vendredi 31 mars 2017

Une élection en cache une autre



L'élection présidentielle, c'est important. Sa campagne aussi. Mais le prisme médiatique sous laquelle elle se présente à nous est un miroir déformant. Les élections professionnelles dans le secteur privé ne sont pas sous les feux de l'actualité. Mais justement : c'est beaucoup plus intéressant, leur résultat en est d'autant plus sincère, plus révélateur de l'état profond de l'opinion. Et quand il s'agit des salariés les plus motivés, ceux qui participent à ce scrutin, ceux qui sont souvent syndiqués, c'est fondamental pour la gauche.

Eh bien qu'apprend-t-on ? Que la CFDT dépasse désormais la CGT, qu'elle est le premier syndicat de France dans les entreprises. Les commentateurs n'ont pas manqué, à juste raison, de qualifier l'événement d'"historique". Certes, la tendance est ancienne, remonte à une vingtaine d'années. Mais il n'est pas indifférent que son aboutissement se fasse dans le contexte actuel. Qui l'eût cru ? Il y a quelques mois, la CGT mobilisait fortement contre la loi travail, multipliait les manifestations. Philippe Martinez se faisait connaître dans le monde entier comme celui qui pouvait bloquer la France et faire reculer le gouvernement. Poids des discours, choc des images, miroir déformant ! Rien de tout cela n'est arrivé, le pays a continué de vivre, la loi n'a pas été retirée.

La réalité salariale n'est pas qu'on croit. Il faut gratter l'idéologie pour retrouver la vraie vie. Dans leur grande majorité, les salariés sont des réformistes. Ils n'attendent pas que les syndicats soient des machines de guerre contre le pouvoir, ni même contre le patronat : ils veulent des résultats concrets, des gains tangibles, qu'on acquiert à travers la négociation, pas à travers la lutte de classes. La classe ouvrière ne veut pas la révolution, mais la justice sociale. La CGT crie, bouge, descend dans la rue mais n'obtient rien pour les salariés : voilà ce que traduit ce résultat des élections professionnelles.

Ceci dit, la CGT n'est pas finie, loin de là, et ce n'est pas à espérer, au nom du pluralisme syndical. La tradition révolutionnaire (j'emploie les mots d'autrefois, parce que je les crois encore pertinents aujourd'hui) est vivante, persistante, importante. Le vote pour Jean-Luc Mélenchon en est la plus pure expression. Le succès inattendu de Benoit Hamon à la primaire aussi. Mais cette tradition radicale, comme on dit maintenant, a diminué d'une bonne moitié en quarante ans. Inversement, le courant réformiste a considérablement progressé, alors qu'il était autrefois minoritaire. Quand on pense que le terme "social-démocrate", honteux ou ignoré il n'y a pas si longtemps, est devenu d'un usage fréquent. Les élections professionnelles sont aussi des élections politiques.

jeudi 30 mars 2017

La politique, ça se soigne



Dans un livre paru hier, Bruno Le Maire, l'un des rares intellectuels engagé en politique, affirme que celle-ci, en des mots très durs, est ... une maladie mentale. Jugez-en plutôt : "La politique, ça écrase tout le reste de la vie, ça absorbe tout, ça prend tout, ça vole tout". Ou encore : "Les deux névroses en politique, c'est le narcissisme et la haine de soi" (apparemment contradictoire, mais très juste : quelqu'un qui s'aime et qui aime les autres ne va pas s'emmerder en politique, où l'on cherche désespérément à ce que les autres vous aiment). Enfin : "Les hommes politiques, ils sont dépressifs et alcooliques. Parce que la folie de la politique, c'est qu'il ne faut jamais voir les choses telles qu'elles sont, il faut se projeter au-delà, nier la réalité". J'ajouterais peut-être : faire de la politique, c'est souvent vouloir régler les problèmes des autres alors qu'on est incapable de régler les siens.

La charge de Bruno Le Maire est violente, mais lucide et pertinente. Oui, c'est bien ça la politique. Mais pas que ça : c'est l'indispensable gestion des sociétés, qui réclame intelligence et vertu. A mon petit niveau, j'ai pu constater cette dimension névrotique : parano, hystérie, obsession, psychose, perversité, oui, tout ça est monnaie courante en politique, bien sûr à des degrés divers, pas forcément puissants. Surtout, on y trouve presque immanquablement ce besoin maladif de reconnaissance, qui ne touche pas à ce point l'homme normal, se contentant de l'image que lui renvoient ses proches, en famille, entre amis ou au travail.

Bruno Le Maire, malgré les apparences, n'est pas complètement pessimiste (sinon, on peut penser qu'il abandonnerait l'activité publique). D'abord, selon lui, ce n'est pas la politique qui rend fou, mais ce sont les fous qui sont attirés par la politique : "Ce n'est pas la politique qui rend névrotique, on l'est avant, on s'y retrouve". Et puis, il propose un remède bien connu, guérir le mal par le mal : "La politique, c'est le décalage entre ta réalité et ton rêve. Les deux ne coïncident jamais, sauf le jour où tu es élu. Le pouvoir, c'est la guérison de la haine de soi".

Oui, c'est très bien vu. Contrairement à ce qu'on pense, ce n'est pas le pouvoir qui rend malade, c'est le fait de ne pas l'avoir (ou de le perdre), qui alimente alors tous les fantasmes. Un élu, confronté à la réalité, sera toujours moins dangereux qu'un non élu, perdu dans ses rêves et son ressentiment. C'est pourquoi on ne guérit bien de la politique que par l'exercice du pouvoir. Le Maire a raison, mais ça ne règle pas le problème de tous ceux qui sont en dehors, et qui sont beaucoup plus nombreux que ceux au sommet. Et puis, vouloir traiter le mal par le mal, ça ne me convient pas trop non plus.

Non, je préfère une ordonnance plus vertueuse, qui passe par quatre prescriptions, à mon avis efficaces :

1- Ne pas vouloir à tout prix une place, même s'il est légitime de chercher à accéder à des responsabilités.

2- Cultiver une distance entre soi et les autres, les événements, pour ne pas en être dépendant.

3- Mettre dans sa vie quelque chose de supérieur à la politique, afin de ne pas faire de celle-ci un absolu.

