mercredi 30 avril 2014

41 manquements



Le vote d'hier soir à l'Assemblée nationale, portant sur le pacte de stabilité et de solidarité, était plus qu'important : fondateur, c'est le mot du Premier ministre, qui s'est engagé sur ce texte. Résultat ? Il obtient la majorité des voix, et c'est l'essentiel en démocratie. Et c'est une majorité de gauche, socialiste, sans besoin d'apports extérieurs, qui soutient cette politique. Politiquement, c'est l'essentiel. Mais d'autres leçons sont à tirer de ce vote :

D'abord, une confirmation et une clarification : le Front de gauche et, dans une moindre mesure, les écologistes, sont hostiles. Ensuite, une évolution et une ouverture : les centristes, l'UDI, se sont majoritairement abstenus. Ce n'est pas une mince nouvelle, eux qui sont des alliés habituels de l'UMP (celle-ci a massivement voté contre) : les centristes s'abstiennent parce qu'ils ne peuvent pas dire qu'ils sont pour (contrairement aux socialistes qui s'abstiennent parce qu'ils ne peuvent pas dire qu'ils sont contre !).

Il faudra bien que le président, le gouvernement et le parti fassent avec cette donnée, rappelée par le vote d'hier : on ne peut plus rien faire avec la gauche de la gauche (sauf localement, ce sont les alliances à géométrie variable des dernières élections municipales), il faut désormais songer à composer avec le centre (l'occasion s'est déjà présentée en 2012, lorsque François Bayrou a choisi de voter Hollande, mais elle n'a pas été alors saisie).

Il reste maintenant à interpréter et à gérer les 41 abstentions socialistes, nombre élevé, comme je le craignais dans mon billet d'hier. Le mot de trahison ne fait pas partie de mon vocabulaire, qui est politique, et pas moral. En revanche, je parlerais de manquements, et même de graves manquements, de trois ordres :

1- Manquement au devoir de parlementaire. Quand on est dans un groupe parlementaire, on en respecte la discipline collective. Certes, un député n'est pas un soldat qui obéit à des consignes militaires. Sur certains sujets, ponctuels ou qui relèvent de l'intime conviction (les questions de société), je peux comprendre qu'il y ait des votes personnels. Mais sur un texte général, qui engage toute la politique économique et sociale du gouvernement, le vote doit être rigoureusement unanime. Ou alors je me demande ce que les abstentionnistes font encore dans le groupe socialiste ? Sur un choix qui engage la France pour les trois prochaines années, il était inconcevable et irresponsable de s'abstenir.

2- Manquement au parti socialiste et à la gauche. S'abstenir, c'est prendre le risque énorme de voir son propre parti, son propre camp mis en minorité. C'est inacceptable. Aucun élu consciencieux ne peut jouer avec ça. Qu'on ne me dise pas que ce n'était pas possible, étant donnée l'importance du groupe socialiste : on ne sait jamais ce que peut donner un vote ; et puis c'est une question de principe. Les abstentionnistes hier soir ont joué avec le feu, au risque d'incendier la maison. Qu'on ne me dise pas non plus que le vote étant seulement consultatif, le texte de toute façon était acquis d'avance : le Premier ministre aurait été mis en minorité, le fait aurait été politiquement très grave, il aurait eu forcément des conséquences négatives. Non, rien ne peut alléger la responsabilité, ou plutôt l'irresponsabilité des abstentionnistes socialistes, aucunes circonstances atténuantes.

3- Manquement à la cohérence personnelle. Les parlementaires socialistes se sont fait élire en 2012 sur une ligne social-démocrate, que le pacte de stabilité et de solidarité ne fait qu'accentuer (il n'y a pas changement de politique comme en 1983, lorsque la gauche avait adopté la rigueur). Maintenant, certains se dédisent. Ces parlementaires doivent leur siège à François Hollande. Maintenant, parce qu'il y a un coup de vent, parce qu'il faut affronter la tempête, ils se retirent, s'abstiennent, critiquent. Trop facile, pas normal, inacceptable.

Je comprends qu'on puisse changer d'avis : d'autres l'ont fait avant eux, dans l'histoire récente et ancienne du parti socialiste. Mais qu'ils aient le courage d'en tirer toutes les conséquences, qu'ils ne restent pas dans l'ambiguïté. "J'assume", a répété le Premier ministre en présentant et en défendant son texte. Que ceux qui sont contre assument aussi : il n'y a rien de pire en politique, pour soi et pour les autres, que de ne pas assumer ses choix.

Ces 41 abstentions ne doivent pas être prises à la légère. D'abord parce qu'elles peuvent se répéter, s'élargir et, un jour, faire tomber un projet du gouvernement. Surtout, il faut précisément analyser leur sens, qui est profond : nous ne sommes pas dans une nouvelle volte-face de l'aile gauche, qui ne serait en soi pas bien grave. Le phénomène abstentionniste dépasse largement ses frontières. Je n'aime pas le mot de frondeurs, qui me semble trop superficiel et pas assez exact. Non, il s'agit d'autre chose : une véritable césure au sein du parti socialiste entre les adeptes de la social-démocratie et les partisans du socialisme traditionnel.

Ce n'est pas seulement un désaccord politique : c'est une différence idéologique et culturelle, d'ailleurs parfaitement compréhensible, même si elle est inadmissible. Rappelons-nous qu'aux primaires citoyennes de 2011, Manuel Valls n'a recueilli que 5% des voix, sur une ligne politique pas très éloignée de celle d'aujourd'hui. Rappelons-nous aussi que François Hollande a longtemps hésité à se dire social-démocrate (même si ses idées et son programme ne laissaient aucun doute sur son identité politique).

Quoi qu'il en soit, une seule chose compte désormais : qu'une majorité de Français soutiennent le Premier ministre, comme les sondages le laissent entendre ; que surtout la politique sur laquelle il s'est engagé hier soir porte ses fruits. Ce ne sont ni les parlementaires, ni les militants qui en jugeront : ce seront les électeurs, lors de la prochaine échéance présidentielle.

mardi 29 avril 2014

Mon adversaire, c'est ...



Cet après-midi aura lieu à l'Assemblée nationale un vote fondamental pour l'avenir de la France, du gouvernement et du parti socialiste : confiance ou défiance envers le pacte de stabilité proposé par Manuel Valls, c'est-à-dire la confirmation et l'accentuation de la ligne économique social-démocrate, à laquelle toute une partie de la gauche n'est pas habituée. Aide massive aux entreprises, baisse massive des dépenses, politique de l'offre : c'est complètement nouveau pour des socialistes, mais c'est la politique choisie, il faut donc aller jusqu'au bout. Rien ne serait pire que des atermoiements, des demi-mesures, des aménagements qui altéreraient la cohérence générale de cette ligne économique, éloignée du socialisme traditionnel mais conforme aux choix de la social-démocratie européenne. Depuis dix ans, dans le parti, je défends une telle ligne ; mais tous mes camarades ne sont pas d'accord.

Le vote de cet après-midi est quasiment acquis mathématiquement. Mais politiquement ? 10 ou 20 socialistes qui s'abstiennent, pas de problème : ce sont les habituels électrons libres, les exceptions qui confirment la règle, la frange protestataire. En revanche, 40 ou 50 récalcitrants, ce serait embêtant pour le gouvernement, un signe de défiance à l'intérieur même de sa majorité. Jean-Christophe Cambadélis, le nouveau secrétaire du parti, a eu l'intelligence politique de faire se prononcer la direction nationale sur le pacte de stabilité hier soir : majorité absolue, le PS est donc en ordre de marche derrière le gouvernement, c'est clair.

Le vote d'aujourd'hui doit en finir avec le syndrome du Bourget, ce grand discours de campagne présidentielle où le candidat Hollande avait déclaré : "Mon adversaire, c'est la finance", une formule pour s'assurer les applaudissements, mais que les benêts et les malhonnêtes ont reprise à leur compte, pour dénoncer la soi-disant trahison du nouveau président. On sait ce qu'il en est des phrases sorties de leur contexte ! Au Bourget, le programme de François Hollande était celui d'aujourd'hui, identiquement social-démocrate.

Mais les malhonnêtes se focalisent sur une phrase et oublient tout le reste ; quant aux benêts, ils applaudissements à n'importe quoi. Car dire "Mon adversaire, c'est la finance" n'a strictement aucun sens, sauf à s'appeler Lénine, Mao ou Che Guevara. Je ne connais personne au parti socialiste qui porte ces noms-là. La finance fait partie de la vie et de l'économie : on ne peut pas s'en faire un adversaire, il est même plutôt recommandé de s'en faire une alliée, si on a l'intention de réussir quoi que ce soit au gouvernement. Ou alors, il faut s'exprimer en poète, car on peut aussi, dans sa tête, avoir pour adversaire l'eau de pluie, la gelée du matin et le vent d'hiver.

Ce qu'Hollande aurait pu dire, dû dire, ce qu'il a forcément pensé, puisque son projet l'attestait : mon adversaire, c'est la dette ! mon adversaire, c'est la désindustrialisation ! mon adversaire, c'est le manque de compétitivité ! mon adversaire, c'est le coût du travail ! mon adversaire, c'est le chômage de masse ! Mais "mon adversaire, c'est la finance", non. C'est pourtant une tournure rhétorique acceptable, mais rhétorique seulement, pas politique. Parce qu'à sa suite, il y a les benêts et les malhonnêtes qui n'en finissent plus de nous emmerder, et qui sont à leur façon, eux aussi, nos adversaires.

lundi 28 avril 2014

Chaman Eric



Eric Blanchard est peintre (à l'huile essentiellement) et musicien, comme son frère Pierre, le violoniste international. Il expose en ce moment au 115, rue d'Isle. Les motifs religieux sont nombreux, comme ce Christ (vignette 2), mais aussi des statuettes indiennes. Eric Blanchard est en quête d'illumination. Ses voyages en mobylette en direction de Barcelone sont aussi des parcours mystiques. Mais l'artiste veille à ce qu'on ne le prenne pas pour un gourou. Il ne se rattache pas à une tradition spirituelle particulière, mais le chamanisme lui va bien.

