est à cause du loup. Promenons-nous, dans les bois ... : même ça, nous ne pourrons plus le chanter. Mais que font les autorités pour nous protéger des loups ? Qu'attendent-elles pour agir ?

Vous devez le sentir : je ne crois pas trop à cette histoire de loup. C'est une légende urbaine en pleine campagne. En revanche, toute rumeur, quoique fausse, a un sens, veut dire quelque chose. A propos de ce loup axonais, j'ai tout de suite pensé à la chanson de Serge Reggiani : les loups sont entrés dans Paris ... Oui, chez nous aussi, dans l'Aisne, les loups ont envahi nos villes et nos villages, depuis quelques années. Ils montrent les griffes et les crocs, attaquent à la moindre occasion, dénoncent l'insécurité qu'eux-mêmes provoquent par leurs discours.

Il y a quelques jours seulement, en pleine ville, à Saint-Quentin, les loups diffusaient un tract alarmiste et mensonger. Les loups sont entrés dans nos conseils municipaux. Dès qu'ils voient une porte ouverte et de la lumière, ils en profitent. Leur seul objectif, c'est de répandre la peur, c'est de crier au loup ! au loup ! Dans la panique, ils savent qu'ils y gagneront quelque chose. Les loups comptent sur notre indifférence. Ils tentent de laisser croire qu'ils ne sont pas si méchants que ça, puisque les spécialistes le prétendent, que c'est une peur d'enfant de les craindre et de les fuir.

Non, je persiste à penser qu'ils sont très dangereux. Leur proie préférée, c'est l'étranger : lui, forcément, les loups l'agressent et le dévorent, dès qu'ils peuvent. C'est irrationnel, instinctif : ils ont ça dans le sang, depuis des millénaires, ce sont des prédateurs. Ils ont limé leurs canines, adouci leurs inquiétants yeux jaunes, ils font patte de velours, lustrent leur pelage, mais un loup reste un loup. Il me trouvera toujours devant lui pour le traquer. Car je dois vous le dire : je suis un chasseur de loup.

jeudi 29 décembre 2016

Avis de décès



J'ai appris ce matin à la radio que certains objets de notre quotidien allaient disparaître, puisque la loi ou leurs constructeurs en avaient décidé ainsi en 2016, pour le bien de tous. La mort des objets est aussi regrettable que celle des hommes. J'aimerais rendre hommage à quelques-uns d'entre eux.

Le train du nuit. Il n'est plus rentable, ni assez fréquenté. Mais il me manquera. Non pas que je l'utilisais : la nuit est faite pour dormir, pas pour voyager. Justement ! Je trouvais plaisir, dans mon lit, en demi-sommeil, à écouter le bruit de ce train. Je ne peux pas expliquer pourquoi, comme quand on trouve quelque chose de bon. Vous me direz peut-être que je me rattraperai avec les trains de marchandise, qui font le même bruit quand ils passent dans la nuit. Non, l'impression est très différente : on ne songe pas aux voyageurs ...

Le sac en plastique. Selon les régions, on l'appelle poche, pochon, bourse ... C'est l'objet le plus pratique qui existe au monde, lorsqu'on revient de faire ses courses. Le plastique, c'est bien, c'est souple, c'est résistant. Pas comme le sac en papier, ou alors le carton encombrant. Pire : le ridicule caddie en tissu ... Et tout ça pour lutter contre la pollution ! Je n'ai jamais rien pollué avec mes sacs en plastique, je suis toujours resté très propre !

Le coton-tige. Il parait qu'il n'est pas hygiénique, qu'il pousse la crasse dans le conduit de l'oreille au lieu de l'extraire ! C'est trop tard : je m'en sers depuis 50 ans ! Sans lui, mes oreilles sont orphelines. Par quoi le remplacer ? Il est irremplaçable. Je ne vais quand même pas laver mes trous d'oreilles avec des injections de je ne sais quel produit ! Une boite de cotons-tiges dans une armoire de salle de bain a quelque chose de rassurant. C'est fini.

La vaisselle jetable en plastique, celle des plateaux-repas ou des pique-nique. Pratique elle aussi, légère, toute simple, modeste, transparente, moderne. C'est la vaisselle des vacances, des sorties, de l'été. C'est la vaisselle anti-vaisselle, puisqu'il n'y a pas besoin de la nettoyer. Elle cassait facilement, surtout les dents des fourchettes. Mais c'était son seul inconvénient. Sacrifiée, elle aussi ! Retour à la vaisselle bourgeoise, lourde, précieuse, prétentieuse.

Le magnétoscope. On ne s'en servait plus, me direz-vous. Oui, mais nous nous en sommes servis, longtemps. Il nous a procuré de nombreux moments de bonheur. Mais voilà : nous brûlons ce que nous avons adoré, nous sommes adultères. Pourtant, mon chagrin est moins fort pour celui-là que pour les autres : je suis persuadé qu'on le reverra, comme aujourd'hui le tourne-disque, l'électrophone.

Autrefois, les objets usuels traversaient les siècles et même les millénaires, avec seulement quelques petites modifications. Le paysan sous la Révolution française était à peu près entouré des mêmes objets que le paysan sous l'Antiquité romaine. Je crains qu'on ne paie très cher, un jour ou l'autre, notre infidélité aux objets et leur mise à mort.

mercredi 28 décembre 2016

Que des bonnes nouvelles



Je ne sais pas pour vous, mais moi, je la sens bien, cette année 2017, sur le plan politique, et pour les présidentielles, et pour les législatives. Bon, l'optimisme est aujourd'hui mal porté. Le bon ton est à la trogne de mécontent. Mais ce n'est pas dans ma nature. Et puis, les faits sont là : les prochaines élections s'annoncent dans l'enthousiasme. On se croyait condamné à un remake de 2012 : non, c'est la nouveauté qui va l'emporter, et avec elle l'inattendu. A droite, Juppé était programmé, et c'est Fillon qui surgit. A gauche, Macron qu'on ne connaissait pas caracole en tête.

Ce matin, à la radio, j'ai appris que les inscriptions sur les listes électorales battaient des records. Bon signe, là aussi. Il reste quelques heures, profitez-en. Partout mais surtout à Saint-Quentin, il faut faire reculer l'abstention. Pour ça, une seule solution : donner envie d'aller voter. Cette année, l'envie sera présente, je crois.

Autre bonne nouvelle : Emmanuel Macron a déjà recueilli 400 parrainages d'élus pour sa candidature à la présidentielle. Souvenez-vous les scrutins précédents : il y a toujours eu des postulants de mauvais aloi pour cultiver toute une dramaturgie autour des fameuses 500 signatures. C'est ainsi : quand on n'a rien à proposer, on joue les victimes. Ce n'est pas le genre de Macron, qui est un conquérant, pas un pleurnichard. Tout nouveau tout beau qu'il est, il les aura, ses parrainages. Il y a 30 000 maires en France : ce serait une misère de ne pas en dégoter 500 ! Lutte ouvrière, qui est un mouvement sérieux, les a toujours eus : En Marche ! les aura.

Dernière bonne nouvelle : la baisse du chômage, d'un niveau jamais connu depuis 10 ans. On y vient, là aussi, et hommage soit rendu à François Hollande, à ses gouvernements, à sa politique. Justice sera faite, le moment venu, c'est-à-dire pendant la campagne des présidentielles et des législatives. Honneur au passé, espérance dans l'avenir. Et maintenant, comme dirait Emmanuel Macron : à cheval !

mardi 27 décembre 2016

Le FN bouffe du curé



Vous avez mangé quoi à Noël ? Huitres, dinde ou bûche ? Il y en a sûrement qui ont bouffé du lion. Le Front national, c'est du curé qu'ils ont avalé, et de haut niveau, puisque ce sont les évêques qu'ils se sont mis sous la dent. Louis Aliot, son vice-président, n'y est pas allé de main morte : il s'en est pris à la fois à la hiérarchie de l'Eglise et à sa base. "Une majorité d'évêques nous crachent à la figure". "Depuis 30 ans, je n'ai jamais vu une immense majorité de catholiques voter pour nous". "Les catholiques, qu'ils s'occupent de remplir leurs églises". Le parti anticlérical aujourd'hui en France, c'est le FN. Même l'extrême gauche laïque et athée n'est pas si virulente ...

Le FN s'étonne, s'indigne presque, mais tout cela est normal : l'extrême droite ne peut qu'être antichrétienne. Qui proclame que notre seule patrie, c'est le Royaume des Cieux ? Qui appelle à l'hospitalité envers les étrangers ? Qui a des racines juives et s'est développé dans un contexte arabe ? C'est le christianisme, ce sont les Evangiles. Les Le Pen, leur fortune, leurs haines, leurs ruptures : ce n'est pas la Sainte Famille, c'est la sale famille, où l'on ne s'aime guère. Comment un chrétien pourrait-il s'y reconnaître ?

Et puis, il y a cette hostilité permanente du FN envers l'Eglise, qu'on ne rencontre à un tel degré d'intensité dans aucun autre parti politique français. Hostilité envers toute religion en général, puisque le Front national est la seule organisation qui propose l'interdiction totale des signes religieux dans l'espace public. On n'est pas loin de l'époque soviétique ... Le FN aime les maghrébins au Maghreb, les Chinois en Chine et les curés dans leur sacristie. "Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées" : voilà la philosophie sommaire des néo-fachos et anti-cathos.

Le vieux Le Pen a entretenu pendant des années un catholicisme alibi, constitué d'intégristes en rupture d'Eglise. La fille n'a même plus besoin de ce cache-sexe (ou cache-misère, comme vous voudrez). Son idéologie est foncièrement antiévangélique. Elle me fait penser aux positions néo-païennes de la Nouvelle Droite d'Alain de Benoît, il y a une bonne trentaine d'années : rejet de l'égalitarisme, exaltation de l'identité, phobie du mélange, culte du chef. Non, pas très catholique, tout ça.

lundi 26 décembre 2016

Abbé François et président Hollande



Michel Sapin a eu hier une étonnante prédiction : la popularité de François Hollande atteindra bientôt celle de l'abbé Pierre ! Le rapprochement est bien sûr osé, risqué, et le pronostic incertain. Ne faut-il pas mettre ce propos sur le compte de la magie de Noël ? Les croyants parleront de miracle, les fêtards évoqueront l'ivresse de la fête. Sapin est un proche du président, un grand ami d'il y a longtemps. Qu'il aime que son ami termine le quinquennat auréolé de sainteté politique est normal.