4- Pratiquer l'autodérision, afin d'atténuer l'effet dévastateur que prend le combat politique, où les autres, mêmes les proches, sont toujours l'ennemi, effectif ou potentiel, à affronter ou à surveiller.

Pour autant, je ne prétends pas ainsi guérir de la politique, dont les ressorts sont sans doute autrement plus profonds. Mais en soigner les grands ou petits malades, oui, sûrement.

mercredi 29 mars 2017

Nous irons tous voter Macron



Nous tous, c'est qui ? J'ai horreur des gens qui parlent au nom de tout le monde, alors qu'ils n'expriment que leur point de vue. Nous tous, c'est ma famille politique, depuis toujours : les socialistes réformistes, les sociaux-démocrates, la gauche de gouvernement. Ce matin, son meilleur représentant après François Hollande, Manuel Valls, nous a donné le signal : il votera Emmanuel Macron dès le premier tour. Ce n'est pas une consigne collective, c'est une position personnelle. Mais tous les membres de la famille s'y reconnaitront et suivront. Nous irons tous voter Macron.

Pour ma part, je n'ai pas eu besoin d'attendre ce signal. Avant même qu'En Marche ! ait été créé et que son leader soit candidat, je mettais mes espoirs en Emmanuel Macron. Nous étions alors quelques-uns parmi les socialistes. Aujourd'hui, nous sommes les plus nombreux. Benoit Hamon ne peut pas être notre candidat, car il incarne la gauche radicale, il a pour partenaire naturel, de son propre aveu, Jean-Luc Mélenchon, qui n'a de cesse de critiquer le Parti socialiste. Hamon fait une tentative respectable de Podemos à la française : fort bien, mais ce n'est pas ma carte d'identité politique. C'est pourquoi nous irons tous voter Macron.

Attention : ce n'est pas parce que beaucoup de socialistes iront voter Macron que Macron sera devenu socialiste ou le candidat des socialistes. Non, Macron, ce n'est pas ça : c'est le candidat du rassemblement de tous les progressistes, qu'ils soient de droite ou de gauche. Autour de lui, dans nos collectifs locaux, c'est la diversité des origines qui prévaut. A Saint-Quentin, chez les macroniens, toutes les sensibilités sont présentes : UDI, PS, MoDem, écologiste et surtout la sensibilité de ceux qui ne se reconnaissent dans aucune sensibilité, qui se revendiquent simples citoyens, qui aspirent à un rajeunissement et un renouvellement de la vie politique.

Hier, dans sa conférence de presse, Emmanuel Macron a été très clair : pour les élections législatives, pas d'accords d'appareil, pas de circonscriptions réservées, mais une seule étiquette, majorité présidentielle, et un seul critère de sélection des candidats, l'expérience, la compétence, l'enracinement. Idem au gouvernement : même critère, pas d'anciens ministres, pas d'apparatchiks. Au Parlement, fini la majorité de parti unique, place à une majorité de projet (dont les contours pourront varier selon les lois à adopter). A tous les niveaux, le temps de la société civile est venu. C'est pourquoi nous irons tous voter Macron.

Je comprends que tout cela puisse laisser sceptique, hésitant. Je comprends même les inquiétudes. Toute nouveauté questionne, perturbe, préoccupe. Mais il ne faut pas en avoir peur. Le vieux n'est pas plus convaincant, pas moins inquiétant : il a fait son temps. Osons la nouveauté, espérons en elle, en nous, en la France : allons tous voter Macron.

mardi 28 mars 2017

Mélenchon a raison



J'ai expliqué sur ce blog, dès le début, pourquoi j'étais hostile à un débat entre candidats à la présidentielle avant le premier tour, je n'y reviens pas. Mais trois débats de ce type, bonjour les dégâts ! C'est pourtant ce qu'on nous annonce : après le 20 mars sont prévus le 4 avril et le 20 avril, les deux derniers réunissant les onze candidats. Comme si on avait besoin d'autant ... Rappelons-nous le premier : interminable, confus, ennuyeux. Et ils n'était que cinq ! Imaginez le binz à onze ... Ce n'est plus 3h30 qu'il faudra, mais au moins 6h00 : une folie !

C'est pourquoi Jean-Luc Mélenchon a raison de ne pas participer à la troisième rencontre, qui n'aura lieu que trois jours avant le premier tour : quelle cirque ! La démocratie n'a pas besoin de ça. Au contraire, ce genre de spectacle (car c'est bien ça) dénature la démocratie. Qu'on invite tant qu'on voudra les candidats à la présidentielle, qu'on privilégie les petits candidats, qui n'ont pas les mêmes moyens d'expression que les grands, c'est nécessaire. Mais pourquoi les retrouver tous ensemble en arc de cercle, dans ce qui ressemble visuellement à un jeu télévisé ? Je souhaite qu'Emmanuel Macron lui aussi renonce au moins au débat du 20 avril, qui est un scandale.

Le problème est de fond : c'est celui de la démocratie médiatique. Les débats politiques font de l'audience, le dernier a réalisé un audimat de rêve, onze millions de spectateurs. Quelle émission peut aujourd'hui prétendre à un tel succès ? Les médias abusent donc de ces débats, les transforment en arène, comptent sur les vedettes, cherchent le buzz. La politique a tout à y perdre. Attention : ce n'est pour moi ni une condamnation des médias, ni de la communication, qui sont indispensables à la vie de la démocratie. Mais je regrette une dérive à l'américaine, ou à la Berlusconi, qui fait de la politique un mauvais divertissement, une sorte de reality show

lundi 27 mars 2017

L'avenir de la gauche



Nous avons la manie de croire que tout est nouveau. L'actuelle campagne présidentielle est à bien des égards inédite. Mais ses surprises ont de lointaines causes, à gauche en tout cas. Pour ce camp, le résultat va être déterminant, beaucoup plus que pour la droite. Si celle-ci perd, les raisons auront été conjoncturelles, un candidat pris dans d'inextricables affaires à répétition. Si Macron l'emporte, si Mélenchon fait mieux qu'Hamon, c'est toute la gauche qui basculera dans une recomposition d'une ampleur comparable, il y a plus de 40 ans, à l'extinction de la SFIO au profit du tout nouveau PS.

