jeudi 20 février 2014

L'heure du choix



Décidément, ma boîte aux lettres est ces temps-ci une vraie boîte à surprises (voir le billet de lundi dernier) : ce matin, j'ai reçu, comme vous tous, habitants de notre ville, une enveloppe simplement intitulée "Le choix de Saint-Quentin". Avant même d'ouvrir, je savais que c'était lui, Xavier Bertrand, qui annonçait sa candidature.

La surprise ne vient donc pas de cette fausse vraie nouvelle : il était clair que Xavier Bertrand serait candidat, il ne pouvait pas en être autrement. Non, la surprise est ailleurs, dans la forme : tout le monde s'attendait à une déclaration classique, dans un point-presse ou lors d'une réunion publique. Xavier Bertrand a choisi une présentation moins spectaculaire, moins solennelle mais tout aussi efficace : la lettre à chaque foyer, le contact direct avec les Saint-Quentinois. La médiatisation viendra après, sans qu'il ait besoin de forcer : dès aujourd'hui sur les sites et demain dans la presse, les commentaires seront assurément nombreux, avec peut-être une interview dans les éditions de samedi. C'est la tactique de Xavier Bertrand : garder le silence, laisser ses adversaires parler de lui, se rendre présent alors même qu'il est absent. Il y aura assez bien réussi jusqu'à maintenant.

Visuellement, c'est la sobriété de la lettre, dans un style très "officiel", que je retiens : une couleur bleue dominante, un hôtel de ville pas très jojo et un peu flou au fond, le buste du candidat qui n'est pas en très gros plan, un visage tout en retenu, au sourire timide, des yeux à la fois doux et vifs. Le nom lui-même n'est pas en très grosses lettres, le slogan de campagne étant privilégié : "Le choix de Saint-Quentin". Je crois que l'impression que veut donner Xavier Bertrand est contenue dans un mot du texte, pourtant plus évangélique que politique : "humilité" (au verso de la lettre).

Dans le contenu, le premier mot qui saute aux yeux, répété 13 fois, qui ouvre la lettre, la termine et constitue son slogan, c'est le mot de "choix". Ainsi, Xavier Bertrand répond à l'argument le plus fréquemment avancé par ses adversaires, qui pourrait faire mouche auprès de la population : entre député et maire, entre la France (dont il aimerait devenir le président) et Saint-Quentin, il n'a pas choisi, ou il a mal choisi. C'est tranché (du moins pour le moment, puisque la politique est un art de l'instant et des circonstances) : c'est Saint-Quentin. Voilà le message principal que nous transmet le candidat.

Ensuite, ce qui me marque dans ce courrier, c'est la dimension délibérément affective (là encore en décalage avec l'univers politique, qui n'est pas fait de tendresse) : "le choix du coeur", illustré par un vocabulaire sentimental et surtout trois exemples dignes d'un storytelling : la "maman courageuse" qui élève seule son enfant handicapé, le "père de famille" au chômage qui retrouve un emploi, les "grands-parents" qui n'ont pas les moyens d'aller en vacances mais sont heureux de faire profiter du Village de Noël à leurs petits-enfants. Tout y est : les difficultés de la vie, la valeur familiale, l'effort moral, la solution municipale.

Enfin, dans son contenu strictement politique, on retrouve les positions bien connues de Xavier Bertrand : en matière de bilan, il souligne que les impôts n'ont pas augmenté, que le chômage a progressé moins vite qu'ailleurs et que la population s'est accrue ; en matière de projet, il reprend le triptyque "davantage d'habitants, d'emplois et d'étudiants" (l'ouverture du pôle universitaire en 2015 est mentionnée).

Outre le candidat, un seul nom propre est indiqué, la référence incontournable, dont le bilan 1995-2010 est sanctuarisé, y compris par la tête de liste socialiste : Pierre André, qui n'a pas fini de faire parler de lui. Etait-il besoin de préciser que la liste "sera naturellement renouvelée" ? Aux principaux concernés oui, puisqu'il y aura forcément des déceptions.

Aucune mention n'est faite de l'UMP ou de la droite, et seulement une pique envers "l'échec de la politique nationale du gouvernement" contre le chômage. Sinon, la candidature est rigoureusement locale. Je note aussi, en bas de courrier, recto et verso, les informations techniques et pratiques où rien ne manque : le site internet, le compte twitter, la page facebook et la permanence électorale.

Pour les Saint-Quentinois, l'heure du choix a donc commencé, et cette heure aura la singularité de durer quatre semaines, qui est le temps qui nous sépare du premier tour de l'élection municipale. Pour moi, le choix est fait, mon heure ne tient même pas en une seconde : depuis que j'ai l'âge de voter, je vote socialiste, parce que depuis l'âge de 14 ans (la campagne présidentielle de 1974), je suis socialiste, de coeur d'abord, de carte ensuite (avoir des certitudes, ça simplifie la vie). Mais pour tous les citoyens qui ne sont pas forcément passionnés de politique, encore moins engagés, la réflexion débute aujourd'hui, les forces en présence sont à peu près connues, le débat entre elles va s'engager. Vive la politique, vive la démocratie !

2 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Quand vas-tu parler de l'Ukraine ? Les donneurs de leçon comme BHL, ne remettent jamais en question l'hégémonie de l’impérialisme américain, qui est assimilée au Bien, quoique fasse cet impérialisme. Par contre quand des vestiges de l'impérialisme russe s'expriment encore, cela est immédiatement assimilé au mal. "La victoire de la démocratie" passe par la fragmentation et la régionalisation des identités nationales, une balkanisation à l'échelle mondiale et la défaite des impérialisme autre que l'américain. Les deux derniers ennemis des USA restent la Russie et la Chine. Pour ma part je pense que l'impérialisme chinois risque de l'emporter sur l'américain. Pour le meilleur et pour le pire.
Quant à l'Europe quel modèle peut-elle offrir à l'Ukraine : chômage de masse et immigration massive ? Un programme guère sexy ! Les Ukrainiens sont encore certainement dans la sphère d'influence russe où règne la corruption à grande échelle. C'est une réalité que l'Europe propose la perspective d'un état de droit, ce qui n'est déjà pas si mal, pour un pays sans doute exsangue comme l'Ukraine. Cependant historiquement l'Ukraine est dans la sphère d'influence russe depuis plus de 300 ans. Mais comme les USA sont un pays sans Histoire, ils ne peuvent comprendre une Histoire qui dépasse largement le cadre des simples droits de l'homme. On pourrait discuter de la question des droits de l'homme en Europe, où le chômage massif et l'immigration massive, et la perte d'identité qu'elle entraîne, est voué à amener des bouleversements dont on ne mesure pas encore les conséquences à long terme. La notion de droit de l'homme est une notion très relative, et très galvaudée par nos intellectuels de toute façon pour la plupart inféodés à la puissance américaine, et dont BHL est la caricature.

Emmanuel Mousset a dit…

D'autres que moi en parlent très bien, de l'Ukraine. Toi, par exemple.