dimanche 23 février 2014

D'Harcigny à Kiev



Gilles Pargneaux était en visite à Saint-Quentin mercredi dernier. Il est allé à l'INSSET, au centre social Saint-Martin et a donné une conférence de presse dans un restaurant de la ville. C'est donc quelqu'un d'important. Qui est Gilles Pargneaux ? Je le connais depuis une bonne dizaine d'années. "Connaître" n'est pas le mot exact, mais c'est celui qu'on emploie en politique : voir quelqu'un de temps en temps, c'est le connaître.

Pargneaux, je l'ai souvent vu dans les congrès du PS, et dans les réunions de courants, à l'époque des reconstructeurs, quand les strauss-kahniens étaient alliés aux aubryistes (c'était hier, c'était il y a une éternité ...). Gilles Pargneaux, j'ai mis du temps à connaître son nom : pendant longtemps, c'était pour moi (et pour d'autres), un visage, plus précisément des cheveux, assez longs, une coupe un peu seventies, comme on n'en fait plus guère aujourd'hui. C'est fou comme une apparence physique marque lorsqu'il n'y a pas d'autres marqueurs. Parce que le camarade Gilles, c'était celui qu'on voyait toujours derrière ou non loin de Martine Aubry, qui ne disait rien, qui affichait sans cesse un sourire mystérieux de Bouddha, renforcé par des yeux plissés (qui souriaient eux aussi).

J'aurais pu le prendre pour un garde du corps, s'il avait eu les épaules un peu plus larges, ou bien pour un porte-serviette, mais il n'avait rien en main. La cravate et la veste signalaient l'homme d'importance : pas question de le confondre avec un simple militant. Je ne savais donc pas qui il était, même si sa figure m'était devenue familière au fil des réunions nationales. Pour moi, il faisait partie de ces personnes qu'on voit à chaque fois qu'un homme politique est interviewé par la télé, qui sont juste derrière lui et qui hochent de la tête pour manifester leur approbation aux paroles prononcées.

Et puis, un jour, surprise, j'ai tout su : son nom, sa fonction, son parcours. Et pas dans une réunion à Paris, mais dans l'Aisne ! C'était en 2009, il était candidat tête de liste aux élections européennes. Je n'en revenais pas : le petit homme discret et silencieux derrière Martine Aubry, c'était son puissant bras droit, un "cadre du parti" comme on dit, qui briguait un mandat européen ! Je sais pourtant qu'on réussit en politique en se faisant remarquer le moins possible, mais là, franchement !

De plus, j'apprenais que Gilles était avocat de métier : pour moi, c'est une profession où l'on parle. Un avocat muet, ça n'existe pas ! La preuve que si. Enfin, cerise sur le cadeau : Gilles Pargneaux était né chez nous, dans l'Aisne, près de Vervins, à Harcigny. C'est ce qu'il rappelle toujours quand il vient dans le département, en accroche de discours : on a droit à quelques minutes sur son passé de gamin. Pour la prochaine mandature, Gilles rempile, il est de nouveau number one, donc député assuré. Finalement, sa vie est une longue leçon de morale politique : comme petit poisson deviendra grand, n°2 a des chances de devenir n°1 (mais ce n'est pas non plus garanti).

Gilles Pargneaux est donc venu présenter sa candidature à Saint-Quentin, ce qui n'est pas anodin : c'est la ville de la tête de liste UMP aux européennes, Jérôme Lavrilleux ! Il était accompagné par Anne Ferreira, n°4 sur la liste, et Matthieu Mayer, n°7. En 2009, dans un contexte un peu plus favorable aux socialistes, le PS avait arraché deux sièges : c'est dire à quel point, pour nos amis axonais, ce n'est pas gagné ! Matthieu peut se consoler : il est jeune et ami de Valls, ce qui lui laisse tout l'avenir devant lui. Anne n'a pas non plus à s'inquiéter : la vice-présidence de région est une base de repli. Mais à la guerre comme à la guerre : il faut faire campagne.

Gilles n'est pas très optimiste quant aux résultats dans l'Aisne : "je pense que Le Pen sera en tête", dit-il (L'Aisne nouvelle, 10 février). Il pense aussi que Lavrilleux va perdre des voix, au profit du FN et que le PS va en reprendre aux Verts. Sur le fond, la position de Pargneaux est politiquement très claire : "je soutiens le pacte de responsabilité". Je ne sais pas dans quelle direction Anne Ferreira a dû porter son regard à ce moment-là ...

De cette visite à Saint-Quentin et dans l'Aisne du n°1 sur la liste socialiste européenne, j'ai tout de même un petit regret : il a parlé d'Harcigny, mais il n'a rien dit de Kiev (du moins à lire les articles de presse). Or, s'il y a de valeureux combattants européens à saluer, ce sont eux, les martyrs de Kiev, qui sont morts le drapeau bleu étoilé à la main. Un peuple qui veut rejoindre l'Europe, alors que tant de peuples d'Europe crachent sur l'Union européenne, excités par les leaders souverainistes, nationalistes et xénophobes, c'est un événement qu'il faut élever très haut, brandir comme un formidable argument.

Maître Pargneaux, soyez le défendeur de l'Europe mal aimée, critiquée, calomniée. Camarade Gilou, soyez un européen fervent, lyrique, fédéraliste, comme sait l'être un authentique socialiste. Faites-nous rêver d'Europe, faites-nous aimer l'Europe. Alors, vous les aurez peut-être, vos quatre élus, et la section socialiste de Saint-Quentin retrouvera sa députée européenne. Mais pour ça, il faut aussi nous parler de l'Ukraine, de sa révolution européenne, qui est l'événement historique de ces jours-ci.

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