vendredi 28 février 2014

Les écolos nous emmerdent !



J'ai quatre nouvelles à vous annoncer : deux bonnes et deux mauvaises. Je commence par quoi ? Les bonnes, c'est plus simple : Alain Berdal, commerçant bien connu des Saint-Quentinois et vice-président de la chambre de commerce de l'Aisne, soutient Michel Garand, tête de liste socialiste. C'est évidemment un renfort de poids. Aux dernières municipales, certains s'étaient moqués d'une liste d'enseignants ; cette fois-ci, avec Polak, Héry et Berdal, n'est-ce pas plutôt la revanche des commerçants ? En même temps, la droite a son pendant, en la personne d'Hervé Halle, soutien de Xavier Bertrand.

Deuxième bonne nouvelle de la journée : un autre soutien à Michel Garand, national celui-là, la venue de Vincent Peillon le 10 mars à Saint-Quentin. Enfin, nos camarades parisiens se rappellent à notre bon souvenir ! Avec cette visite du ministre de l'Education nationale, il se confirme que le thème des rythmes scolaires s'impose dans la campagne des socialistes saint-quentinois.

Les deux mauvaises nouvelles maintenant : il pleut ce matin sur Saint-Quentin et les écologistes nous lâchent. Pourtant, à l'annonce de la liste, leur présence était actée, avec les candidatures de Nora Ahmed-Ali et de Jean-Philippe Daumont. Dans mon billet d'hier, je me demandais seulement pourquoi Michèle Cahu, conseillère régionale déléguée, n'en faisait pas partie. J'ai la réponse ce matin, qui tombe comme la pluie : EELV ne présente pas de candidats, ni ne soutient de liste à Saint-Quentin (voir le Courrier picard) ! C'est signé Gérard Pananceau, "secrétaire de la section de Saint-Quentin", que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam, ni de nom ni de visage. Les écolos, c'est parfois comme les champignons : il pleut et ça pousse tout seul.

Mais Pananceau est soutenu dans sa démarche par les responsables régionaux du parti, dont ... Michèle Cahu. Pourquoi ce lâchage ? "La désignation interne n'a pas eu lieu", explique la conseillère régionale. A trois semaines du vote ? On a du mal à le croire. Dans d'autres villes, la situation est comparable : les écolos tirent dans le dos du PS, rejoignent parfois des listes Front de gauche. Une conseillère régionale EELV est allée jusqu'à rallier l'UMP, ce qui a obligé le groupe écologiste au Conseil régional de Picardie à se reconstituer. Bref, le merdier, des gens pas sérieux, quelques-uns bassement intéressés.

Je ne veux pas généraliser injustement, mais tout de même : le "fonctionnement" du parti écolo, c'est tout ce que je déteste dans la vie politique. Que des personnalités comme Daniel Cohn-Bendit et Noël Mamère l'aient quitté en dit long sur l'état moral de cette "organisation". Le ver était dans le fruit dès le départ, en 2012 : les écolos désignent une candidate à la présidentielle, Eva Joly, qui défend des thèses radicales, alors que le parti négocie en sous-main avec le PS un programme très modéré, en vue d'obtenir un groupe à l'Assemblée et des ministères. On peut vouloir l'un ou l'autre, c'est parfaitement légitime ; mais les deux en même temps, non. Ce mélange de radicalité et d'opportunisme m'est insupportable. Les écolos étant au gouvernement, faisant partie de la majorité présidentielle, ils devraient tout naturellement rejoindre les listes PS aux élections municipales. Sinon, c'est aberrant (surtout lorsqu'ils ne présentent pas eux-mêmes leur propre liste).

Revenons à Saint-Quentin. Que sont les écologistes ? Rien. Que font-ils ? Rien. Qu'apportent-ils au PS ? Rien. Ah si : des emmerdements. C'est cher payé pour avoir leur logo, que personne ne remarque, au bas d'une affiche. Les responsables d'EELV ne veulent pas de nous ? Alors, passons-nous d'eux ! Que Michel Garand remplace les deux écologistes, qu'il aille chercher ailleurs, les candidats sérieux ne manquent pas ! Je suis en colère (c'est rare), parce que je suis triste (c'est fréquent) : à Saint-Quentin, le PCF ne veut plus être notre allié, LO lance sa propre liste ; et c'est maintenant les Verts qui s'y mettent ! Et demain, qui ? Le MRC qui nous fera un coup à la Ribeiro ? Il n'y a qu'avec le PRG qu'on soit tranquille : comme il n'existe pas, il ne risque pas de poser problème ...

Je souhaite que Michel Garand réaffirme son autorité, qu'il remette de l'ordre dans la gauche locale. En politique, on peut adopter les positions qu'on veut, vouloir se distinguer du parti socialiste ou même s'opposer à lui. Mais il faut en assumer les conséquences et ne pas introduire du désordre. Tout ça est d'autant plus scandaleux que la plupart des élus écologistes ne pourraient pas se faire élire par eux-mêmes, n'existent que grâce au parti socialiste.

Ma tristesse, c'est aussi de me dire que les Saint-Quentinois ne peuvent pas être incités à voter, dans un tel foutoir. Ma tristesse enfin, c'est de déplorer que la plus belle et la plus grande idée de ce début de siècle, l'écologie, soit portée par des médiocres et des intrigants (il va de soi que je ne mets pas tout le monde dans le même sac, que je salue le travail de nombreux militants de base qui oeuvrent concrètement pour l'écologie, je pense notamment, chez nous, à Evi Ralli, dont j'ai déjà eu l'occasion de faire le portrait).

Au moment où je termine ce billet, la pluie sur Saint-Quentin ne s'est pas arrêtée et me met forcément de mauvaise humeur. Les écologistes sont chiants, chiants comme la pluie.

jeudi 27 février 2014

Les 44



La liste de Michel Garand, tête de liste socialiste aux élections municipales, est connue depuis hier soir. C'est la 4e liste validée sur Saint-Quentin (après le PCF, le FN et LO, en attendant celle de Xavier Bertrand). L'analyse est difficile : la comparaison avec les listes précédentes n'est pas forcément pertinentes, puisqu'il y avait alors union de la gauche (pour trouver une situation comparable, il faudrait remonter à 1995, la liste présentée par Maurice Vatin, mais c'est un peu loin). Et puis, une liste est le résultat de toute une série de contraintes (la parité, les choix personnels de chacun, ...) qui ne rendent pas facile une lecture politique.

Enfin, les absences ont parfois autant de signification que les présences, et la place dans la hiérarchie de la liste n'est pas négligeable. De plus, étant moi-même juge et partie, connaissant bien le milieu, il me manque le regard distancié et beaucoup plus objectif du journaliste. C'est pourquoi je rédige ce billet avec beaucoup de prudence, sachant tout de même que l'annonce de la liste socialiste et de ses alliés est l'événement politique du jour. C'est pourquoi, une fois n'est pas coutume, je ne lirai pas tout de suite la presse locale, j'attendrai d'avoir exposé mon propre point de vue avant de commenter, dans un prochain billet, les réactions.

Ce qui est d'abord politiquement marquant, c'est que le carré de tête, les quatre noms après celui de Michel Garand, est purement socialiste, avec pour la première fois une forte présence de l'appareil fédéral, dans les personnes de Jacques Héry (secrétaire fédéral chargé des élections) et de Stéphane Andurand (premier secrétaire fédéral-adjoint). Logique : c'est ce soutien de la Fédération qui a permis la désignation massive de Michel Garand. Mais il faut ajouter (comme quoi tout est relatif) que par le passé, les Saint-Quentinois étaient assez peu représentés au sein de l'appareil fédéral, et pas à des postes stratégiques.

La première non socialiste sur la liste arrive en 6e position : il s'agit de Nora Ahmed-Ali, qui fait donc figure, au titre de EELV, d'alliée privilégiée. C'est la récompense d'une grande persévérance, puisque Nora était déjà présente en 2001 sur la liste d'Odette Grzegrzulka, en première position chez les écologistes. Toujours chez les alliés, Laurent Elie, auparavant maire-adjoint de Jeantes, en Thiérache, représente le MRC. Normalement, la liste doit contenir des membres du PRG, mais je ne les ai pas identifiés, ce parti n'ayant plus depuis longtemps d'activités publiques dans la ville.

En ce qui concerne la représentation des courants internes au PS, le trait le plus saillant est l'effacement de l'aile gauche, dont les deux figures les plus emblématiques, Jean-Pierre Lançon et Anne Ferreira, ne jouent plus de rôle prépondérant, de par leur position sur la liste. De même, du côté cette fois des absents, il n'y a pas de retour des socialistes "historiques" : Maurice Vatin, ancien conseiller régional, Denis Lefèvre, ancien président du district (l'actuelle agglomération) ou Yvonne Bou (ancienne maire-adjointe), des noms qui résonnent encore dans la mémoire politique locale. Absence aussi d'une figure régionale de l'écologie, Michèle Cahu, pourtant Saint-Quentinoise. Mais difficile d'en tirer des conclusions politiquement signifiantes ...

D'autres absences, cette fois de personnalités de gauche du monde associatif, sont à signaler : Christian Vilport, président des Jardins ouvriers, Jocelyne Nardi, présidente de l'ASTI (Association de solidarité avec les travailleurs immigrés), Laurent Valentin, de JSC (basket-ball). Mais tout le monde ne peut pas non plus figurer sur la liste, il faut forcément faire des choix. L'impression générale, en comparaison avec les listes passées, est celle d'un large renouvellement : beaucoup de noms nouveaux, du moins dans l'engagement public, ce qui n'est pas plus mal.

Je ne suis pas certain que les Saint-Quentinois soient sensibles aux nuances et subtilités purement politiques de la liste. En la parcourant, je crois qu'une seule question sera posée par eux : y a-t-il des gens connus (la fameuse "société civile") ? Ce n'est pas vraiment l'étiquette politique des uns et des autres qui est déterminante (c'est une liste de gauche, point), mais plutôt la notoriété, la présence dans la vie locale.

De ce point de vue, quelques têtes émergent : Fabien Polak, le jeune et dynamique patron du restaurant Le Troubadour, Yann Bouvart, ancien proviseur du lycée Condorcet, Mathilde Goffart-Rigaud, qui en tant qu'animatrice fédérale du MJS (Mouvement des jeunes socialistes) s'était fait connaître l'été dernier en contestant la suppression des bourses étudiantes par le Conseil général de l'Aisne, Jean-Philippe Daumont, responsable de l'association d'éducation populaire des Eclaireurs et Eclaireuses de France (des scouts laïques), Geneviève Rozier, qui apparaît régulièrement dans la presse locale (dernier article en date, le Courrier picard d'avant-hier) à propos du mur de sa cour, pour lequel elle est en conflit (ancien) avec les autorités locales.

Je pense que la présentation publique des membres de la liste nous permettra d'en savoir plus sur les uns et les autres. Désormais, de par leur engagement électoral, ils deviennent des personnages publics, et demain conseillers d'opposition ou maires-adjoints pour certains, selon les résultats de l'élection. Mon absence de cette liste ne signifie aucune distance ni réticence : j'ai seulement voulu respecter le vote des adhérents. Aux 44, je souhaite une campagne dynamique et persuasive, avec au final la plus belle récompense qu'on peut avoir quand on fait de la politique : la victoire.

mercredi 26 février 2014

Images sans paroles



L'Ukraine, c'était surtout la semaine dernière. Dans quelques jours, le pays aura disparu de l'actualité. C'est à ce moment-là qu'il m'intéresse, que j'ai envie de commenter, quand les événements se sont tassés. Quels événements ? Vu de chez nous, ce sont des images qui défilent sur nos écrans de télé. Mais qu'est-ce qu'on comprend à une image ? Un méchant président et de vilains policiers, de bons manifestants qui meurent le drapeau européen en main. Comme tout le monde, je suis du côté de la foule, du peuple ; peut-être même plus que tout le monde, puisque je suis très pro-européen, pour l'ouverture des frontières, pour l'accueil de nouveaux pays. Sauf que les images ne sont que des images, qu'il faut donc s'en méfier, du moins les interroger.

Or, j'ai eu l'impression, à propos de l'Ukraine, que nous avons assisté à un déferlement d'images sans paroles, pourtant indispensables à la bonne compréhension de ce qui se passe. Il allait tellement de soi que les manifestants étaient du côté du bien et le régime du côté du mal que tout commentaire devenait superflu, inutile. Ce n'était plus des images, mais des icônes. Et quand les paroles tout de même les accompagnaient, elles étaient hésitantes, incertaines, parfois contradictoires, comme l'étaient d'ailleurs les images, quand on leur prêtait attention. Le fond du problème, c'est que nous ne savons rien, installés devant nos télés, de l'Ukraine, de son peuple et de son histoire (alors que nous sommes abreuvés depuis notre enfance d'images sur les Etats-Unis d'Amérique).