Eric Blanchard ne peint pas que Jésus mais aussi, vous l'avez sans doute reconnu, Xavier Bertrand (vignette 3). Attention, le maire de Saint-Quentin n'est pas fini (je veux dire son portrait) : c'est une oeuvre en voie d'achèvement. On découvre également les visages de Jack Lang et de Nicolas Sarkozy (vignette 1, à gauche et à droite au dessus du maître ; plus haut, un joli panorama de notre ville, vue de sa fenêtre dans le quartier Europe). Mais Eric Blanchard n'est pas Maurice-Quentin de La Tour : il représente aussi des portraits d'amis, des rencontres, pas seulement les puissants de ce monde.

La recherche de l'absolu, nous y revenons, parce qu'elle rend le personnage intéressant et un peu mystérieux. Il me confie qu'un jour il s'est allongé pendant deux heures dans un "sarcophage" de la basilique, les yeux dans les vitraux, en attente d'inspiration. Sa référence, c'est Salvador Dali, qu'il a failli rencontrer, en allant sonner à sa porte, à Cadaqués. Léo Ferré, croisé à Chauny, et Coluche l'ont marqué, ce dernier à l'occasion du tournage du film de Claude Zidi, "L'aile ou la cuisse", dans lequel Blanchard jouait le rôle du bassiste. "Transmission" : c'est un mot très important pour lui.

Il ne méprise pas le travail de reproduction, bien au contraire : c'est ainsi qu'il s'est consacré au "Christ à la colonne", de Vélasquez, à "L'embarquement pour Cythère", de Watteau. Dans ses pérégrinations, il lui arrive de dessiner sur n'importe quoi, ce qu'il trouve sous sa main, des bouts de papier, des dessous de bière (vignette 4, des dessins à la Matisse, vendus 1 euro). En nous quittant, il ose un jeu de mots, se définissant comme "chaman Eric", que j'entends aussi comme "chimérique". Je lui dis que ça pourrait être le titre de ce billet : c'est ok.

Allez visiter l'exposition d'Eric Blanchard, mais dépêchez-vous : c'est jusqu'à demain, de 14h00 à 19h00.

Aquilino Morelle



Je n'en ai pas parlé en son temps, j'ai attendu maintenant, que la caravane passe, et les chiens avec. Je suis tranquille : dans la société actuelle, une affaire d'Etat dure trois jours et un événement historique une semaine, à peine. Il suffit de laisser filer, pas très longtemps, et on peut reprendre l'affaire, plus sereinement. Dans quelques mois, quand la justice se prononcera, tout le monde aura oublié et s'en fichera. Le nom même de Morelle ne dira plus rien. Il faut s'appeler DSK et marquer la planète entière, pour qu'on se souvienne.

C'est comme l'affaire des sifflets contre François Hollande devant la statue de Jaurès à Carmaux : trop beau ! Mélenchon, qui bouffe du socialiste matin, midi et soir après avoir été socialiste la majeure partie de sa vie, et ministre, se jette sur l'occasion. Mensonge télévisuel, comme l'affaire Morelle est un lynchage médiatique : non pas un complot, mais une mise en spectacle dont on se délecte, au mépris de la vérité. Car quelle est la vérité ? Ce n'est pas à Hollande que s'adressaient les huées, mais aux policiers jugés trop nombreux, qui écartaient la foule. On a retenu l'image et le bruit, on a refoulé la réalité et la réflexion, comme dans l'affaire Aquilino Morelle.

D'ailleurs, à Carmaux, le président de la République s'est tranquillement entretenu avec le public nullement hostile. Non, Jaurès ne s'est pas vengé de Hollande, parce que Hollande aurait tué Jaurès ! comme l'ont laissé croire les antisocialistes. Mais la présence policière n'était-elle pas excessive ? Hey les gens, il faut savoir ce que vous voulez : se foutre de la gueule de Hollande à Paris parce qu'il se déplace imprudemment en scooter, à la merci de n'importe quel tireur fantasmé, ou bien se plaindre à Carmaux parce qu'il est trop protégé ? Jamais content !

Revenons à Aquilino Morelle : un inconnu a eu ses trois jours de sinistre gloire. Pas un ministre, pas un élu, pas un responsable du parti : non, un simple "conseiller politique" de l'Elysée, terme qui ne veut pas dire grand chose mais qui fait beaucoup fantasmer. Le premier des conseillers du président ? Oui, et alors, qu'est-ce que ça change ? Il faut bien qu'il y ait un premier : ça n'augmente pas vraiment son importance. En revanche, ça augmente la rancoeur, la jalousie, le ressentiment des envieux et des ambitieux, qui en ont profité pour lui faire la peau (pour certains, la politique se résume à cet adage : pousse-toi d'là que j'm'y mette !). L'affaire Morelle a montré une incroyable disproportion entre son impact, ses retombées et le statut du principal intéressé. Elle nous interpelle en trois domaines : la justice, la morale et, bien sûr, la politique.

1- La justice. Aquilino Morelle est accusé, par les justiciers du site Médiapart, de conflit d'intérêts, entre son poste dans l'administration et son travail pour l'industrie pharmaceutique. C'est en effet illégal, condamnable. Mais est-ce que ce sont les justiciers qui, en République, font la justice ? Non, ce sont les juges et les tribunaux. Les justiciers font leur travail de journalistes, très bien. Tant que la justice ne s'est pas prononcée, Aquilino Morelle est présumé innocent. Je me refuse donc à en faire un coupable. J'aurais aimé que tout le monde respecte la loi, surtout ceux qui prétendent d'exprimer en réclamant justice.

2- La morale. Je me demande si ce n'est pas la dimension la plus importante de l'affaire, avec cette extravagante histoire de chaussures et de cireur à domicile (je ne savais même pas que ça existait !). Mais qu'est-ce que ça vient faire là-dedans ? Expliquez-moi le rapport avec le conflit d'intérêts. Rien du tout : c'est pour charger la bête. Morelle a la peste, mais pour être bien sûr qu'il ne va pas se relever, on dit qu'il a aussi le choléra : juridiquement pas clair et moralement pas net, ce type ! La totale, pour être certain de l'abattre ! Sur Twitter, Facebook, on lance des vannes, on se moque du "petit marquis", ça flatte les instincts populistes (après la gauche caviar, la gauche croco) : c'est facile, tellement facile, beaucoup plus facile que rédiger un billet, que s'expliquer sérieusement, comme je suis en train de le faire. Quelques chiens enragés à l'intérieur du PS hurlent avec les loups à l'extérieur.

Qu'y a-t-il d'immoral à collectionner les belles chaussures et à employer quelqu'un pour les cirer ? J'ai beau chercher, je ne vois pas. Chacun d'entre nous est libre de sa vie, de ses goûts, de ses choix. Je n'aime pas beaucoup ces Pères la Pudeur qui se croient autorisés à donner des leçons de comportement, de bienséance, de tenue correcte (autrefois, c'était sur le sexe qu'il fallait poser un voile, aujourd'hui c'est sur l'argent). Quand nos petits-bourgeois emploient une femme de ménage pour quelques heures seulement, au plus bas tarif, est-ce que la vertu est de leur côté ? Non, alors taisons-nous sur Aquilino Morelle et son goût pour l'élégance, qui ne regarde que lui, qui ne devrait pas être un objet de débat public (il n'y a que l'extrême droite qui, historiquement, se laisse aller à ces penchants, l'attaque personnelle, les reproches sur la vie privée). Ceux qui accusent Aquilino Morelle d'être un "petit marquis" ne savent visiblement pas ce qu'est un vrai marquis (ou alors ils font semblant).

3- La politique. L'affaire Morelle prenant, François Hollande devait réagir, et il l'a fait excellemment, en se séparant de son conseiller. Je ne sais plus qui disait : "Il vaut mieux commettre une injustice qu'un désordre". Le président a choisi la cohérence, le respect de ses engagements en faveur d'une République irréprochable. Dans le doute, il ne pouvait pas s'abstenir, comme pourtant la prudence et la justice le recommandaient. La gauche n'en a pas fini avec le syndrome Cahuzac : la parole politique n'est hélas plus audible, les protestations de sincérité sont immédiatement disqualifiées. C'est injuste mais c'est ainsi. Hollande a bien fait, Morelle n'aura plus de comptes à rendre qu'aux juges et à sa conscience.

dimanche 27 avril 2014

Ma laïcité et la leur



Le Premier ministre Manuel Valls a représenté la France à la cérémonie de canonisation des papes Jean XXIII et Jean-Paul II. Certains, à gauche, jusqu'à l'intérieur du parti socialiste, le lui ont reproché. Je suis socialiste, laïque et républicain et je trouve que Manuel Valls a très bien fait. C'était dans son rôle, qu'il a résumé d'un mot : respect. Comme il aurait été dans son rôle en assistant à une assemblée musulmane ou à un congrès de libres penseurs, dès lors que l'événement est d'importance, qu'il touche au coeur d'un grand nombre de Français. C'était le cas aujourd'hui : un rendez-vous historique, planétaire, qui implique la première communauté religieuse de France, les catholiques. Oui, respect, et Valls a eu raison d'y aller.

Pourquoi alors un certain nombre de mes camarades, certes très minoritaires, ont-il protesté de cette présence ? Tout simplement parce qu'il existe dans notre pays, historiquement, deux conceptions de la laïcité. La première, la mienne, consiste à défendre la neutralité de l'Etat et de l'école afin de préserver le vivre ensemble, pour que les différences confessionnelles ne soient pas source de conflit. C'est une laïcité qui assure la liberté d'expression, publique et privée, aux religions, sans que l'une d'entre elles soit privilégiée. C'est une laïcité de respect et de tolérance. C'est la laïcité des instituteurs d'autrefois, de Jules Ferry et de Jean Macé, des républicains et de la loi de 1905. C'est MA laïcité, et celle de la grande majorité des socialistes.

Mais il existe une autre idée de la laïcité, très différente. Elle est anticléricale et athée, elle considère que la religion est une source d'aliénation et l'église une force d'oppression, qui sont par conséquent à combattre et à éliminer. Ce sont ces laïques-là qui se scandalisent de la présence de Manuel Valls au Vatican. Idéologiquement, ils s'inspirent notamment de Karl Marx ("La religion, c'est l'opium du peuple", disait-il : il faut donc l'en désintoxiquer). Cette conception de la laïcité est liberticide et totalitaire : tous les pays communistes l'ont mise en oeuvre, fermant les églises, détruisant les objets de culte, persécutant le clergé.