De fait, la popularité de François Hollande s'est nettement améliorée depuis sa décision de ne pas rempiler : 20% de satisfaits, alors qu'il était tombé sous la barre des 10%. Bien sûr, il reste encore une marge énorme avant d'atteindre la popularité record de l'abbé Pierre, qui s'élevait à 80%. Mais il reste quatre mois : si l'on fait un rapide calcul de temps et de proportions, c'est jouable. Et puis, des événements inattendus peuvent aussi aider à redonner du prestige à notre président. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

C'est d'ailleurs une loi générale de la vie politique nationale : le degré de popularité suit le degré d'inaction. Les politiques les plus appréciés sont ceux qui ne font pas de politique. Un homme de pouvoir est au faîte de la gloire quand il n'a plus le pouvoir. C'est bizarre mais c'est ainsi. C'est pourquoi les plus malins, dans l'activité politique, se gardent bien d'agir. Mais il y a, pour tout homme politique, une situation encore plus enviable, le must en quelque sorte, que pourtant nous ne souhaitons à personne : c'est d'être mort. Le cercueil, c'est le trône. Sous terre, l'homme politique est au ciel. Alors, si les morts avaient des oreilles, ils entendraient descendre jusqu'à eux les louanges de leurs pires ennemis, à donner envie de ressusciter, juste pour les embêter.

En politique, la gloire, c'est l'Histoire, c'est l'avenir. François Mitterrand, non seulement à la fin mais tout le temps, était obsédé par l'image qu'il allait laisser à la postérité. Comme les droites parallèles finissent par se rencontrer dans l'infini, la courbe de popularité finit par se redresser dans l'éternité. Tout tyran trouve son défenseur et sa réhabilitation, au fil des siècles ou des millénaires. François Hollande n'est pas un tyran, mais un président pas si mauvais bougre, et sa politique n'a pas donné de si mauvais résultats : il pourra donc se dispenser de mourir pour que justice soit faite, de son vivant, sur son action et couler des jours d'agréable retraite, en sage vieillard populaire.

dimanche 25 décembre 2016

Un échec moral



C'est un signe des temps : le vote d'investiture des candidats socialistes pour les prochaines élections législatives a eu lieu le 8 décembre, et je n'en parle que maintenant, de plus un 25 décembre, parce que c'est un jour creux en termes d'actualité politique. Il n'y a pas si longtemps, le commentaire aurait suivi le scrutin, dès le lendemain. Pourquoi un tel délai ? Parce que le bilan dans l'Aisne porte à la tristesse : un grand parti de gouvernement, dont le bilan au pouvoir est honorable et défendable, ne trouve plus de candidats pour porter ses couleurs et ses valeurs.

J'ai connu une époque, pas si lointaine, où l'on se battait à plusieurs, dans les rangs du Parti, pour être candidat, même quand le contexte politique était difficile. Pour le PS, cette pénurie de candidatures est plus qu'un échec politique : c'est un échec moral. Quand une organisation politique est vivante, quand ses membres ont à cœur de défendre leurs convictions, le courage va avec. Là, il est absent.

Le défaitisme touche toute la Picardie. Dans l'Aisne, le PS en est réduit à soutenir des non socialistes, MRC, PRG et dissidents, Dosière ou Karimet dans la circonscription de Laon. Seule la circonscription détenue par Jean-Louis Bricout échappe au phénomène : le PS a son candidat, le député sortant, et le scrutin a pu se tenir. A Saint-Quentin, l'effondrement par étage se poursuit : pas de candidat dans le canton nord aux dernières départementales, plus de chef de file au conseil municipal, aucun candidat à la future législative. Dans cette circonscription, il faudrait arrêter les frais : que les socialistes soutiennent dès le premier tour le candidat d'En Marche ! et l'honneur sera sauf. En ce soir de Noël, c'est toute l'espérance que nous pouvons avoir.

samedi 24 décembre 2016

Noël sans fausse barbe



Valeurs actuelles est un magazine de droite, très à droite. "La France chrétienne", nous annonce-t-il. Quelle "France chrétienne" ? Le seul critère sérieux, c'est la participation régulière à la messe dominicale : elle concerne aujourd'hui 5% des Français. En 30 ans, la baisse a été spectaculaire. C'est ça, la "France chrétienne" ? Ce soir, nous savons bien que nos concitoyens vont ripailler plutôt que prier, aller en discothèque plutôt qu'à la messe.

"Fier de l'être" ? Comme si la foi était un objet de fierté ! Il faut être bien peu chrétien pour dire ça. La foi est une exercice d'humilité, pas de fierté. Le christianisme fait de l'homme un pécheur, pas un vaniteux.

"Traditions, culture, identité" : non, la religion chrétienne, c'est une affaire de convictions, pas de traditions. Ce n'est pas lié non plus à une culture particulière : "Mon Royaume n'est pas de ce monde", toute personne qui a un peu de catéchisme se souvient au moins de cette parole-là. Quant à l'"identité", autant rigoler : le christianisme est juif d'origine, oriental et en partie arabe dans son développement. Son message de fond est universaliste, cosmopolite. Notre "identité" française n'est pas judéo-chrétienne, sinon par emprunt ; elle est en réalité gauloise et druidique, comme l'avaient compris certains penseurs et historiens républicains du XIXème siècle, qui ont tenté vainement de reconstituer cette "identité".

"Histoire d'une reconquête" ? Voilà qui fait penser à la "Reconquista" espagnole, de triste mémoire, sauf pour Valeurs actuelles. Ce n'est pas tant la défense du christianisme qui le préoccupe, mais la revanche sur l'islam. Car si le magazine est faussement chrétien, il est authentiquement de droite.

La religion chrétienne a connu deux drames politiques : Karl Marx et Charles Maurras. Le premier a considéré la religion comme la pire aliénation humaine, avant même l'aliénation économique. Du coup, une grande partie de la gauche s'est opposée à la religion. Le second, bien qu'athée, a trouvé dans la religion un moyen de conforter l'ordre social. C'est pourquoi une grande partie de la droite a trouvé utile de défendre non seulement le sabre, mais aussi le goupillon. Valeurs actuelles est dans cette veine : la foi est ignorée, la religion est manipulée, à des fins politiques.

A part ça, joyeux Noël à toutes et à tous !  

vendredi 23 décembre 2016

L'homme politique de l'année



Deux sondages le confirment : Emmanuel Macron est l'homme politique de l'année, préféré même à François Fillon. C'est une évidence, qu'on soit pour ou contre l'homme et ses idées : en quelques mois, un quasi inconnu, sans passé politique marqué, est devenu une personnalité politique de premier plan, jusqu'à être présidentiable. Je ne souviens d'il y a à peine un an : autour de moi, dans des milieux peu sensibles à la politique (ce sont les plus nombreux), le nom d'Emmanuel Macron ne renvoyait à pas grand chose, beaucoup ne l'associaient à aucun visage (combien de membres du gouvernement sont connus des Français ? Pas tant que ça). Quant à ta sensibilité politique, elle n'était pas identifiée. Tout a changé en quelques mois seulement !

Est-ce que ça va durer ? La question me fait sourire. Elle est souvent posée par ceux qui souhaitent que ça ne dure pas, confondant ainsi leur désir à la réalité. Et puis, c'est la question de ceux qui n'ont pas d'autres questions à poser, parce qu'ils n'en trouvent pas. Enfin, je me souviens d'un ami, en 1984, au moment des premiers succès électoraux du Front national. Il ne cessait pas de me répéter : c'est un feu de paille. C'était son unique argument, sa façon à lui de se consoler de la montée de l'extrême droite. Aujourd'hui, l'expression feu de paille a disparu de notre vocabulaire, sans doute parce que nos références sont de moins en moins rurales. On lui préfère le terme équivalent de bulle, plus urbain : Macron serait une bulle, vouée prochainement à éclater. La métaphore, c'est la défaite de la pensée. Le feu de paille frontiste est comme le buisson ardent de la Bible : il n'en finit pas de brûler. La bulle Macron elle aussi va peut-être continuer à monter, monter, monter sans jamais exploser.

Comme notre société a changé ! Comme la politique n'est plus la même ! C'est ce qu'Emmanuel Macron a compris, c'est ce qui fait son succès. Les partis politiques, s'ils gardent une influence au niveau local, ont perdu la main au niveau national. La primaire de la gauche ne sera pas organisée par le PS (la durée de campagne est trop courte), mais par BFMTV et consorts. Ce seront les trois débats à la télévision qui seront décisifs. A droite, on a assisté au même phénomène, qui a profité, contre toute attente, à François Fillon. Emmanuel Macron a réuni 15 000 personnes, sans l'aide d'aucun parti politique traditionnel. Le changement d'époque est là. Et si la tendance se confirme, l'homme politique de l'année 2016 pourrait bien devenir, au plus haut sommet, l'homme politique de l'année 2017.

mercredi 21 décembre 2016

L'Allemagne exemplaire



Comme on juge un politique dans la défaite, on juge un pays face au malheur. Après l'attentat de Berlin, les réactions de l'Allemagne ont été exemplaires de dignité, de retenue et de sang froid. Hélas, on ne peut pas en dire autant de la France, à la suite des tragédies du Bataclan et de Nice. Le contraste est saisissant.

Les médias allemands ont été exemplaires. A la différence des chaînes d'information françaises, ils n'ont pas versé dans le voyeurisme, le sensationnalisme, c'est-à-dire le spectacle et l'impudeur. Surtout, les télévisions d'outre-Rhin n'ont pas diffusé ces vidéos amateurs, nombreuses chez nous après le Bataclan et Nice. Les journalistes devraient censurer, par déontologie, ces "témoignages" scandaleux, qui n'apportent strictement rien à l'information, qui ne font que rajouter du malheur au malheur.

La classe politique allemande a été exemplaire. A part l'extrême droite (mais on n'attend pas moins d'elle), les autorités se sont retrouvées soudées dans l'indispensable unité nationale, en de telles circonstances. En France, sauf après la tuerie à Charlie hebdo, les responsables politiques se sont divisés, et c'est affligeant. Chez nous, très vite, dans une sorte de course à la communication, les politiques se jettent sur le premier micro venu ou s'affichent devant n'importe quel caméra.

La chancelière Angela Merkel a été exemplaire. Elle ne s'est pas précipitée pour donner des explications qu'on n'a pas, le soir même de l'attentat. Elle a fait quelque chose qu'en France nous ne savons plus faire : elle a attendu. Les Français sont devenus incapables de patience. On veut savoir : du coup, on raconte n'importe quoi, surtout du bien saignant, de l'impressionnant ou du délirant. Mais le plus exemplaire chez Angela Merkel, c'est qu'elle n'a aucunement reculé sur son admirable politique migratoire, qu'hélas la France, même sous un gouvernement de gauche, n'a pas osée. Je retiendrai ces mots de la chancelière : libres, ensemble et ouverts les uns aux autres.

