mardi 11 février 2014

Création d'un parti picard



En politique, il est normal de s'engueuler, de s'affronter, de cliver : c'est le sel de la démocratie. Je regrette que notre vie publique soit parfois insuffisamment haute en couleurs, trop politiquement correcte, trop raisonnable, sage, technocratique, abandonnant dangereusement l'esprit de lutte et le lyrisme aux seuls extrêmes. En revanche, je déteste les conflits artificiels, les postures de combat, les positionnements inutilement agressifs. Lors de la dernière séance du Conseil régional de Picardie, la semaine passée, nous avons été servis !

D'abord, il y a eu une incroyable et anormale unanimité pour défendre les frontières administratives actuelles de la région picarde : PS, UMP, centristes, chasseurs, communistes, PRG, EELV, MRC, FN, tous étaient d'accord, tous ont adopté le même texte proposé par le président de l'assemblée ! A-t-on déjà vu, sur un autre sujet, une pareille communauté d'idées ? A ma connaissance, non. Et c'est tout à fait étrange : pourquoi, sur la question très politique de la réforme régionale, n'y a-t-il pas des clivages, des points de vue différents, un véritable débat ? Peut-être que Claude Gewerc, le président et mon camarade, a donné la réponse, en annonçant la naissance d'une nouvelle formation politique, à ce qu'il semble : "Mon parti, c'est la Picardie", a-t-il dit. Je ne le suivrai pas, je reste au PS ...

A la suite de ce vote unanime, que croyez-vous qu'il se soit passé ? Ils se sont tous engueulés, non plus comme des Picards, mais comme ces incorrigibles Gaulois d'Astérix, toujours bagarreurs. Pourquoi ? Parce que Christophe Coulon, le leader régional de l'UMP, a présenté sa propre motion, copié-collé de la délibération majoritaire rose-rouge-verte, refusée cependant par la gauche. Pourquoi ? Parce qu'en 2009, la gauche avait présenté, sur le même sujet, une motion identique, alors refusée par la droite. Bref, j'te fais c'que tu m'as fait. En d'autres termes, plus on se ressemble, plus on se querelle.

N'étant pas adhérent du nouveau parti de Picardie (PP), je ne réfléchirais qu'en homme de gauche, socialiste : pourquoi défendre les anciennes provinces ? pourquoi exalter le glorieux passé ? Quand on est de gauche, on regarde vers l'avenir, on n'hésite pas à bousculer les vieilles habitudes, on accepte d'ouvrir ses horizons, y compris géographiques. Coulon, Gewerc, Guinot et les autres, c'est Pavlov : dans le réflexe, pas dans la réflexion. A droite, je comprends ; mais à gauche ! Nous sommes réformateurs, modernes et internationalistes, pas réacs, chauvins et ringards !

Pourquoi la gauche picarde ne s'interrogerait-elle pas intelligemment sur le devenir de sa région ? Pourquoi ne réfléchirait-elle pas sur une ouverture aux Nordistes, aux Champenois, aux Normands, aux Parisiens ? C'est ce que préconise, dans le Courrier picard du 02 février, Thierry Mandon, porte-parole des députés socialistes : "Il ne serait pas idiot que les Picards se posent des questions sur la durabilité de leur région et sur les gens avec qui ils aimeraient collaborer". Arnaud Montebourg, qui est autant Bourguignon que nous sommes Picards, milite pour que sa région fusionne avec la Franche-Comté. Pourtant, la Bourgogne pourrait elle aussi se replier sur son identité, refuser tout rapprochement, tout changement !

Dans cette affaire, je ne peux pas croire que je sois le seul socialiste de Picardie favorable à la réforme gouvernementale ! En tout cas, s'il me prenait idée de candidater pour la liste socialiste aux élections régionales de l'an prochain, ce serait à nouveau mal engagé pour moi : je ne suis pas inscrit au parti de la Picardie ...

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