Ces manifestants, que voulaient-ils vraiment ? Lutter contre un régime corrompu ? Se libérer d'un gouvernement pro-russe ? Rejoindre l'Europe ? Défendre la démocratie ? Les images ne le disent pas. Un mouvement pro-européen, soit : mais est-ce qu'on accepte de mourir pour une union douanière qui libéralise les échanges commerciaux et réclame une politique d'austérité ? Je sais que l'Europe ne manque pas de charme, mais ça demande à être réfléchi ... Un mouvement anti-russe, pro-occidental, moderniste ? Quand on sait que plus de la moitié de la population est orthodoxe, de culture slave, qu'une bonne partie parle russe, quand on voit des prêtres barbus brandissant la croix byzantine au milieu des manifestants, quand on constate que les victimes reçoivent des obsèques selon le rite orthodoxe (cercueil ouvert, croix russe à quatre branches), on doute un peu. Un mouvement anti-corruption ? Le régime ukrainien a toujours été corrompu, celui-là pas plus que les précédents. Et quand on fait visiter aujourd'hui la belle maison du président déchu, je me dis que la plupart des chefs d'Etat au monde vivent dans un pareil luxe.

La limite des images, c'est qu'elles ne rendent pas compte de la complexité d'une situation. Et pour simplifier, nous projetons souvent nos désirs, nos références, nos idées toute faites sur un monde méconnu, une société contradictoire. On croit comprendre et on se méprend. Culturellement, l'Ukraine n'est pas homogène. C'est même une géographie et une histoire très divisées. Orthodoxes et catholiques s'y affrontent, les seconds ayant créé une église uniate (elle reprend le rite orthodoxe, mais au profit du Vatican) à laquelle les premiers sont très hostiles : vu de France, ce n'est pas grand chose, une querelle de curés ; là-bas, c'est fondamental.

Et puis, il y a le lien avec la Russie, qui est née en Ukraine, dans le prolongement d'un empire que tout le monde a oublié aujourd'hui (le mot n'évoque plus que César, Charlemagne et Napoléon) : l'empire byzantin, une des plus grandes civilisations au monde. A propos de la Russie, la méprise est aussi grande que pour l'Ukraine, même si la connaissance semble meilleure. Je suis surpris de l' image (puisque nous sommes encore dans l'image) très négative que les médias français véhiculent de Vladimir Poutine. J'ai regardé hier soir, sur France 2, un documentaire à charge contre le "maître du Kremlin" (cliché) : dès les premières images (encore elles !), la messe était dite, le verdict tombait, Poutine ne pouvait qu'être mauvais, despotique. Et pourquoi ? Parce que lors de son installation à la présidence, des hommes et des femmes s'empressaient pour le saluer et le toucher (relent de tsarisme, selon le réalisateur, Jean-Michel Carré). Comme si les chefs d'Etat occidentaux ne connaissaient pas autour d'eux une telle ferveur !

Evidemment que la Russie n'est pas la France ! Nous avons deux siècles de culture républicaine et parlementaire, les Russes n'ont que 20 ans, après avoir connu 70 ans de totalitarisme soviétique : comment pourrait-on leur reprocher d'être à un stade démocratique moins avancé que nous ? Pourtant, regardez la vie politique russe, les programmes de télévision : la démocratisation est en marche, l'opposition peut s'exprimer, les caméras se baladent un peu partout, il y a même une forme d'occidentalisation et d'américanisation des moeurs (pour le meilleur et pour le pire). C'est sans commune mesure avec l'époque communiste, où les libertés fondamentales avaient été supprimées. Poutine s'est battu contre les oligarques, qui voulaient mettre en pièces le pays en libéralisant complètement le marché. Il a amélioré les salaires des fonctionnaires, il a remis de l'ordre dans l'économie, il a aujourd'hui le soutien de la majorité de la population.

Toute chose égale par ailleurs, le régime de Poutine ressemble à la France gaulliste des années 60 : dirigisme d'Etat, contrôle des médias, exaltation du patriotisme, police musclée, conservatisme des moeurs. Sauf que la Russie revient de loin, alors que la France d'il y a 50 ans avait toute une culture démocratique derrière elle. Vladimir Poutine a aussi contre lui son image : visage renfrogné, sourire absent, yeux légèrement bridé d'oriental (ah, Obama, tellement souriant, décontracté, sympa !). En le voyant, on pense à l'officier du KGB ; mais Bush père ne rappelle jamais le patron de la CIA !

Qu'on me comprenne bien : je suis français, républicain, occidental ; le régime de Poutine et ses atteintes aux droits de l'homme, ce n'est pas ma tasse de thé, ou plutôt mon verre de vodka. Mais je trouve injuste et injustifié de le réduire à une série d'images négatives. Et puis, j'ai une autre raison : je suis européen, mais l'Europe pour laquelle nous allons voter en mai ne peut plus être celle des années 50, sous influence américaine, chargée de contenir la sphère soviétique, ne se préoccupant que d'économie. Je suis pour l'Europe continent, de l'Atlantique à non pas seulement l'Oural, mais jusqu'au Pacifique.

Les grands ensembles de demain, peut-être dans un siècle, seront continentaux : l'Afrique, l'Amérique, l'Asie et donc aussi l'Europe, toute l'Europe, y compris la Russie. L'Europe ne peut plus se cantonner à être le petit cap avancé du continent ; elle doit s'ouvrir à l'Orient, ne plus être l'Europe occidentale, anglo-saxonne que nous avons connue pendant longtemps, mais qui n'est que sa préhistoire. Pour ce faire, nous pouvons aller chercher dans notre histoire nationale une longue tradition d'alliances avec la Russie. Je ne sais pas si toutes ces questions et réflexions seront abordées pendant la campagne des européennes, mais les événements d'Ukraine devraient nous y inciter.

mardi 25 février 2014

Garand en grand



Michel Garand, tête de liste socialiste aux élections municipales à Saint-Quentin, a organisé hier soir sa troisième réunion de quartier, dans l'ex-MJC Pablo Neruda, à Europe. C'était l'occasion pour lui de reprendre, de développer et de préciser son programme. Parmi le public attentif, quelques personnes prenaient consciencieusement des notes et un monsieur au milieu filmait. L'intervention du candidat a duré trois quarts d'heure. En voici la teneur :

La réforme des rythmes scolaires n'est pas ce qui empêche une baisse des impôts (réponse à Xavier Bertrand, qui affirmait le contraire dans L'Aisne nouvelle de samedi). Il y a des aides de l'Etat et de la caisse d'allocations familiales : la Ville perçoit 103 euros par élève.

En matière d'emploi, la Ville de Saint-Quentin n'use pas suffisamment des clauses sociales dans les marchés publics (huit fois et demi moins que dans la moyenne des villes). Les contrats d'avenir ne sont pas utilisés.

Les impôts locaux ne doivent pas augmenter, même si les dotations d'Etat diminue.

Le projet municipal sera financé à moyens constants, mais par redéploiement des attributions. Ainsi, la subvention annuelle de MATELE (800 000 euros) ou celle du gala de boxe (500 000 euros) seront utilisées autrement.

Les transports publics seront gratuits pour les personnes âgées, et la gratuité pour tous n'est pas à terme exclue, comme dans certaines villes.

La zone franche, qui s'arrêtera à la fin de l'année (mais les exonérations continueront pendant 9 ans), a déplacé les activités plus qu'elle n'en a créé de nouvelles. Elle a entraîné des inégalités entre les quartiers et désertifié le centre-ville (28 professions libérales avant la création de la ZF, un seul médecin aujourd'hui). L'animation du centre en a été affectée. Les zones sensibles seront retravaillées, une galerie commerçante créée et les halles modernisées.

Un espace de compétitivité, dans le quartier Europe, soutiendra financièrement les projets des jeunes, afin de susciter de l'activité (5 000 à 10 000 euros ).

Les associations seront aidées, d'abord par la réfection des bâtiments où elles se réunissent (salle Foucauld, par exemple, datant des années 60). Le transport des enfants participant à des manifestations sportives aux alentours sera assuré par des véhicules municipaux (8-9 places), mis à disposition. Le coût sera défalqué de la subvention.

En réponse à Xavier Bertrand qui, dans L'Aisne nouvelle, avait proposé de nouvelles formes de démocratie locale, notamment un changement dans le fonctionnement du conseil municipal, le maintien en l'état a été réaffirmé (pas de participation du public). En revanche, un forum annuel du monde économique et associatif sera organisé.

L'art et la culture seront favorisés, en particulier par la création d'un festival des arts de la rue et, pourquoi pas, un festival de l'accordéon. La plage de l'Hôtel de Ville et le village de Noël seront préservés, et une grande animation par saison sera proposée dans le centre-ville. Une Cité des sciences et de la découverte permettra de valoriser l'histoire des techniques liée à Saint-Quentin. En revanche, le projet d'une Silicon Valley de la robotique numérique, jugé trop prétentieux, n'est pas retenu (c'est un projet défendu par Pierre André et Xavier Bertrand). Le robot Nao ne doit pas être pris comme modèle, parce qu'il n'est pas propre à Saint-Quentin.

L'intervention de Michel Garand a été suivie de réactions du public :

Jean-Pierre Lançon, actuel chef de file de l'opposition municipale, est intervenu plusieurs fois, en s'excusant d'intervenir plusieurs fois. Il a d'abord dénoncé la précipitation dans laquelle la subvention avait été accordée à MATELE (avant mars 2013, pour ne pas entrer dans les comptes de campagne). Il considère que les 500 000 euros versés à l'association de Pascal Cordier pour les événements culturels et sportifs doivent être repris, la Municipalité faisant mieux et à moindre coût. Le budget communication, qui s'élève à 1,3 millions d'euros, pourrait être baissé de moitié, l'économie étant par exemple reversée aux écoles. Jean-Pierre Lançon a qualifié le petit robot Nao de "piège à cons de Pierre André" et a ironisé sur sa vision planétaire, en estimant qu'il ne fallait pas faire rêver les gens avec du faux. Il a parodié Xavier Bertrand en se levant, serrant la main à quelqu'un et embrassant une autre personne, en prononçant cette formule : "J'te la prends, j'te la s'coue, j't'embrasse", censée caricaturer la propension du maire à saluer ses administrés. Sur la communication, il a lancé un retentissant "J'm'en fous que Saint-Quentin soit connu à Paris", et concluant par un définitif "Il est mal barré" (Xavier Bertrand, pour sa réélection).

Laurent Elie (MRC) est revenu sur la Silicon Valley, en remarquant qu'il avait fallu 16 années pour la mettre en place aux Etats-Unis, s'étonnant que la droite ne l'ait pas fait en 18 ans de pouvoir.

Stéphane Andurand a fait une analogie entre la mairie de Saint-Quentin et une entreprise dont le patron serait souvent absent, et qui ne pourrait donc pas fonctionner. Michel Garand a rappelé une règle de management : "on ne dirige pas de loin".

Christophe a dénoncé Intervilles, l'arrivée du Tour de France, la BUL, estimant que les gens avaient besoin de travail, pas de divertissement. Il a regretté aussi le parking payant de l'hôpital.

Pascal a souligné la tristesse des quartiers de la ville, la dévitalisation du quartier Europe et le quartier de Vermand, devenu "zone de non droit".

Jean-Robert Boutreux (PRG) a estimé que Saint-Quentin n'avait pas d'image, pas de rayonnement national et international, et que les Saint-Quentinois n'étaient pas fiers de leur ville.

Mourad s'est inquiété de la montée d'un FN décomplexé, qui distribue en plein jour dans le quartier Europe, alors qu'autrefois il s'y prenait très tôt le matin ou tard le soir. Il craint une explosion sociale.

Michel Garand, revenant sur la communication, déplore la brochure distribuée maintenant pour annoncer les manifestations du centenaire 1914-1918, alors que la guerre n'a été déclenchée que le 4 août. C'est selon lui une opération de propagande en faveur de l'équipe municipale.

Le candidat tête de liste a conclu la rencontre par une condamnation ferme du Front national, qualifié de "national-socialiste".