Là où il y a rien de nouveau sous le soleil, c'est que les deux "gauches irréconciliables" théorisées par Manuel Valls étaient déjà repérables dans les années 70. Nous fêterons le 18 juin prochain les 40 ans du discours de Michel Rocard au congrès du PS à Nantes : c'est d'une incroyable limpidité (Rocard hélas ne nous a pas toujours habitués à une telle clarté dans son parler) et d'une surprenante actualité (en vignette, Le Un, qui a eu l'heureuse idée, dans le numéro de cette semaine, de publier des extraits de ce texte fondateur).

Bien sûr, le vocabulaire est d'époque et le contexte politique est complètement différent, mais l'essentiel est là : la gauche est traversée par deux sensibilités, l'une étatique, jacobine, protectionniste, l'autre décentralisatrice, libéralisatrice et autogestionnaire : avec les précautions d'usage qu'il faut avoir dans toute comparaison, c'est l'opposition entre Mélenchon et Macron (j'attends avec impatience un débat télévisé entre ces deux-là, qui nous éclairera sur le fond, car l'un et l'autre sont des hommes de cohérence et de conviction).

Rocard, que lui reprochait-on ? D'être un libéral et de vouloir gouverner avec les centristes, ce qui lui avait valu le surnom de Rocard d'Estaing (en allusion à VGE, alors président). Qu'est-ce qu'on reproche aujourd'hui à Macron ? A peu près la même chose, sous des termes différents ! Ce qui a changé, c'est que Rocard croyait encore, dans les années 70, à l'union entre ces deux cultures de gauche. Aujourd'hui, leur séparation passe à l'intérieur du PS. L'intérêt tactique de conquête du pouvoir ne suffit plus à les concilier.

Ce qui a aussi changé, c'est que le PCF, puissant à l'époque, est aujourd'hui marginalisé. Il y a beaucoup moins de différences entre le socialiste Benoit Hamon et le communiste Pierre Laurent qu'entre François Mitterrand et Georges Marchais autrefois. C'est pourquoi, après leur probable défaite, Mélenchon et Hamon ne pourront que se rapprocher, s'unir dans une même structure, tandis que Macron au pouvoir incarnera une social-démocratie renouvelée, un rocardisme d'aujourd'hui, un parti démocrate à l'américaine, un parti travailliste à la Blair. "Le changement dans la continuité", disait Giscard en son temps : la remarque est vraie aussi pour les évolutions politiques. La surface est sans cesse agitée, mais les courants de fond demeurent. 

dimanche 26 mars 2017

Voyage en Macronie



Dans Le Monde de ce week-end, Florence Aubenas a fait un excellent papier sur la France de Macron. On comprend mieux pourquoi, dans notre vieux pays fatigué, le jeune candidat fascine. C'est sa petite musique que les Français aiment, son charisme. Aux yeux de beaucoup, c'est un héros d'aujourd'hui, dit Jérémie. Rodolphe rêve de mettre à la retraite les politiques de toujours : On aidera les anciens élus à se réinsérer, la politique doit devenir un CDD, lance-t-il très sérieusement. Bien vu.

Nils se réjouit : Macron a un coup d'avance, il est différent. Il apprécie que les comités En Marche ! se montent et se gèrent tout seul, avec des responsabilités à prendre tout de suite, et des places pour tout le monde. Dans les appareils politiques, il faut attendre des années, après avoir courtisé le sous-chef ou fait allégeance à l'élu de service. Charles est enthousiaste : Voilà un jeune qui croit dans le monde qu'on lui laisse et ne dit pas : tout est foutu. Marre en effet des plaintes, des gémissements, de se complaire dans l'impuissance.

Oui, ça fait du bien, et c'est la clé du succès d'Emmanuel Macron. Quand je l'ai rencontré, par hasard dans Paris il y a deux ans (voir billet du 8 mai 2015), il était ministre mais pas très connu, pas candidat à la présidentielle, et En Marche ! n'existait pas. J'ai immédiatement accroché, j'ai senti en lui un possible avenir. En bas de la rue Soufflot, téléphone portable à l'oreille, il a traversé sans trop regarder, au milieu des voitures, en dehors du passage piéton. C'est tout Macron, audacieux, un peu inconscient, comme en politique !

Profitez de votre dimanche pour lire cet article du Monde : qui sait ? à votre tour, vous rejoindrez peut-être En Marche ! A Saint-Quentin, retrouvez-nous vendredi prochain, à 18h00, salle Paringault, où nous débattrons de la sécurité et de la moralisation de la vie publique.


En vignette : une partie de notre équipe locale, vendredi soir, salle Vermand-Fayet.

samedi 25 mars 2017

Suicide en direct



J'ai regardé François Fillon jeudi soir à la télévision. L'émission m'a fait penser à une scène de film d'aventure : un type est pris dans un marécage, il s'enfonce doucement, on ne voit plus que la tête qui dépasse, bientôt la vase va lui entrer dans la bouche, il agite la main, essaie désespérément de se raccrocher à n'importe quoi. Les spectateurs savent qu'il va mourir, comme les électeurs savent que l'élection présidentielle est perdue pour François Fillon. Je le dis sans plaisir : d'abord pour l'homme, mais surtout pour la dignité du débat présidentiel, qui exigerait que la droite gouvernementale soit présente au second tour, avec un candidat valable, au lieu de l'extrême droite.

Encore mon image de l'enlisement n'est-elle pas complètement juste, tant j'ai l'impression que c'est Fillon lui-même qui s'est mis dans ce bourbier, et que chacun de ses gestes le condamne encore plus. Il y a quelque chose de suicidaire dans ce comportement. Pourquoi être allé chercher, pour expliquer ses déboires, cette histoire de "cabinet noir", cousue de fil blanc ? Fillon se réfère à un bouquin dont les auteurs eux-mêmes démentent ce qu'il prétend ! Quelques heures plus tard, Fillon revient sur ses accusations, en disant qu'il n'en sait rien, qu'il faut enquêter. C'est gamin !