Dans sa version soft, cette laïcité interdit l'expression publique de la religion, qu'elle confine dans l'espace strictement privé (un peu comme si, en politique, on ne pouvait en faire que chez soi ou dans des lieux strictement réservés). Dans notre pays, à forte tradition démocratique, ces laïques-là se contentent aujourd'hui d'ironiser sur la religion, qu'ils rabaissent à de la superstition. Ce sont des bouffeurs de curés, sans grand danger puisqu'ils n'ont plus de dents.

Devoir de mémoire



Commémoration ce matin à Saint-Quentin de la journée de la déportation. Le cortège est parti de la place de l'Hôtel de Ville, Harmonie Municipale en tête, sous l'oeil vigilant de Michel Nowak, président de l'ARAC. Côté socialiste : Anne Ferreira et Carole Berlemont. Côté communiste : Olivier Tournay et Franck Mousset. Côté UMP : ... les élus UMP. Côté Front national : ... personne.

Devant le monument boulevard Gambetta, William Damien est chargé de la courte allocution. Son épouse s'inquiète : "Je lui ai dit de ne pas lire trop vite". Non, c'est très bien. Le colonel Maurice Dutel n'a plus toujours bon pied, mais très bon oeil : il m'interpelle "pour qu'on discute". Je lui réponds : "sur la politique, on va encore se fâcher" ... Anna Osman regarde de loin la cérémonie, très émue. Annette Pierret joue consciencieusement son rôle de représentante des DDEN, secondée efficacement par Daniel Bourdier. Jean-Claude Decroix surveille tout son monde, à son habitude.

Au retour, des cars nous ramènent. Sauf les communistes, qui préfèrent rentrer à pied. Je me retrouve par hasard au milieu de Francis Crépin et de ses musiciens. Il me confie que jouer avec ses amis le Chant des Partisans est un grand moment. Dans la salle des mariages de l'Hôtel de Ville est offert le pot de l'amitié. Christian Huguet, devant un micro qui n'attendait que lui (vignette 3), constate et regrette le nombre de participants qui va en se réduisant d'année en année. C'est pourtant l'une des commémorations les plus importantes, les plus lourdes de sens. Il précise à ceux qui s'étonnent de la brièveté de la cérémonie qu'elle ne consiste qu'en un dépôt de gerbes (en fait, plusieurs confondent avec la commémoration de la rafle du Vél d'Hiv, en juillet).

Pendant le pot, une jeune femme, souriante, avenante et communicative (tous les élus ne sont pas ainsi ; elle, je l'avais repérée dès le début de la cérémonie), vient vers moi et se présente : elle est toute nouvelle conseillère municipale, très enthousiaste et pleine d'idées. Nous discutons. Très pro, elle me laisse ses coordonnées. Je note son nom, que je ne connaissais pas : Caroline Allaigre. Je me dis qu'elle fait partie de ces jeunes pousses sur la liste de Xavier Bertrand, qu'on retrouvera peut-être dans 6 ou 12 ans à de plus hautes fonctions. Julien Dive me salue et j'oublie de lui donner du "Monsieur le Maire" (d'Itancourt). Il est si jeune qu'on ne l'imagine pas premier magistrat d'une commune, personnage généralement blanchi sous le harnais. C'est une jeune pousse qui a levé très vite ...


Vignette 2, boulevard Gambetta, de gauche à droite : Colette Blériot, Frédéric Alliot, Julien Dive, Xavier Bertrand, Maurice Dutel, Maxime Hénoque, Freddy Grzeziczak, Françoise Jacob, Anne Ferreira, Thomas Dubedout, Carole Berlemont, Antoine Crestani

samedi 26 avril 2014

Question d'autorité



La politique est essentiellement une question d'autorité. Les bonnes intentions et les meilleures idées sont inutiles si aucune autorité ne les met en oeuvre. Le pire qui puisse arriver à un élu, à un gouvernement, à un parti, c'est le manque d'autorité. De ce point de vue, la nomination de Manuel Valls est un atout, même si rien n'est jamais gagné en matière d'autorité. Je pense à trois exemples d'actualité :

1- La réforme territoriale. C'est un projet qui traîne, à droite et à gauche, depuis des années, que personne n'ose vraiment engager, de peur de se fâcher avec de nombreux élus, de perdre de précieux soutiens. Nicolas Sarkozy avait proposé une solution bâtarde, faisant du conseiller général un conseiller régional. Valls est allé au plus court et au plus clair : la suppression de l'assemblée départementale à l'horizon 2020. Pour prendre une telle décision qui va lui mettre beaucoup de monde sur le dos, il fallait de l'autorité et du courage.

Pareil pour la fusion entre régions : chacune veut rester telle qu'elle est, parce que la nature humaine, même de gauche, est conservatrice. Valls a fixé les règles, non négociables : projet de loi au Conseil des ministres le 14 mai prochain, propositions des régions jusqu'en juin 2015, nouvelle carte en 2016. L'autorité, c'est fondamentalement la maîtrise et l'organisation du temps : un calendrier est donné, et on s'y tient. Les régions qui jusqu'à présent étaient réticentes, dont la Picardie, commencent à discuter, réfléchir et finalement elles accepteront, j'en suis certain. L'autorité est faite pour qu'on s'y plie, et rares sont ceux qui dérogent à ce principe, quand l'autorité ose s'exercer. Elle a pour elle l'efficacité, elle fait avancer les choses.

2- Le plan de stabilité. Ce sont les 50 milliards d'économies prévus par le gouvernement, qui seront soumis au vote de l'Assemblée mardi prochain. C'est un engagement fondamental du gouvernement, qui confirme les engagements présidentiels de François Hollande : la réduction urgente et massive de nos déficits. Les parlementaires peuvent bien sûr, c'est leur métier, amender, corriger, compléter, améliorer ce plan de stabilité : un parlementaire, c'est celui qui parle et qui parlemente, en vue de faire les lois.

Mais il y a aussi une logique, une cohérence, une discipline politiques qui prévalent : tout député de la majorité vote dans le sens de la majorité, et n'a pas à exprimer un point de vue personnel (sinon, adieu la notion de majorité parlementaire !). Or, certains députés socialistes, parce qu'ils craignent visiblement les remontées du "terrain" (ah la peur en politique !), annoncent qu'ils ne voteront pas mardi le pacte de stabilité : c'est parfaitement inacceptable, scandaleux. J'espère, s'il en était besoin, que Bruno Le Roux, président du groupe, en tirera les conséquences et fera preuve d'autorité, en excluant les récalcitrants, qui doivent assumer leur choix ... ou leur non choix.

3- Les rythmes scolaires. Tout le monde est pour et personne n'en veut ! Les profs tiennent à leur mercredi matin libre, les parents tiennent à leur week-end complet, les élus tiennent à leur budget et ne veulent pas dépenser plus, les professionnels du tourisme tiennent à leurs profits, qui ne passent pas par les bancs de l'école. Bref, le pouvoir politique, d'une excellente idée, ne peut rien faire du tout. Discuter ? Non, on n'a que trop discuté : dans ce genre d'affaire, plus on discute et moins on avance, chacun restant replié sur ses intérêts personnels et catégoriels. Il n'y a que l'autorité qui puisse démêler ce sac de noeuds mouillés.

Il aurait fallu, dès le début, imposer à tous une règle générale, sans concertation. Les 4,5 jours étaient dans le programme présidentiel, validé par la majorité des Français : il n'y avait donc pas à hésiter à faire acte d'autorité, au demeurant républicaine. Benoît Hamon hérite d'une situation difficile, et même explosive. Il veut préserver les 5 matinées travaillées : très bien. Pour le reste, il parle d'assouplissements, d'expérimentations, de dérogations (réduction des vacances scolaires, activités périscolaires sur une seule demi-journée) : je suis beaucoup plus sceptique. La machine à palabres va repartir, chaque protagoniste va vouloir tirer son épingle du jeu, c'est-à-dire défendre ses intérêts particuliers, au détriment de l'intérêt général. On verra bien, je souhaite à Benoît du courage, car ce n'est pas gagné.

Depuis une vingtaine d'années, notre société souffre d'une perte d'autorité, mais pas forcément là où on croit. Je me réjouis que certaines formes d'autorité, héritées d'un très long passé, aient été remises en cause (par exemple l'autorité de l'homme sur la femme). Mais je déplore la perte de l'autorité politique, principalement sous sa forme la plus visible, la conception et l'application de la loi. Dura lex, sed lex : la loi est par nature dure, inflexible ; vouloir l'assouplir est un non sens. La loi est impérative, inconditionnelle ; vouloir l'expérimenter est une absurdité (la justice se proclame et s'impose, elle ne se teste pas au préalable). La loi est universelle, sans exception possible ; envisager des dérogations est une hérésie juridique (a posteriori, après usage, pourquoi pas, mais sûrement pas a priori).

Il est aussi beaucoup question, ces dernières années, à de nombreuses reprises, d'encadrer la loi, comme si celle-ci était en elle-même dangereuse, qu'il lui fallait des garde-fous. Nouveau non sens : la loi est bonne en soi, ou alors, s'il y a un doute, il ne faut pas en faire une loi. Bref, la perte d'autorité de la société contemporaine ne vient pas tant de l'évolution des moeurs (qu'il faut saluer parce qu'elle a introduit plus de liberté) que de la remise en cause du principe de la loi, qui est dénaturé, vidé de sa substance. Le jour n'est pas loin où aucune loi, proposée par la gauche ou par la droite, ne sera plus concevable ni applicable, à force d'assouplissement, d'expérimentation, de dérogation et d'encadrement ! Plus de loi, plus d'autorité, plus de politique, plus de République ! Ce n'est pas à souhaiter.

vendredi 25 avril 2014

GM de la GLF



Saint-Quentin est une ville étape des conférences maçonniques. A peu près tous les deux ans, un Grand Maître vient nous entretenir de l'initiation, des obédiences, des symboles, etc. A chaque fois, j'honore ce rendez-vous, bien que je connaisse par coeur le discours. Hier soir, c'était le Grand Maître de la Grande Loge de France, Marc Henry, au Théâtre Jean-Vilar, à l'invitation de la loge Tradition et Liberté (en vignette, à gauche). Il est petit, fluet, le visage osseux et le crâne dégarni, une barbichette à la Lénine, un physique de professeur Tournesol vieilli. Il est debout, très droit, micro en main, costume sombre de clergyman, à l'aise, voix douce, élocution parfaite, sans notes, très pédagogue. Il n'hésite pas à poser des questions au public, manie l'humour habilement. Le parterre du théâtre est bien rempli, jusqu'au premier balcon. Au dessus de l'intervenant, dans le balcon d'honneur, comme à l'opéra, on reconnaît une figure familière, Monique Ryo, et dans la salle, quelques frères du Grand Orient.

