vendredi 7 février 2014

Naissance du vallsisme



L'émission politique de France 2 "Des paroles et des actes" est un véritable marathon, pour son invité, qui doit tenir pendant deux heure trente face aux questions d'interlocuteurs de toutes sortes, pour le téléspectateur aussi, qui doit rester durant tout ce temps devant son écran, ce qui n'est pas toujours évident. Bien souvent, je décroche avant la fin, j'apprécie certains moments, mais pas forcément la totalité de l'émission. Hier soir, j'ai été passionné de bout en bout, je n'en ai pas manqué une seconde. L'invité était le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls.

J'ai d'abord été frappé par son physique, sa présence, forte et singulière. Son visage a le sourire rare, contrairement à beaucoup d'hommes politiques qui nous rejouent Monsieur Dents Blanches (référence à la candidature du centriste Jean Lecanuet à la présidentielle de 1965). Quelqu'un qui sourit souvent est généralement une tête à claques. Chez Valls, j'apprécie l'austérité, la sévérité, la gravité du visage, qui est tout à fait à la hauteur de la fonction et de la situation. Un homme public qui a systématiquement le sourire aux lèvres est quelqu'un qui a quelque chose à cacher. La bassesse et la facilité en politique, c'est de vouloir séduire. Manuel Valls n'est pas dans ce registre-là, et c'est très bien.

Ce qui me frappe ensuite chez lui, c'est son regard, qui n'est pas un regard habituel d'homme politique : ses yeux sont à la fois très clairs et très vifs, très concentrés sur son interlocuteur. Il y a des politiques qui ont des yeux de veau, qui ne regardent pas vraiment ou partout à la fois : lui, c'est un regard d'oiseau, fixé sur son vis-à-vis. Le corps de Valls est très droit sur son siège, la tête légèrement redressée, le menton un peu en avant, les mâchoires sans doute moins crispées que d'habitude, mais pas non plus relâchées : l'allure de cet homme trahit une extrême concentration, une maîtrise très calculée de soi. C'est ce que j'aime chez lui, c'est pour moi une sorte de modèle : le maintien politique dépourvu de laisser aller.

Ce que je retiens enfin, dans la forme de son expression, c'est l'absence d'humour, de plaisanterie, d'ironie (les rigolos y verraient sûrement un défaut !). La parole de Valls est sans ambiguïté, sans lapsus (il n'en a commis qu'un seul en cours d'émission, vite rattrapé), sans allusion, sans double langage. Il fait de la politique une activité sérieuse, en charge de régler les problèmes et les souffrances des Français : ce n'est pas un exercice qui prête à rire ou à sourire. Oui, Manuel Valls est un pas marrant : qu'il en soit mille fois remercié !

Je ne suis pas toujours d'accord avec le ministre de l'Intérieur, mais sa force de conviction, sa rigueur de démonstration, sa cohérence personnelle sont si grandes qu'il provoque presque malgré moi mon adhésion. On ne peut que se ranger à son avis lorsqu'on l'écoute. Sa façon de dire "oui" ou "non", qui tombent comme des coups de sabre, alors que tant d'hommes politiques louvoient, tergiversent, se tortillent et nous entortillent, me ravit, m'impressionne. A la fin de l'émission, même Franz-Olivier Giesberg, qui charrie généralement l'invité, s'est montré inhabituellement respectueux. Il a eu cette formule révélatrice et définitive : "nous avons assisté ce soir à la naissance du vallsisme". Oui, en effet, je crois que mon camarade ministre est appelé à un bel avenir politique, à occuper peut-être un jour les plus hautes destinées.

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