samedi 22 février 2014

Humilité et ambition



Le grand entretien de Xavier Bertrand dans L'Aisne nouvelle d'aujourd'hui n'apprend rien de vraiment nouveau, puisque le programme du candidat est encore à venir. Un seul point cependant inédit : l'annonce de "nouveautés quasiment uniques en France", en matière de "démocratie locale", assortie d'un exemple, "les séances du conseil municipal vont complètement changer" (pourquoi ne pas donner la parole au public ?). Je ne peux qu'être d'accord avec la mise en place de "nouvelles institutions municipales pour rapprocher les citoyens de la mairie, pour les associer aux décisions".

Pour le reste, en ce qui concerne la politique nationale, c'est la confirmation de nos désaccords : Xavier Bertrand est contre la loi sur le non-cumul des mandats, je suis pour ; Xavier Bertrand est contre l'adhésion de la Turquie et l'accueil de nouveaux pays dans l'Europe, j'y suis favorable ; Xavier Bertrand refuse l'assistanat, je le défends (parce que je mets dans ce terme polémique, négatif et crypté un sens positif).

Le plus surprenant, c'est la fin de l'interview, où Xavier Bertrand, en fixant la date de 2010 pour réaliser son triptyque "plus d'emplois, plus d'habitants, plus d'étudiants", nous donne rendez-vous ... aux élections municipales d'après, comme si celles du mois prochain étaient déjà pliées ! Etonnant aussi l'absence de mention directe à Michel Garand, son adversaire socialiste, comme si Xavier Bertrand ne cherchait pas à cliver, comme s'il se situait presque en dehors du débat municipal, prenant de la hauteur, occupant tout l'espace, s'imposant en candidat quasiment unique.

Dans les quatre semaines de campagne qui restent, la gauche locale doit relever ce défi : cesser les attaques contre le candidat de l'UMP et du centre, se battre sur son programme à elle, mettre en avant son équipe, créer du débat. Michel Garand a exposé les grandes lignes de son projet, qu'il faut maintenant illustrer, étoffer, expliquer : bref, convaincre et séduire. C'est une question d'état d'esprit, qui doit être à la fois humble et ambitieux. Ces deux vertus sont apparemment contradictoires : l'humilité, c'est prendre conscience qu'on n'est pas grand chose ; l'ambition, c'est vouloir devenir quelqu'un. Au contraire, je pense que ces deux qualités morales vont de pair : c'est parce qu'on prend conscience qu'on n'est pas grand chose qu'on cherche à devenir quelqu'un.

A l'égard de Xavier Bertrand, la gauche doit être humble : depuis 20 ans, Pierre André et lui ont gagné toutes les élections municipales ; Xavier Bertrand a été plusieurs fois ministres, chef de l'UMP, et Jérôme Lavrilleux est en train de devenir, à son tour, un leader national de la droite. Si ce constat n'appelle pas à l'humilité, je n'y comprends plus rien ou je tombe dans le narcissisme bouffon. Mais humilité ne signifie pas profil bas, renoncement : reconnaître les qualités et les succès de l'adversaire nous invite et nous encourage à être aussi bon que lui, à nous élever à sa hauteur (c'est ce que j'appelle l'ambition).

A chaque fois que je rencontre en ville Xavier Bertrand, je me dis que cet homme-là a envie d'être président de la République, qu'il le sera peut-être un jour : ça ne provoque en moi aucun ressentiment envers lui, mais au contraire une sorte de motivation à le combattre (démocratiquement). Je peux même éprouver une forme d'admiration, qui renforce encore plus ma détermination à m'opposer à lui : s'il n'y a pas d'estime réciproque, c'est une lutte de polichinelles. Dans un affrontement, les protagonistes sont obligés de donner le meilleur d'eux-mêmes, ils s'entraînent donc l'un l'autre dans une spirale ascendante et vertueuse, quand le débat sait rester digne et respectueux. En République, entre républicains, un adversaire, on lui serre la main, on ne lui tord pas le bras. C'est ce que je souhaite pour Saint-Quentin.

Une gauche ambitieuse, c'est une gauche qui croit en elle, qui parle et qui fait parler d'elle. C'est une gauche pleine d'espoir, et qui fait partager autour d'elle son enthousiasme. On a beau avoir un bon candidat, une belle équipe, un programme parfait : si l'état d'esprit n'y est pas, la victoire n'y sera pas. Un moral de vainqueur, c'est ce mélange d'humilité et d'ambition ; un moral de perdant, ce serait un mélange de prétention et d'impuissance. A partir d'aujourd'hui, à un mois du scrutin, chaque jour va compter, nous rapprochant de la victoire ou de la défaite.

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