Une toute dernière question est venue de la salle, posée par Yann : quand tu seras maire, as-tu aussi l'intention de devenir président de la République ? Le candidat a fait une moue factice et répondu : non, mais j'aimerais bien me présenter à la présidence de l'Europe. La réunion s'est terminée sur cette boutade.

lundi 24 février 2014

Déjeuner en ville



J'ai déjeuné à midi avec Pierre André, dans un restaurant du centre-ville au nom très stendhalien. Il y a des années qu'on devait le faire. A la sortie de mon livre "Les Saint-Quentinois sont formidables", le maire m'avait invité au Sénat. Mais ce jour-là, grève des trains (ça ne s'invente pas !) : je n'ai pas pu faire le déplacement. Aujourd'hui, aucun problème de ce côté-là, ni d'un autre : tout est clair entre nous, il n'a rien à me proposer et je n'ai rien à lui demander. Lui est à l'UMP et soutient Xavier Bertrand, moi au PS et je soutiens Michel Garand.

Mais pourquoi se rencontrer ? Parce qu'il m'intéresse et je crois que je l'intrigue : il lit chaque jour mon blog, depuis le début, il doit se demander ce qui me motive à écrire autant. Un jour, il m'a traité de "phénomène", mais dans sa bouche c'était un compliment (pas comme lorsque le capitaine Haddock traite le professeur Tournesol de "zouave" dans Objectif Lune). Mon mystère à ses yeux, c'est d'être connu et apprécié un peu partout en ville ... sauf chez mes camarades socialistes !

Pierre André en vient à se demander si j'aspire vraiment à la réussite politique (oui !). Il m'adresse un seul reproche : "l'auto-dérision" dans mes billets. "Ca ne se fait pas en politique", me dit-il. Mais justement : je le fais parce que "ça ne se fait pas". Nos concitoyens sont désabusés des militants excités et des leaders qui se prennent le melon : j'assume la distance, l'auto-dérision, qui n'empêchent pas d'ailleurs l'analyse et la proposition sérieuse.

A vrai dire, je n'avais pas l'intention, en acceptant son invitation, de parler politique, mais plutôt littérature, philosophie, histoire, pourquoi pas spiritualité. Ce qui m'intéresse chez Pierre André, c'est ce qui n'est pas le "Pierre André" qu'on connaît, maire, sénateur, président de la communauté d'agglomération, mais la personne, ses goûts, sa vie, ses références (intellectuelles, morales, etc). Mais non : nous sommes très vite retombés dans la politique, comme Obélix dans son chaudron de potion magique (peut-être aussi par pudeur). Pierre André a commencé la politique active à l'âge de 17 ans, c'est dire. Nous avons passé en revue les sujets du jour : la campagne des municipales, Bertrand, Garand, Tournay, le FN, les pronostics, tout ça sans ordre, par petites touches, avec autant d'intuitions que de réflexions. On a même parlé de franc-maçonnerie (pas trop son truc, même s'il a été lui aussi sollicité).

Sur la politique nationale, je le laisse s'exprimer, en l'écoutant attentivement, car ce n'est pas lui que je vais convaincre (et réciproquement) : le cumul des mandats, il est pour, parce qu'un parlementaire peut beaucoup apporter à sa ville ; mais il est favorable à une limitation dans la durée. La réforme des élections cantonales (la parité titulaire/suppléant) : une "connerie", selon lui. Les impôts, Pierre André pense que les municipalités ne pourront que les augmenter, à cause de la diminution des dotations d'Etat (la politique de la Ville). Là, le point de vue mérite qu'on y réfléchisse sérieusement.

Ce que je veux surtout savoir, c'est quelles leçons il tire de sa longue vie politique, éventuellement quelle sagesse en ressort. Ce qui est original chez lui, c'est qu'il a fait le chemin inverse à beaucoup d'autres : il a commencé par la politique nationale, dans les années 70, au sein des ministères, repéré par Jacques Chaban-Delmas, et c'est ensuite qu'il a souhaité un enracinement local. Paris, ce n'était pas fait pour lui (même s'il y revient quelques décennies plus tard, par le palais du Luxembourg, en sénateur).

Ce que j'en retiens : en politique, il faut s'enraciner, durer, surmonter les difficultés. Au bout du bout, je crois percevoir en lui une petite pointe de lassitude, la politique étant devenue si difficile aujourd'hui (mais il a ses bébés André : Bertrand, Lavrilleux, Gruny). Quoi qu'il en soit, c'est un homme libre et qui apprécie sa liberté, comme j'apprécie dans mon assiette le croustillant de saumon au basilic et son beurre nantais, suivi d'un crumble minute aux fruits de saison (que je vous recommande vivement).

En jetant un coup d'oeil dans la rue (lui et moi sommes installés derrière la vitre), nous apercevons de l'autre côté Aurélien Walti et Gaël Hérissé passer. On s'amuse de la photo et du commentaire qu'ils pourraient faire, mais cette fois-ci, les observateurs, c'est nous, et ils n'en savent rien ! En sortant du restaurant, après deux heures de conversation, je fais quelques pas avec lui, pour le raccompagner jusqu'à l'Hôtel de Ville. Il n'y a que quelques dizaines de mètre à parcourir, mais déjà trois personnes viennent le saluer. Sans que Pierre André ait besoin de me dire quoi que ce soit, j'ai la réponse à ma question sur la réussite en politique.

dimanche 23 février 2014

D'Harcigny à Kiev



Gilles Pargneaux était en visite à Saint-Quentin mercredi dernier. Il est allé à l'INSSET, au centre social Saint-Martin et a donné une conférence de presse dans un restaurant de la ville. C'est donc quelqu'un d'important. Qui est Gilles Pargneaux ? Je le connais depuis une bonne dizaine d'années. "Connaître" n'est pas le mot exact, mais c'est celui qu'on emploie en politique : voir quelqu'un de temps en temps, c'est le connaître.

Pargneaux, je l'ai souvent vu dans les congrès du PS, et dans les réunions de courants, à l'époque des reconstructeurs, quand les strauss-kahniens étaient alliés aux aubryistes (c'était hier, c'était il y a une éternité ...). Gilles Pargneaux, j'ai mis du temps à connaître son nom : pendant longtemps, c'était pour moi (et pour d'autres), un visage, plus précisément des cheveux, assez longs, une coupe un peu seventies, comme on n'en fait plus guère aujourd'hui. C'est fou comme une apparence physique marque lorsqu'il n'y a pas d'autres marqueurs. Parce que le camarade Gilles, c'était celui qu'on voyait toujours derrière ou non loin de Martine Aubry, qui ne disait rien, qui affichait sans cesse un sourire mystérieux de Bouddha, renforcé par des yeux plissés (qui souriaient eux aussi).

J'aurais pu le prendre pour un garde du corps, s'il avait eu les épaules un peu plus larges, ou bien pour un porte-serviette, mais il n'avait rien en main. La cravate et la veste signalaient l'homme d'importance : pas question de le confondre avec un simple militant. Je ne savais donc pas qui il était, même si sa figure m'était devenue familière au fil des réunions nationales. Pour moi, il faisait partie de ces personnes qu'on voit à chaque fois qu'un homme politique est interviewé par la télé, qui sont juste derrière lui et qui hochent de la tête pour manifester leur approbation aux paroles prononcées.

Et puis, un jour, surprise, j'ai tout su : son nom, sa fonction, son parcours. Et pas dans une réunion à Paris, mais dans l'Aisne ! C'était en 2009, il était candidat tête de liste aux élections européennes. Je n'en revenais pas : le petit homme discret et silencieux derrière Martine Aubry, c'était son puissant bras droit, un "cadre du parti" comme on dit, qui briguait un mandat européen ! Je sais pourtant qu'on réussit en politique en se faisant remarquer le moins possible, mais là, franchement !

De plus, j'apprenais que Gilles était avocat de métier : pour moi, c'est une profession où l'on parle. Un avocat muet, ça n'existe pas ! La preuve que si. Enfin, cerise sur le cadeau : Gilles Pargneaux était né chez nous, dans l'Aisne, près de Vervins, à Harcigny. C'est ce qu'il rappelle toujours quand il vient dans le département, en accroche de discours : on a droit à quelques minutes sur son passé de gamin. Pour la prochaine mandature, Gilles rempile, il est de nouveau number one, donc député assuré. Finalement, sa vie est une longue leçon de morale politique : comme petit poisson deviendra grand, n°2 a des chances de devenir n°1 (mais ce n'est pas non plus garanti).

Gilles Pargneaux est donc venu présenter sa candidature à Saint-Quentin, ce qui n'est pas anodin : c'est la ville de la tête de liste UMP aux européennes, Jérôme Lavrilleux ! Il était accompagné par Anne Ferreira, n°4 sur la liste, et Matthieu Mayer, n°7. En 2009, dans un contexte un peu plus favorable aux socialistes, le PS avait arraché deux sièges : c'est dire à quel point, pour nos amis axonais, ce n'est pas gagné ! Matthieu peut se consoler : il est jeune et ami de Valls, ce qui lui laisse tout l'avenir devant lui. Anne n'a pas non plus à s'inquiéter : la vice-présidence de région est une base de repli. Mais à la guerre comme à la guerre : il faut faire campagne.

Gilles n'est pas très optimiste quant aux résultats dans l'Aisne : "je pense que Le Pen sera en tête", dit-il (L'Aisne nouvelle, 10 février). Il pense aussi que Lavrilleux va perdre des voix, au profit du FN et que le PS va en reprendre aux Verts. Sur le fond, la position de Pargneaux est politiquement très claire : "je soutiens le pacte de responsabilité". Je ne sais pas dans quelle direction Anne Ferreira a dû porter son regard à ce moment-là ...

De cette visite à Saint-Quentin et dans l'Aisne du n°1 sur la liste socialiste européenne, j'ai tout de même un petit regret : il a parlé d'Harcigny, mais il n'a rien dit de Kiev (du moins à lire les articles de presse). Or, s'il y a de valeureux combattants européens à saluer, ce sont eux, les martyrs de Kiev, qui sont morts le drapeau bleu étoilé à la main. Un peuple qui veut rejoindre l'Europe, alors que tant de peuples d'Europe crachent sur l'Union européenne, excités par les leaders souverainistes, nationalistes et xénophobes, c'est un événement qu'il faut élever très haut, brandir comme un formidable argument.

Maître Pargneaux, soyez le défendeur de l'Europe mal aimée, critiquée, calomniée. Camarade Gilou, soyez un européen fervent, lyrique, fédéraliste, comme sait l'être un authentique socialiste. Faites-nous rêver d'Europe, faites-nous aimer l'Europe. Alors, vous les aurez peut-être, vos quatre élus, et la section socialiste de Saint-Quentin retrouvera sa députée européenne. Mais pour ça, il faut aussi nous parler de l'Ukraine, de sa révolution européenne, qui est l'événement historique de ces jours-ci.

samedi 22 février 2014

L'événement au Méphisto



Quel a été l'événement de la semaine à Saint-Quentin ? La candidature de Xavier Bertrand ? La surprise d'Anne Zanditenas ? La liste du FN ? La visite de Gilles Pargneaux (n°1 sur la liste socialiste aux européennes) ? Vous n'y êtes pas, rien de tout ça ! L'événement, c'était ce soir, au pub Le Méphisto, la venue du chanteur américain Kelley Stoltz, un bon du rock anglo-saxon, une célébrité dans le genre (en vignette). La puissance invitante, c'était Raphaël Louviau, alias DJ Raffy , président de l'association Bang Bang. Kelley est en tournée française, dans quatre villes seulement, la dernière chez nous, au "Meph", à Saint-Ku. Cool, non ?

Humilité et ambition



Le grand entretien de Xavier Bertrand dans L'Aisne nouvelle d'aujourd'hui n'apprend rien de vraiment nouveau, puisque le programme du candidat est encore à venir. Un seul point cependant inédit : l'annonce de "nouveautés quasiment uniques en France", en matière de "démocratie locale", assortie d'un exemple, "les séances du conseil municipal vont complètement changer" (pourquoi ne pas donner la parole au public ?). Je ne peux qu'être d'accord avec la mise en place de "nouvelles institutions municipales pour rapprocher les citoyens de la mairie, pour les associer aux décisions".

Pour le reste, en ce qui concerne la politique nationale, c'est la confirmation de nos désaccords : Xavier Bertrand est contre la loi sur le non-cumul des mandats, je suis pour ; Xavier Bertrand est contre l'adhésion de la Turquie et l'accueil de nouveaux pays dans l'Europe, j'y suis favorable ; Xavier Bertrand refuse l'assistanat, je le défends (parce que je mets dans ce terme polémique, négatif et crypté un sens positif).