Les forces de l'ordre en Allemagne sont exemplaires. Elles ne misent pas sur ces déploiements policiers ostentatoires que nous affectionnant tant en France et qui ne sont guère efficaces. Je ne sais plus qui disait que le Français se sentait rassuré à la vue d'un uniforme, y compris à la tête de l'Etat (nous avons dans notre histoire une belle collection de porteurs de képi et de sabre). La police allemande agit dans la discrétion, elle mise essentiellement sur le renseignement.

La société allemande est exemplaire. Elle n'incrimine pas les institutions, ne soupçonne pas ses représentants, ne bascule pas dans le débat sécuritaire et identitaire, qui est hélas notre spécialité nationale.

Si la France n'est pas exemplaire, c'est aussi parce qu'elle a peur : l'Allemagne est frappée, et on a l'impression que notre obsession, c'est la protection des marchés de Noël ... dans l'hexagone. Les analyses sont souvent médiocres. Un exemple : considérer un marché de Noël, qui est un lieu de commerce et de divertissement, comme un symbole chrétien, c'est bien la preuve que nous ne sommes plus un pays chrétien, que nous ne savons plus rien de ce qu'est le christianisme.

Autre exemple consternant : l'imputation du massacre à Daech, parce que l'organisation terroriste l'a revendiqué. Mais cet Etat meurtrier est prêt à récupérer à son compte n'importe quel coup de folie à travers le monde ! Est-ce à nos médias de s'en faire la caisse de résonnance, d'accréditer une responsabilité que nous ignorons (le tueur n'a même pas été arrêté) ?

Oui, l'Allemagne est exemplaire et la France ne l'est pas. Mais il n'est jamais trop tard.

mardi 20 décembre 2016

Bouge dans l'Aisne !




Quand Ludovic Givron m'a proposé de présenter une émission sur la webtélé Bouge dans l'Aisne, j'ai d'abord été sceptique. Je suis un homme de l'écrit, pas de l'image. Mes seules expériences dans l'audio-visuel remontent à quelques années, quand le BTS du lycée Henri-Matin m'a demandé, à plusieurs reprises, d'animer en studio. Mais l'exercice était scolaire et encadré. Sinon, il me faut aller plus loin dans le passé, en 1983-1984, à Angers, où je commentais les actualités locales sur une radio privée (c'était la grande époque, on disait alors : radio libre).

J'aime bien les expériences nouvelles, Ludo me laisse entièrement libre et surtout je ne sais pas dire non. L'idée : faire venir un invité, personnalité locale ou départementale, y compris politique, et le soumettre au feu de mes questions, dans la provoc gentille. Ludovic m'a suggéré un titre que je n'aurais jamais osé : Venez vous faire mousset ! Mais je ne sais pas dire non. Nous avons enregistré trois émissions il y a quelques semaines. Marc Santerre est le premier à s'être prêté au jeu. Qu'est-ce que ça va donner ? Je n'en sais rien, à vous de me le dire. Le seul critère, c'est l'audience : du public ou pas. La durée est de 12 minutes.

Cet après-midi, Ludovic Givron a lancé officiellement sa chaîne TV sur smartphone. Le téléchargement de l'application est gratuit. Je veux remercier l'équipe des techniciens qui nous ont accompagnés : Adrien, Thomas, Gauthier, David, Antony et Pierre. Des élus sont venus saluer cette initiative, dont il faut rappeler qu'elle est départementale : Frédérique Macarez, Jean-Marc Weber, Aude Bono, Arnaud Battefort et plusieurs responsables associatifs. Allez, tous, on bouge dans l'Aisne !

lundi 19 décembre 2016

Chez nous et dans le monde entier



Je reproche parfois aux Saint-Quentinois de ne parler qu'aux Saint-Quentinois. C'est le syndrome de l'indigène, propre à bien des villes françaises. Eh bien non : il n'y a pas que les gens du cru, les artistes bien de chez nous qui comptent. Une cité doit s'ouvrir à l'étranger, à ceux qui ne sont jamais venus ou qui passent simplement et qui marquent.

Ma collègue du lycée Henri-Martin Catherine Le Beguec n'est pas saint-quentinoise d'origine, pas plus que son père, Jacques Soisson, disparu en 2012, qui ne s'est arrêté dans notre ville qu'une fois, un seul jour, il y a 40 ans. Mais elle a choisi d'y travailler depuis 1980 et d'y rester pour sa retraite, quand tant d'autres recherchent le soleil du midi. Et son père ? C'était un artiste international, peintre, sculpteur et graveur, qui a exposé dans le monde entier, qui s'était lié d'amitié avec Jean Dubuffet, Françoise Dolto et Marguerite Duras.

Catherine a voulu lui rendre un hommage mérité et le faire connaître aux Saint-Quentinois, à la Galerie Saint-Jacques. Art brut et art thérapie (pour les enfants malades), peintures mexicaines et personnages totémiques, c'est l'exposition à voir durant ces vacances. Son titre : L'imaginaire fragmenté, Jacques Soisson, jusqu'au 26 février.

dimanche 18 décembre 2016

Le train sifflera trois fois



La grande foule s'est rassemblée hier soir sur le nouveau parvis de la gare de Saint-Quentin, inauguré en grandes pompes, sous le froid et la bruine. Des rayons lasers annonçaient dans les nuages l'événement, qui a débuté par un récit historique du bâtiment, à deux voix, Frédéric Pillet et Victorien Georges. Après, un bon coup d'Harmonie municipale nous a réchauffés. Puis est venu le moment attendu et solennel des allocutions officielles.

Si les locomotives avaient des oreilles, elles auraient sifflées, puisque l'inauguration a basculé dans le meeting anti-SNCF, sous les applaudissements du public, qui trouvait là une nouvelle occasion de se réchauffer. Le maire Frédérique Macarez pour commencer, le député Julien Dive sur un mode plus mineur et le président de Région Xavier Bertrand en crescendo, tous les trois, à leur façon, ont dénoncé les trains qui partent en retard, qui n'arrivent pas à l'heure, qui ne sont pas confortables, les lignes qui sont supprimées, les gares qui n'ont pas d'accès handicapés, la mise en conformité qui traîne jusqu'en 2022. Il ne manquait plus que le tarif élevé des billets et la complexité des réductions pour que ce soit la totale

Il y en a un dans la foule qui buvait du petit lait (quoique le vin chaud aurait été meilleur) : c'est Benjamin Marchandise, le président de l'Association des Usagers des Transports-Aisne-Nord, l'AUTAN. Après une telle offensive, le président du département, Nicolas Fricoteaux, n'avait plus grand-chose à dire. Le représentant de l'Etat, Nicolas Basselier, a fait ce qu'un préfet sait faire : une référence culturelle, un clin d'œil à Salvador Dali, en affirmant que le centre du monde n'était plus désormais la gare de Perpignan, mais de Saint-Quentin. Au fait, Saint-Quentin-Perpignan, c'est combien de temps, avec ou sans les retards de train ? Bon, je ne vais pas remettre le couvert ni faire de la surenchère, pas plus que vous jouer le sketch de Chevalier et Laspalès ...

Sinon, le président de Région a eu droit plusieurs fois à du "cher Xavier", les autres ne bénéficiant pas de cette familiarité. Le "cher Xavier" a démarré malin son intervention, en rappelant le nom du père du nouveau parvis, Pierre André. Il a aussi souhaité que les nouveaux trains soient fabriqués par des Picards. Là, les oreilles des locomotives ont dû être satisfaites. Julien Dive, habile aussi, a d'emblée prévenu qu'il ferait court, parce qu'il avait "froid aux mains et aux pieds, comme tout le monde". Tout le monde a ri.

Des mécontents, il n'y en avait pas que parmi les officiels. Dans la foule, j'ai rencontré un rédacteur d'Astronomie Magazine (basé à Itancourt, disparu cet été) qui m'a confié tout le mal qu'il pensait du nouvel éclairage du parvis. Le bleu n'est pas bon pour les yeux, l'orangé aurait été plus approprié, la lumière n'éclaire pas suffisamment le sol, elle est un terrible piège pour les insectes, qui viennent s'y brûler les ailes (nous sommes tout près de la réserve naturelle du parc d'Isle).

Tout à la fin, la façade de la gare s'est enflammée, non de la révolte des élus, mais par des projections psychédéliques, et nous avons tous un peu dansé sur la musique électro de Daft Punk (surtout parce qu'il faisait de plus en plus froid). Le bon coup de cymbales et de trompettes des Stimulants nous a stimulés (c'est fait pour ça), direction les yourtes où était distribué du chocolat chaud, qui est parti aussi vite que le public. Il ne restait plus que les lasers dans le ciel et les locomotives qui pouvaient enfin dormir sur leurs deux oreilles.

samedi 17 décembre 2016

Macron, libéral ou pas ?



Une semaine après le grand meeting d'Emmanuel Macron, En Marche ! Saint-Quentin a fait le point. Norbert, qui était présent à Paris, a été impressionné par l'organisation. Pour un tout jeune mouvement, c'est une réussite ! Mike Plaza, responsable des Jeunes avec Macron dans l'Aisne et chargé de la sécurité, s'est félicité aussi de la bonne tenue du rassemblement. Unique incident : quatre militants du NPA qui ont tenté de projeter des boules puantes (!). Contre 15 000 personnes, le rapport de forces n'était pas vraiment en leur faveur ... Notre souhait à tous : la prochaine venue d'Emmanuel Macron dans le Saint-Quentinois.

Philippe Lemarchand, professeur d'économie, nous a exposé les principales propositions du candidat, qui ne sont pas encore toute dévoilées, mais dont la philosophie prend largement corps. Avec cette question centrale, qui revient souvent dans les rencontres et discussions : Macron est-il libéral ou pas ? L'interrogation est sans doute trop théorique, prise comme telle. Ce qui compte, ce sont les mesures concrètes, à partir de quoi on peut porter un jugement. Car si être libéral, c'est admettre l'économie de marché, je ne connais pas beaucoup de monde qui soit rigoureusement antilibéral.

Si on lit honnêtement les textes d'Emmanuel Macron, comme Philippe l'a fait, on constate que sa politique économique est un mixte d'offre et de demande (que classiquement on oppose, de façon abusive). Chez Macron, la relance de la demande passe par l'amélioration du pouvoir d'achat (voir billet de lundi dernier). Quant à l'offre, elle est stimulée par la baisse des charges des entreprises (en remplacement du crédit emploi-compétitivité, trop complexe), afin d'inciter à l'embauche et à l'investissement. Un pur libéral ne compte que sur l'offre et ignore la demande.

