samedi 19 avril 2014

Le métier d'opposant



D'un Conseil municipal, on ne retient bien souvent que le travail du maire et de ses adjoints : à eux le pouvoir, les décisions, la représentation dans les événements de la ville, les prises de parole publiques. Les élus de l'opposition sont un peu oubliés, comme s'ils ne servaient à rien, ne pouvaient rien, sinon des interventions en séance jamais suivies d'effets, puisqu'ils n'exercent pas de responsabilités.

Je crois que cette vision est totalement fausse. Je mets sur un pied d'égalité élus de la majorité et élus d'opposition. Ceux-ci représentent, eux aussi, la population ; ils ont donc une responsabilité, un rôle public, indispensable et précieux en démocratie. Leur tâche est d'ailleurs beaucoup plus difficile que celle des élus de la majorité. On peut parler d'un véritable métier d'opposant, dont j'aimerais souligner trois exigences, que j'appliquerais à ma ville, Saint-Quentin, et à son opposition.

1- Il y a bien sûr, d'abord, le comportement en séance du Conseil municipal. Il faut que les quatre socialistes interviennent, se répartissent les rôles, fassent sentir qu'il y a un esprit et un travail d'équipe. Il va de soi que leurs votes doivent être concertés et homogènes, sans démarquage personnel : sinon, les prises de position deviennent illisibles.

Le style compte autant que le contenu : il faut réduire les lectures de texte , fastidieuses et contre-productives (l'élu donne l'impression de ne pas maîtriser son sujet quand il a les yeux rivés sur sa feuille). Il faut donc privilégier les interventions spontanées, avoir l'art de la répartie, tenter de déstabiliser avec brio le maire. Ce n'est pas facile, j'en ai conscience : mais les conseillers d'opposition se sont portés librement candidats, sachant ce qui les attendait, et ont été élus pour ce travail-là.

La finalité n'est d'ailleurs pas tant de répondre à Xavier Bertrand, qui aura toujours, de par sa position, le dernier mot, mais de s'adresser aux Saint-Quentinois, de leur faire comprendre qu'il existe une autre voix (et voie). Le bon conseiller municipal d'opposition, c'est celui qui s'apprête, pour la prochaine élection, à devenir majoritaire, qui agit en tant que tel et qui le fait sentir à la population.

2- L'essentiel du travail d'opposant ne se joue pas en séance du Conseil municipal, contrairement à ce qu'on pourrait croire, mais à l'extérieur, dans la présence auprès des Saint-Quentinois, lors des événements et manifestations de la ville. Dans son entretien à L'Aisne nouvelle de juin dernier, Michel Garand s'était engagé à une activité plus forte des élus d'opposition. C'est à espérer.

Là encore, la démarche doit être collective, mobiliser les quatre conseillers municipaux socialistes. Depuis des années, le PS manque de visibilité, d'identification à Saint-Quentin : on entend parler d'Anne Ferreira, de Jean-Pierre Lançon, de moi mais les rôles, les fonctions ne sont pas bien repérés. On ne sait même plus très bien qui est élu à quoi, qui fait quoi, en dehors du microcosme. Il faut clarifier la situation.

C'est simple : il y a un chef, Michel Garand, et trois colistiers, Carole Berlemont, Jacques Héry et Marie-Anne Valentin, dans l'ordre de la liste. Ils bénéficient de la légitimité des urnes, ils sont représentants et responsables, exercent une autorité et ont des comptes à rendre. Le parti socialiste a toujours été un parti d'élus, qui tiennent un rôle prépondérant, directeur.

Maintenant, il ne suffit pas d'être élu : encore faut-il faire son métier d'élu. Si les conseillers socialistes ne se montrent pas actifs, s'ils ne font pas preuve d'esprit de répartie face à Xavier Bertrand, si Michel Garand n'agit pas en chef de guerre, si la présence dans la vie de Saint-Quentin est incomplète et discontinue, je ne donne pas cher de l'avenir du PS localement.

3- Même si les élus font correctement leur travail, ils ne pourront pas grand chose sans une section socialiste forte, dynamique et, elle aussi, active. Le PS est un parti d'élus, oui ; mais c'est avant tout un parti, une organisation qui a ses activités propres, qui constitue un soutien, un support sans quoi les conseillers municipaux ne sont que des individus livrés à eux-mêmes, sans force.

A Saint-Quentin, il est évident qu'il faut reconstruire le parti socialiste, unifier les deux sections et se donner un nouveau secrétaire, comme le gouvernement s'est donné un nouveau Premier ministre, comme le parti a désigné un nouveau secrétaire national. La défaite du PS chez nous a atteint une telle ampleur (17% seulement, 4e défaite consécutive, largement battu par le FN) qu'un remaniement à la tête est là aussi indispensable. En politique, on n'est jamais innocent d'une défaite, on en tire forcément des leçons, on change.

L'occasion en est donné par l'engagement de la fédération à refaire le vote du secrétaire de section, dont le premier scrutin n'avait pas respecté les règles : profitons-en pour ne plus faire qu'une seule section et repartir du bon pied avec une équipe nouvelle. Je ne peux que proposer et rappeler : je ne sais même pas si l'engagement sera tenu. Mais là encore, si rien ne bougeait, je ne donnerais pas cher de notre avenir collectif. Il faut absolument à Saint-Quentin une section qui organise des réunions publiques, lance des idées, soit présente sur internet : rien de tout ça pour le moment n'existe. Le métier d'opposant ne peut être mené que conjointement, par les élus, par le parti, chacun dans son registre. Il y a suffisamment à faire pour ne se priver de personne.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Localement s'opposer pour s'opposer n'aura que peu d'impact.
Encore faut-il le faire sur des sujets précis dépendant uniquement de décisions pour lesquelles la responsabilité de l'équipe municipale aux manettes est entière.
Mais compte tenu de l'austérité que le gouvernement impose à la population et aux collectivités locales il va être facile de clouer le bec aux interventions des conseillers municipaux estampillés PS, bien sûr tout cela se passera dans la plus parfaite mauvaise foi car en dehors de quelques faits de société au plan économique PS et UMP c'est, maintenant, bonnet blanc et blanc bonnet.

Emmanuel Mousset a dit…

Sur votre histoire de bonnets, c'est ce que disait Jacques Duclos en 1969, et c'est ce que dit le FN aujourd'hui. Opinion que je ne partage évidemment pas.

Anonyme a dit…

"Sur votre histoire de bonnets, c'est ce que disait Jacques Duclos en 1969"
A l'époque j'étais politisé car estampillé UNEF ... et je suivais l'actualité donc les expressions de Duclos m'étaient familières.
Je les ai donc apprises en direct sur la lucarne de l'ORTF de la bouche de l'auteur.
Le FN s'exprime avec le français. Faut-il condamner toute expression française parce que un politicien FN l'aurait répétée un jour ?

Emmanuel Mousset a dit…

Oui, quand on combat le FN, il faut éviter de reprendre ses slogans (car Duclos est oublié aujourd'hui).

Anonyme a dit…

Majorité et opposition ou bien Majorité et minorité ???

Tout cela est bien incongru ??

Que proposez vous pour ne pas sombrer avec des opposants stériles?

Majorité et contradicteurs ???

Emmanuel Mousset a dit…

Michel Garand a promis une "opposition constructive". C'est de bon sens. Pour le reste, "minorité", "contradicteurs", je prends tous les termes. Il n'y a qu'une seule expression que je rejette : opposition "ad vitam aeternam".