Le plus surprenant, c'est la fin de l'interview, où Xavier Bertrand, en fixant la date de 2010 pour réaliser son triptyque "plus d'emplois, plus d'habitants, plus d'étudiants", nous donne rendez-vous ... aux élections municipales d'après, comme si celles du mois prochain étaient déjà pliées ! Etonnant aussi l'absence de mention directe à Michel Garand, son adversaire socialiste, comme si Xavier Bertrand ne cherchait pas à cliver, comme s'il se situait presque en dehors du débat municipal, prenant de la hauteur, occupant tout l'espace, s'imposant en candidat quasiment unique.

Dans les quatre semaines de campagne qui restent, la gauche locale doit relever ce défi : cesser les attaques contre le candidat de l'UMP et du centre, se battre sur son programme à elle, mettre en avant son équipe, créer du débat. Michel Garand a exposé les grandes lignes de son projet, qu'il faut maintenant illustrer, étoffer, expliquer : bref, convaincre et séduire. C'est une question d'état d'esprit, qui doit être à la fois humble et ambitieux. Ces deux vertus sont apparemment contradictoires : l'humilité, c'est prendre conscience qu'on n'est pas grand chose ; l'ambition, c'est vouloir devenir quelqu'un. Au contraire, je pense que ces deux qualités morales vont de pair : c'est parce qu'on prend conscience qu'on n'est pas grand chose qu'on cherche à devenir quelqu'un.

A l'égard de Xavier Bertrand, la gauche doit être humble : depuis 20 ans, Pierre André et lui ont gagné toutes les élections municipales ; Xavier Bertrand a été plusieurs fois ministres, chef de l'UMP, et Jérôme Lavrilleux est en train de devenir, à son tour, un leader national de la droite. Si ce constat n'appelle pas à l'humilité, je n'y comprends plus rien ou je tombe dans le narcissisme bouffon. Mais humilité ne signifie pas profil bas, renoncement : reconnaître les qualités et les succès de l'adversaire nous invite et nous encourage à être aussi bon que lui, à nous élever à sa hauteur (c'est ce que j'appelle l'ambition).

A chaque fois que je rencontre en ville Xavier Bertrand, je me dis que cet homme-là a envie d'être président de la République, qu'il le sera peut-être un jour : ça ne provoque en moi aucun ressentiment envers lui, mais au contraire une sorte de motivation à le combattre (démocratiquement). Je peux même éprouver une forme d'admiration, qui renforce encore plus ma détermination à m'opposer à lui : s'il n'y a pas d'estime réciproque, c'est une lutte de polichinelles. Dans un affrontement, les protagonistes sont obligés de donner le meilleur d'eux-mêmes, ils s'entraînent donc l'un l'autre dans une spirale ascendante et vertueuse, quand le débat sait rester digne et respectueux. En République, entre républicains, un adversaire, on lui serre la main, on ne lui tord pas le bras. C'est ce que je souhaite pour Saint-Quentin.

Une gauche ambitieuse, c'est une gauche qui croit en elle, qui parle et qui fait parler d'elle. C'est une gauche pleine d'espoir, et qui fait partager autour d'elle son enthousiasme. On a beau avoir un bon candidat, une belle équipe, un programme parfait : si l'état d'esprit n'y est pas, la victoire n'y sera pas. Un moral de vainqueur, c'est ce mélange d'humilité et d'ambition ; un moral de perdant, ce serait un mélange de prétention et d'impuissance. A partir d'aujourd'hui, à un mois du scrutin, chaque jour va compter, nous rapprochant de la victoire ou de la défaite.

vendredi 21 février 2014

La surprise du chef



Pour une fois, le titre de ce billet ne vient pas de moi : je l'ai trouvé hier, dans l'annonce faite par L'Aisne nouvelle d'une liste LO à Saint-Quentin. La formule m'a plu, je l'ai empruntée. La surprise de ce jeudi n'était pas dans la candidature de Xavier Bertrand, ni même dans celle du FN : seuls les ignorants, les sceptiques ou les angoissés pouvaient douter de l'une et de l'autre. La vraie surprise, c'est la candidature d'Anne Zanditenas et de ses camarades de Lutte ouvrière. Vous auriez, la veille, questionné un responsable de gauche sur la probabilité de voir le parti d'Arlette présenter une liste complète, il vous aurait très sérieusement répondu que non, que ce n'était guère envisageable. Moi-même, je n'y croyais pas : comme quoi on peut être assez bien informé, mettre son nez un peu partout, avoir une oreille attentive et ne pas savoir anticiper quelque chose d'important. C'en dit long aussi sur les cloisonnements qui existent dans la gauche locale, qui empêchent de percevoir un fait politique, un dépôt de liste, qui est loin d'être mineur.

La surprise du chef, soit, mais de quel chef ? Bonne surprise pour Xavier Bertrand, mauvaise surprise pour Michel Garand : trois listes de gauche (PS, PCF, LO) à Saint-Quentin dans une élection municipale, c'est du jamais vu. Il ne manque plus que le POI à l'appel ! Cet éparpillement des voix est évidemment préjudiciable à un seul, le candidat socialiste, qui a besoin d'un rassemblement fort pour passer le premier tour. Notre partenaire habituel, le PCF, va lui aussi pâtir de la concurrence LO, puisque leurs thématiques de campagne sont à peu près les mêmes. Or, le PS a besoin d'un PCF fort, qui dépasse au moins les 5%, pour pouvoir s'allier avec lui en vue du second tour et espérer l'emporter. Sinon, c'est fichu. Bref, la liste LO complique une situation déjà compliquée et compromet une chance de victoire déjà incertaine.

Bien sûr, je réagis ici en socialiste. LO a le droit et, de son point de vue, le devoir de se présenter. S'il y a une chose qu'on ne peut pas leur contester, c'est la rigueur et la cohérence de leur démarche. Humainement, je trouve même très bien que des militants droits, honnêtes, désintéressés soient présents dans le débat. Mais politiquement, dans l'intérêt de mon parti et de mon candidat, je ne peux que le craindre et le déplorer, parce que c'est la qualification du PS pour le second tour qui est en jeu.

Arriver à trouver 44 noms pour constituer une liste, avec la contrainte que représente la parité, ce n'est pas de la tarte ! Qu'un groupe d'extrême gauche, très minoritaire dans le pays et dans la ville, puisse y parvenir, voilà qui étonne et fait réfléchir. Anne Zanditenas bénéficie incontestablement de son statut d'élu municipal, qui crédibilise son action politique, qui lui assure une petite notoriété. En séance de conseil municipal, pendant six ans, elle a fait régulièrement entendre sa voix singulière, très autonome par rapport au reste de l'opposition : des interventions brèves, précises, sérieuses, qui ne cherchaient pas à séduire (Olivier Tournay), à faire rire (Jean-Pierre Lançon) ou à convaincre (Michel Aurigny). Xavier Bertrand lui a accordé une forme de respect, ne tournant pas en dérision ou ne rejetant pas brutalement ses prises de parole (je pense à l'attitude presque déférente qu'avait Pierre André à l'égard d'Alix Suchecki, ancienne adjointe communiste). Anne Zanditenas a un côté austère propre aux trotskistes de Lutte ouvrière, qui ne donne pas prise à l'ironie ou à la légèreté.

Mais une liste n'est jamais le produit d'une seule personne : LO a à son actif une présence militante considérable et persévérante. Ils ont su tenir par exemple le marché du centre-ville, le samedi matin, alors même que les autres partis l'avaient depuis longtemps déserté. Et puis, il y a tout ce travail patient, obscur, invisible dont seuls sont capables un Témoin de Jéhova ou un militant révolutionnaire, et qui aboutit, pour ce dernier, à récolter 44 noms d'une liste municipale, là où d'autres, plus connus, ont pourtant plus de mal.

Enfin, LO a régulièrement organisé à Saint-Quentin des réunions publiques en présence de son leader national, présentement Nathalie Artaud. Les scores de Lutte ouvrière ont beau être modestes, le parti sait remplir des salles. La fréquentation de ce type de rencontre ne dit rien de l'influence électorale, mais beaucoup sur la capacité de mobilisation des militants, qui sont, à gauche comme à droite, le noyau dur (ou mou) d'une possible (ou impossible) victoire. Un meeting de LO, c'est réglé comme du papier à musique, même si on connait la chanson.

Pour un socialiste, le débat avec Olivier Tournay est concevable, propositions contre propositions, et l'alliance par conséquent envisageable, par une série de compromis et de concessions mutuelles. Avec Anne Zanditenas, c'est impossible : non pas parce qu'elle serait fanatique et fermée (je ne le pense pas), mais parce qu'elle se situe dans une perspective strictement nationale, de dénonciation du capitalisme et de la social-démocratie, à partir de laquelle il est difficile d'évoquer les questions proprement saint-quentinoises. En effet, nous dit L'Aisne nouvelle, elle n'aura "pas de programme local en tant que tel". Personne d'ailleurs ne songera à le lui reprocher : quand on a en ligne de mire la révolution et l'instauration d'une société communiste, est-ce qu'on perd son temps à débattre de trottoirs à refaire ou de plan de circulation à modifier ?

Je n'encourage pas à voter LO, sauf dans un cas de figure, celui du citoyen qui veut faire "péter le système", dont l'élan protestataire lui fait rejeter la social-démocratie qu'il juge trop libérale et la droite qu'il trouve trop laxiste, et qui croit se défouler en votant FN : à celui-là seulement, irréconciliable avec les partis installés, je conseille de voter LO, à défaut de voter PS. Je préfère qu'il passe sa colère en s'en prenant aux patrons et aux bourgeois qu'en tapant sur les immigrés et les "assistés". Et s'il prend à cet électeur contestataire de revenir à la raison, d'être un peu plus réaliste, qu'il n'oublie pas que le seul vote qui peut avoir des effets démocratiques, qui peut lui donner des représentants au conseil municipal et éventuellement un maire, c'est quand même le vote socialiste.

jeudi 20 février 2014

L'heure du choix



Décidément, ma boîte aux lettres est ces temps-ci une vraie boîte à surprises (voir le billet de lundi dernier) : ce matin, j'ai reçu, comme vous tous, habitants de notre ville, une enveloppe simplement intitulée "Le choix de Saint-Quentin". Avant même d'ouvrir, je savais que c'était lui, Xavier Bertrand, qui annonçait sa candidature.

La surprise ne vient donc pas de cette fausse vraie nouvelle : il était clair que Xavier Bertrand serait candidat, il ne pouvait pas en être autrement. Non, la surprise est ailleurs, dans la forme : tout le monde s'attendait à une déclaration classique, dans un point-presse ou lors d'une réunion publique. Xavier Bertrand a choisi une présentation moins spectaculaire, moins solennelle mais tout aussi efficace : la lettre à chaque foyer, le contact direct avec les Saint-Quentinois. La médiatisation viendra après, sans qu'il ait besoin de forcer : dès aujourd'hui sur les sites et demain dans la presse, les commentaires seront assurément nombreux, avec peut-être une interview dans les éditions de samedi. C'est la tactique de Xavier Bertrand : garder le silence, laisser ses adversaires parler de lui, se rendre présent alors même qu'il est absent. Il y aura assez bien réussi jusqu'à maintenant.

Visuellement, c'est la sobriété de la lettre, dans un style très "officiel", que je retiens : une couleur bleue dominante, un hôtel de ville pas très jojo et un peu flou au fond, le buste du candidat qui n'est pas en très gros plan, un visage tout en retenu, au sourire timide, des yeux à la fois doux et vifs. Le nom lui-même n'est pas en très grosses lettres, le slogan de campagne étant privilégié : "Le choix de Saint-Quentin". Je crois que l'impression que veut donner Xavier Bertrand est contenue dans un mot du texte, pourtant plus évangélique que politique : "humilité" (au verso de la lettre).

Dans le contenu, le premier mot qui saute aux yeux, répété 13 fois, qui ouvre la lettre, la termine et constitue son slogan, c'est le mot de "choix". Ainsi, Xavier Bertrand répond à l'argument le plus fréquemment avancé par ses adversaires, qui pourrait faire mouche auprès de la population : entre député et maire, entre la France (dont il aimerait devenir le président) et Saint-Quentin, il n'a pas choisi, ou il a mal choisi. C'est tranché (du moins pour le moment, puisque la politique est un art de l'instant et des circonstances) : c'est Saint-Quentin. Voilà le message principal que nous transmet le candidat.