De même, un pur libéral n'accepte aucune nationalisation, écarte toute intervention de l'Etat. Ce n'est pas le cas de Macron, qui propose au moins une nationalisation : celle de l'UNEDIC, qui est déjà entrée dans les faits, puisqu'on peut dire que c'est l'argent public qui finance aujourd'hui les allocations chômage. Un libéral intégral ou intégriste ne voit pas non d'un bon œil l'intervention des syndicats ; il ne conçoit les relations économiques que comme des rapports conflictuels et contractuels d'individu à individu, où le plus fort ne peut l'emporter que sur le plus faible.

Ce n'est pas la vision de Macron, qui veut au contraire renforcer le rôle des organisations syndicales, en leur redonnant les marges de négociation qu'elles ont perdues au profit de la loi. A ceux qui croient encore que le progrès social passe par une extension du droit du travail, l'exemple de la social-démocratie scandinave apporte un démenti : les lois sociales sont restreintes, la négociation entre partenaires sociaux est prioritaire, les syndicats sont puissants, la situation des salariés bien meilleure qu'en France.

Un libéral cherche à réduire l'Etat à ses fonctions minimales, régaliennes. Emmanuel Macron propose certes de diminuer les dépenses de fonctionnement, mais c'est pour augmenter les dépenses d'investissement. Il ne prône pas le retrait dogmatique de l'Etat, mais au contraire son intervention ciblée et son rôle protecteur. Et quand Macron souligne les limites de l'administration, c'est au profit de l'économie sociale, des partenaires locaux, du tissu associatif, pas du laisser faire, de la loi de la jungle. Il s'agit de mobiliser toutes les compétences, où qu'elles se trouvent, d'où qu'elles viennent.

Macron n'est pas non plus libéral en matière de traitement du chômage, puisqu'il propose d'étendre l'allocation chômage à tous, y compris en cas de démission, afin de permettre une mobilité à risque réduit. Le chômage doit être perçu en termes de transition professionnelle, et les garanties qui vont avec, principalement la formation. Celle-ci, aujourd'hui, profite essentiellement aux salariés qui veulent améliorer leurs compétences, pas à ceux qui souhaitent changer de branche d'activité. Quant aux chômeurs, les difficultés qu'ils rencontrent en matière de formation sont énormes. 

L'engagement européen d'Emmanuel Macron est très fort. Dans quel autre meeting voit-on des drapeaux européens et français agités à égalité ? Le candidat veut réactiver le couple franco-allemand, proposer à notre principal partenaire un deal : la réduction des dépenses contre un allégement des contraintes qui pèsent sur la croissance. On retrouve ici ce que j'ai mentionné au début : le mixte entre l'offre et la demande, la rigueur et le développement.

Au final, pour répondre à la question initiale, je dirais que non, Emmanuel Macron n'est pas libéral, au sens que lui donnent l'opinion publique et les commentateurs politiques en France. Est-il alors social-libéral, comme beaucoup le qualifient ? Encore moins, puisque ce terme est à la fois contradictoire et polémique. Social-démocrate ? C'est mieux, mais ce n'est pas ça non plus. La social-démocratie est un moment historique particulier, largement dépassé par les évolutions contemporaines. Réformiste ? Si l'on veut, mais le mot prenait tout son sens quand il s'opposait au révolutionnaire, qui aujourd'hui n'existe plus guère. Et si, pour désigner l'engagement d'Emmanuel Macron, on employait l'étiquette qu'il s'attribue le plus souvent ? C'est un progressiste, contre la figure du conservateur, qui, elle, est très répandue.

Puisque nous sommes dans des querelles (pas vaines) de vocabulaire, nous pourrions tout au plus admettre que Macron est un libéral au sens du XVIIIème siècle, un esprit éclairé qui réfléchit et agit pour le progrès et le bien-être des sociétés. Libéral au sens politique et philosophique, au sens qu'il a encore gardé aux Etats-Unis d'Amérique, mais pas en Europe. 

Sur toutes ces questions, pour connaître les prises de position précises et réelles d'Emmanuel Macron, pour échapper à la caricature et à la désinformation, je vous recommande de consulter le site mis en place par les Jeunes avec Macron : vision-macron.fr . C'est clair, rapide, pédagogique. A vous, après, de vous faire votre idée personnelle.

vendredi 16 décembre 2016

Je n'est plus un autre



"Je est un autre". Rimbaud a raison, mais pas en politique, pas aujourd'hui. Autrefois, oui : François Mitterrand n'était pas lui-même en politique. Il levait le poing, chantait l'Internationale et citait Marx alors qu'il appréciait la littérature réactionnaire, était imprégné de culture religieuse et ne pratiquait pas la franche camaraderie. Quant à sa vie privée réelle, il la cachait sous les apparences d'un mariage bourgeois. L'époque voulait que les hommes politiques jouent un rôle. C'est fini. Je ne peut plus être un autre.

La société a changé. Sincérité, spontanéité et sensibilité l'emportent sur le calcul, la composition et la dissimulation. Bien ou mal, c'est un fait. Emmanuel Macron est de son époque, jusqu'à cette fin de meeting qui a tant fait parler durant cette semaine, alors qu'elle signe la fin d'un genre en politique. Macron est comme il est, se montre tel qu'il est, ne s'aligne pas sur ce qu'on attend de lui. Après ça, qu'il puisse gêner, choquer ou faire sourire, ce n'est pas surprenant. Etre soi-même, ce n'est pas évident. Pendant longtemps, les hommes politiques ont porté une armure. C'est Lionel Jospin, il y a 15 ans, qui a commencé à la "fendre" ; jamais François Mitterrand n'aurait osé.

Ce petit préambule m'amène au sujet du jour, le début de la primaire de la gauche. Si j'avais à y participer (ce que je ne ferai pas, puisque je suis macronien), je voterais sans hésitation pour Manuel Valls, qui est le candidat le plus conforme à mes convictions. Pourtant, son début de campagne n'est pas très réussi : il n'est pas lui-même, il cherche à être un autre ! Trois prises de position l'attestent :

1- Valls a toujours constaté, avec raison, qu'il y avait deux gauches "irréconciliables", reprenant une idée de Michel Rocard d'il y a bientôt ... 40 ans : une gauche de gouvernement et une gauche d'opposition, une gauche de proposition et une gauche de protestation, une gauche réformiste et une gauche radicale, la social-démocratie et le socialisme traditionnel. L'erreur de la gauche vient de vouloir les confondre, dans des intentions électorales. Le résultat, c'est que les réformistes sont frustrés et que les radicaux sont déçus. Eh bien, Manuel Valls est entré en campagne en renonçant à ce qu'il pense, en disant même le contraire : les deux gauches sont désormais compatibles !

2- Valls a utilisé à plusieurs reprises le 49-3, a défendu devant le Parlement son principe il n'y a pas si longtemps. Il a eu raison : cette disposition législative est nécessaire à la bonne cohésion de la majorité parlementaire voulue par les Français. Y renoncer, c'est soumettre cette majorité au chantage des minoritaires (en l'espèce, les frondeurs socialistes). Si un Premier ministre ressent de la pudeur à se servir du 49-3, libre à lui de courir l'aventure, de disloquer sa majorité, de commettre un déni de souveraineté et de rendre la France ingouvernable. Mais il n'y a pas à le supprimer. Manuel Valls le propose pourtant, contre son propre avis !

3- Valls s'est présenté comme une "force tranquille". Les slogans ont leur importance en politique et il est normal que les candidats caractérisent leur personne. Mais pas pour faire un anachronisme, aller chercher une formule qui ne vous appartient pas, qui date de 1981, qui définissait François Mitterrand ! Là encore, Manuel Valls a un problème avec lui-même. Au lieu d'être créatif, original, il se tourne vers le passé et s'empare d'une expression qui ne lui ressemble pas. Tout en Mitterrand respirait la "force tranquille". On voit bien que Manuel Valls, ce n'est pas ça, c'est autre chose et c'est tant mieux. Mais non, il n'ose pas être lui-même, il veut être un autre, le plus prestigieux des socialistes contemporains.

Je ne sais pas si Manuel Valls va gagner la primaire, je sais qu'il va rencontrer mille difficultés, je crois plutôt qu'il va échouer, que l'échec est déjà en cours. C'est que son problème est insoluble : Valls ne veut pas être lui-même, ne peut pas être un autre, parce que cet autre existe déjà, c'est Emmanuel Macron. Macron est ce que Valls aurait pu et dû être. Macron est le désir, la projection, l'accomplissement de Valls. Plus les semaines vont passer, plus Valls va perdre de son identité, se perdre dans des artéfacts, des avatars et devenir un autre, plusieurs autres, plus Macron va se renforcer, se déployer et devenir lui-même. Valls et Macron, c'est Rimbaud et Nietzsche : "Je est un autre" ou "Deviens ce que tu es".

jeudi 15 décembre 2016

Primaire puante



Nous connaitrons aujourd'hui le nombre de candidats à la primaire du Parti socialiste en vue de l'élection présidentielle. La campagne n'est pas encore commencée qu'elle commence très mal ! Vincent Peillon est accusé de n'avoir pas réglé 20 000 euros de cotisations à son Parti, et Arnaud Montebourg 80 000 euros. Ce parallélisme ne peut pas être une coïncidence ! On assiste à un règlement de comptes (c'est malheureusement le cas de le dire). Donner une telle image de la primaire de gauche est lamentable, désastreux, irresponsable.

Ces révélations à la presse nationale ne peuvent être que le fait de socialistes, seuls à avoir accès à ces informations. Ne comprennent-ils pas qu'ils se nuisent à eux-mêmes en agissant de la sorte ? Il y a quelque chose de suicidaire, d'autodestructeur dans ce genre de comportement. Comme si le Parti socialiste ne croyait plus en la victoire, préparait dès maintenant le congrès qui suivra la défaite et ne se souciait plus que de la future direction du Parti.

Mais ce que l'opinion publique retiendra, c'est que des figures du PS ne respectent pas ses règles, lui doivent des sommes très élevées. C'est toute la politique qui est ainsi ternie. Pourtant, la vérité n'est pas celle-là. Peillon a un retard de deux ans, ce qui est banal et nullement répréhensible : il est fréquent chez les socialistes, adhérents ou élus, de régulariser au moment du vote ou de l'acte de candidature. Montebourg a un différend ancien avec sa fédération sur le barème de sa cotisation. Pourquoi faire ressortir cette affaire maintenant ? D'autant qu'elle ne l'a pas empêché d'être candidat la dernière fois.