Marc Henry commence par énumérer trois mauvaises raisons de devenir franc-maçon : faire des affaires, retrouver une bande de copains, fuir le domicile conjugal (sic). Il aurait pu en rajouter une quatrième : réussir en politique (je crois même que c'est une contre-indication). Il compare l'initiation au défunt service militaire : on rompt avec son milieu, on revient différent. Le Grand Maître a cette formule qui me laisse sceptique : "recevoir des hommes bons pour les rendre meilleurs". On a déjà du mal à être bon ; alors, être meilleur ... Finalement, les francs-maçons ont un côté enfants de choeur. Et quand Marc Henry nous annonce que la loi sacrée de la maçonnerie, c'est "aimez-vous les uns les autres", j'ai carrément l'impression d'entendre un curé. Ajoutez à ça les rites, les cérémonies et les symboles, la messe est dite. Quand on pense que certains croient encore que les maçons sont hostiles à la religion ... Ils en sont farcis.

Les propos du Grand Maître nous entraînent très haut, très loin, d'une réflexion sur les hasards de la naissance au milieu des spermatozoïdes jusqu'aux origines de l'univers avec le big bang. Il n'y a que deux sujets qui ne sont pas abordés à la Grande Loge de France : la politique et la religion. C'est bien dommage : après quinze ans d'animation de débats, je me rends compte que trois thèmes passionnent : la politique et la religion justement, et le sexe. Marc Henry décrit les règles et le comportement de ses frères en loge : écoute, respect, tolérance, pas d'opposition frontale, pas de paroles pour ne rien dire. C'est beau, j'en rêve ; mais une fois sortis des loges, les maçons notoirement connus ne gardent pas tous ces bonnes manières, l'actualité locale le montre.

Après l'exposé, le moment des questions est l'occasion d'en savoir plus. Beaucoup d'initiés sont dans la salle, on les reconnaît à la façon dont ils sont sapés : il y a un look maçon, y compris chez les soeurs. Et puis, on repère très vite leur vocabulaire. Contrairement à l'idée commune qu'on s'en fait, je ne connais rien de moins secret qu'un franc-maçon (un socialiste est beaucoup plus difficile à identifier). Un spectateur interroge le Grand Maître sur le montant des cotisations : le prix d'un café par jour, répond-t-il, c'est à dire entre 300 et 400 euros par an, précise-t-il. Autre question : comment devient-on franc-maçon ? Par la sincérité du postulant et la confiance des frères. Point de départ : être quelqu'un de bien (mais c'est quoi, quelqu'un de bien ? Je ne suis pas sûr d'en faire partie ...).

Dans toutes ces conférences maçonniques auxquelles j'assiste depuis très longtemps (j'ai commencé avec Roger Leray, rue Cadet !), je retrouve la même limite : l'intervenant ne peut pas trop en dire, puisque l'initiation se vit, mais ne s'explique pas vraiment. Du coup, nous avons droit à une série de généralités, de banalités qu'on ne peut que partager : la fraternité, l'amour de la vertu, l'ouverture d'esprit, la construction de soi, ... Autre limite : la démarche maçonnique est essentiellement symbolique et personnelle. Or, un symbole, on peut facilement lui faire dire personnellement n'importe quoi, l'interpréter n'importe comment. Le seul garde-fou, ce sont les valeurs de la République, qui borde en quelque sorte l'initiation. Mais je ne suis pas sûr que ce climat artificiel de faux mystères et de puissance apparente n'ait pas des effets négatifs dans certaines têtes en quête de vrais mystères et de puissance réelle, même si les faits ne peuvent à la longue que les dessaouler de leurs fantasmes.

jeudi 24 avril 2014

Ville poussette



Après la ville fantôme et la ville dortoir, voici la ville poussette : cette drôle d'expression vient du journal Le Monde et de la chaîne Canal+, pour qualifier certaines villes de Thiérache où l'on voit beaucoup de poussettes dans les rues, avec de jeunes mamans et de jeunes enfants. Ces deux reportages ont suscité énormément de réactions, plutôt négatives, déplorant la mauvaise image donnée à cette terre de l'Aisne. Pourtant, je ne vois pas ce qu'il y a de mal là-dedans.

Autrefois, les femmes avaient très jeunes des enfants, et personne ne s'en plaignait, ça semblait naturel, normal. Certes, aujourd'hui n'est plus autrefois ; mais pourquoi aujourd'hui serait beaucoup mieux qu'autrefois (du moins sur ce point-là) ? Une époque a toujours tendance à croire qu'elle est meilleure que les précédentes, supérieure à elles. C'est discutable.

Bien sûr, il y a cette notion de "grossesse précoce", qui est porteuse d'un jugement de valeur, dépréciatif. Mais au nom de quoi se permet-on de juger ? En République, chacun mène la vie qu'il veut, a des enfants quand il veut, et même peut choisir de ne pas en avoir du tout : qu'est-ce que ça peut bien faire, en quoi est-ce gênant ? Il n'y a pas d'âge pour avoir des enfants, sinon celui que nous impose la biologie. Après, c'est la liberté personnelle, le choix de chacun qui prévaut.

La notion de "grossesse précoce" est normative, et en ce sens contestable. Elle me fait penser à sa soeur jumelle, la notion de "mort prématurée", qui me fait toujours rigoler : toute mort est "prématurée", on meurt forcément plus tôt qu'on ne voudrait, puisque personne n'a envie de mourir ! Bref, quand on y réfléchit bien, il n'y a pas plus de "grossesse précoce" que de "mort prématurée" : ce sont des expressions toute faites, fausses, véhiculées par la société et admises sans qu'on y prête attention.

Culturellement, sociologiquement, l'idéologie dominante est celle de la petite et moyenne bourgeoisie, qu'on appelle communément classes moyennes, qui ont le nombre pour elles et qui imposent à tout le reste leurs valeurs, principalement aux classes populaires, qui sont les grandes oubliées, le refoulé de notre société. Dans à peu près tous les domaines, ces classes moyennes nous infligent leur modèle, notamment en matière familiale : le couple, elle et lui faisant des études et attendant d'avoir un travail avant de décider vraiment de s'installer, d'acheter une maison et d'avoir des enfants, deux en général, ce qui les conduit environ à la trentaine en âge. Avant, on se cherche, on se forme, on s'amuse.

La petite bourgeoisie a un idéal : le confort. Elle veut bien avoir des enfants, mais pas trop, et surtout dans une situation qui lui soit et qui leur soit confortable. C'est une approche de la vie tout à fait estimable, honorable, mais ce n'est pas non plus le seul mode d'existence. Les classes populaires, qui ne sont pas engagées dans des études supérieures, qui ne recherchent pas un statut social "bourgeois", qui veulent seulement vivre de façon décente et correcte, ne partagent pas les mêmes attentes, n'aspirent pas aux mêmes objectifs, n'ont pas la même perception de la vie, ne s'alignent pas sur une même chronologie. Avoir des enfants plus tôt et plus nombreux que la moyenne des classes moyennes ne leur posent pas de problème. Les classes populaires sont plus fidèles au modèle familial ancien de leurs parents et de leurs grands-parents que les classes moyennes, qui croient obstinément en un progrès d'une génération à l'autre et qui ne veulent pas reproduire les schémas du passé.

Hormis ces considérations sociologiques, il y a aussi des données psychologiques. Les classes populaires, victimes principales de la crise économique, souvent sans travail, dans un environnement peu valorisant, trouvent dans l'enfant une richesse, une consolation, un avenir qu'elles ne trouvent pas ailleurs, dans une réussite sociale qui n'existe pas pour elles. Au nom de quoi, là encore, se permettrait-on de les juger et de les accabler ? Après tout, la naissance d'un enfant, c'est le triomphe de la vie, de l'amour, de la beauté, c'est une revanche sur l'existence, c'est une vision optimiste de la suite. La petite-bourgeoisie, obsédée par le travail, la carrière et l'image sociale, n'a pas ce genre de préoccupations.

Vous pourriez m'objecter que ces adolescentes et ces jeunes filles qui deviennent mères ne l'ont pas choisi, qu'elles sont dans l'ignorance de la contraception ou de l'avortement, qu'elles gâchent leur vie sans le savoir. Raisonner ainsi, c'est cultiver un préjugé social particulièrement disqualifiant envers les classes populaires, c'est supposer qu'elles ne seraient ni libres ni intelligentes, contrairement aux petits-bourgeois. Je n'en crois rien du tout, je m'oppose à ce type de discrimination sournoise, qui se fait passer pour progressiste mais qui ne l'est pas. Pourquoi la jeune étudiante saurait-elle ce qu'elle fait, et pas la jeune chômeuse ? Pourquoi l'une serait-elle consciente et volontaire, l'autre inconsciente et victime ? Quant à la contraception et à l'avortement, c'est jusqu'à présent un droit, et pas un devoir !

Mais il y a encore plus sournois et plus disqualifiant contre ces jeunes mères de famille de milieu populaire : le préjugé de grossesses en vue de toucher les allocations familiales, insinuation hélas courante, qui ne frappe pas que les familles d'immigrés. Comme si faire des enfants ne pouvait avoir pour objectif que l'argent ! En revanche, personne ne dénonce l'esprit intéressé du petit-bourgeois lorsqu'il place judicieusement son argent, fait ses calculs pour payer moins d'impôts, se marie pour les avantages fiscaux, achète un appartement qu'il mettra en location pour s'assurer un revenu complémentaire : le petit-bourgeois est rationnel, prudent et prévoyant alors que la jeune fille modeste est irresponsable, assisté et dépensière. J'appelle ça un préjugé de classe, particulièrement dégueulasse.