Ensuite, ce qui me marque dans ce courrier, c'est la dimension délibérément affective (là encore en décalage avec l'univers politique, qui n'est pas fait de tendresse) : "le choix du coeur", illustré par un vocabulaire sentimental et surtout trois exemples dignes d'un storytelling : la "maman courageuse" qui élève seule son enfant handicapé, le "père de famille" au chômage qui retrouve un emploi, les "grands-parents" qui n'ont pas les moyens d'aller en vacances mais sont heureux de faire profiter du Village de Noël à leurs petits-enfants. Tout y est : les difficultés de la vie, la valeur familiale, l'effort moral, la solution municipale.

Enfin, dans son contenu strictement politique, on retrouve les positions bien connues de Xavier Bertrand : en matière de bilan, il souligne que les impôts n'ont pas augmenté, que le chômage a progressé moins vite qu'ailleurs et que la population s'est accrue ; en matière de projet, il reprend le triptyque "davantage d'habitants, d'emplois et d'étudiants" (l'ouverture du pôle universitaire en 2015 est mentionnée).

Outre le candidat, un seul nom propre est indiqué, la référence incontournable, dont le bilan 1995-2010 est sanctuarisé, y compris par la tête de liste socialiste : Pierre André, qui n'a pas fini de faire parler de lui. Etait-il besoin de préciser que la liste "sera naturellement renouvelée" ? Aux principaux concernés oui, puisqu'il y aura forcément des déceptions.

Aucune mention n'est faite de l'UMP ou de la droite, et seulement une pique envers "l'échec de la politique nationale du gouvernement" contre le chômage. Sinon, la candidature est rigoureusement locale. Je note aussi, en bas de courrier, recto et verso, les informations techniques et pratiques où rien ne manque : le site internet, le compte twitter, la page facebook et la permanence électorale.

Pour les Saint-Quentinois, l'heure du choix a donc commencé, et cette heure aura la singularité de durer quatre semaines, qui est le temps qui nous sépare du premier tour de l'élection municipale. Pour moi, le choix est fait, mon heure ne tient même pas en une seconde : depuis que j'ai l'âge de voter, je vote socialiste, parce que depuis l'âge de 14 ans (la campagne présidentielle de 1974), je suis socialiste, de coeur d'abord, de carte ensuite (avoir des certitudes, ça simplifie la vie). Mais pour tous les citoyens qui ne sont pas forcément passionnés de politique, encore moins engagés, la réflexion débute aujourd'hui, les forces en présence sont à peu près connues, le débat entre elles va s'engager. Vive la politique, vive la démocratie !

mercredi 19 février 2014

Les bons



Connaissez-vous Wingles ? Je suis sûr que le nom ne vous dit rien, comme moi jusqu'à vendredi dernier. C'est une petite ville de 8 000 habitants, dans le Pas-de-Calais, près de Lens. En voiture, c'est à environ 1h30 de Saint-Quentin. Pourquoi vous en parler ? Parce que les socialistes de cette petite ville ont fait fort : ils ont reçu en meeting deux ministres très populaires et très différents, Manuel Valls et Arnaud Montebourg ! Il se trouve aussi que ce sont mes deux ministres préférés, parce que ce sont des bons, les meilleurs du gouvernement. Pourquoi ? Pour trois raisons :

1- Valls et Montebourg sont connus, médiatiques. Ce n'est hélas pas le cas de tous les membres du gouvernement. Je vous avoue que tout socialiste que je suis et assez bien au fait de la vie politique, il m'arrive de voir à la télé des visages et des noms qui ne me disent rien du tout et dont j'ignore les fonctions !

2- Valls et Montebourg ont des physiques et des caractères marqués, bien trempés et curieusement opposés : ce n'est pas secondaire dans la vie publique, où l'image qu'on donne de soi compte. Valls, c'est le petit, crispé, parfois un peu teigneux (c'est une qualité quand on est ministre de l'Intérieur) ; Montebourg, c'est le grand, lyrique, souvent amusant. Ce ne sont pas seulement des personnalités : ils se sont fabriqués des personnages ! Je les aime comme ils sont, dans leurs différences, l'un et l'autre.

3- Valls et Montebourg, au gouvernement, ont engagé des politiques ministérielles repérables, lisibles, fortes et originales : la politique sécuritaire dans le respect des valeurs républicaines pour le premier, le made in France, le patriotisme économique et industriel pour l'autre.

Des bons ne le sont jamais par hasard, mais le deviennent. Pour Valls et Montebourg, de quelle façon ? En faisant leurs dents, leurs griffes et leurs armes dans les batailles internes du PS ! C'est là où ils ont appris les vertus qui les ont rendus bons : la combativité, le détachement, la singularité, la pédagogie. Valls a occupé le créneau social-libéral (pour parler comme nos adversaires), Montebourg a fondé le NPS, surfant sur le besoin de rénovation. En politique, quoi qu'on dise, les meilleurs sont les hommes de parti.

L'habileté de Valls, c'est d'avoir fait 5% aux primaires présidentielles et de se retrouver aujourd'hui en tête des sondages, le ministre le plus populaire du gouvernement (ceux qui se moquent de mes cinq voix dans les "primaires" locales feraient bien d'y réfléchir à deux fois ...). L'habileté de Montebourg, c'est d'incarner une aile gauche, anti-mondialisation, anti-libérale, protectionniste, sans tomber dans le fractionnisme des amis de Marie-Noëlle Lienemann (critique publique, générale et répétée, de la politique gouvernementale).

C'est ainsi que je conçois la politique : la complémentarité des équipes et des sensibilités, et non les rapports de force, l'exclusion et la division. Entre Valls et Montebourg, mon coeur ne balance pas : politiquement, c'est Valls qui a ma préférence. Mais il faut les deux, ensemble, sur un pied d'égalité, pour pouvoir gagner. Bravo donc à nos camarades de Wingles !

Pour la route, je vous offre deux formules que les ministres ont employées lors de ce meeting, que je dédie à tous les socialistes, de France et de Saint-Quentin : "Ne regardez pas les sondages, ne tenez pas compte de l'ambiance nationale, soyez fiers de vos actions et de vos projets" (Manuel Valls) ; "Soit on s'enfonce dans un sentiment d'impuissance, morbide et suicidaire, soit nous repartons au combat" (Arnaud Montebourg).

Puisque Wingles n'est pas si loin de Saint-Quentin, puisque notre ville, par la présence de Xavier Bertrand, a un destin national, pourquoi nos deux bons n'y viendraient-ils pas ? Imaginez la photo de famille : Michel Garand, au lieu d'être encadré par Nora Ahmed-Ali, EELV, et Laurent Elie, MRC (pour lesquels j'ai beaucoup de respect), serait épaulé, à sa droite et à sa gauche, par Manuel Valls et Arnaud Montebourg ! Wingles, 8 000 habitants, l'a bien fait ! Faisons venir les bons, pour qu'à notre tour nous soyons des bons.

mardi 18 février 2014

14-18, c'est parti



L'auditorium de l'Ecole nationale de Musique, à Saint-Quentin, complètement rempli, au point de devoir rajouter des chaises, j'ai rarement vu ça. C'était pourtant hier soir, à l'occasion du lancement du centenaire de la Grande Guerre : la salle était pleine d'anciens combattants, de responsables associatifs, de membres de l'Education nationale, de lycéens ... et de Saint-Quentinois de toute génération (en vignette).

Après l'allocution du maire, Rémi Dalisson, professeur d'histoire à l'université de Rouen, a fait une magistrale, passionnante et très vivante conférence sur la commémoration du 11-novembre. J'en ai retenu quatre idées fortes :

1- L'officialisation incertaine. On croit toujours qu'une cérémonie officielle l'est depuis le début. Pour le 11-novembre, non. D'abord, l'idée de commémorer la Der des Der (qui hélas ne l'a pas été) apparaît ... au milieu de la guerre, à travers des journées de solidarité censées rapprocher l'arrière du front. Et puis, il y a la fête de la victoire de la Marne (les fameux taxis) qui, alors que le conflit n'est pas terminé, dessine déjà très nettement ce que sera la commémoration ultérieure. La paix a beau être proclamée, le 11-novembre n'est pas encore officialisée : décréter un jour férié coûte cher pour un pays ruiné. Beaucoup estiment alors que la grande fête de la victoire, qui a rassemblé deux millions de personnes le 14 juillet 1919, se suffit à elle-même, est un événement unique qui n'a pas besoin d'être réédité. Néanmoins, une fête est créée, celle de Jeanne d'Arc, qui aura vite une autre signification. Il faut attendre 1922 pour que la commémoration du 11-novembre ressemble à ce que nous connaissons.

2- La guerre comme référence. Ce qui est étonnant dans l'histoire de cette commémoration, c'est de constater à quel point la guerre est une référence constante dans la réalité nationale. La première commémoration de ce type (rituel patriotique, défense des valeurs, visée pédagogique) remonte à la guerre de 1870. Pourtant, c'est une défaite militaire ! Mais son souvenir alimente l'idée de revanche. Après la première guerre mondiale, il y en aura une seconde, puis la guerre d'Algérie, jusqu'aux récents conflits auxquels la France a participé, Koweit, Afghanistan et aujourd'hui Afrique. La guerre n'a jamais cessé d'occuper l'espace ou l'horizon politique de notre pays, alors même qu'on croit vivre en paix depuis longtemps. A l'extérieur, au loin, la guerre reste la guerre.

3- L'enjeu idéologique. On pourrait penser que le 11-novembre a toujours été une cérémonie consensuelle, chaque sensibilité pouvant s'y reconnaître. Faux ! La commémoration est au coeur des conflits politiques, les forces en présence voulant la récupérer pour leur propre compte. La République veut en faire un moyen de légitimation du régime, mal accepté dans les milieux ruraux. En 1920, le 50e anniversaire de la IIIe République et la célébration de la victoire de 1918 sont jumelés. Les ligues d'extrême droite, qui sont anti-républicaines, veulent d'un 11-novembre strictement nationaliste. Les communistes, au contraire, en profitent pour condamner l'impérialisme et le capitalisme. Les pacifistes demandent à ce qu'on érige des monuments aux morts avec l'inscription "Maudite soit la guerre" (il y en aura seulement 5 sur 35 000 !). Ces divergences ne sont pas seulement théoriques : des bagarres se déclenchent pendant les cérémonies officielles, des monuments sont vandalisés (20% d'entre eux), il y a des morts. Remi Dalisson a souligné à quel point les sifflets adressés à François Hollande lors du dernier 11-novembre n'ont rien d'exceptionnel, sont même peu de choses par rapport aux incidents du passé. Notons enfin que De Gaulle autant que Pétain ont célébré leur 11-novembre.

4- Le rituel laïque. La IIIe République, laïque et anticléricale, peut sembler très éloignée de toute forme de ritualisation. Et pourtant, elle va mettre en place un cérémonial, une sorte de liturgie républicaine. Une religion cohabite avec une autre, à défaut de s'y substituer. Ainsi, le 11-novembre inaugure la minute de silence, la sonnerie aux morts, la lecture de la liste des disparus. On remet des diplômes et des décorations, on défile devant les monuments aux morts au pied desquels on dépose des gerbes, les enfants des écoles sont présents, les bâtiments officiels sont pavoisés. Mais il n'y a pas de parades militaires, ni de discours politiques : la cérémonie est centrée sur les anciens-combattants, les vivants et les morts. Elle a une dimension de recueillement : on rappelle les sacrifices, les souffrances et les victimes.

Je ne peux que vous inviter à lire les ouvrages de Rémi Dalisson, qui est le spécialiste française de l'étude de la commémoration. J'ai dû partir hélas quelques dix minutes avant la fin de la conférence, et des élus de Saint-Quentin de même, mais nous n'allions pas au même endroit : eux à la dernière séance du conseil d'agglomération présidée par Pierre André, moi à la réunion de bureau de Rencontre Citoy'Aisne. Mais quel beau moment ! Je souhaite bien sûr que les Saint-Quentinois s'investissent dans ce centenaire 1914-1918, tant il est vrai que la Grande Guerre fait partie de l'histoire et de l'identité de notre ville.

lundi 17 février 2014

La voie du mensonge



Hier matin, mon dimanche a mal commencé. Levé de bonne heure, j'ai trouvé dans ma boîte aux lettres le "journal des municipales" du Front national. A gauche, dans Saint-Quentin, la rumeur veut que l'extrême droite rencontre des difficultés à boucler sa liste, dont la présence dans le scrutin serait donc incertaine. Je n'en crois rien : le FN aura, hélas, sa liste, le document reçu le prouve bien.

