lundi 10 février 2014

PS-PCF : le débat



La presse locale de ce matin accorde une bonne place au programme municipal d'Olivier Tournay, tête de liste communiste à Saint-Quentin (voir billet d'hier). Le sentiment qui s'en dégage est plutôt positif. L'Aisne nouvelle parle d'un programme "très social", le Courrier picard souligne sa "logique". Olivier est talentueux, sympathique et disponible, il passe bien auprès des journalistes, qu'il respecte. Mes camarades socialistes ne sont hélas pas toujours aussi inspirés (Samir Heddar, rédacteur en chef de L'Aisne nouvelle, se voit obligé, dans l'édition d'aujourd'hui, de recadrer Jean-Pierre Lançon, actuel chef de file de l'opposition municipale, pour des propos malvenus).

Contrairement à Michel Garand, Olivier Tournay a choisi de médiatiser la publication de son programme, d'en faire un événement collectif : ce qui lui a permis de donner à la presse de larges explications, des précisions et des compléments. Sa présentation publique a été une réussite, d'où l'on retenait le sérieux, l'argumentation et le chiffrage. Mais la forme, importante, ne doit pas faire oublier le fond : le débat, légitime, entre socialistes et communistes est lancé, puisque nous sommes, de fait, en concurrence (et en attendant la confrontation avec la droite, quand nous connaîtrons son candidat, sa liste et son projet). Ce débat PS-PCF doit être honnête, respectueux et utile : au second tour, il faudra bien se rassembler, rechercher des convergences.

Dans le programme d'Olivier Tournay et de ses amis, je vois quatre absences, quatre désaccords, quatre différences avec le programme socialiste, que je veux défendre :

1- Olivier écarte d'emblée, par principe, le thème de l'emploi, qualifiant de "menteur" ceux qui s'en emparent, sous l'argument que ce thème n'est pas une compétence municipale. Je suis en désaccord total avec cette façon de voir. Bien sûr, la lutte contre le chômage est une prérogative nationale. Mais les municipalités ont leur mot à dire, peuvent engager une action, faciliter la création d'emplois. Xavier Bertrand demande d'ailleurs à ce que ce soit l'un des points sur lequel il veut être jugé. Et la gauche devrait ne rien proposer en la matière ? Non, c'est inconcevable. Contrairement au programme communiste, le programme socialiste s'engage sur l'emploi : Michel Garand propose notamment une clause dans les marchés publics municipaux en faveur de l'emploi local.

2- Il en découle une autre différence entre les deux programmes : celui des communistes a une forte dimension sociale, ce qui est très bien (et plusieurs propositions d'Olivier Tournay sont judicieuses). Mais le volet économique est totalement ignoré : ce n'est pas, contrairement aux socialistes, un programme d'investissement, de grand chantier et de développement de la ville. Michel Garand s'adresse aussi aux entreprises, aux commerçants. Par exemple, il propose la création d'une galerie marchande en centre-ville. C'est une dimension qui est absente des mesures communistes, en vertu de choix politiques dont je comprends parfaitement la cohérence, mais auxquels je n'adhère pas du tout : pour défendre et développer Saint-Quentin, y compris et surtout dans la lutte contre le chômage et le soutien aux couches les plus défavorisées, on ne peut pas en rester à faire du social, il faut avoir des perspectives économiques, à la mesure de la ville.

3- Olivier Tournay, dans son travail d'élu municipal, a fait de la dénonciation de la vidéo-surveillance un marqueur identitaire de son action. Je ne reviens pas sur les termes précis de ce débat, nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler : dès le départ, j'étais favorable à une utilisation mesurée et raisonnable de ce système de prévention et de protection. Le programme communiste choisit de ne rien dire des problèmes de sécurité. Le programme socialiste l'évoque, l'assume, propose, parce que c'est une préoccupation de nos concitoyens (dont il ne faut pas non plus exagérer l'importance). Michel Garand s'engage à lancer un programme "Quartiers Apaisés" et à créer des "Offices de la tranquillité". Si Olivier devient maire, que fait-il des caméras qu'il n'a pas cessé de critiquer ? Le renoncement à ce dispositif a un coût. Et par quoi nos amis communistes souhaitent-ils le remplacer ? Il y a vraiment là matière à débat.

4- Mon dernier désaccord de fond n'est pas programmatique, mais stratégique (j'ai suffisamment dénoncé en son temps les alliances passées entre le PS et l'extrême gauche pour qu'on ne s'étonne pas que cette dimension stratégique soit pour moi importante, et même fondatrice d'une démarche politique). Le parti socialiste a des alliés : le PRG, le MRC et EEVL. Olivier me répondra sans doute que ces partis sur Saint-Quentin ne représentent pas grand chose, et il aura raison, puisque c'est la vérité. Mais ce qui m'intéresse, c'est le sens politique : choisir de passer des alliances. La liste communiste est close sur elle-même. Elle pouvait se rapprocher du Front de gauche, qui existe dans notre ville, qui a eu des candidats aux élections. Elle pouvait aussi s'adresser aux partis d'extrême gauche, NPA, LO, POI, avec lesquels le PCF a localement travaillé, dans l'opposition, pendant six ans. Mais non (et j'en comprends les raisons) : la section locale a préféré demeurer dans la fidélité intégrale à sa ligne politique, ce qui l'honore. Mais pour se faire élire par une majorité de la population, il faut forcément s'allier, s'ouvrir. En défendant strictement son identité communiste orthodoxe, Olivier Tournay limite son champ d'influence politique et ses chances de succès électoral. Michel Garand, en ne mettant pas en avant son étiquette politique (mais sans la dissimuler non plus), en allant chercher des alliés, rend plus crédible une possible victoire.

Qu'on me comprenne bien : je l'ai déjà dit, je souhaite que la liste communiste fasse le meilleur score possible, parce que je suis persuadé que sans elle, ou pire, contre elle, aucune victoire de la gauche n'est envisageable à Saint-Quentin. Mais j'ai à coeur, dans cette élection, de défendre le parti qui est le mien, son candidat et son programme. Je reconnais, dans les propositions d'Olivier Tournay, beaucoup de pertinence et de cohérence, mais ma pertinence et ma cohérence sont différentes. Mon voeu le plus cher, c'est que les communistes fassent partie de la prochaine majorité municipale, si les Saint-Quentinois décident d'accorder leur confiance à la gauche (ce n'est pas gagné). Olivier et plusieurs de ses amis sont en capacité d'exercer des responsabilités. Dans l'idéal, il faudrait que le PS et le PCF, tout en débattant loyalement de leurs programmes respectifs, s'engagent mutuellement, pour le second tour, à se retrouver et à s'unir. On a le droit, même en politique, d'être idéaliste, non ?

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