La ville poussette, j'aime. Et je la préfère, de loin, à la ville déambulateur, si celle-ci existe.

mercredi 23 avril 2014

Permis de tuer



Manuel Valls veut abaisser la vitesse sur les routes secondaires à 80 km/h. Bravo, car ce sont de vrais mouroirs ! Surtout les départementales : fréquentées par des habitués qui s'y croient seuls et roulent comme des fous. Cette mesure tombe à pic : un excellent documentaire de Coline Serreau ("Tout est permis", voir vignette), que j'ai vu dimanche à Paris, est allé enquêter du côté des stages de rachat de points de permis, pour celles et ceux qui ont perdu leur crédit. Le film pourrait être très ennuyeux, il est passionnant ! C'est un véritable cours pratique de philosophie, de morale et de politique qui en dit très long sur la nature humaine.

Chez certains de nos concitoyens, le permis de conduire est plutôt un permis de chasse, un permis de tuer ! Ces stagiaires nous montrent une humanité irresponsable, hypocrite, mensongère, bête et dangereuse. Le pire, c'est de les entendre rire, du début à la fin du documentaire : ils n'ont plus leurs 12 points, ils ont donc menacé la vie d'autrui, mais ils s'en moquent, ils s'en amusent. Ces stagiaires éprouvent la fierté du voyou à ses méfaits, le plaisir de transgression du délinquant. Ils sont à la fois très bêtes et très malins. Sur certains visages, on sent que l'alcool a favorisé leurs comportements délictueux. Ce sont des criminels en puissance, et ils n'en ont que faire : pour eux, le coupable c'est l'autre, jamais eux. Le comble : ce sont des chauffards qui se considèrent bons conducteurs et victimes du système ! A les entendre, ces inconscients aimeraient qu'on les plaigne ... Ce n'est pas un permis de conduire qu'il faudrait leur faire passer, mais un permis de conduite.

Ils sont retors, vicieux, intellectuellement malhonnêtes, la bouche pleine de sophismes et de contre-vérités. Les radars ne sont, pour eux, que "des pompes à fric" : ils adorent cette expression, qu'ils emploient très souvent, avec arrogance et mépris, comme si elle était une évidence. Elle leur évite de réfléchir plus longtemps. Il ne leur vient pas à l'esprit que les radars sont faits pour protéger des vies et sanctionner les hors-la-loi. Ou plutôt ils le savent, mais ils font semblant de penser autre chose : d'où leur minable mythologie des "pompes à fric".

Leur courroux se porte contre les légers dépassements de vitesse : se faire flasher pour seulement quelques kilomètres les rend littéralement fous. Mais c'est pour faire oublier qu'ils sont très cons : un règlement est un règlement, après l'heure c'est plus l'heure, un km en plus c'est un km de trop. A eux de prendre leur précaution pour ne pas franchir la limite. Mais ils s'en foutent, ce sont fondamentalement des transgressifs.

Ils pestent contre les radars inutiles, installés sur des lignes droites où l'on ne risque aucun accident, où la conduite ne peut qu'être tranquille. Ces imbéciles cachent la vérité ou ne l'ont jamais su : les lignes droites, les routes tranquilles sont les plus dangereuses, celles où les accidents sont les plus nombreux, justement parce que les chauffards s'y sentent à l'aise et y prennent leurs aises, s'y trouvent suffisamment en sécurité pour menacer la sécurité d'autrui. Si les radars n'étaient pas là, ce serait l'hécatombe.

Pensent-ils que la vitesse est à montrer du doigt ? Non, surtout pas, puisqu'ils roulent vite ! En revanche, ils s'en prennent volontiers à la ... lenteur des autres véhicules, qui serait cause d'accident. On croit rêver, mais c'est un cauchemar. Les stagiaires accusent celui qui respectent trop bien la loi, ils renversent odieusement la situation, ils retournent la preuve qui les accable : cet argument-là, il fallait oser le faire. Les cons, ça osent tout, comme disait Michel Audiard.

Quel est leur motif de rouler vite ? Gagner du temps, prétendent-ils. C'est-à-dire gagner presque rien, quelques minutes, mais faire perdre la vie à d'autres : raisonnement d'assassin. Certains trouvent injustes que les usagers de la route pour raisons professionnelles n'aient pas plus de points que d'autres qui l'empruntent beaucoup moins : comme si les entorses à la loi étaient dues à la plus ou moins grande fréquentation des routes ! Raisonnement d'idiot : en réalité, un danger public l'est quel que soit le temps qu'il passe à conduire.

L'exemple allemand est souvent cité : pas de limitation de vitesse, moins d'accidents ! Mensonge, mensonge, mensonge : la vitesse est libre que sur une part infime du réseau routier, pour laquelle les statistiques en matière d'accidents sont évidemment catastrophiques. Autre mythe, autre mensonge : la grosse voiture, type 4x4, sécurisée, protectrice. C'est faux : ce genre de véhicule est accidentogène, de vrais cercueils roulants, car ils n'absorbent pas le choc en cas d'accident. Mieux vaut se planter avec un véhicule léger, moins dangereux, moins vulnérable. La grosse bagnole, c'est le joujou des frimeurs, des vaniteux et des impuissants. Mais c'est aussi un engin de mort.

Moralité de ce documentaire : les chauffards s'en prennent aujourd'hui aux radars et au permis à points comme ils s'en prenaient avant à la ceinture de sécurité. Pourtant, il n'y a pas photo : en 40 ans, grâce à ces trois mesures et à quelques autres, la délinquance routière a diminué, le nombre de tués est passé de 18 000 par an à 4 000 aujourd'hui. C'est encore trop, c'est même scandaleux, il faut absolument y remédier, mais les progrès sont flagrants. Dans les années 70, les morts sur la route équivalaient au bilan d'un conflit armé ; disons qu'aujourd'hui c'est celui d'une grosse bataille. Dans l'un et l'autre cas, c'est inacceptable.

Sur le permis à points, l'Etat ne doit pas céder devant les lobbys de toute sorte, d'abord automobile, qui ont intérêt à ce que nos routes deviennent des jungles. Et puis, le permis à points a rendu beaucoup plus difficile le contournement des contraventions. Avec l'informatique qui gère les pénalités, on ne peut plus faire sauter son PV, dont se vantaient les petites têtes au bras long. Le permis à points est beaucoup plus égalitaire, beaucoup plus juste. Les chauffards regrettent le monde des passe-droit, des menus privilèges, des coquins et des copains, dont bénéficiaient ceux qui avaient des relations (mais pas les autres, pas la plupart des gens).

En matière de sécurité routière, il faut renoncer à toute pédagogie, inutile, moralisatrice, pour ne faire que de la répression, qui a historiquement prouvé son efficacité, sachant que les accidents n'ont que deux causes majeures : la vitesse et l'alcool. J'espère que Manuel Valls va poursuivre dans cette voie, pour laquelle j'ai 10 propositions :

1- Réduction des vitesses sur l'ensemble du réseau
2- Alcoolémie réduite au taux zéro
3- Suppression des radars pédagogiques, multiplication des radars mobiles
4- Suppression des panneaux d'avertissement pour les radars fixes
5- Interdiction de la vente de détecteurs de radar
6- Interdiction des kits mains libres (aussi dangereux que l'utilisation manuelle du téléphone portable)
7- Multiplication des contrôles policiers (notoirement insuffisants)
8- Hausse des tarifs de contravention
9- Pénalisation des trafics de points entre automobilistes
10- Refus de toute amnistie des infractions et délits routiers

Le Premier ministre s'est donné comme objectif de réduire à 2 000 le nombre de morts sur les routes. Je crois qu'on peut descendre encore plus bas, avec un arsenal répressif accentué. La majorité des Français n'en subiront aucun inconvénient, puisque 75% d'entre eux préservent sans problème leurs 12 points (c'est ce que j'ai appris dans le documentaire de Coline Serreau). Car ce qui est stupéfiant, c'est que toute cette mauvaise foi qui s'étale à propos des radars, des limitations de vitesse, etc, n'est que le fait d'une petit minorité, dont les pseudo-arguments se sont pourtant répandus dans tout le corps social. Ce sont ceux qui bafouent la loi qui font en quelque sorte la loi ! Contre eux, il faut sévir, sanctionner, pénaliser et, quand il le faut, emprisonner. Ma détermination dans cette affaire est motivée par un dernier argument : savez-vous quel est le parti politique le plus laxiste en matière de sécurité routière ? Le Front national, comme par hasard ! L'extrême droite est répressive à l'égard des pauvres, des immigrés, mais elle défend les chauffards. A méditer.

mardi 22 avril 2014

La preuve définitive



Parmi les rumeurs qui circulent dans une société et qui sont de toute sorte, certaines expriment un sentiment raciste. C'est le cas de la rumeur dite du 93, affirmant faussement que des habitants et des familles de ce département, d'origine étrangère, s'installeraient dans des villes extérieures, bénéficiant ainsi de logements sociaux. C'est un pur mensonge, démonté par les sociologues, les journalistes et les élus. L'intention malveillante est claire : laisser croire qu'il existerait une invasion étrangère de l'intérieur, qui s'abattrait sur de tranquilles villes. Le motif raciste est évident. Certains maires ont d'ailleurs porté plainte à la suite de cette rumeur.

A Saint-Quentin, une telle rumeur s'est aussi répandue. Les candidats locaux du Front national l'ont relayée pendant leur campagne des municipales. Avant-hier, sur leur blog, ils persistent et signent sous ce titre de billet : La preuve définitive que la "rumeur du 93" est fondée. Quelle preuve ? Un tableau avec des chiffres, ce qui impressionne toujours, donne une apparence scientifique, d'autant que la source est incontestable, l'Assemblée nationale, datée du 10 avril 2014. Un tableau qui porte sur quoi ? Sur la répartition régionale des demandeurs d'asile.