Que traduit cette rumeur ? Un espoir et une crainte pour la gauche : l'espoir qu'un FN présent permettrait de contribuer à la défaite de Xavier Bertrand, la crainte que son absence ne condamne la gauche à échouer une fois encore. Je n'en crois rien non plus : la liste FN prendra autant de voix à gauche qu'à droite, peut-être même plus à gauche, en puisant dans l'électorat populaire. Les électeurs de Xavier Bertrand se mobiliseront sans trop de problème ; ceux du PS, ce sera beaucoup plus difficile : le contexte national n'est pas porteur et il y a la concurrence de la liste PCF. Dans ces conditions, une liste FN ne peut que fragiliser la situation de la gauche.

Quant à la perspective d'une triangulaire, elle supposerait qu'il y ait un second tour, ce qui est loin d'être acquis. Certes, plus il y a de listes, plus il est difficile à l'une d'entre elles de se faire élire dès le premier tour. Mais le raisonnement n'est valable que si chaque liste réalise un score assez élevé. Ce que je redoute, c'est que le FN passe devant le PS, qu'il se qualifie pour le second tour en éliminant le PS, reproduisant le scénario catastrophe des dernières élections cantonales.

Mais laissons tomber ces rumeurs infondées et ces supputations hasardeuses : l'important aujourd'hui, c'est de combattre le Front national. Son "journal" est un tissu de mensonges. Ses "engagements pour notre ville" (en vignette, dans l'encadré bleu) sont un copié-collé de ce qui est proposé dans toutes les autres villes. Et c'est mensonges sur mensonges. Je reprends chacun des 8 points :

1- Baisser les impôts locaux. A Saint-Quentin, il est déjà bien et pas si facile de ne pas les augmenter, c'est ce que fait la Ville, c'est ce que promettent les candidats de gauche. En quoi le FN ferait-il mieux ?

2- Lutter contre les gaspillages. Quels gaspillages ? Pour le moment, Michel Garand a proposé des économies dans le service de communication et, semble-t-il, un retour de MATELE sur le web. Et la tête de liste FN, Yannick Lejeune, que propose-t-elle ? Parce que là, on ne sait pas.

3- Assurer la transparence totale dans l'attribution des logements sociaux. Mais c'est ce qui existe déjà ! Ce que sous-entend Lejeune, c'est que les logement vont aux immigrés : n'est-ce pas lui qui laisse se propager la rumeur selon laquelle des habitants de Seine-Saint-Denis viendraient s'installer à Saint-Quentin ? Petite saloperie coutumière du FN ...

4- Faire de nos écoles des lieux de transmission des savoirs dans la sérénité. Le FN n'a pas inventé l'eau tiède ! Je ne vois pas ce qu'apporte cette proposition. Jusqu'à présent, ce sont les savoirs qui sont transmis dans les écoles, et la sérénité existe dans l'immense majorité des écoles de France.

5- Refuser toute subvention à des projets communautaristes. Là encore, il faut comprendre les mots derrière les mots. C'est quoi des projets communautaristes ? Pour ma part, je n'en connais pas. Mais là encore, le FN alimente sa xénophobie ordinaire en visant probablement les associations d'immigrés.

6- Défendre rigoureusement la laïcité républicaine. C'est la proposition qui me fait le plus gerber : ces gens-là, héritier de l'extrême droite anti-laïque et anti-républicaine, viennent nous donner des leçons de laïcité et de République ! A vomir ...

7- Organiser des référendums locaux. C'est la seule mesure avec laquelle je suis d'accord. Mais si l'on connaissait les thèmes sur lesquels ces fachos veulent que la population se prononce, je suis sûr que je retrouverais très vite mes désaccords.

8- Mettre fin aux installations sauvages de nomades. Celle-là, il fallait qu'ils la fassent : la xénophobie les démange comme d'autres les morpions. Comme tout le monde, je suis pour le respect et l'application des lois ; mais je n'aime pas qu'on montre du doigt des populations le plus souvent en difficulté.

Derrière ce faux programme local, ces formules générales, apaisantes, lissées, cryptées, je sens à plein nez la puanteur de l'extrême droite, qui n'ose même pas assumer ce qu'elle est, son idéologie, son histoire. "Une nouvelle voie pour Saint-Quentin", disent-ils : oui, la voie du mensonge.

dimanche 16 février 2014

Un moment de bonheur



Les candidats aux élections municipales, déclarés ou potentiels, auraient été bien avisés d'assister au concert de jazz, proposé cet après-midi par l'association Jazz Aisne Co, dans l'auditorium de l'Ecole nationale de musique, à Saint-Quentin. Non pas pour espérer récolter d'hypothétiques voix, de convaincre d'improbables électeurs, mais simplement pour se détendre un peu, pour goûter un moment de pur bonheur.

La politique est un monde de brutalité, d'ingratitude et de grisaille ; une campagne électorale est un tâche harassante : les candidats doivent s'aménager des plages de répit, de calme, de sérénité s'ils veulent tenir jusqu'au bout. D'autant que les semaines qui viennent vont être redoutables : quand le candidat de droite se sera déclaré, la vraie grande bagarre va commencer.

Loin de tout ça, le groupe Mana Swing s'est exécuté sous une lumière tamisée (en vignette). Sonia Rekis, à l'accordéon, en a surpris plus d'un : on ne s'attend pas à trouver le piano à bretelles dans un ensemble de jazz, même quand c'est tendance manouche. A la contrebasse s'est illustré Erich Pralat et à la guitare Eric Legrand.

Le président de l'association, Denis Lefèvre, saluait à l'entrée le public, par de généreuses poignées de main, comme un candidat au poste de maire, qu'il n'est pourtant pas. Cependant, son nom et son visage ne laissent pas indifférents ceux qui ont de la mémoire et qui assistent fidèlement aux séances du Conseil municipal, où le fantôme de Denis Lefèvre est de temps en temps invoqué (le principal concerné ne le sait peut-être pas, comme le cocu est souvent le dernier au courant de sa mésaventure). Mais pourquoi je me mets à vous parler de politique ? J'ai dit qu'il fallait réserver cet après-midi dominical à un moment de pur bonheur, forcément jazzy. La politique attendra demain.

L'arbre de Crépin



Quel est le point commun entre la basilique de Saint-Quentin, le carillon de son hôtel de ville, la fanfare municipale et les mathématiques ? Francis Crépin ! C'est l'un de ces "Saint-Quentinois formidables" qui pourrait figurer dans un second volume de mon livre. Il est très impliqué dans la vie associative locale, je croyais tout savoir de sa vie publique, sauf ce que j'ai appris hier à la bibliothèque municipale, à l'occasion d'une conférence magistrale : Francis est un passionné des arbres de Jessé ! N'allez pas chercher cette espèce dans un manuel d'arboriculture : ce végétal ne pousse que dans la pierre d'église, c'est un motif théologique tiré de la Bible (dans le livre du prophète Isaïe) et exploité à partir du XIIe siècle dans l'art gothique.

Francis Crépin a rappelé combien l'arbre était présent dans les Saintes Ecritures : l'arbre de la Connaissance (Genèse), l'arbre de Nabuchodonosor (Daniel), le Buisson ardent (j'ai pensé aussi au sycomore de Zachée et au figuier stérile dans les Evangiles). Les traditions aztèques, chinoises et égyptiennes évoquent l'arbre cosmique, intermédiaire entre les hommes et les dieux.

Que représente au juste l'arbre de Jessé, dont on trouve un bel exemplaire en basilique de Saint-Quentin ? Le patriarche Jessé, père du roi David, est allongé, endormi : un arbre pousse de sa poitrine et ses branches forment la généalogie des rois de Judas, au sommet de laquelle on découvre le Christ en gloire, Jésus crucifié ou la Vierge à l'Enfant (intéressantes variations théologiques). J'ai dit que l'arbre de Jessé était de pierre, mais il peut être de verre ou de bois, en sculpture ou vitrail (l'un des premiers apparaît dans la basilique de Saint-Denis, de même à Chartres, Le Mans ou dans la Sainte-Chapelle à Paris, mais aucun dans Notre-Dame !).

Chez nous, en Picardie, c'est surtout dans la cathédrale de Beauvais qu'on peut admirer un arbre de Jessé. Clermont, Compiègne et Bussy-le-Long en adoptent, plus tardivement. A Soissons et Amiens, il ne reste que des fragments. Chez nos voisins de Reims, l'arbre de Jessé est l'un des plus petits vitraux qui existent. Heureusement, la pierre prend sa revanche : beaucoup d'arbres vont trouver refuge sur les façades et portails, dans les voussures, cordons et embrasements. Amiens en donne un bel exemple, mais Senlis a été premier. Rouen, Saint-Riquier, Gisors vont suivre (autant d'idées de promenade !).

Venons-en à notre arbre de Jessé saint-quentinois (vignette 2). Quand on entre dans la basilique par la petite porte de droite, il est immédiatement à gauche, dans un coin un peu sombre. Si on ne fait pas attention, on le rate, et c'est dommage. Ce n'est pas tout à fait l'original, dont les têtes ont été coupées à la Révolution, puis restaurées au siècle suivant. Mais il converse ses originalités : d'abord, sa base est formée par Dieu le Père, avec à ses côtés Adam et Eve, en une sorte d'arbre inversé ; ensuite, à sa cime, la Vierge est surmontée d'un Christ en croix ; enfin, Jésus est entouré par Jacob et Joseph. Ce sont ces trois raretés qui donnent à notre arbre de Jessé toute sa valeur, qu'il ne vous reste plus qu'à aller apprécier sur place, de visu.

J'imagine aisément Francis Crépin en chercheur d'arbre, comme il y a des chercheurs d'or, scrutant minutieusement les coins et recoins, cryptes et hauteurs des églises de Picardie, de France et de Navarre. Il connait et domine si bien son sujet que l'arbre de Jessé, qui sort de sa bouche comme celui du patriarche sortait de sa poitrine, finit par devenir l'arbre de Crépin.


Vignette 1 : Francis en fin de conférence illustrée, la dernière image portant sur l'arbre de Jessé en tapisserie, à Reims.

samedi 15 février 2014

Baroud d'honneur



L'Aisne nouvelle, dans son édition d'aujourd'hui, rapporte le souhait de Michel Aurigny, conseiller municipal POI (Parti ouvrier indépendant), d'inscrire à l'ordre du jour du prochain conseil municipal, le 03 mars, la réforme des rythmes scolaires, et le refus de la Municipalité d'accéder à cette demande. Cette séance sera tout à fait particulière : la dernière de la présente mandature, juste avant l'élection municipale. L'actuelle opposition de gauche y fera ses adieux : quel que soit le résultat du scrutin, on ne reverra plus cette alliance baroque entre gauche classique et extrême gauche. La ligne et la liste de Michel Garand, tête de liste socialiste, inaugurent une période nouvelle, qui tourne la page de la radicalisation. Il n'est donc pas surprenant que Michel Aurigny veuille se rappeler à notre bon souvenir, tenter un baroud d'honneur avant de disparaître. Il faut se rappeler que l'union gauche-extrême gauche, c'est à lui et à son parti qu'on la doit, à travers un protocole d'accord rédigé en 2007 par leurs soins et signé par des socialistes alors déboussolés par la division.

Aurigny et ses amis sont anti-socialistes, tendance révolutionnaire, et ça ne s'est pas arrangé depuis la victoire de François Hollande. Il est donc logique qu'il participe à son dernier conseil municipal en s'opposant à une réforme chère au parti et au gouvernement socialistes, celle des rythmes scolaires, sur laquelle Michel Garand et la section PS de Saint-Quentin ont organisé leur première réunion de campagne. Je suis d'ailleurs surpris que la Municipalité n'accède pas au voeu de Michel Aurigny : si j'étais Xavier Bertrand, lui aussi hostile à cette réforme, je laisserais faire, je donnerais à l'élu d'extrême gauche la parole ; il n'y a pas mieux qu'un lambertiste pour détruire une politique social-démocrate ; même la droite n'est pas forcément aussi efficace ...

Quoi qu'il en soit, je veux répondre aux quatre arguments avancés par Michel Aurigny :

1- Le POI a récolté plus de 250 signatures contre la réforme et en conclut que "c'est bien le signe d'un refus majoritaire". Si je sais bien compter, sur l'ensemble des parents ayant à Saint-Quentin des enfants scolarisés à l'école primaire, nous sommes très loin, avec 250 personnes, de la majorité. Cette pétition n'est donc que le signe d'un mécontentement minoritaire, comme il en existe inévitablement dès qu'une grande réforme est mise en oeuvre.