En vérité, ces basses œuvres sont minables et méprisables. Dans chaque fédération du Parti socialiste, il y a des problèmes de cotisations d'élus, qui traînent longtemps, dont on ne se souvient plus du début, dont on ne voit pas la fin, qui tournent vite à l'histoire de cornecul et qui servent de prétexte au moment d'une élection, quand il y a rivalité pour le pouvoir et que tous les coups sont bons, surtout les mauvais coups. Quand ce n'est pas l'argent, c'est le sexe. C'est vieux comme le monde, me direz-vous. Oui, je sais, mais ce n'est pas une raison, en particulier quand on se dit de gauche et qu'on a pour intention de changer le monde. Il faudrait peut-être commencer par soi-même ...

Arnaud Montebourg a condamné la "malveillance". C'est le moins qu'on puisse dire. Vincent Peillon a dénoncé les "boules puantes", un mauvais gag de sales garnements. Attention, ce genre d'odeur est persistante et risque d'empuantir toute la primaire. Le partisan d'Emmanuel Macron que je suis pourrait cyniquement s'en réjouir. Mais si je rejette le cynisme, ce n'est pas pour m'y adonner à mon tour ! Non, l'inquiétude, c'est de voir un grand parti de gouvernement, encore au pouvoir, se fracturer, oublier les convictions pour les contentieux.

Au soir du premier tour de l'élection présidentielle, il faudra que le candidat progressiste arrivé en tête soit en capacité de rassembler tous les progressistes, pour les amener à la victoire. Actuellement, celui qui est en situation de réaliser ce rassemblement, parce qu'il arrive en premier dans tous les sondages, parce qu'il a la dynamique collective pour lui, c'est Emmanuel Macron. Pour rassembler et pour gagner, il ne faut pas que se créent aujourd'hui des divisions irréparables, demain insolubles. Il faut rassembler et avoir un moral de gagnant, dès maintenant.

Certes, le Parti socialiste est multiple. On trouve en son sein des archaïques, qui se contentent d'être une force d'opposition, des conservateurs, qui ne souhaitent pas remettre en question les fondamentaux du socialisme, d'authentiques progressistes, qui veulent épouser les mouvements de la société. Ce sont eux, et tous les hommes et femmes de bonne volonté, qu'En Marche devra accueillir, qu'Emmanuel Macron devra rassembler, dans la perspective de la victoire.

mercredi 14 décembre 2016

Pianotissime



Quand Francis Crépin n'est pas dans le carillon de l'hôtel de ville, il est quelque part en train de faire autre chose. Vendredi dernier, il était au piano, mais dans un lieu inhabituel : le cinéma de Saint-Quentin, pour une nouvelle séance de ciné-concert, où il accompagnait en musique un film muet. Cette fois, c'était le célébrissime "Mécano de la Général" de Buster Keaton qui était à l'affiche (sans "e", a-t-il corrigé, car ce n'est pas la femme du militaire ou la représentation théâtrale, mais le nom donné à une locomotive).

Francis Crépin a cité Claude Baugée, animateur du ciné-débat, présent dans la salle : "Le film n'est pas parlant, mais il est loin d'être muet". Avec les notes de piano, il devient même chantant ! La rencontre célébrait aussi un double anniversaire : le "Mécano de la Général" est sorti en 1926 et son réalisateur nous a quittés en 1966.

Est-ce un film comique ? Pas d'abord, en tout cas pas dans ma perception. Et puis, on ne rit plus aujourd'hui à ce qui faisait rire hier. Non, ce que je retiens, ce qui m'a marqué, comme certainement à l'époque, c'est le film à grand spectacle, les prouesses techniques et humaines, les mouvements de caméra éblouissants (les travellings, notamment). C'est drôle, bien sûr, mais on est surtout impressionné.

Le cinéma nous a habitués à des chasses à l'homme, des courses en voiture, mais là, ce sont des locomotives qui se poursuivent ! Le clou, c'est le train précipité dans la rivière, sous un pont en flammes qui s'effondre ! Oui, on a fait mieux depuis, mais en maquette ou aujourd'hui en numérique. Chez Keaton, c'est du vrai, pas du chiqué ! Saviez-vous que la machine est toujours au fond de l'eau et que les touristes viennent encore visiter l'endroit ?

C'est aussi, évidemment, un film très américain. Le cheval de fer, comme on l'appelle là-bas, est à la hauteur d'un mythe dans l'imaginaire des States. Ce moyen de circulation a présidé à la naissance et au développement de cette grande nation. Mais le film s'inscrit aussi dans la tragédie du pays : la guerre de Sécession, Civil War, qui aurait pu l'entraîner à disparaître. Dans son récit, le personnage joué par Buster Keaton est du côté des Sudistes, des vaincus de l'Histoire (une préférence politique de sa part ?). C'est enfin un film d'amour, où notre héros, dans sa loco, faillit bien étrangler sa belle, juste avant de l'embrasser !


En vignette, Francis Crépin ouvre la séance. Sous l'écran, on aperçoit la petite lumière qui éclaire le clavier durant la projection.

mardi 13 décembre 2016

La passion Macron



Ce qui intéressant dans un événement politique, c'est autant l'événement en lui-même que les réactions qu'il suscite. En ce qui concerne le grand meeting d'Emmanuel Macron, ce sont moins ses propositions, pourtant nombreuses et promptes à la discussion, qu'ont retenues les médias (chaînes d'information en continu et réseaux sociaux), que la fin de son discours, le ton et la gestuelle. Les commentaires ont été partagés entre l'étonnement, l'amusement et la dérision. Certains sont même allés très loin, en interprétant les regards au ciel et les bras en croix de Macron comme une posture christique, mystique (!).

De quoi s'agit-il, plus simplement ? D'un homme passionné, qui se donne à son public, rien de plus, rien de moins. Quelqu'un qui croit en ce qu'il dit, qui s'engage à fond. C'est la définition de la passion. Ce qui est étonnant, c'est qu'on s'en étonne. Tout homme public ne devrait-il pas être ainsi, se livrer totalement à la cause qu'il défend ? Mais la passion en politique est perçue aujourd'hui comme quelque chose d'un peu bizarre, étrange, suranné, vaguement inquiétant. Montrer sa passion, la faire vivre, l'incarner parait déplacé, malséant, impudique, dans une société qui pourtant n'a guère de pudeur.

Autrefois, la passion était inhérente à l'exercice de la politique. Quand on montait à la tribune, il fallait être un tribun, tenir des propos enflammés, soulever la foule d'enthousiasme. Pourquoi cette forme de générosité qu'est la passion politique est-elle mal vue désormais, pourquoi s'exprime-t-elle beaucoup moins ou si peu ? Incontestablement, il y a le fait que les croyances politiques se sont émoussées, qu'elles ne provoquent plus la ferveur d'antan. Mais je pense que la raison est moins dans le fond que dans la forme. Nous sommes entrés dans un monde où la culture technique est prédominante, où la légitimité est accordée au langage d'expert, technocratique, qui s'accommode très mal du lyrisme. Et puis, il y a le formatage de la télévision, qui favorise des discours lisses, aseptisés, consensuels. Sur le petit écran, la manifestation de la passion se transforme en provocation, énervement ou folklore.

Enfin, ce qui a définitivement disqualifié la passion politique, c'est qu'elle a été reléguée à la radicalité, à l'extrémisme, au fanatisme. La passion xénophobe de Le Pen ou la passion antilibérale de Mélenchon ne surprennent pas, parce qu'on les assimile à des excès, des outrances, des dérapages propres à ces deux camps. Les candidats sérieux, raisonnables, présidentiables sont censés ne pas tomber dans de tels travers. Au regard de bien des contemporains, la passion politique est synonyme de folie. Mais ce n'est pas parce que la passion a été dévoyée qu'il faut la condamner. Au contraire, je la crois indispensable à la vie démocratique, et le drame de ces trente dernières années, c'est que cette passion a été confisquée  par les sensibilités les plus contestables et rejetée par les sensibilités les plus estimables.

Je l'ai particulièrement ressenti lors de la campagne référendaire de 2005, où les anti-européens ont été très virulents et où les pro-européens ont fait profil bas. La cause européenne, tout comme l'engagement social-démocrate, manquent d'enthousiasme, de panache, de passion. On constate les résultats et les dégâts. Non, il n'y a pas de politique sans passion. A mon petit niveau d'expérience, celui d'un appareil politique de province assez modeste, j'ai pu sentir combien la passion passait mal, car assimilée, consciemment ou non, à une forme d'aveuglement, d'imprévisibilité qui ne collait pas avec l'esprit d'opportunité et de modération qui préside au fonctionnement d'une organisation politique. Pour le dire de façon un peu caricaturale : l'apparatchik, l'élu ou le notable ne peuvent pas être des passionnés, parce que ce n'est pas la passion qui les a menés là où ils sont.

Le gros problème, c'est que nous pâtissons de l'opposition classique entre passion et raison, comme si elles étaient incompatibles. Or, je ne le crois pas, je pense que leur alliance est indispensable en démocratie. Il n'y a pas, au milieu de notre vie publique, le cercle de la raison (l'expression est d'Alain Minc) et tout autour des fous furieux qui pousseraient de dangereux cris de passion. Ou si cette représentation l'emportait, ce serait dramatique pour la démocratie. A ce sujet, il faut lire le dernier ouvrage de l'économiste et sociologue Frédéric Lordon, paru cette année au Seuil : "Les affects de la politique".

Si Emmanuel Macron a samedi surpris (mais pas moi), c'est qu'on n'imagine pas qu'un européen et un social-démocrate comme lui puisse se prendre de passion pour son projet et le traduire par son corps, ses gestes, sa voix. De plus, le personnage en lui-même, son tempérament modéré, ouvert, son timbre de voix très posé dans la conversation, le caractère doux, presque féminin qui se dégage de lui (rien à voir avec les accents virils et agressifs de Le Pen et Mélenchon) forment un contraste violent avec les images de fin de meeting de samedi. Mais c'est mal connaître l'homme, ne pas faire attention à ce qu'il est vraiment. Car dans le plus calme de ses échanges se révèlent aussi une redoutable détermination, des jugements tranchés, des analyses très acérées. Alors que la vie politique nous habitue à des louvoiements, retournements, zigzags, Macron sait où il va et il y va, en nous faisant comprendre que rien ne l'arrêtera. C'est ça aussi la passion.

lundi 12 décembre 2016

Le candidat du pouvoir d'achat



Dans les multiples propositions avancées samedi par Emmanuel Macron, il y en a une qui touche à un tabou : la question du pouvoir d'achat. Avec les déficits publics et le manque de compétitivité de notre économie, l'augmentation du pouvoir d'achat n'est plus à l'ordre du jour. Les fameux "coups de pouce" du SMIC n'avancent pas beaucoup, les salaires des fonctionnaires ont été bloqués pendant des années. Qu'est-ce qu'on peut donc faire pour le pouvoir d'achat ?