Très bien, mais ça prouve quoi sur la rumeur du 93 ? Rien du tout ! Les demandeurs d'asile ne viennent pas du 93 mais, évidemment, de l'étranger ; c'est sans rapport avec un soi-disant mouvement intra-national de répartition des logements sociaux. Le Front national confond sciemment immigrés installés (souvent depuis longtemps) et demandeurs d'asile. Mais il est certain que l'extrême droite xénophobe n'aime ni les uns, ni les autres, et qu'elle ne fait pas dans le détail. Plus un mensonge est gros, mieux il passe.

Intéressons-nous cependant aux détails. Combien y avait-il de demandeurs d'asile en Picardie en 2013 ? 1 222. Combien y a-t-il d'habitants en Picardie ? 1 918 155 (en 2011). Ce qui signifie que la présence des demandeurs d'asile représente quelque chose d'infime si on la rapporte à l'ensemble de la population. Ajoutons que les demandeurs d'asile sont souvent, dans leur pays, persécutés pour des raisons politiques, que c'est la grandeur et la tradition républicaine de la France que d'accueillir ces demandeurs d'asile, lorsqu'ils répondent aux critères administratifs.

Mais qu'est-ce que le Front national, à Saint-Quentin ou ailleurs, en a à faire de la grandeur de la France et de sa tradition républicaine ? Quand on fait partie d'une famille politique qui a soutenu le régime de Vichy et l'OAS, on se moque de la République et de la France. Oui, il y a bien une preuve définitive dans ce billet frontiste : c'est que le FN est un parti menteur, malhonnête et raciste.

lundi 21 avril 2014

Tolérance puissance 1 000



Je n'ai jamais beaucoup aimé le slogan de "tolérance zéro", même si je vois bien ce qu'il veut dire, même si l'intention est louable. La tolérance est une vertu, en tant que telle défendable, et non pas condamnable. Tout ça pour vous dire que le théâtre Jean-Vilar a vibré samedi soir à la tolérance puissance 1 000 (vignette 1, l'affiche), sous les auspices de Voltaire, philosophe par excellence de cette vertu. Quand on voit les derniers résultats électoraux à Saint-Quentin, l'extrême droite en première force d'opposition, on se dit qu'il y a urgence.

La belle Karima (tout le monde l'appelle comme ça, et en plus c'est vrai !) était l'organisatrice, avec la compagnie théâtrale de Jean-Pierre Leblanc, Le Manteau d'Arlequin, qui répond toujours présent pour défendre les bonnes causes. Moi, ce que je retiens surtout, c'est que Karima est de ces gens qui font, et il n'y en a pas tant que ça, mais ils étaient nombreux samedi soir sur scène. Pendant plus de deux heures, un public familial, populaire, jeune a assisté à un spectacle gratuit de performances artistiques, avec la tolérance pour fil directeur.

Marie-Laurence Maître, au nom de la Municipalité, a beaucoup remercié, donnant de sa personne en chantant et dansant au débotté. Elle entre très vite dans son nouvel habit de maire-adjoint à la culture et aux centres sociaux, qui l'expose au public plus fréquemment que son précédent mandat, à l'administration générale. On sent que son modèle, c'est le patron, Xavier Bertrand : elle est volubile, enthousiaste, veillant toujours à positiver, avec des regards et des sourires qui font qu'on n'ose plus rien lui reprocher (un peu longuette cependant, parfois, dans ses interventions, mais son énergie fait tout accepter).

Dans l'assistance, au milieu d'un public bon enfant, Bernard Visse, directeur de la culture, habitué pourtant à des spectacles plus exigeants, semblait y trouver son plaisir. Sur scène, un coeur gros comme ça était l'élément minimaliste du décor et résumait toute la soirée. Fabrice Leroy, policier et slameur, a joué le rôle de Monsieur Loyal, présentant, animant, ... slamant, et ponctuant chaque intervention par la formule "Vous allez faire un tonnerre d'applaudissements à ...", et la salle ne se l'est pas fait redire deux fois ...

Parmi les prestations, Sylvie Racle, avocate bien connue et vice-présidente du CIDFF, a joué, sans robe (d'avocate), une scénette dénonçant les intolérances faites aux femmes, les violences conjugales. Jean-Pierre Leblanc a bien sûr entraîné sa troupe. Christophe Genu, éducateur à l'ADSEA, a fait chanter sa chorale. Le rap était de la partie, mais aussi le reggae, en compagnie de BB Sheriff, patron du bar africain rue du Vieux-Port (vignette 2). Karima herself nous a envoûtés par ses danses orientales, parfois en duo avec Guillaume Dufour, très gendre idéal, un beau couple qui donne envie à tous, sans plus de réflexion, d'être tolérants !

Les associations caritatives n'ont pas été oubliées : la Croix rouge, les donneurs de sang, rejoints par les pompiers de Saint-Quentin, ont présenté leurs activités à travers un petit documentaire. David Caron, nouvel élu à Gauchy, organisateur de la course Fabien-Camus, est intervenu. Il y a décidément des gens à qui tout réussit, et c'est très bien comme ça.

A la fin, tous les artistes (car tous l'étaient ce soir-là) se sont retrouvés sur scène, pour reprendre une chanson de Mickaël Jackson (vignette 3). Il a fallu pousser Madame Maître dehors, car elle était bien partie pour chanter et danser toute la nuit dans le théâtre. La tolérance, si elle n'a pas de bornes, a tout de même des limites ...


Et puisqu'il a été question aujourd'hui de tolérance, je me dois de rappeler que Marie-Lise Semblat, présidente d'Aster-International et combattante elle-aussi pour la tolérance, nous quittait il y a un an. Autour de Jean-Pierre et de ses ami(e)s, un hommage a été rendu hier à Etreillers, dans le cimetière où elle repose.

dimanche 20 avril 2014

Où ?



En ce week-end pascal, loin de l'agitation politique et de l'actualité locale, je vous invite à une petite virée parisienne. Dans la série "Où sommes-nous ?", je sollicite à nouveau votre sagacité, qui jusqu'à présent n'a jamais été prise en défaut. L'entrée est soigneusement gardée (vignette 1). Un poulpe stylisé décore la façade (vignette 2). L'environnement est prompt à l'affichage et à l'expression artistique sauvages (vignette 3). Pour finir, le bâtiment d'ensemble vous mettra sur la voie ... navigable (private joke). Où ai-je passé, dans la capitale, mon après-midi ? Je suis sûr que vous avez trouvé ...

samedi 19 avril 2014

Le métier d'opposant



D'un Conseil municipal, on ne retient bien souvent que le travail du maire et de ses adjoints : à eux le pouvoir, les décisions, la représentation dans les événements de la ville, les prises de parole publiques. Les élus de l'opposition sont un peu oubliés, comme s'ils ne servaient à rien, ne pouvaient rien, sinon des interventions en séance jamais suivies d'effets, puisqu'ils n'exercent pas de responsabilités.

Je crois que cette vision est totalement fausse. Je mets sur un pied d'égalité élus de la majorité et élus d'opposition. Ceux-ci représentent, eux aussi, la population ; ils ont donc une responsabilité, un rôle public, indispensable et précieux en démocratie. Leur tâche est d'ailleurs beaucoup plus difficile que celle des élus de la majorité. On peut parler d'un véritable métier d'opposant, dont j'aimerais souligner trois exigences, que j'appliquerais à ma ville, Saint-Quentin, et à son opposition.

1- Il y a bien sûr, d'abord, le comportement en séance du Conseil municipal. Il faut que les quatre socialistes interviennent, se répartissent les rôles, fassent sentir qu'il y a un esprit et un travail d'équipe. Il va de soi que leurs votes doivent être concertés et homogènes, sans démarquage personnel : sinon, les prises de position deviennent illisibles.

Le style compte autant que le contenu : il faut réduire les lectures de texte , fastidieuses et contre-productives (l'élu donne l'impression de ne pas maîtriser son sujet quand il a les yeux rivés sur sa feuille). Il faut donc privilégier les interventions spontanées, avoir l'art de la répartie, tenter de déstabiliser avec brio le maire. Ce n'est pas facile, j'en ai conscience : mais les conseillers d'opposition se sont portés librement candidats, sachant ce qui les attendait, et ont été élus pour ce travail-là.

La finalité n'est d'ailleurs pas tant de répondre à Xavier Bertrand, qui aura toujours, de par sa position, le dernier mot, mais de s'adresser aux Saint-Quentinois, de leur faire comprendre qu'il existe une autre voix (et voie). Le bon conseiller municipal d'opposition, c'est celui qui s'apprête, pour la prochaine élection, à devenir majoritaire, qui agit en tant que tel et qui le fait sentir à la population.

2- L'essentiel du travail d'opposant ne se joue pas en séance du Conseil municipal, contrairement à ce qu'on pourrait croire, mais à l'extérieur, dans la présence auprès des Saint-Quentinois, lors des événements et manifestations de la ville. Dans son entretien à L'Aisne nouvelle de juin dernier, Michel Garand s'était engagé à une activité plus forte des élus d'opposition. C'est à espérer.

Là encore, la démarche doit être collective, mobiliser les quatre conseillers municipaux socialistes. Depuis des années, le PS manque de visibilité, d'identification à Saint-Quentin : on entend parler d'Anne Ferreira, de Jean-Pierre Lançon, de moi mais les rôles, les fonctions ne sont pas bien repérés. On ne sait même plus très bien qui est élu à quoi, qui fait quoi, en dehors du microcosme. Il faut clarifier la situation.

C'est simple : il y a un chef, Michel Garand, et trois colistiers, Carole Berlemont, Jacques Héry et Marie-Anne Valentin, dans l'ordre de la liste. Ils bénéficient de la légitimité des urnes, ils sont représentants et responsables, exercent une autorité et ont des comptes à rendre. Le parti socialiste a toujours été un parti d'élus, qui tiennent un rôle prépondérant, directeur.

Maintenant, il ne suffit pas d'être élu : encore faut-il faire son métier d'élu. Si les conseillers socialistes ne se montrent pas actifs, s'ils ne font pas preuve d'esprit de répartie face à Xavier Bertrand, si Michel Garand n'agit pas en chef de guerre, si la présence dans la vie de Saint-Quentin est incomplète et discontinue, je ne donne pas cher de l'avenir du PS localement.