2- Le projet de Vincent Peillon "remet en cause l'égalité entre les écoles. Ce n'est plus l'école de la République ..." Je ne vois pas en quoi l'égalité est menacée par la réforme des rythmes scolaires. Pendant très longtemps, la semaine scolaire a été de 4,5 jours : est-ce que le POI protestait alors contre une école non républicaine ? C'est Nicolas Sarkozy qui a instauré les 4 jours d'école : est-ce qu'il est plus républicain que les socialistes ? Qu'on arrête avec ces jugements excessifs, à l'emporte-pièce ! Le gouvernement aide financièrement TOUTES les écoles qui passent aux 4,5 jours : voilà l'égalité réelle.

3- La suppression de la coupure du mercredi entraîne "la disparition des activités sportives et culturelles lors de ce temps de pause". Non, la réforme ne fait rien disparaître du tout : au contraire, elle permet d'ouvrir les élèves à de nouvelles activités, en particulier les élèves de milieux défavorisés, qui n'ont pas les moyens de se les payer.

4- Il y a "confusion entre l'enseignement et des activités qui n'y ont pas leur place". Non, il n'y a aucune confusion : les heures d'enseignements sont clairement identifiées et distinctes des heures d'activités périscolaires. La crainte est infondée.

Le POI a donc choisi, pour le 03 mars, de sortir du conseil municipal par le haut, en imprimant son identité anti-social-démocrate : ça ne me choque pas, à chacun ses opinions, tout le monde ne peut pas être socialiste ! J'espère au moins que les élus PS sauront lui répondre et ne seront pas dupes de cette intervention. Et je me pose une question que personne ne songe à poser à Michel Aurigny : le POI présentera-t-il une liste aux élections municipales ? En 2001, il l'avait fait et obtenu 5%.

vendredi 14 février 2014

Au boulot les robots !




Il n'est pas interdit, même en période électorale, d'aborder des sujets de fond. Quel est le problème dont souffre Saint-Quentin ? La désindustrialisation, qui se traduit par un taux très élevé de chômage. Comment y remédier ? Voilà la seule question vraiment intéressante que devraient se poser les candidats aux élections municipales. Un petit livre, paru aux Editions du Quesne en septembre dernier, essaie de répondre, d'apporter des solutions. L'auteur est un jeune homme que j'ai rencontré lors du salon du livre de Noël à Saint-Quentin : il s'appelle Robin Rivaton, a fait Sciences po et a travaillé comme consultant. La préface est de Pierre André.

Saint-Quentin a connu deux révolutions techniques, qui ont conditionné son développement économique : le métier à tisser au XIXème siècle, la machine-outil au XXème siècle. Aujourd'hui, le textile a disparu et les effectifs de MBK ont fondu. Qu'est-ce qui peut les remplacer ? Le robonumérique, comme l'indique le titre de l'ouvrage ("Relancer notre industrie par les robots", en vignette). En photo de couverture, on reconnait le célèbre Nao, qui travaille à l'INSSET.

Mais les robots n'ont jamais eu bonne réputation : on les accuse volontiers de déshumaniser le travail et surtout de voler l'emploi aux hommes. La littérature de science-fiction a largement exploité ces craintes fantasmatiques. En réalité, il n'en est rien, et c'est même le contraire : grâce au robonumérique, le savoir-faire de l'ouvrier est revalorisé (la machine-outil l'astreignait à un travail répétitif et abrutissant) et chaque robot installé aboutit à la création de deux ou trois emplois nouveaux (d'ici cinq ans, sur tout le territoire national, 85 000 à 130 000 emplois sont envisageables). Depuis les années 80, la robotique industrielle n'est pour rien dans le chômage de masse.

La révolution robotique a l'avantage d'être très compétitive (8% depuis 2000 au niveau mondial), tout en maintenant en France le coût du travail. Elle permet de garder chez nous les sites industriels, et même d'attirer les entreprises étrangères. Les coûts de fabrication, d'installation et de fonctionnement sont en baisse et la rentabilité en hausse.

Le tableau serait idyllique s'il n'y avait pas une tache noire : la France a pris dans ce domaine énormément de retard, alors que la demande mondiale de robots progresse. Nous sommes à la traîne aussi bien dans l'usage que dans la production. Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a mis en place en mars dernier un plan robotique. Le livre de Robin Rivaton démontre magistralement l'importance stratégique de ce secteur économique et par quels moyens assurer son développement.

Je ne sais pas si Saint-Quentin, le mois prochain, restera une municipalité UMP ou deviendra socialiste. Mais il n'est pas impossible que d'ici quelques années, nous soyons une ville robonumérique ! En attendant, précipitez-vous sur la centaine de pages très denses et très stimulantes de l'ouvrage de Rivaton. Au boulot les robots !

jeudi 13 février 2014

La fin des préaux



Je ne sais plus qui donnait cette définition minimaliste de la politique : "dire des choses à des gens". De fait, l'action politique, c'est rencontrer, écouter, échanger. Pendant longtemps, la grande tradition républicaine réunissait les candidats aux élections sous les préaux d'école, dans des discussions vivantes où le public était nombreux et curieux. Aujourd'hui, c'est fini : une campagne électorale moderne doit s'adapter aux nouvelles formes de communication, car il n'est pas question de renoncer à contacter les citoyens, à dialoguer avec eux, mais autrement qu'autrefois.

Cette réflexion chez moi est ancienne, mais réactivée ce matin en lisant l'article de L'Aisne nouvelle consacré à la première réunion de quartier de Michel Garand, tête de liste socialiste aux élections municipales à Saint-Quentin. Les expressions font mal : "réunion publique sans public", "rendez-vous manqué", "échec cuisant" et même "ambiance moribonde" (!). L'effet médiatique est évidemment désastreux : les socialistes donnent l'impression de ne parler qu'à eux-mêmes et de n'intéresser personne.

Pourtant, les problèmes que pose le quartier Saint-Jean sont multiples, et c'est un quartier qui vote à gauche, notamment au bureau de l'école Clin : les feux de poubelles réguliers, surtout du côté de la rue Denfert-Rochereau, les difficultés sociales de la cité de Billion, la circulation trop rapide dans la rue de la IIIème DIM (alors qu'il y a deux sorties d'écoles !), l'utilisation du centre Plein Air, etc. Le départ du théâtre de la Manufacture de la rue de Flavigny a éloigné du quartier tout un public, la multiplication des petites cours dans la rue Kennedy pose elle aussi un certain nombre de difficultés en matière de cohabitation. Plus généralement, c'est un quartier aux réalités très disparates, très éclatées : il y a peu de rapport entre la partie vers l'hôpital et celle qui jouxte le centre-ville, à la frontière du boulevard Richelieu.

Michel Garand n'est pour rien dans l'échec ressenti par la presse à la suite de la réunion de mardi. Depuis au moins une bonne quinzaine d'années, les réunions politiques de quartier ne marchent plus. Déjà, en 2001, bien que la tête de liste ait été une députée et que toute la gauche à l'époque ait été rassemblée, les réunions de quartiers n'attiraient pas grand monde. Pourtant, on réclame partout de la "proximité" ! Et les problèmes dans nos quartiers sont nombreux, sur lesquels nos concitoyens aimeraient bien interpeller et questionner les candidats ! Mais la formule "réunion de quartier" ne fonctionne bien qu'en présence d'élus sortants, des adjoints et du maire, connus de la population et censés, de par leurs responsabilités, pouvoir répondre aux demandes concrètes.

Candidat à la tête de liste municipale, j'avais bien sûr, et depuis longtemps, réfléchi à toutes ces questions et préparé un plan de campagne. Je crois que les réunions de quartier doivent être remplacées par des permanences dans des lieux publics très fréquentés : marchés, bistrots, centres commerciaux, ... (dans l'espace bien sûr autorisé). Au lieu de quatre ou cinq grandes réunions de quartier, il peut y avoir plusieurs dizaines de permanences, annoncées à l'avance par affiches, tracts ou communiqués de presse. Tous les candidats de la liste sont sollicités à tenir ces permanences, pour une durée qui n'excède pas les deux heures.

Ces permanences doivent impérativement être assurées par au moins un habitant du quartier ou du coin (car la notion de "quartier" recouvre un territoire tellement vaste, on le voit avec Saint-Jean, qu'il vaudrait mieux raisonner et agir en termes de "micro-quartiers"). S'il n'y a pas une tête reconnue par les habitants, ceux-ci ne viennent pas, ne s'arrêtent pas. Il faut que le cadre soit plus ou moins convivial, que les rencontres soient personnalisées et ne durent pas plus que ne le souhaite le visiteur. Ce qui plombe la réunion de quartier, ce qui la condamne définitivement, c'est qu'à part les militants convaincus d'avance, plus personne, dans la société telle qu'elle est devenue, n'accepte de perdre deux heures de sa soirée pour écouter des propos qui ne le concerne pas toujours directement. On peut sans doute le déplorer, mais les choses sont ainsi.

Autre moyen de toucher la population : les rencontres avec les dirigeants et les responsables de structures et d'associations. Il ne faut pas croire qu'une élection se joue et se gagne à travers les activités seulement publiques (ouvertes à tous). Mais la démarche doit être aujourd'hui beaucoup plus ciblée, en direction de publics spécifiques. Ce qui n'empêche pas les candidats, en accord avec les structures visitées, d'inviter la presse, bien au contraire. La droite saint-quentinoise mène une campagne essentiellement invisible, mais très efficace, au vu de ses résultats passés, sans qu'elle ait besoin de fortement médiatiser ce qu'elle fait.

Enfin, il y a un incontournable, quoique très classique : c'est le grand meeting de fin de campagne, auquel on ne peut pas échapper. C'est une démonstration de force, un moment d'enthousiasme. Je ne vois que la venue d'un leader national à Saint-Quentin qui puisse vraiment mobiliser.

L'impact médiatique négatif de la réunion de mardi fait oublier une nouvelle importante mesure annoncée par Michel Garand : la construction d'un parking à un étage devant la gare, afin d'éviter les déplacements sous les intempéries qu'impliquerait l'actuel projet de la Municipalité. Avec la réouverture à la circulation de la place de l'Hôtel de Ville, c'est sans doute la deuxième proposition la plus inattendue du programme.

mercredi 12 février 2014

Question d'organes



Hier soir, au bar La Mine, à Guise, c'est une drôle de question que nous nous sommes posés en café philo : Qui suis-je sans mes organes ? (vignette 1). Mais il y avait finalement beaucoup à dire sur notre corps et ses organes. Cet après-midi, à l'IUTA de Laon, j'ai donné une conférence sur le thème déjà traité ailleurs plusieurs fois : la pensée et la vie de Simone Weil (vignette 2). J'ai parlé pendant deux heures, il m'en aurait fallu quatre ... Prochain rendez-vous, lundi prochain, à Saint-Quentin, pour le ciné philo, avec Nymphomaniac, de Lars von Trier , suivi d'un débat sur le sexe au cinéma. Encore une question d'organe !

Il n'y a qu'une seule politique



En ce début de campagne des élections municipales, l'aile gauche du parti socialiste vient de publier une tribune dans laquelle elle affiche son désaccord avec la politique gouvernementale. Ce texte est notamment signé par Anne Ferreira, membre du Bureau national du PS, c'est-à-dire la plus haute instance dirigeante du parti.

Le titre même suffit à me faire condamner la démarche : "Il n'y a pas qu'une seule politique possible". Mais si, il n'y a qu'une seule politique possible : celle du candidat Hollande en 2012, voulue par les Français à travers leur vote majoritaire, appliquée depuis lors par le gouvernement. Dans le parti, surtout à l'approche d'une élection, il n'y a qu'une seule politique à défendre, une seule politique possible ou concevable.

Un parti politique n'est pas un club de pensée où l'on disserte théoriquement sur des politiques "possibles" : c'est une organisation militante qui soutient son gouvernement et sa ligne politique. Quand viendra le temps du congrès, des motions seront déposées, discutées et adoptées. En attendant, il faut se battre contre les adversaires, pas discutailler entre nous.

Je retiens quatre points dans ce texte présenté par l'aile gauche :

1- Le rejet du pacte de responsabilité, qui est pourtant un acte fondateur de la politique gouvernementale. Les 30 milliards d'euros d'exonérations aux entreprises sont nécessaires pour relancer l'emploi. L'aile gauche doute, n'y croit pas, s'inquiète. Pas moi : la baisse des charges et du coût du travail est un élément important pour favoriser la création d'emplois. Et si la droite dit la même chose, ça ne me dérange pas, je n'en éprouve aucun complexe : ce qui compte, ce sont les résultats, et pas de chercher à se définir ou à se distinguer par rapport aux autres.