En 2007, Ségolène Royal, qui a bien des points communs avec Emmanuel Macron, a été la première à briser ce tabou, à relancer le débat sur le pouvoir d'achat. Nicolas Sarkozy a donné l'impression, lui aussi, de s'y engager. Mais son "travailler plus pour gagner plus" était dirigé contre les 35 heures, et pas pour le pouvoir d'achat. Car c'est une banalité, une évidence, une tautologie qu'il faut gagner plus quand on travaille plus !

Emmanuel Macron propose de relancer le pouvoir d'achat à travers une mesure originale : supprimer les cotisations sur la maladie et l'assurance-chômage que paient les salariés. Le bénéfice net sera de 252 euros par an pour un smicard, de 504 euros pour un salaire au double du SMIC. Pour les travailleurs indépendants et les fonctionnaires, le gain sera équivalent, en intervenant sur d'autres cotisations.

Macron ne se contente pas de proposer : il explique comment il va financer, par une hausse de la CSG de 1,75 points et son élargissement aux revenus du capital et aux retraites. Les indemnités chômage et les petites retraites en seront exemptées. Ainsi, les déficits ne seront pas aggravés et la compétitivité des entreprises pas affectée.

Mais une mesure reste technique, donc peu convaincante, tant qu'elle n'est pas replacée dans la philosophie du projet. L'idée maîtresse de Macron, c'est que les risques majeurs de la vie ne peuvent plus être couvert par la cotisation, mais pas la solidarité, abondée par l'impôt. C'est aussi la remise en question du paritarisme, cette cogestion très discutable des caisses sociales entre patrons et syndicats. Les grands ancêtres du syndicalisme auraient été très surpris que les luttes ouvrières débouchent sur ce partenariat. Emmanuel Macron interroge donc l'un des fondamentaux de la gauche, après d'autres. Mais le camp du progrès ne peut plus faire l'économie d'une telle réflexion, s'il ne veut pas reproduire des schémas anciens devenus inopérants.

On ne pourra pas non plus accuser Macron d'ultralibéralisme, puisque la mesure qu'il propose lui tourne le dos, fait appel à l'impôt. Mais gageons que certains continueront à lui coller cette étiquette qui se veut infamante et qui est simplement facile, erronée, démagogique. Au contraire, à travers cette proposition, Emmanuel Macron cherche à rééquilibrer la contribution au financement de la protection sociale, au profit des revenus du travail, qui sont jusqu'à présent beaucoup plus sollicités que les revenus du capital. Il se pourrait bien que dans la campagne qui s'annonce, Macron soit le candidat du pouvoir d'achat et de la justice sociale.

dimanche 11 décembre 2016

Changer tout



Le grand meeting d'Emmanuel Macron me fait penser à une très jolie chanson, vieille d'il y a 40 ans, mais qui n'a pas du tout vieilli : Changer tout, de Michel Jonasz. Hier, il y avait dans l'air de la douceur et de la détermination, comme dans la chanson. Et le long discours de Macron qu'on peut résumer en deux mots : Changer tout. Politique, économie, société, oui, changer tout, dans un monde où tout bouge, sauf en France pour l'instant.

On fait certes de la politique avec son cerveau, mais aussi avec ses doigts, en comptant : hier, nous étions 10 000 ou 15 000 à soutenir Macron, et c'est énorme, toutes choses égales par ailleurs. La politique, ce sont des projets et du chiffre. La candidature d'Emmanuel Macron a basculé ce samedi dans le phénomène de société. Quelque chose de neuf est enfin en marche dans notre pays. Même les adversaires, qui sont légitimes et respectables en démocratie, sont maintenant obligés de le reconnaître, de faire avec ou contre, mais ne peuvent plus l'ignorer ou le minorer.

Ce qui s'est passé aussi hier après-midi, c'est que nous avons assisté au spectacle d'un Macron transporté, inspiré, galvanisant ses partisans, faisant corps avec son projet, se donnant totalement. C'est la marque d'un grand leader qui vient de naître, charismatique comme pouvait l'être François Mitterrand. Il en faut en politique, et nous en manquons : de l'enthousiasme, de la ferveur et des hommes qui les portent. Hier, la gauche et bien au-delà, la France dans son ensemble auront retrouvé un mot perdu depuis longtemps dans notre vie publique : l'espérance (et pas seulement l'alternance par défaut).

Enfin, il y a le contenu. Emmanuel Macron a déjà gagné, je crois qu'il arrivera, parmi les candidats de gauche, le premier, en capacité de rassembler, tout simplement parce qu'il met des idées sur la table, de vraies idées, nouvelles, originales, progressistes, qui nous changent du catéchisme habituel. Souvenez-vous de la primaire de droite : bien sûr, il y avait des idées, mais pas nouvelles, pas originales, et qui ne tranchaient pas entre elles. Bref, des idées banalement de droite. Macron ne veut pas reproduire des idées banalement de gauche : il crée, il invente, il redonne une nouvelle jeunesse, un grand espoir au camp du progrès, au parti du mouvement. Mais pour créer, il faut d'abord détruire les codes et les clivages anciens : c'est ce qu'il fait. Changer tout.

Emmanuel Macron s'est présenté hier comme le candidat du travail et du pouvoir d'achat, de la justice sociale et de la protection des plus démunis. Il a continué à énumérer ses propositions, concrètes, réalistes, ambitieuses et précises. Nous en reparlerons dans le détail. Hier, à la tribune, c'est un possible futur président de la République qui s'exprimait, à l'évidence. Ils ne sont pas si nombreux à être aujourd'hui à la hauteur de cette fonction et de cette mission. La dynamique va s'amplifier dans les prochains jours, c'est certain. Je fais le vœu, avec mes amis d'En Marche !, que la vague atteigne notre ville. Changer tout à Saint-Quentin, ce ne serait pas mal non plus.


Merci à Norbert pour la photo.

samedi 10 décembre 2016

En Marche ! tourne rond



Lors de sa réunion d'équipe, le comité local d'En Marche ! a abordé la question qui sera sans doute au cœur de l'élection présidentielle (c'est à souhaiter) : le travail (merci à Bruno pour la photo !). Clarifier l'offre de formation, changer les méthodes de management, instaurer le CV anonyme pour lutter contre les discriminations à l'embauche, faciliter la mobilité professionnelle, voilà les quelques points débattus. Avec une idée centrale : renouer avec le projet d'un travail qui soit vecteur d'émancipation, tel qu'il a été conçu à partir du XVIIIème siècle, chez les progressistes.

Norbert nous représentera, cet après-midi, pour le grand meeting de campagne d'Emmanuel Macron, à Paris. Yann, Michel, Maxence et Karine seront présents à la première rencontre des comités locaux de l'Aisne, qui se tiendra mercredi soir, près de Soissons. Nous nous retrouverons tous vendredi prochain, à 18h30, au Carillon, pour une présentation par Philippe des propositions économiques d'En Marche !

Il s'agira de montrer qu'Emmanuel Macron n'est pas seulement dans l'analyse, mais dans la proposition concrète et précise, sans rapport avec l'ultra-libéralisme dont l'accuse principalement l'extrême droite. Raphaël a proposé de mettre en place un atelier de lecture autour du livre d'Emmanuel Macron, Révolution.Tous ceux qui partagent nos valeurs, bienveillance, tolérance et progressisme, peuvent bien sûr nous rejoindre.

vendredi 9 décembre 2016

Rock'n' vin chaud






La taverne du village de Noël est habituée à des ambiances douces, où circulent des dames en costumes d'époque et un garde champêtre plus vrai que nature. Un orgue de barbarie nous berce avec des airs anciens, que reprennent certains visiteurs, enhardis par le vin chaud. La soupe au caillou apporte aussi sa chaleur au Magic Mirror. Les glaces ne tremblent qu'aux interventions tonitruantes du conteur picard Jean-Pierre Semblat, dans son numéro de stand-up.

Hier soir, atmosphère toute différente, pour le concert de Gaspard Royant, le gominé impeccable qui décoiffe (vignette 1, bonnet de Noël pour l'occasion). Lunettes noires, costume sombre et cintré, chemise blanche, cravate étroite, jeu de jambes et de mains, voix envoûtante, sueur au visage et une pèche d'enfer (il a grimpé à la fin au chapiteau). C'est du rock 'n' roll dans la pure attitude, tendance crooner, un mélange d'Helvis Presley et de Frank Sinatra.

 La taverne s'est survoltée, presque encanaillée. Roland Lamy, le président de Loisirs et Traditions, qui est pourtant plus Maurice Chevalier que The King, s'est légèrement déhanché, pendant que Raphaël Louviau, le partenaire Bang Bang ! de la soirée, faisait le tour de son monde. Au bar, les messieurs dames se sont endiablés (vignette 2) : c'est l'effet Gaspard et ses lascars.

Gaspard Royant assure aussi le service après chansons. Il quitte la scène, installe son bazar, revient sur le podium, en pousse une dernière et retourne à l'entrée pour les ventes et dédicaces (vignette 3). Il faut suivre ... "Les vinyles pour les jeunes et les CD pour les vieux", avertit-il (vignette 4). En quittant la taverne, le froid nous retombe dessus. La musique s'est tue, mais les odeurs de vin chaud et de maroilles nous poursuivent jusqu'en dehors du village de Noël.

jeudi 8 décembre 2016

Zyva zyva, Peillon !



Celui-là, on ne l'attendait pas, et coucou, le voilà, comme le lapin qui sort du chapeau. Mais qui est le magicien à la baguette ? C'est le mystère de ce candidat mystère, Vincent Peillon. Qu'on ne s'étonne pas trop : c'est un classique en politique, la pochette surprise, le postulant de la dernière heure. Certains stratèges en font toute une stratégie : laisser filer le temps, ne rien laisser paraître, se dévoiler tout à la fin. Peillon, personne n'avait jamais entendu dire qu'il rêvait d'être président de la République, lui non plus peut-être. Mais c'est sans doute une vocation tardive, comme en religion. Pas mal joué d'ailleurs : en surprenant son monde, on devient moins vulnérable qu'en s'exposant très vite. Que du classique, je vous dis.