On n'a jamais vu ça, dans cette présidentielle vraiment pas comme les autres : un candidat qui s'en prend violemment à quelqu'un qui n'est pas candidat ! Si j'étais Fillon, j'en resterais à la défense de mon programme, j'essaierais de faire oublier les affaires. Eh bien non ! Et puis, il y a chez lui cette suite de maladresses, la dernière en date étant de dire qu'il a rendu les costumes qu'on lui a offerts : mais c'est ne pas les prendre qu'il aurait fallu ! Fillon a encore perdu une occasion de se taire ... Remarquez bien que ça m'arrange plutôt : pendant que Fillon attaque Hollande, Macron continue de progresser, personne ne s'en prenant vraiment à lui sur le fond.

Quand je parle de suicide, je n'exagère pas : François Fillon dégage volontairement une odeur de mort autour de sa campagne, à tort il me semble. Qu'est-il allé évoquer la fin de Pierre Bérégovoy ? Déjà, bien avant, à la télévision, il s'était référé à une fausse rumeur portant sur le suicide de son épouse. Son vocabulaire est volontiers morbide : "c'est un assassinat", avait-il déclaré après sa mise en examen. Et hier, en meeting : "On veut me tuer". Je comprends la stratégie : c'est celle de la victimisation, pour sauver ce qui peut l'être, le noyau dur de son électorat. Mais ce n'est pas comme ça qu'on gagne une élection présidentielle.

L'essentiel, pour moi, jeudi soir, était encore ailleurs. Car je ne juge pas la personne de François Fillon, n'étant ni moraliste, ni juge, encore moins justicier. Ce qui m'intéresse, ce à quoi je m'oppose, c'est son programme politique. Jeudi soir, c'était très clair, et le candidat n'a pas démenti : un pouvoir d'achat qui progressera de 1,3% pour les familles modestes et de 21,6% pour les familles fortunées. Je ne doute pas de la bonne intention : relancer l'économie en donnant plus à ceux qui en sont les acteurs. C'est sans doute ce qui fait de Fillon un homme de droite et de moi un homme de gauche : je ne crois pas qu'un projet inégalitaire puisse être la condition de la relance de notre économie. Qu'on aide tant qu'on voudra les entreprises, parce qu'elles sont les principales créatrices d'emplois, oui, mille fois oui : c'est ce qui fait que je suis social-démocrate et partisan de Macron. Mais favoriser ceux que la vie (et pas forcément le travail) a déjà favorisé, non, mille fois non.

vendredi 24 mars 2017

Les temps ont changé



Avec Mike, nous avons distribué ce matin le programme de Macron, sur le marché Europe. Le public, populaire et parfois pauvre, est très différent du marché de centre ville, mais l'accueil est tout aussi bon. Il y a peu de refus, et nous arrivons à engager le dialogue avec certains. Les gens ont aussi besoin d'une présence, qu'on les écoute. La politique et l'argent : le sujet revient dans les réactions. Il faut expliquer que Macron n'est pas concerné, que tout est clean de son côté. Des lycéens font de la provoc : Le Pen ! Le Pen ! Ne pas dramatiser, répondre calmement que ce vote est une impasse et un danger.

Il y a ceux qui n'attendent plus rien de personne, comme cet ajusteur chez Alstom, qui a commencé à travailler dès 14 ans : expliquer que les problèmes de la France ne sont pas faciles à régler, qu'il faut continuer à croire en la politique, que nous avons la chance de vivre dans un régime où c'est le peuple qui choisit ses dirigeants. Je ne fais pas forcément la promotion de Macron, car il y a aussi quelque chose d'indécent à vouloir à tout prix imposer ses idées. Mais nos concitoyens doivent savoir que nous sommes là, que nous avons des solutions à proposer.

Ce marché a beaucoup changé, depuis que j'y distribuais pour le Parti socialiste, il y a quinze ans. Des jeunes, des filles, des voiles, une population de plus en plus bigarrée : c'est très bien comme ça, c'est la République, c'est la France. Emmanuel Macron est bien perçu ici : il a été très clair dans sa vision de la nation, ouverte, plurielle et tolérante. L'hostilité du Front national à ses propos est révélatrice. En Marche ! doit bien sûr s'adresser à tous, mais il y a des secteurs de la société qui sont plus sensibles à notre message. Je crois que ce qu'on appelle les quartiers en font partie. "Macron a toujours bossé, il n'a pas vécu de la politique", me dit un passant en prenant le tract. Il y a quinze ans, on n'aurait pas entendu ça. Les temps ont changé.

jeudi 23 mars 2017

Le dernier des socialistes



Quand j'ai adhéré au Parti socialiste, en 1995, j'étais très fier de ma carte : elle était signée "Henri Emmanuelli", qui était alors le secrétaire général du PS. C'est donc une figure importante de la gauche qui nous a quittés il y a deux jours. Ironie du sort ou signe du destin : Emmanuelli s'en va au moment où sa sensibilité politique a pour la première fois un candidat à l'élection présidentielle, Benoit Hamon. Car Henri Emmanuelli a toujours appartenu à l'aile gauche, et l'on dit qu'il qualifiait Macron d'"imposteur".

Dernier des socialistes, parce qu'il incarnait un courant qui, paradoxalement, est en train de vivre son été de la Saint-Martin. Hamon est en train de diviser durablement le Parti socialiste : après lui, rien ne sera plus comme avant. Hamon n'est même pas un héritier fidèle de ce socialisme traditionnel que représentait Emmanuelli : il a commencé par être rocardien ; l'aile gauche historique, Lienemann et Filoche,  s'est initialement reconnue en Montebourg, pas en Hamon. Nous ignorons ce qui se passera à la suite de la défaite du candidat socialiste. Mais l'aile gauche ne pourra pas se maintenir à la tête d'un Parti qu'elle aura conduit à la catastrophe. Sa position naturelle, celle où elle se sent bien, c'est la minorité, c'est l'opposition. Hamon, en fin de compte, c'est une erreur de casting, un accident industriel, provoqué par une primaire pleine de malentendus, puisque c'est Hollande qui devait être son candidat.