2- La critique des 50 milliards d'économies dans la Fonction publique. Pourtant, qui peut croire qu'on peut laisser filer la dépense, se creuser les déficits ? On ne défend pas le "modèle social français" en ne prenant pas à bras le corps le problème de son financement, qui sape les bases de son existence même. Oui, il y a des économies à faire, un peu partout, il y a des abus, des gaspillages, des dépenses inutiles : au nom de quoi la gauche ne s'y attaquerait pas ?

3- Le texte de l'aile gauche demande à ce que le parti socialiste soit "le relais des aspirations mais aussi des mécontentements". Non, notre parti n'a pas à être la voiture-balai de tout ce qui traîne dans la société. Nous n'avons pas à être le réceptacle, la chambre d'écho et encore moins d'enregistrement de toutes les contestations possibles et imaginables. Le parti socialiste doit être une voix, pas essentiellement une oreille. On ne va tout de même pas être le "relais" des bonnets rouges ou des anti-Hollande !

4- Le texte préconise le rassemblement de la gauche, jusqu'au PCF et à Jean-Luc Mélenchon. Certes, l'union c'est très bien, c'est même indispensable, mais ça ne doit pas devenir une ritournelle qui tourne sur elle-même, à vide : de fait, Mélenchon condamne violemment la politique du gouvernement et les dirigeants du parti socialiste. Je le déplore, je préférerais qu'il en soit autrement, mais ça ne m'empêche pas non plus de dormir, ni ne me gâte l'appétit. Je prends les choses telles qu'elles sont : la désunion n'est pas le fait du PS, mais du Parti de Gauche, et dans une moindre mesure du PCF, qui ont fait d'autres choix politiques que les nôtres, qui ont pris leurs responsabilités. Ce sera, comme toujours en démocratie, aux électeurs de juger.

Je comprends les hésitations, les réticences et les critiques de mes camarades de l'aile gauche. Le fond du problème, c'est qu'ils ne sont pas de culture social-démocrate, alors que la politique du gouvernement est social-démocrate. Ils le vivent mal, c'est logique. Mais quand on ne se sent pas bien quelque part, on en tire les conséquences. Le pire, c'est le ressentiment, la haine de soi, en être sans en être.

mardi 11 février 2014

Création d'un parti picard



En politique, il est normal de s'engueuler, de s'affronter, de cliver : c'est le sel de la démocratie. Je regrette que notre vie publique soit parfois insuffisamment haute en couleurs, trop politiquement correcte, trop raisonnable, sage, technocratique, abandonnant dangereusement l'esprit de lutte et le lyrisme aux seuls extrêmes. En revanche, je déteste les conflits artificiels, les postures de combat, les positionnements inutilement agressifs. Lors de la dernière séance du Conseil régional de Picardie, la semaine passée, nous avons été servis !

D'abord, il y a eu une incroyable et anormale unanimité pour défendre les frontières administratives actuelles de la région picarde : PS, UMP, centristes, chasseurs, communistes, PRG, EELV, MRC, FN, tous étaient d'accord, tous ont adopté le même texte proposé par le président de l'assemblée ! A-t-on déjà vu, sur un autre sujet, une pareille communauté d'idées ? A ma connaissance, non. Et c'est tout à fait étrange : pourquoi, sur la question très politique de la réforme régionale, n'y a-t-il pas des clivages, des points de vue différents, un véritable débat ? Peut-être que Claude Gewerc, le président et mon camarade, a donné la réponse, en annonçant la naissance d'une nouvelle formation politique, à ce qu'il semble : "Mon parti, c'est la Picardie", a-t-il dit. Je ne le suivrai pas, je reste au PS ...

A la suite de ce vote unanime, que croyez-vous qu'il se soit passé ? Ils se sont tous engueulés, non plus comme des Picards, mais comme ces incorrigibles Gaulois d'Astérix, toujours bagarreurs. Pourquoi ? Parce que Christophe Coulon, le leader régional de l'UMP, a présenté sa propre motion, copié-collé de la délibération majoritaire rose-rouge-verte, refusée cependant par la gauche. Pourquoi ? Parce qu'en 2009, la gauche avait présenté, sur le même sujet, une motion identique, alors refusée par la droite. Bref, j'te fais c'que tu m'as fait. En d'autres termes, plus on se ressemble, plus on se querelle.

N'étant pas adhérent du nouveau parti de Picardie (PP), je ne réfléchirais qu'en homme de gauche, socialiste : pourquoi défendre les anciennes provinces ? pourquoi exalter le glorieux passé ? Quand on est de gauche, on regarde vers l'avenir, on n'hésite pas à bousculer les vieilles habitudes, on accepte d'ouvrir ses horizons, y compris géographiques. Coulon, Gewerc, Guinot et les autres, c'est Pavlov : dans le réflexe, pas dans la réflexion. A droite, je comprends ; mais à gauche ! Nous sommes réformateurs, modernes et internationalistes, pas réacs, chauvins et ringards !

Pourquoi la gauche picarde ne s'interrogerait-elle pas intelligemment sur le devenir de sa région ? Pourquoi ne réfléchirait-elle pas sur une ouverture aux Nordistes, aux Champenois, aux Normands, aux Parisiens ? C'est ce que préconise, dans le Courrier picard du 02 février, Thierry Mandon, porte-parole des députés socialistes : "Il ne serait pas idiot que les Picards se posent des questions sur la durabilité de leur région et sur les gens avec qui ils aimeraient collaborer". Arnaud Montebourg, qui est autant Bourguignon que nous sommes Picards, milite pour que sa région fusionne avec la Franche-Comté. Pourtant, la Bourgogne pourrait elle aussi se replier sur son identité, refuser tout rapprochement, tout changement !

Dans cette affaire, je ne peux pas croire que je sois le seul socialiste de Picardie favorable à la réforme gouvernementale ! En tout cas, s'il me prenait idée de candidater pour la liste socialiste aux élections régionales de l'an prochain, ce serait à nouveau mal engagé pour moi : je ne suis pas inscrit au parti de la Picardie ...

lundi 10 février 2014

PS-PCF : le débat



La presse locale de ce matin accorde une bonne place au programme municipal d'Olivier Tournay, tête de liste communiste à Saint-Quentin (voir billet d'hier). Le sentiment qui s'en dégage est plutôt positif. L'Aisne nouvelle parle d'un programme "très social", le Courrier picard souligne sa "logique". Olivier est talentueux, sympathique et disponible, il passe bien auprès des journalistes, qu'il respecte. Mes camarades socialistes ne sont hélas pas toujours aussi inspirés (Samir Heddar, rédacteur en chef de L'Aisne nouvelle, se voit obligé, dans l'édition d'aujourd'hui, de recadrer Jean-Pierre Lançon, actuel chef de file de l'opposition municipale, pour des propos malvenus).

Contrairement à Michel Garand, Olivier Tournay a choisi de médiatiser la publication de son programme, d'en faire un événement collectif : ce qui lui a permis de donner à la presse de larges explications, des précisions et des compléments. Sa présentation publique a été une réussite, d'où l'on retenait le sérieux, l'argumentation et le chiffrage. Mais la forme, importante, ne doit pas faire oublier le fond : le débat, légitime, entre socialistes et communistes est lancé, puisque nous sommes, de fait, en concurrence (et en attendant la confrontation avec la droite, quand nous connaîtrons son candidat, sa liste et son projet). Ce débat PS-PCF doit être honnête, respectueux et utile : au second tour, il faudra bien se rassembler, rechercher des convergences.

Dans le programme d'Olivier Tournay et de ses amis, je vois quatre absences, quatre désaccords, quatre différences avec le programme socialiste, que je veux défendre :

1- Olivier écarte d'emblée, par principe, le thème de l'emploi, qualifiant de "menteur" ceux qui s'en emparent, sous l'argument que ce thème n'est pas une compétence municipale. Je suis en désaccord total avec cette façon de voir. Bien sûr, la lutte contre le chômage est une prérogative nationale. Mais les municipalités ont leur mot à dire, peuvent engager une action, faciliter la création d'emplois. Xavier Bertrand demande d'ailleurs à ce que ce soit l'un des points sur lequel il veut être jugé. Et la gauche devrait ne rien proposer en la matière ? Non, c'est inconcevable. Contrairement au programme communiste, le programme socialiste s'engage sur l'emploi : Michel Garand propose notamment une clause dans les marchés publics municipaux en faveur de l'emploi local.

2- Il en découle une autre différence entre les deux programmes : celui des communistes a une forte dimension sociale, ce qui est très bien (et plusieurs propositions d'Olivier Tournay sont judicieuses). Mais le volet économique est totalement ignoré : ce n'est pas, contrairement aux socialistes, un programme d'investissement, de grand chantier et de développement de la ville. Michel Garand s'adresse aussi aux entreprises, aux commerçants. Par exemple, il propose la création d'une galerie marchande en centre-ville. C'est une dimension qui est absente des mesures communistes, en vertu de choix politiques dont je comprends parfaitement la cohérence, mais auxquels je n'adhère pas du tout : pour défendre et développer Saint-Quentin, y compris et surtout dans la lutte contre le chômage et le soutien aux couches les plus défavorisées, on ne peut pas en rester à faire du social, il faut avoir des perspectives économiques, à la mesure de la ville.

3- Olivier Tournay, dans son travail d'élu municipal, a fait de la dénonciation de la vidéo-surveillance un marqueur identitaire de son action. Je ne reviens pas sur les termes précis de ce débat, nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler : dès le départ, j'étais favorable à une utilisation mesurée et raisonnable de ce système de prévention et de protection. Le programme communiste choisit de ne rien dire des problèmes de sécurité. Le programme socialiste l'évoque, l'assume, propose, parce que c'est une préoccupation de nos concitoyens (dont il ne faut pas non plus exagérer l'importance). Michel Garand s'engage à lancer un programme "Quartiers Apaisés" et à créer des "Offices de la tranquillité". Si Olivier devient maire, que fait-il des caméras qu'il n'a pas cessé de critiquer ? Le renoncement à ce dispositif a un coût. Et par quoi nos amis communistes souhaitent-ils le remplacer ? Il y a vraiment là matière à débat.

4- Mon dernier désaccord de fond n'est pas programmatique, mais stratégique (j'ai suffisamment dénoncé en son temps les alliances passées entre le PS et l'extrême gauche pour qu'on ne s'étonne pas que cette dimension stratégique soit pour moi importante, et même fondatrice d'une démarche politique). Le parti socialiste a des alliés : le PRG, le MRC et EEVL. Olivier me répondra sans doute que ces partis sur Saint-Quentin ne représentent pas grand chose, et il aura raison, puisque c'est la vérité. Mais ce qui m'intéresse, c'est le sens politique : choisir de passer des alliances. La liste communiste est close sur elle-même. Elle pouvait se rapprocher du Front de gauche, qui existe dans notre ville, qui a eu des candidats aux élections. Elle pouvait aussi s'adresser aux partis d'extrême gauche, NPA, LO, POI, avec lesquels le PCF a localement travaillé, dans l'opposition, pendant six ans. Mais non (et j'en comprends les raisons) : la section locale a préféré demeurer dans la fidélité intégrale à sa ligne politique, ce qui l'honore. Mais pour se faire élire par une majorité de la population, il faut forcément s'allier, s'ouvrir. En défendant strictement son identité communiste orthodoxe, Olivier Tournay limite son champ d'influence politique et ses chances de succès électoral. Michel Garand, en ne mettant pas en avant son étiquette politique (mais sans la dissimuler non plus), en allant chercher des alliés, rend plus crédible une possible victoire.

Qu'on me comprenne bien : je l'ai déjà dit, je souhaite que la liste communiste fasse le meilleur score possible, parce que je suis persuadé que sans elle, ou pire, contre elle, aucune victoire de la gauche n'est envisageable à Saint-Quentin. Mais j'ai à coeur, dans cette élection, de défendre le parti qui est le mien, son candidat et son programme. Je reconnais, dans les propositions d'Olivier Tournay, beaucoup de pertinence et de cohérence, mais ma pertinence et ma cohérence sont différentes. Mon voeu le plus cher, c'est que les communistes fassent partie de la prochaine majorité municipale, si les Saint-Quentinois décident d'accorder leur confiance à la gauche (ce n'est pas gagné). Olivier et plusieurs de ses amis sont en capacité d'exercer des responsabilités. Dans l'idéal, il faudrait que le PS et le PCF, tout en débattant loyalement de leurs programmes respectifs, s'engagent mutuellement, pour le second tour, à se retrouver et à s'unir. On a le droit, même en politique, d'être idéaliste, non ?