C'est aussi une vieille ficelle que de ne pas se déclarer directement, de le faire savoir par d'autres. Quand on n'a pas énormément d'atouts pour soi, il faut savoir susciter le désir, le retenir quelques jours pour le faire grossir, avant d'annoncer officiellement qu'on "y va", dans le jargon politique. Zyva zyva, Peillon ! Au fait, Peillon "y va", mais pourquoi ? Et pour quoi ? Et pour qui ? Il va sûrement nous l'expliquer, quand le non candidat devenu presque candidat sera vraiment candidat.

Vincent Peillon a-t-il un projet présidentiel ? Peut-être, mais je n'en ai jamais entendu parler, je n'ai rien lu de lui à ce sujet. Même en tant que député européen, mandat qu'il exerce depuis deux ans, il n'a guère été bavard. Vincent Peillon traduit-il au moins, à gauche, une sensibilité politique, un courant d'idées, quelque chose qu'on pourrait identifier par un nom ? Je ne pense pas, je ne vois pas. C'est bien sûr un homme intelligent, puisqu'il fait de la politique. Il a de nombreux écrits à son actif. Mais il n'est pas représentatif de quoi que ce soit. C'est pourtant un préalable pour concourir dans ce noble scrutin qu'est l'élection présidentielle. Il faut incarner autre chose que soi-même. Peillon, non.

Pour le moment, qui est court, son positionnement est central, entre Valls et Montebourg, et son projet est le rassemblement. A peine malin et pas très original. Peillon veut jouer les tranches de jambon entre deux gros morceaux de pain. On ne vise pas l'Elysée avec ce genre de cuisine. D'autant que les résultats donnent le contraire : Peillon veut rassembler et sa candidature divise encore plus (avec lui, c'est le 11ème candidat à la primaire de la gauche, et ce n'est pas fini).

J'en viens presque à me demander si le but de cette candidature qui tombe du ciel n'est pas celui-là : diviser, gêner, empêcher. C'est, là encore, une rouerie politique bien connue : multiplier LES candidats pour faire perdre UN candidat. Car, en ce domaine, contrairement à la vie ordinaire, plus on est de fous et moins on rit. La candidature Peillon embarrasse qui ? La candidature Valls. Plus les candidats se multiplient, plus le premier de la liste a des difficultés : c'est aussi inéluctable que la chute des corps en physique.

Vincent Peillon, c'est également le bon candidat pour ceux qui ne veulent pas encore choisir de candidat, qui attendent de voir la tournure des événements entre les deux poids lourds, Manuel Valls et Arnaud Montebourg. Peillon, c'est une voie de garage avant de se décider vraiment, une fois la primaire passée et qu'on va entrer dans le dur de la campagne présidentielle. C'est une option qui ne mange pas de pain. Le soutenir, c'est prendre position sans trop s'engager, pour ne pas faire jurer l'avenir. En politique, il faut savoir se mettre en roue libre, en stand by ; c'est plus prudent, quand les temps sont incertains. Autant ne pas pédaler pour rien ...

Il y a dix ans, Peillon, Montebourg et Hamon étaient copains ; ils avaient fondé ensemble, le NPS, Nouveau Parti Socialiste, rien que ça, une aile gauche propre sur elle, fréquentable, pas gueularde, comme Filoche ou Lienemann. Maintenant, tous les trois sont concurrents dans la course à l'Elysée, et le NPS a disparu. Allez y comprendre quelque chose ... Cette primaire ressemble de plus en plus à un congrès du Parti socialiste, avec ses courants, ses sous-courants et ses sous-marins. Manuel Valls s'en inquiète, et l'on comprend bien pourquoi : les torpilles sont pour lui.

Bon, me direz-vous, Vincent Peillon a le droit de se porter candidat, nous sommes en démocratie et il n'y a rien à redire. Je veux bien, mais à partir de là, si Vincent Peillon est candidat, Ségolène Royal peut être candidate, Christiane Taubira peut être candidate, Martine Aubry peut être candidate, Julien Dray peut être candidat, Anne Hidalgo peut être candidate, Bernard Cazeneuve peut être candidat, Michel Sapin peut être candidat ... J'arrête là, je risque d'en oublier. Si Vincent Peillon est candidat, une bonne vingtaine d'autres, en cherchant bien, sont tout aussi légitimes à se porter candidats. C'est vraiment ça la démocratie ?

Un ultime argument joue en défaveur de Vincent Peillon, devrait le dissuader de déposer sa candidature. C'est peut-être l'argument le plus invalidant : Peillon est prof de philo ! En apparence c'est un avantage, en réalité c'est un boulet. Un prof de philo fait des cours, fait des livres, fait des conférences, fait des articles et c'est déjà beaucoup. Mais il ne fait pas de politique, il ne sait pas ou il fait mal. Non, croyez-moi, un prof de philo, ce n'est pas fait pour ça.


En vignette, l'une des dernières apparitions politiques de Vincent Peillon ministre... à Saint-Quentin, venu soutenir la tête de liste à l'élection municipale, Michel Garand, le 10 mars 2014.

mercredi 7 décembre 2016

La tentation du Bourget



Je reviens sur la déclaration de candidature de Manuel Valls. Elle n'était pas trop mal. Bien sûr, il y a ce slogan long, compliqué, dont on ne se souvient pas. Et puis, au fond, comme un décor, un groupe d'hommes et de femmes un peu figés, qui font figuration, une sorte de chorale muette, seulement applaudissant. Mais la forme du discours était correcte, sans doute longuette (20 minutes). Une déclaration d'amour (à la gauche et à la France) doit être plus courte. Valls en a sous la pédale, comme on dit vulgairement. Il lui faut simplement veiller maintenant à l'accident, et ce ne sera pas facile pour lui.

Dans sa déclaration, il est surtout fort quand il dit ce qu'il ne veut pas, à droite comme à gauche. Mais on ne devient président de la République qu'en disant ce qu'on veut, ce qu'on propose. Je suppose que le temps viendra. Dans sa déclaration, il y a une contradiction majeure, que tous les commentateurs et ses concurrents ont repérée : Valls prétend réconcilier aujourd'hui ce qu'il jugeait il n'y a pas si longtemps irréconciliable. Ce qui lui met une bonne partie des socialistes sur le dos, à commencer par Martine Aubry (ce qui commence donc mal). Enfin, dans sa déclaration, il y a un oubli, un incroyable acte manqué : Valls ne dit jamais qu'il se présente aux primaires de la gauche, il ne prononce pas le mot. C'est un refoulement : il sait que la procédure ne lui est pas favorable, il préférerait se présenter directement à la présidentielle, à la façon de Macron.

Dans sa déclaration, Manuel Valls a été incontestablement lyrique, et même parfois littéraire, presque "hollandais" dans le ton et la gestuelle. Il a répété je ne sais combien de fois le terme de rassemblement, trahissant ainsi une incantation, démentie très vite par les réactions de ses camarades adversaires, qui lui reprochent d'abord de ne pas pouvoir être rassembleur. C'est pourquoi, préventivement, Valls essaie de les rassurer, de montrer qu'il a changé, qu'il n'est plus le même : je crois que s'il y a une profonde erreur dans sa déclaration, c'est celle-là, vouloir être quelqu'un d'autre, une bonne intention qui ne trompera pas.

Le problème actuel de Valls, auquel il échappera peut-être dans les prochaines semaines, c'est la tentation du Bourget, une tentation vieille comme le Parti socialiste, qui commence à Epinay, en 1971, lorsque François Mitterrand, en s'en prenant à l'argent et en prônant "la rupture avec le capitalisme", laisse croire, en toute sincérité, qu'il est Léon Trotski alors qu'il n'est que François Mitterrand. 40 ans plus tard, c'est un autre François, Hollande, qui prononce, dans un même trémolo, que "mon ennemi, c'est la finance". Le discours révolutionnaire a sa grandeur, que je respecte, à condition qu'il soit prononcé par des révolutionnaires. Or, Hollande n'est pas plus Robespierre que Mitterrand n'était Trotski. L'opinion le sait bien, n'est pas dupe, mais elle aime à rêver, elle retient une formule qui fait mouche (en réalité qui fait mal, mais plus tard), elle oublie le reste du discours du Bourget, authentiquement social-démocrate.

Mitterrand, Hollande, Valls, même danger pour eux-mêmes, la tentation du Bourget, jouer à ce qu'on n'est pas, dans un but louable, mais déconseillé en politique : vouloir plaire, en jetant à la foule et à ses partisans ce qu'ils aiment à entendre. Dans sa déclaration de candidature, Valls gauchit un peu son langage, prononce le mot sacré de "travailleurs" (on avait reproché à Jospin en 2002 de ne pas l'invoquer), il veut plaire à ses troupes, à son Parti (qui se prend par la gauche, comme le pensait Mitterrand). Finalement, sa seule faiblesse est là : en cherchant à plaire, il se renie, et ça se voit. Il prend ainsi le risque de profondément déplaire.

On peut penser ce qu'on veut d'Emmanuel Macron, être en désaccord avec ses idées (normal, nous sommes en démocratie). Mais il y a quelque chose qu'on ne peut pas lui reprocher : il ne cherche pas à plaire, il dit ce qu'il a à dire, ce qu'il pense, et chacun ensuite se détermine, adhère ou pas. Macron est totalement étranger à la tentation du Bourget, c'est-à-dire la tentation de la rhétorique, de la séduction, qui finit toujours par la déception et le rejet. La grande force de Macron, c'est qu'il plait sans chercher à plaire. Reste à savoir combien de temps la séduction va durer, et si elle va s'amplifier.

mardi 6 décembre 2016

Le Premier de la classe



J'avais croisé Bernard Cazeneuve le samedi 21 mars 2015, au salon du Livre, à Paris (en vignette). C'était quelques semaines après la tuerie de Charlie hebdo, mais avant les massacres du Bataclan et de Nice. Le ministre de l'Intérieur venait vérifier si ce haut lieu de rencontres des écrivains et artistes était bien sous protection. L'homme se laissait facilement approcher, n'hésitait pas à converser, se prenait au jeu des photos. Aisance, affabilité, courtoisie, voix calme, lent débit, ton ferme : j'en ai gardé un bon ressenti. Tous les socialistes que j'ai rencontrés, par le passé, n'inspiraient pas forcément une telle sympathie.

On a beau être de gauche, on n'en est pas moins homme de pouvoir, avec tous les défauts qui vont avec. Pas Cazeneuve. C'est pourquoi sa nomination me ravit. En politique comme ailleurs, il faut prendre les meilleurs. En politique contrairement à ailleurs, ce n'est pas la règle. Bernard Cazeneuve est le meilleur de l'équipe gouvernementale. Fidèle au président, pas trop politique (ce n'est pas lui qui va se fourvoyer dans l'affrontement des primaires), bien perçu par l'opinion, il a tout pour lui. Ce n'est pas tellement ses qualités personnelles (bien d'autres ministres n'en sont pas dépourvus)  qui en font l'homme de la situation : c'est la situation !