3- Même si les élus font correctement leur travail, ils ne pourront pas grand chose sans une section socialiste forte, dynamique et, elle aussi, active. Le PS est un parti d'élus, oui ; mais c'est avant tout un parti, une organisation qui a ses activités propres, qui constitue un soutien, un support sans quoi les conseillers municipaux ne sont que des individus livrés à eux-mêmes, sans force.

A Saint-Quentin, il est évident qu'il faut reconstruire le parti socialiste, unifier les deux sections et se donner un nouveau secrétaire, comme le gouvernement s'est donné un nouveau Premier ministre, comme le parti a désigné un nouveau secrétaire national. La défaite du PS chez nous a atteint une telle ampleur (17% seulement, 4e défaite consécutive, largement battu par le FN) qu'un remaniement à la tête est là aussi indispensable. En politique, on n'est jamais innocent d'une défaite, on en tire forcément des leçons, on change.

L'occasion en est donné par l'engagement de la fédération à refaire le vote du secrétaire de section, dont le premier scrutin n'avait pas respecté les règles : profitons-en pour ne plus faire qu'une seule section et repartir du bon pied avec une équipe nouvelle. Je ne peux que proposer et rappeler : je ne sais même pas si l'engagement sera tenu. Mais là encore, si rien ne bougeait, je ne donnerais pas cher de notre avenir collectif. Il faut absolument à Saint-Quentin une section qui organise des réunions publiques, lance des idées, soit présente sur internet : rien de tout ça pour le moment n'existe. Le métier d'opposant ne peut être mené que conjointement, par les élus, par le parti, chacun dans son registre. Il y a suffisamment à faire pour ne se priver de personne.

vendredi 18 avril 2014

On carillonne à St-Quentin



Pâques, c'est la fête de la Résurrection du Christ, des oeufs en chocolat et du retour des cloches. A Saint-Quentin, celles du carillon font partie du patrimoine historique et culturel de notre ville. On les retrouve représentées dans la salle du Conseil municipal, sur la façade de l'ancien cinéma, dans les fresques du café Le Carillon et à l'entrée de la Poste. Le maître carillonneur Francis Crépin nous a offert ce soir, à la bibliothèque Guy-de-Maupassant, une belle conférence sur le sujet.

Le carillon de l'Hôtel de Ville, c'est l'identité de Saint-Quentin. Après la Grande Guerre, lorsqu'il a été rénové, une foule impressionnante s'est massée sur la place (et ce n'est pas un hasard si j'ai fait du carillon l'en-tête de ce blog ...). Pourtant, la cloche a aussi une image négative, lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il est "cloche". On croit que l'objet est brutal, uniforme, sans finesse : erreur ! Les cloches, selon leur conception, peuvent donner des sons très différents, beaux, graves, évocateurs, spirituels. Leur seul point commun, c'est leur fonction : alerter. Un maître carillonneur suit le même cursus qu'un pianiste, précise Francis.

Mais la légende noire subsiste : "se faire sonner les cloches", ou bien la ritournelle éloquente "Maudit sois-tu carillonneur". A quand un procès contre Francis Crépin et la Municipalité pour nuisance sonore ? Ne porte-t-on pas plainte en justice contre les cloches d'église dans certaines campagnes ? (et pourquoi pas contre les cloches des vaches qui passent le matin en troupeau ?).

Les cloches sont partout, leur forme est universelle et sensuelle : cloche d'entrée, cloche d'hôtel, cloche dans les tramways, sur les bateaux, et même les cloches pour couvrir dans la cuisine les plats ! Le grelot est lui aussi de la famille des cloches, en plus petit. Je ne peux pas m'empêcher de penser que les 37 cloches de notre carillon, au dessus du laïque et républicain Hôtel de Ville, rivalisent avec, quelques centaines de mètres plus loin, d'autres cloches, celles de la basilique. Les deux édifices, qui n'ont pas le même usage ni la même symbolique, se disputent la maîtrise du temps et l'attention des Saint-Quentinois, qui ne s'en doutent pas une seule seconde.

Francis Crépin vient de publier un merveilleux petit ouvrage, Le Carillon de l'Hôtel de Ville de Saint-Quentin, Marqueur du temps et instrument de concert, au Editions du Campanaire de Saint-Quentin, dont je vous recommande vivement la lecture. Vous pourrez retrouver Francis demain après-midi, à la librairie Cognet, pour une séance de dédicaces.


Vignette 1 : la directrice de la bibliothèque, Valérie d'Amico, et Francis Crépin
Vignette 2 : une partie du public
Vignette 3 : la collection de cloches présentée et commentée par Francis

jeudi 17 avril 2014

Visages du festival



Un festival, ce sont des visages connus, des personnalités, des élus, des invités, des officiels, ceux que Robert Lefèvre appelle les "partenaires institutionnels". Et puis il y a des visages inconnus, qui n'auront jamais leur photo dans le journal. Pourtant, ils jouent un rôle, ont leur importance, sont indispensables. J'ai voulu profiter de la clôture pour les rencontrer, discuter et vous en faire connaitre quelques-uns.

Adrien (vignette 1) est étudiant en BTS audio-visuel au lycée Henri-Martin, section montage. C'est un passionné de cinéma. Il a fait partie du jury ville. Sophie (vignette 2) a beaucoup travaillé cette semaine, elle a peut-être été la personne la plus précieuse du festival, puisqu'elle a assuré, seule, le travail de traduction. Et dans une manifestation internationale, il y a du travail ! Ce n'est pas son métier initial, puisque Sophie est professeur des écoles à Laon.

Marlène (vignette 3) s'est chargée des contacts avec les scolaires, et de nombreuses classes ont fréquenté le festival. Mais hier soir, elle s'est transformée en D.J. pour mettre le feu à l'Annexe. Enfin, un groupe de djeun's de tous les pays, membres de jury (vignette 4) : de gauche à droite, Josefin (Allemagne), Bahia (France), Stefania (Italie), Lara (Allemagne) et Melina (Croatie). Des inconnus qui méritent d'être connus.

Raout à l'Annexe



Je sors beaucoup en ville, mais je n'aime pas les mondanités. Je n'avais encore jamais mis les pieds à l'Annexe, où son propriétaire Laurent Plaquet m'avait pourtant convié. C'est superbe ! (vignette 1). Je me suis laissé entraîner par Robert Lefèvre, Céline Ravenel et toute l'équipe du festival ciné jeune, après la cérémonie de clôture (vignette 4). La soirée a été animée musicalement par le groupe laonnois Dust Paradise : Nathalie au violon, Jean-Christophe à la guitare, Virginie au micro (vignette 2). C'est un genre de moment très détendu, qui n'exclut pas les rencontres et les échanges sérieux. Ainsi, j'ai devisé avec Michèle Cahu sur ses mésaventures chez les socialistes du cru. De son côté, Jean-Philippe Cayla, membre du jury ville, s'est entretenu avec Jean-Jacques Boyer, sous-préfet (vignette 3). Mais chut ! il y a devoir de réserve préfectorale ... Finalement, je n'ai pas regretté de m'être laissé entraîner.

And the winner is ...



Hier soir, clap de fin mais aussi couacs de fin pour le Festival ciné jeune de l'Aisne, avec l'annonce des heureux gagnants. La cérémonie est encore plus courue que celle de l'ouverture, il y a une semaine. Le sous-préfet Jean-Jacques Boyer et le directeur académique de l'Education nationale Jean-Luc Strugarek ont fait le déplacement, ainsi que les élus de la Ville, de la Région et du Département.

La cérémonie est très protocolaire, parfois fastidieuse. Heureusement, des bévues, incongruités et autres actes manqués viennent égailler le déroulement ordonné. Marie-Laurence Maître, représentant la Municipalité, brûle la politesse au président du jury ville en annonçant elle-même le film primé, Class Enemy, récompensé par un très gros chèque, que l'interprète principale, Stela, que j'avais reçue au Ciné philo, a bien du mal à empocher (vignette 3).

La Région s'est faite représenter par une vice-présidente, Anne Ferreira, et une conseillère déléguée, Michèle Cahu. Dans l'ordre protocolaire, laquelle va-t-elle intervenir devant le public ? Pas celle que vous croyez ! C'est Michèle qui s'y colle et Anne qui reste sur son siège. Pourtant, celle-ci est en campagne électorale, pour les élections européennes, et pas celle-là. Mystère du protocole et de la politique ...

Du côté du Conseil général de l'Aisne, le représentant Thierry Delerot est au début absent. Explication de Robert Lefèvre, président du festival : il est en train de gravir une falaise plus dure que prévue (sic), dans le cadre du centenaire de la Grande Guerre. A la fin, il est bien là, revenu indemne de son escalade. Mais auprès de lui s'est glissée, fine mouche, Colette Blériot, qui n'a rien à y faire. Le protocole est formel : deux représentants d'une même collectivité, c'est un de trop ! Mais Colette est comme ça : quand elle sort par la porte, elle rentre par la fenêtre. Sa meilleure amie, Monique Bry, vous le confirmera (lire le Courrier picard de mardi, "Sous la plume de Maurice").

Et ce n'est pas fini : Blériot a du brio ; quant Titi Delerot parle, elle s'approche de son oreille, non pour la mordre ou lui susurrer des mots d'amour, mais pour lui dire que SAINT-QUENTIN fait partie de l'opération, et pas seulement le Conseil général, ce que Thierry tout aussitôt rectifie. Voilà, c'est fait, Xavier Bertrand le saura, Colette Blériot est un brave petit soldat.

Sachez aussi qu'une invitée du festival, très forte en cinéma mais pas en géographie, s'est carrément trompée de ville et retrouvée à Saint-Quentin, mais en Yvelines ! Heureusement, ce n'est pas trop loin et l'erreur est vite corrigée. Mais elle aurait pu, plus gravement, s'égarer à Saint-Quentin, ville des Etats-Unis ...

Une dernière nouvelle, réjouissante : Céline Ravenel, la cheville ouvrière du festival, a été désignée présidente d'un jury européenne de prestige, l'ECFA, European chidren's film association. Félicitations, madame la présidente !