Dernier des socialistes, Henri Emmanuelli l'est aussi par son parcours politique : il a construit sa carrière en collectionnant les mandats, député, président de conseil général, premier secrétaire du PS, président de l'Assemblée nationale. Il a même tenté d'être président de la République, en étant candidat à la candidature, en 1995. Nous ne retrouverons plus ce genre de cursus dans les jeunes et futures générations d'élus. L'opinion publique, à tort ou à raison, n'a plus la même admiration pour ce type de parcours à l'ancienne. Le succès d'Emmanuel Macron, jamais élu, frais émoulu en politique, est un signe.

Dernier des socialistes, Emmanuelli n'a jamais aimé cette social-démocratie qui est majoritaire aujourd'hui. Il a suivi François Mitterrand, mais pas jusqu'à épouser le virage idéologique de 1982-1983. En 2005, il combat le Traité constitutionnel européen. En 2014, il s'abstient lors du vote de confiance à Manuel Valls. Déjà, 20 ans auparavant, il s'opposait à Lionel Jospin, les deux hommes s'affrontant dans ce qu'on n'appelait pas encore une primaire (déjà, j'avais voté Jospin contre Emmanuelli, méfiant envers l'aile gauche).

Dernier des socialistes, Emmanuelli a pourtant un point commun avec le social-libéral honni, Macron : tous les deux ont travaillé pour la banque Rothschild. Je pense même qu'Emmanuelli était plus spécialiste de la finance que Macron. Mais quand on fume des gitanes maïs et qu'on parle le langage de la gaugauche (néologisme pour désigner les plus à gauche), tout est pardonné.

Dernier des socialistes, Henri Emmanuelli l'est enfin pour avoir couvert, en tant que trésorier du PS, un système de financement illégal, qui lui a valu une condamnation à 18 mois de prison avec sursis et la privation de ses droits civiques pendant deux ans. Depuis quelques semaines, on parle beaucoup de corruption et d'argent dans la vie politique. N'ayons pas la mémoire courte : c'était pire avant ! Depuis, nous devons à la gauche d'avoir instauré une loi sur le financement des partis politiques. Les abus d'autrefois ont été supprimés. Bien sûr, la moralisation de la vie publique est un combat permanent. Mais qu'on ne dise pas que rien n'a été fait et que la situation empire !

La disparition d'Henri Emmanuelli n'est pas seulement celle d'un homme : c'est la fin d'une époque, d'un socialisme hérité des années 70, mort d'ailleurs depuis longtemps mais survivant sous forme de nostalgie, plus très loin de s'effacer totalement (je ne parle pas ici de la gauche radicale de Jean-Luc Mélenchon, qui représente encore une autre sensibilité, une sorte de néo-communisme).

mercredi 22 mars 2017

Familles, je vous hais



Nous vivons une drôle d'époque, et la folie de cette campagne présidentielle n'en est que l'expression parfois grotesque. Il y a 40 ans, à l'issue de Mai 68, la famille était brocardée. Depuis quelques années, elle est portée aux nues. C'est l'ultime valeur refuge. Même les homosexuels, qui ont obtenu le mariage, rêvent de fonder une famille. Et pourtant, après Fillon, avec Le Roux, on se déchaîne contre ceux qui n'ont fait que le geste de solidarité filiale le plus banal : employer quelqu'un de sa famille.

Quoi d'ailleurs de répréhensible ? L'embauche serait ouverte à tous, à l'exception des proches ? On comprend bien, en politique comme dans le commerce ou l'entreprise, la commodité qu'il peut y avoir à travailler avec les siens. Je vois une contradiction entre cette condamnation et la défense de la famille. J'y vois aussi beaucoup d'hypocrisie : dans la société, depuis toujours, nombreux sont ceux qui privilégient leurs parents ou leurs amis : quoi de plus normal, quoi de plus humain ? En vérité, ce n'est pas tant la famille qu'on vise, c'est l'homme politique.

Au nom de quoi ? De la morale. On n'arrête pas de nous dire que dans ces affaires, il n'y a rien d'illégal (du moins tant que la justice n'a pas tranché), mais que le problème est moral. Mais quelle morale ? Il y a 40 ans, à l'issue de Mai 68, la morale était brocardée, au bénéfice de la liberté individuelle. La page est-elle en train de se tourner ?

Et puis, il y a cette folie des mots, qui tournent les têtes. Deux m'amusent beaucoup, souvent répétés ces temps-ci. "Emploi fictif" : quelle drôle d'expression ! Un emploi, un travail, c'est toujours faire quelque chose. Un emploi ne peut pas être fictif. Ou alors ce n'est pas un emploi, c'est autre chose, et le mot ne convient pas. "Emploi fictif", c'est un oxymore, comme l'"obscure clarté" de Corneille. De même, le fameux "enrichissement personnel", qui n'est qu'un pléonasme : tout enrichissement est personnel, par définition, dans sa réalité. S'enrichir, c'est pour soi ou pour ses proches, rarement pour les autres.

Vous me direz peut-être que ces termes sont purement juridiques : c'est bien ce que je leur reproche ! La politique et la vie, ce n'est ni le droit, ni la morale. Or, notre drôle d'époque a décidé de faire prévaloir les seconds contre les premiers. C'est une catastrophe. Le langage public, de moins en moins maîtrisé, est désormais truffé d'oxymores, de pléonasmes et d'hyperboles. Le mot juste a tendance à disparaître. La première des corruptions, c'est celle du vocabulaire, dans un régime, la démocratie, qui ne repose pas sur la force mais sur la parole. En politique, il ne faut parler que de politique ; le reste n'a aucune importance.

mardi 21 mars 2017

Débat cata



Porter un commentaire sur un débat politique est un exercice difficile. Celui d'hier soir n'échappe pas à la règle. Objectivement, il est difficile d'en tirer des leçons, encore plus de désigner un vainqueur et un perdant. Que reste-t-il à faire ? Donner ses impressions, qui valent ce qu'elles valent. Même l'audience, excellente, puisque près de dix millions de Français étaient devant leur poste, est sujette à discussion : que signifie-t-elle vraiment ? Est-ce une assurance contre l'abstention de masse ? Je n'en suis pas trop sûr. La politique est devenue un spectacle : on vient voir les grands fauves se battre. Mais le devoir électoral en sort-il renforcé ?