D'abord, nous sommes en guerre, le terrorisme continue de menacer. Dans ce contexte, ce n'est pas d'une ministre de l'Education dont nous avons besoin, mais de celui qui est passé par l'Intérieur. Le premier flic de France devient logiquement le Premier ministre de la France. Ensuite, François Hollande a besoin d'un homme solide, sérieux et populaire pour terminer son mandat, soigner ces cinq derniers mois où il devra réussir sa sortie. Hollande-Cazeneuve,  c'est la tête d'affiche idéale. J'irais jusqu'à penser que ces deux-là, s'ils étaient candidats à l'élection présidentielle, feraient probablement un très bon score. Dommage qu'ils ne se présentent pas !

lundi 5 décembre 2016

Pas d'affrontement Valls-Macron



Manuel Valls s'est donc déclaré, sans surprise, candidat en vue de l'élection présidentielle. De Macron et de lui, l'un des deux n'est-il pas de trop ? Après tout, ils sont semblablement sociaux-démocrates ou sociaux-libéraux, comme vous voudrez, réformistes, représentants d'une gauche moderne, issus d'un même gouvernement. L'offre politique n'est-elle pas identique ? Non, pour cinq raisons qui les distinguent. Les thèmes de Valls ne sont pas ceux de Macron :

1- L'autorité : Manuel Valls la porte sur son visage et dans son langage. Il n'est pas admirateur de Clémenceau pour rien. En matière de laïcité, il campe sur une position dure, anti-burkini par exemple, alors qu'Emmanuel Macron est favorable à cette liberté vestimentaire, par choix, tradition ou religion.

2- L'identité : Manuel Valls a soutenu le projet de déchéance de nationalité, a défendu le prolongement de l'état d'urgence, Emmanuel Macron s'y est opposé. Le Premier ministre a critiqué l'ampleur de l'ouverture aux migrants de l'Allemagne, alors que Macron s'en est félicité. Si la formule n'avait pas été préemptée, je dirais de Macron qu'il est partisan d'une identité heureuse.

3- La légitimité : Manuel Valls aura beau faire un petit écart à l'égard du bilan gouvernemental, émettre quelques regrets, il en est, en tant que Premier ministre, comptable, et c'est bien la politique de François Hollande qu'il va défendre, avec seulement quelques petites nuances. Emmanuel Macron a choisi une autre voix, plus critique, sans renier ce qui a été fait de bon par la gauche au pouvoir, mais en soutenant un projet différent, renouvelé.

4- L'annonce : le cadre d'une déclaration de candidature est important, révélateur. Manuel Valls parle devant ses partisans, à Evry, dans son fief électoral, de la municipalité dont il a longtemps été maire. Ce choix est celui d'un élu, qui rappelle ce qu'il est et ce qui l'a fait exister en politique, en opposition à Emmanuel Macron, pas élu, se déclarant lors d'une visite d'un centre d'apprentissage à Bobigny. Deux styles, deux hommes !

5- La stratégie : Valls a choisi de passer par le système des primaires, c'est-à-dire les jeux d'appareil, au risque d'y perdre plus que d'y gagner. La synthèse finale, si elle a lieu, ne pourra qu'être superficielle et trompeuse. Le candidat qui en sortira, lui ou un autre, sera nécessairement affaibli par cette confrontation interne, qui attirera moins d'électeurs qu'on croit. Macron a choisi de s'adresser directement aux Français, de les écouter d'abord, de ne polémiquer avec personne, d'attendre la campagne du premier tour pour se confronter avec les autres candidats. C'est une sage stratégie de rassemblement dès maintenant, dont a absolument besoin une gauche éclatée et mal en point.

Que va-t-il se passer dans les prochaines semaines (le scrutin en lui-même, c'est encore loin) ? Chacun va afficher sa différence, mais il n'y aura pas d'affrontement Valls-Macron. La culture d'Emmanuel Macron est celle de la proposition et du compromis, pas de l'attaque et de la rupture. Jean-Christophe Cambadélis lui demande aujourd'hui de rejoindre la primaire, de "ne pas avoir peur" de cette compétition électoral. Mais si, il y a de quoi en avoir peur ! C'est pourquoi Macron ne participera pas. Non pas parce qu'il manque de courage personnel : ces derniers mois, les choix qu'il a faits ont prouvé tout le contraire. Mais parce que s'engager dans la primaire, c'est alimenter la machine à diviser et à perdre. Macron, lui, veut faire gagner la gauche, en l'élargissant à l'ensemble des progressistes, dont Manuel Valls fait aussi partie.

dimanche 4 décembre 2016

Joie de vivre




Jeudi soir, 86 personnes ont assisté à la projection du documentaire d'Isabelle Debraye, "Et puis nous sortirons revoir les étoiles", consacré à la catastrophe ferroviaire de Vierzy. La famille d'Isabelle était présente (vignette 1). J'avais vu le film à la télévision, en version courte, mais sur grand écran, il n'y a pas photo, c'est le cas de le dire : émotion, image, couleur, message, tout ça est rendu plus dense, plus évident.

Le débat qui a suivi (vignette 2) a laissé place aux souvenirs, aux témoignages, mais aussi à des questions typiquement actuelles, que le film n'aborde pas : les suites judiciaires, l'indemnisation des victimes, le sentiment de culpabilité. Je me suis alors rendu compte que si j'aime ce documentaire, c'est aussi pour cette raison-là : il n'est pas contemporain, il ne parle pas d'argent, de tribunal ou de psychologie, il se concentre sur une question élémentaire mais humainement essentielle : comment faire face au malheur, comment tenir bon, comment continuer à vivre ?

On ne se pose plus trop cette question-là aujourd'hui, parce qu'elle est trop simple pour un monde complexe, qui la refoule sans doute. La réponse que je crois voir dans le film d'Isabelle Debraye est inscrite dans une scène, au bord de la plage, sur une enseigne : "Joie de vivre". Oui, quels que soient nos malheurs, la joie reste là, c'est à nous d'y croire et d'aller la chercher. Joie toute simple de cueillir des cerises, de regarder au loin les phoques de la baie de Somme, de chanter à tue-tête les Neiges du Kilimandjaro de Pascal Danel en jouant aux cartes.

A la fin de la séance, un spectateur a posé la question classique à la réalisatrice : quel est votre prochain projet ? Réponse : une fiction, peut-être. Mais Isabelle nous a aussi fait comprendre qu'elle attendait un heureux événement, que son projet dans les prochains mois était celui-là. Joie de vivre. 

samedi 3 décembre 2016

Prêts pour l'aventure ?




Le comité local de Saint-Quentin du mouvement "En Marche !" d'Emmanuel Macron s'est réuni pour la troisième fois, en présence de son référent départemental, Cyril Thirion. Nous avons poursuivi la réflexion à partir des questionnaires dont les réponses contribueront à l'élaboration de notre projet. La méthode consiste à créer du collectif (c'est l'essence même du politique) à partir de l'individuel (c'est devenu la marque, souvent problématique, de notre société). Le fonctionnement est libre et horizontal, la recherche du consensus ou du compromis prime sur le conflit, l'affirmation de soi et le rapport de force. La bienveillance, la sincérité et l'optimisme sont de règle.

On peut bien sûr sourire de tant d'idéalisme ou demeurer sceptique, mais ça marche ! Adhérez, venez voir, jugez par vous-mêmes et surtout participez. C'est la pratique qui est déterminante, pas le discours. Au sens propre et positif du terme, nous vivons une aventure. Pourquoi ne pas vous joindre à nous ? Aventure parce que c'est complètement nouveau : sortir de la logique d'appareil par la base (par le sommet, la tentative a eu lieue parfois, mais a toujours échoué). Dans cette affaire, Emmanuel Macron est un révélateur, un initiateur, un catalyseur, pas un chef politique au sens classique, qu'on suivrait en rangs unanimes, serrés et intéressés.

Que nous venions de l'UDI, du PS, du MODEM, du centre gauche, du centre droit ou du centre centre, d'ailleurs ou de nulle part, quelque chose nous rassemble : le souci d'une France en mouvement et d'une société en progrès. C'est pourquoi le terme de progressistes nous convient le mieux, en opposition aux conservateurs de tout bord, qui ne veulent rien changer ou revenir en arrière.

La jeune génération est présente, elle bouscule les habitudes anciennes, y compris les miennes. Quand Maxence et Mehdi nous disent qu'ils ne se reconnaissent dans aucun parti existant, mais qu'ils vont chercher ce qu'il y a de bien, de l'extrême gauche jusqu'au centre, il y a là une attitude intellectuelle qui heurte sans doute beaucoup de gens de ma génération, coutumiers à des engagements partisans indéfectibles. Mais nous devons nous ouvrir à cette nouvelle sensibilité politique et la comprendre : elle voit autrement le débat public, elle renouvelle la vie démocratique (il y a urgence, quand on constate la montée affolante de l'extrémisme et de l'abstention).

Parmi les propositions que nous avons discutées, quelques-unes ont suscité un large consensus :  une meilleure représentation des citoyens au niveau européen, le non-cumul des mandats dans le temps, l'approfondissement de la décentralisation, le vote par internet ... Notre prochaine rencontre portera sur les mesures économiques avancées par Emmanuel Macron, pas toujours très connues, ou bien caricaturées en "ultralibéralisme".

Il nous faudra aussi élargir notre comité local : une dizaine de membres, c'est bien, c'est un début, mais il faut viser plus loin. Une présence sur le marché de Saint-Quentin permettra à la fois de nous faire connaître, de confronter nos idées et d'écouter la population. J'ai longtemps pratiqué cet exercice de démocratie la plus directe qui soit, qui peut paraître ingrat, mais qui est formateur et enrichissant, y compris humainement. Enfin, dans une semaine, samedi, En Marche ! organisera son premier grand meeting de lancement de campagne présidentielle, à Paris. Un covoiturage sera organisé pour nous y rendre.

Mon enthousiasme reste raisonnable, parce que je sais que toute aventure comporte des risques, et même des dangers. C'est la définition de l'aventure ! Mais entre l'aventure et le conformisme, je préfère l'aventure. Je connais aussi un peu les travers de la nature humaine, que la politique a tendance à exacerber : ambition, conflit, pouvoir, sectarisme. En Marche ! , de part ses intentions et son fonctionnement, s'efforce d'échapper à ces travers. Et puis, entre une droite qui se radicalise et une gauche qui explose, qu'est-ce que vous voyez d'autre ? Alors, prêts pour l'aventure ?