Avec tout ça, j'ai oublié de vous donner le grand prix du festival : Kyss meg, de Stian Kristiansen (vignette 2). A la fin, tous les membres et partenaires se sont retrouvés pour la photo de famille (vignette 1). Bravo à toutes et à tous, et à l'an prochain !

mercredi 16 avril 2014

Cabezas fait son cinéma



Le temps d'un soir, hier soir, le musée Antoine-Lécuyer s'est transformé en cinéma. Le grand écran a pris place au milieu des grands tableaux. Les images figées se sont mises à bouger. Son conservateur, Hervé Cabezas, est devenu à la fois directeur, ouvreuse et présentateur. A son habitude, il a très bien fait les choses, accueillant les spectateurs, les plaçant et introduisant la séance. Les premiers rangs étaient réservés, comme il se doit, aux personnalités (je ne vous dirai pas lesquelles, il fallait être là !), par des affichettes à leur nom sur les sièges. En l'écoutant commenter le film, avec sa volubilité naturelle, Hervé Cabezas m'a fait penser au cinéphile Claude-Jean Philippe, qui venait présenter à la télévision, tout à la fin de l'émission de Bernard Pivot Apostrophes, le film du Ciné-Club qui suivait (mais notre conservateur est plus bel homme).

Hervé Cabezas nous a fait un très beau cadeau, puisque c'est l'un des plus beaux films du monde, La grand illusion de Jean Renoir. Son intervention a commencé par une petite pique envers la presse locale, qui a employé le mot de "festivités" à propos du centenaire de la Grande guerre. Ce n'est pas bien grave, mais un conservateur de musée est, par fonction, un homme pointilleux, qui ne plaisante pas avec les mots : célébration ou commémoration lui auraient sans doute mieux convenu. Une boucherie ne peut pas être une fête. Ceci dit, il ne sert à rien de se fâcher avec les journalistes (laissons ça aux politiques, qui sont des experts en la matière), et j'ai bien envie de proposer à monsieur le conservateur d'être son attaché de presse ...

La grande illusion ! Ce qui est formidable, unique en son genre, c'est que tous les personnages de ce film, y compris les seconds rôles, sont fondamentalement bons, dérogeant ainsi au principe qu'on ne fait pas de bonne littérature (ou de bon cinéma) avec de bons sentiments. Sauf que dans le film de Renoir, les bons sentiments sont profonds, authentiques, émouvants, alors que dans l'art comme dans la vie, ils sont souvent fadasses, faciles, sinon hypocrites.

Ce qui est bouleversant, c'est que cette oeuvre tout entier tournée vers le bien, sans une once de méchanceté (Renoir le communiste va jusqu'à porter un regard attendri sur ses ennemis de classe, les aristocrates), est tournée à une époque où se lève le mal, nazisme et stalinisme, où s'approche le mal absolu, guerre et génocide.

Ce qui est tragique, c'est que l'art ne change pas le monde (Hervé Cabezas, homme d'art, ne sera peut-être pas d'accord avec moi) : La grande illusion, triomphe de bonté et de lucidité, n'aura aucunement influé sur le cours de l'Histoire, n'aura hélas pas modifié le comportement des hommes. Guerre, racisme, inégalités, le plus beau film du monde ne peut donner que ce qu'il a, la beauté, mais ne peut pas transformer la réalité. C'est pourquoi La grande illusion nous rend à la fois confiant dans la nature humaine, foncièrement bonne, mais mélancolique quant à la fatalité de l'Histoire, foncièrement mauvaise.

A quand le prochain film, monsieur le directeur, pardon, monsieur le conservateur ? En attendant, retrouvons-nous au musée Antoine-Lécuyer, le 26 avril, à 14h00, pour un décryptage de la Pensée aux absents, le tryptique de Devambez.


Vignette 1 : sur l'écran, Gabin et Dalio
Vignette 2 : dans la salle, le public attentif

mardi 15 avril 2014

Ciné philo à Ciné jeune



Hier soir, au Ciné philo, projection du film de Rok Bicek, Class Enemy, dans le cadre du Festival international Ciné jeune de l'Aisne, suivi d'un débat auquel ont participé une centaine de spectateurs. En vignette 1, Robert Lefèvre, président du festival, notre invitée Stela, comédienne (à ma gauche), et sa traductrice. En vignette 2, l'intervention toujours éclairante de Claude Baugée. En vignette 3, les trois présidents successifs de l'association Rencontre Citoy'Aisne, organisatrice du Ciné philo : de droite à gauche, le fondateur, le précédent et le nouveau. La prochaine séance aura lieu le 19 mai, avec La cour de Babel, un documentaire qui fait beaucoup parler.

Vae victis !



Le Conseil municipal n'en finit pas de s'installer. Hier soir, à Saint-Quentin, de nombreuses représentations dans de multiples organismes ont été votées, les conseillers délégués ont été désignés et le montant des indemnités a été fixé. Xavier Bertrand a été égal à lui même, plus chef que jamais, et un peu plus que d'habitude, pour bien marquer son autorité sur sa nouvelle majorité.

Du côté de l'opposition, les élus frontistes ont timidement pris la parole, plus pour s'interroger que pour contester. Le communiste Olivier Tournay, rompu à l'exercice, est intervenu à plusieurs reprises, dont un morceau de bravoure : sa candidature (symbolique) au comité éthique de la vidéo-protection, qui a été refusée (et pas du tout symboliquement) par Xavier Bertrand.

Chez les socialistes, Carole Berlemont aurait-elle fendu l'armure (pour une dame, il faudrait trouver une autre expression) ? Elle est intervenue trois fois, si je ne me trompe pas. Ce n'est pas encore Attila, mais peut-être qu'on y va. En revanche, silence de Michel Garand : une ruse de guerre ? C'est possible. Carole s'est étonnée que le maire n'ait pas été plus généreux dans les offres de représentation à l'opposition. Il a répondu qu'il ne faisait qu'appliquer la loi. Eh oui, on se fait rarement de cadeaux en politique : dura lex, sed lex.

Le Conseil municipal d'hier soir faisait comprendre que la politique consiste aussi en une distribution de postes, places, honneurs et prébendes divers et variés, que la majorité remporte le gâteau et l'opposition les miettes. Et puisque la langue latine m'inspire aujourd'hui, je dirais : Vae victis ! Malheur aux vaincus ! Mais rappelons-nous que le chef gaulois qui prononça cette immortelle parole avait envahi Rome et soumis l'empire, comme demain peut-être les socialistes saint-Quentinois s'empareront du perchoir municipal. Labor omnia vincit improbus.

lundi 14 avril 2014

Revue de presse



Je crois fondamentalement au pluralisme de la presse, qui est au fondement de la République. Il est aujourd'hui menacé, non pour des raisons politiques ou idéologiques, mais budgétaires et financières. Pourtant, à chaque fois qu'un journal se crée, c'est une chance supplémentaire pour la démocratie, un événement à saluer, en espérant que l'entreprise sera fiable et durable sur le plan économique.

Au niveau national, un nouvel hebdomadaire vient de naître, au concept très original. Son titre : Le un. Une seule page, mais énorme, pliée en six, à lire recto verso, avec un seul sujet (pour le premier numéro : la France fait-elle encore rêver ?), traité par des intellectuels de toutes disciplines. Cette expérience prouve que l'innovation, la créativité sont encore possibles en matière de presse, qu'on n'est pas obligé de reproduire les modèles du XIXe siècle (qui ont déjà beaucoup changé).

A Saint-Quentin, dans un genre plus traditionnel, un hebdo a été lancé il y a 15 jours, St-Quentin Mag, qui a la particularité d'être gratuit. Par le passé, ce genre de tentative n'avait pas duré. Mais là, nous sommes dans un format et un contenu qui font très "journal", contrairement aux parutions précédentes. Les fondateurs, Eric Leskiw et Bertrand Duchet, m'ont proposé de participer à la rédaction, sous forme d'une chronique au titre moscovite (mais c'est un clin d'oeil !). J'ai dit oui, comme j'aurais dit oui à L'Aisne nouvelle ou au Courrier picard s'ils m'avaient demandé. Bien sûr, j'ai exigé un gros chèque, une rétribution conséquente, un tarif élevé : la liberté totale, absolue et sans condition ! C'est ma seule richesse, que je tiens à faire prospérer, mon placement d'avenir.

En matière de contenu, ce sera un peu le prolongement de ce blog, mais en plus concis, plus ramassé, un regard décalé sur l'actualité locale, quelques réflexions et anecdotes. Les réactions des lecteurs décideront de la suite et du style ; mais j'ai en tête de faire une rubrique à la façon de la deuxième page du Canard enchaîné, un mélange d'informations inédites et de remarques amusées. Cette petite aventure me permettra d'élargir mon lectorat, que j'estime actuellement à environ 200 personnes par jour : avec 20 000 exemplaires diffusés de St-Quentin Mag, j'entre dans une autre dimension. Et puis, un blog, on fait le choix d'y aller, ça ne peut toucher qu'un nombre restreint de personnes déjà motivées, les happy few. Une édition papier permet d'accrocher des curieux, des nouveaux, un public plus populaire ... Les premières réactions qui me sont remontées sont en tout cas très positives. C'est un encouragement.

Je ne crois pas non plus que la concurrence en matière de presse pose un vrai problème. D'abord, y a-t-il vraiment concurrence ? Chaque support a son style, son secteur, ses préoccupations, son identité, son originalité. Je vois plutôt une complémentarité entre tous. De même, l'internet, les sites, les blogs ne concurrencent pas, au sens négatif du terme, la presse écrite. Quand la télévision est apparue, on pouvait penser qu'elle ferait disparaître la radio, à qui il manquait l'image : mais non, la radio a su s'adapter et perdurer.

La concurrence a ceci de bon, dans la presse comme dans la vie, c'est qu'elle permet de donner le meilleur de soi-même. Au fond, ce qui compte, ce sont les lecteurs, leur jugement et leur nombre. Quant aux journaux gratuits, s'ils ne sont pas lus, pas intéressants, ils échouent, les annonceurs n'y reviennent plus : la gratuité n'est pas une garantie ni une condition de succès. Il n'y a pas de secret : la presse ne marche que si elle trouve bien sûr de l'argent, mais surtout des lecteurs.