Ma première impression confirme ce que j'avais écrit dans le billet du 22 février : un débat avant le premier tour est une mauvaise idée, parce qu'il ne peut tourner qu'à la confusion. La démonstration a été faite, selon moi, hier soir. On compare les candidats comme des lessives, et on ne voit pas trop les différences. Bien sûr, quand on est militant, le jugement est faussé : on soutient son champion, on le trouve forcément bon puisqu'on se reconnaît dans ses idées, on le juge meilleur que les autres puisqu'on souhaite qu'il gagne. Je ne veux pas tomber dans cette facilité. Quand on est militant, on comprend aussi aisément les clivages, on repère les lignes, on identifie les projets. Mais il faut se mettre à la place de la plupart des gens, qui ne connaissent pas grand-chose à la politique, qui souvent font des confusions : qu'ont-ils pu retenir du débat d'hier ? A mon avis, surtout une cacophonie, où l'on avait du mal à s'y retrouver.

C'était couru d'avance : tant de sujets à aborder avec autant de candidats, et une durée d'émission totalement folle, 3h30 de direct (j'ai tenu jusqu'au bout, presque par devoir, mais j'ai eu du mal). Qui a tiré son épingle du jeu, qui va profiter de cette confrontation ? Il m'est pénible d'avoir à le dire : je crois que c'est Marine Le Pen. Elle était à l'aise, très claire, offensive. Son avantage, c'est de parler en toute irresponsabilité, dans une parfaite démagogie. Ses concurrents s'efforcent d'argumenter en tenant compte de la complexité des dossiers ; Le Pen pratique la simplification outrancière. Ce qu'elle propose est dangereux et intenable ; elle n'a aucune maitrise de la technique gouvernementale, mais je crains que ces défauts ne se retournent en attraits au regard de l'opinion. Tous les grands leaders fascistes ont usé de cette facilité, de cette rouerie. Le Pen exerce sûrement une part de fascination, par sa présence physique et verbale à l'écran. C'est effrayant.

Tous les autres candidats n'hésitaient pas, même Mélenchon, à reconnaître parfois des convergences entre eux sur certains points. Le Pen était la seule à ne jamais acquiescer, à conserver son quant à soi, à marquer sa différence de brute blonde devant et contre les hommes en costard bleu. Même sa grosse voix de fumeuse tranchait : elle assénait avec arrogance ses certitudes, qu'elle accompagnait régulièrement de son sourire de rongeur. Quand elle s'exprime, on comprend tout et ça fait peur. Les autres exigent notre effort, qui n'est pas toujours récompensé. Le Pen joue d'autant plus sur du velours que personne ne l'attaque : qui, hier soir, a rappelé que c'était la candidate de la xénophobie, que son projet n'était pas républicain ? Personne ...

De Macron, cible de toutes les critiques, j'ai aimé sa réplique : "Si je n'étais pas là, vous vous ennuieriez". Et j'ai trouvé dégueulasse l'insinuation de Benoit Hamon, chafouin, faisant son malin, à propos du financement de la campagne de Macron, laissant entendre qu'elle serait sous influence des lobbies. Ce genre de soupçon, totalement infondé, est indigne d'un candidat à la présidentielle. Hamon est vicieux : il réclame à Macron quelque chose que celui-ci ne peut pas lui donner, les noms de ses donateurs, que la loi interdit de dévoiler. Qu'on affronte tant qu'on voudra Macron sur ses convictions, mais qu'on ne fasse pas de la politique de caniveau. Mélenchon a bien des défauts, mais il est honnête : ce serait justice qu'il coiffe au poteau le candidat que je n'ose plus qualifier de socialiste.

A l'issue de ce débat pour moi catastrophique, je suis très pessimiste. Une consolation tout de même, qui contredit mon appréhension : Emmanuel Macron a été jugé le plus convaincant dans deux sondages effectués juste après, et Benoit Hamon arrive en bon dernier. C'est parfois un bonheur d'avoir tort dans ses impressions.

lundi 20 mars 2017

Le point de non retour



Il restait une chance, une toute petite chance, une dernière chance à Benoit Hamon pour rassembler sa famille politique, recentrer son projet et revenir dans la maison des réformistes. C'était hier, à Paris, pour son grand meeting national. Cette chance, il ne l'a pas saisie, il lui a au contraire ostensiblement tourné le dos, en s'entêtant dans le sectarisme et la radicalisation, qui ne font pas partie de la tradition socialiste. Ce faisant, Benoit Hamon a ruiné définitivement ses chances non seulement d'être président de la République, mais même de figurer au second tour de l'élection présidentielle.

Tenir une ligne politique contre les siens, contre la majorité de son Parti, c'est suicidaire, on l'a bien vu à Saint-Quentin. Quand on ne rassemble pas ses propres rangs, on ne peut pas rassembler les Français. Et quand on va chercher des réserves de voix ailleurs, dans l'électorat de Mélenchon, on prend le risque de voir l'original l'emporter sur la copie. Actuellement, dans les sondages, Hamon et Mélenchon sont au coude à coude, 12% chacun. Après le meeting d'hier après-midi, je crains que la chute d'Hamon ne se poursuivre.

Malgré les commentaires bienveillants, partisans ou ignorants, ce meeting a été un échec. Les 20 000 participants revendiqués (c'est-à-dire beaucoup moins, dans la bonne vieille tradition d'appareil) ne font pas le poids, en comparaison avec la marche citoyenne de Mélenchon la veille, qui a mobilisé cinq fois plus de monde. Quand Macron et Mélenchon organisent une réunion régionale, ils rassemblent presque autant qu'Hamon hier, dans un meeting national. Macron n'a aucun parti avec lui, il ne dispose pas d'un réseau d'élus, il n'organise pas de cars pour déplacer le bétail. Le PS, lui, à tout ça à son service, et il ne parvient à réunir qu'une pauvre vingtaine de milliers de personnes, en prenant la fourchette la plus élevée.

Ce meeting raté, c'est le chant du cygne de la candidature Hamon : l'oiseau émet des sons d'autant plus beaux qu'il va mourir. Le contenu de son discours a été affligeant, presque pathétique, une fois qu'on a ôté le froufrou des références historiques. Le sommet de l'inanité aura été son attaque contre l'argent. On aurait pu croire à un sketch, une parodie tellement c'était gros, cousu de fil blanc. L'argent ? J'ai envie de dire à Hamon : "Passe-moi ton portefeuille, camarade, et on discutera après". Quand on voit le mode de vie, les amis et les partisans de Hamon, on éclate de rire à l'entendre s'en prendre à l'argent. Que Poutou et Arthaud dénoncent l'argent, oui, je les comprends et j'ai du respect pour eux, pour leurs positions, cohérentes et sincères, même si je ne les partage pas. Mais quand Hamon fait son numéro contre l'argent, non, cette pitrerie ne passe pas. Le seul avantage que j'y vois, c'est qu'elle le discrédite : comment peut-on prendre au sérieux ce type ?

L'ambiance du meeting était bonne ? Oui, comme n'importe quelle ambiance de n'importe quel meeting. J'ai bien connu ça, et ça ne veut rien dire du tout. Hamon a caressé son public dans le sens du poil, il a prononcé les mots qui font se lever une salle. Mais ce ne sont que des mots, qui ne se traduisent pas forcément en bulletins de vote. Hamon s'est fait plaisir et a fait plaisir à son public : ce n'est pas comme ça qu'on gagne une élection. Les enquêtes d'opinion montrent que son électorat potentiel est le plus volatile. Mon intuition, qui n'est pas un pronostic, mais qui s'appuie quand même sur quelques indices : Hamon sera battu par Mélenchon et arrivera en cinquième position. Le meeting d'hier m'apparait comme un point de non retour.

dimanche 19 mars 2017

Valls cogne Hamon



Manuel Valls s'en prend violemment à Benoit Hamon, ce matin dans le Journal du Dimanche. Le même jour où le candidat socialiste tient son grand meeting de campagne à Bercy. Un hasard ? Non, il n'y a pas de hasard en politique : Valls ne souhaite pas la victoire de Hamon. C'est son droit, et il a raison. Hollande n'est pas loin de penser comme lui, et beaucoup de socialistes. Il n'y a d'ailleurs même pas à ne pas souhaiter la victoire de quelqu'un qui de toute façon ne peut pas gagner.

J'exagère ? Non, Valls cogne vraiment Hamon. Ce n'est pas une simple critique, comme on en a forcément, y compris à l'égard de ceux qu'on soutient, sachant qu'on ne peut jamais être d'accord avec tout : c'est un réquisitoire, une condamnation. De l'homme : "pureté idéologique", "légataire de la gauche", "cynisme ambiant". Du projet : "on promet tout et son contraire, on fait comme si le monde autour n'existait pas".

Manuel Valls détaille et dénonce : la sortie irresponsable du nucléaire, l'abandon des interdits par la légalisation du cannabis, le dénigrement de la valeur travail, le gonflement de la dette ... Moralité, selon l'ancien Premier ministre : "Faire croire cela, c'est trahir le passé de ma famille politique. C'est surtout livrer la France à ceux qui préparent le pire des avenirs [l'extrême droite]".

Qu'est-ce qui rend Manuel Valls si virulent ? Pendant deux ans, il a dû subir la fronde de Benoit Hamon. Et maintenant, celui-ci, il y a quelques jours, le qualifiait de "traitre". Trop c'est trop. Le moteur de la politique, c'est la rancune, qui débouche sur la vengeance. Il faut s'appeler Macron pour rompre, de façon inédite, avec ce cycle infernal, en espérant que jamais il n'y tombe, qu'il garde pour seule préoccupation le service rendu aux Français. Valls se défend : il revendique au contraire sa fidélité et sa cohérence, qui ne vont pas aux hommes mais aux idées.

A propos de Macron, Valls s'en rapproche lorsqu'il propose, toujours dans le JDD, de "défendre une position centrale, équilibrée, responsable", lorsqu'il demande de "se dépasser, oublier les vieux clivages". On croirait entendre le leader d'En Marche ! Tout ça promet, après l'élection, quand Valls tentera de reprendre le Parti à Hamon, alors que Macron sera à l'Elysée. En attendant, Manuel Valls doit aller au bout de sa démarche : au nom de la fidélité et de la cohérence à ses idées, il ne peut qu'appeler à voter Emmanuel Macron.

samedi 18 mars 2017

Les choses sérieuses commencent



Pour quelques-uns, elles ont commencé depuis longtemps. Pour certains, elles commencent maintenant : les choses sérieuses en vue de l'élection présidentielle, dont le premier tour aura lieu dans cinq semaines. Avec l'annonce des candidatures officielles, c'est le top départ qui est lancé. Comment ne pas remarquer l'ironie du sort ? Celui qui a dévoilé les noms de ceux qui aspirent à devenir président de la République a lui-même, pendant longtemps, aspiré à devenir président de la République, et n'était pas parmi les moins bien placés : Laurent Fabius, aujourd'hui vieillissant et désabusé, se contentant de ce qu'il a, qui pourrait être pire que ça.

Ils sont donc onze, dans la moyenne de la présidentielle. Ce qui me marque à la lecture de la liste, c'est la présence inédite de trois candidatures peu ou prou souverainistes, malgré leurs différences : Dupont-Aignan, Asselineau et Cheminade. Si vous joignez Le Pen à cette famille, nationaliste améliorée, actualisée et relookée, ils sont quatre : c'est un signe des temps, inquiétant. Chaque scrutin de ce type a son excentrique : cette fois, ce sera Jean Lassalle, qui se présente comme berger (je ne suis pas allé vérifier), bien qu'il pose en costume cravate de parlementaire.

Pour le reste, ce sont les candidatures traditionnelles et attendues. Juste une remarque : pourquoi le NPA s'obstine-t-il à présenter une fois de plus Poutou,  qui est gentil mais fait sourire, ce qui est malvenu quand on représente le courant trotskiste révolutionnaire, qui devrait faire peur ? C'est d'autant plus énigmatique que ce parti a connu ses heures de petite gloire, il y a une quinzaine d'années, avec Besancenot, qui plait, passe bien et est connu. "Tu t'demandes", comme disait Coluche.

Oui, les choses sérieuses commencent, ce matin, cet après-midi, demain et lundi. Samedi, c'est Mélenchon qui réunit ses troupes ; dimanche, Hamon : entre ces deux-là, il va falloir mesurer la force de mobilisation. Car pour eux, l'enjeu est de savoir qui prendra le leadership de la gauche traditionnelle, qui arrivera au soir du premier tour en quatrième position. Leurs idées sont proches, ils se partagent à peu près le même électorat. Hamon aurait pu, dès le lendemain de la primaire, distancer Mélenchon et lui ravir la pole position dans cette catégorie. Mais non : il a perdu du temps et donc du terrain à rechercher avec la France insoumise une alliance impossible qu'il avait promise et qui a échoué. Perdant sur sa gauche, il a de même perdu sur sa droite, beaucoup de socialistes refusant de soutenir un candidat dans lequel ils ne se reconnaissent pas.

Lundi, ce sera le premier grand débat télévisé, entre les grands candidats. Macron est attendu au tournant, puisque c'est le favori de l'élection et le petit nouveau. Comme Le Pen, qualifiable elle aussi pour le second tour, ces deux-là n'auront pas intérêt à en faire trop, mais rester eux-mêmes, conserver leur capital électoral. Ils surfent sur la vague, il leur suffit de rester en équilibre, ne pas tomber. Les autres candidats, en revanche, sont à la peine : ils devront donc se faire remarquer, se distinguer, s'imposer, par conséquent attaquer. Hamon s'en prendra à Macron (il a largement commencé), Fillon s'en prendra à Macron, Mélenchon s'en prendra à tout le monde.

Ce débat sera-t-il déterminant ? Je ne crois pas. La comparaison avec les primaires de droite et de gauche et leurs résultats inattendus est erronée. Dans cette désignation, le corps électoral était très limité, son contour flou, des électeurs du camp adverse venant semer la confusion. Un scrutin officiel, c'est autre chose. A cinq semaines du premier tour, les étiages ne changeront pas fondamentalement. Macron peut faire moins que prévu éventuellement, mais il ne s'effondrera pas. Hamon peut faire mieux que prévu, mais il n'ira pas au second tour. Les choses sérieuses commencent, et comme rien n'est jamais fini en politique, elles continueront même après l'élection.

vendredi 17 mars 2017

Salut les copains



Quelle semaine à gauche ! Manuel Valls ne parraine pas la candidature de Benoit Hamon. En clair, ça signifie qu'il ne le soutient pas. Et pour être encore plus clair, il le traitre de "sectaire". Ce n'est pas exactement le mot que j'emploierais pour qualifier le candidat socialiste. Je préfère dire qu'il n'est plus socialiste, qu'il souhaite transformer le PS en Podemos à la française : fin du travail, revenu universel, légalisation du cannabis et tutti quanti. Ce n'est pas dans la tradition socialiste. Bien sûr, ce projet est éminemment respectable, mais ce n'est pas ce que j'ai connu et approuvé en adhérant au Parti socialiste.

Le pire, c'est l'ambiguïté d'Hamon, qui continue à affirmer : "Je suis social-démocrate". Non, on ne peut pas dire une chose et soutenir son contraire. Hamon, c'est le discours du Bourget à l'envers : Hollande a prononcé son stupide "mon ennemi, c'est la finance" et s'est ainsi fait élire sur ce malentendu, qu'on ne cesse maintenant de lui répéter et de lui reprocher, alors que son programme était parfaitement social-démocrate. Hamon nous fait le jeu inverse, mais lui n'est pas suivi.

Valls accuse Hamon de sectarisme, Hamon accuse Valls de traitrise : ne pas respecter les règles de la primaire, qui exigent que les vaincus soutiennent le vainqueur. Pourtant, c'était couru d'avance : en dépit de toutes les déclarations sur l'honneur, juré craché, un être humain ne peut pas apporter son soutien à des idées avec lesquelles il est en profond désaccord. Ce n'est plus de la discipline ou un sacrifice, mais carrément de la folie. Le système des primaires était cette fois-ci plombé d'avance : il ne fonctionne que lorsqu'un parti est dans l'opposition.

Arnaud Montebourg a mis son grain de sel, accusant lui aussi Valls de trahison et s'en prenant à Macron, le traitant de "mort-vivant" (sic) : "c'est le candidat du libéralisme et de la mondialisation". Comment peut-on être aussi aveugle, aussi partial à l'égard de quelqu'un avec lequel on a travaillé et gouverné pendant des années ? Montebourg aura l'air malin quand il devra, au second tour, appeler à voter pour Macron ! Je me demande parfois s'il ne fait pas semblant d'être bête : il appelle très sérieusement Mélenchon à retirer sa candidature au profit d'Hamon, il est persuadé que cette solution est possible, il croit en l'union entre les deux hommes. Ca se passe de commentaire ...

Cécile Duflot, de son côté, s'en prend à Macron sur Twitter, en le qualifiant de "gros lourd" qui "fait des risettes aux pandas" (devant les chasseurs, le candidat d'En Marche ! avait égratigné le programme d'EELV). Et cette femme-là a été ministre de la République ? Je sais bien que les réseaux sociaux autorisent et encouragent toutes les flatulences verbales, mais on pourrait espérer que ce relâchement n'atteigne pas un certain niveau. Nous n'allons tout de même pas devenir comme Trump !

Toute cette agitation relève d'un problème de fond : Emmanuel Macron est en situation de gagner l'élection présidentielle, Benoit Hamon risque de figurer en cinquième position, derrière Jean-Luc Mélenchon, c'est donc l'avenir du PS qui est en jeu. Tout le problème, c'est le jour d'après : Macron président, Mélenchon leader de la gauche, les socialistes scindés en deux camps "irréconciliables", pour reprendre l'expression de Manuel Valls, que deviendra le Parti socialiste, sinon une puissance purement locale et une force marginalisée au niveau national, comme c'est déjà le cas dans certains pays européens ?

En attendant, attendons ! Chaque chose en son temps et la parole aux électeurs, qui en décideront. Pour l'instant, Emmanuel Macron n'a pas besoin du PS, mais il se pourrait bien que le PS ait besoin dans quelque temps d'Emmanuel Macron. Macron doit rester sur sa ligne, En Marche ! ne peut pas devenir le réceptacle des cocus et des déçus. Des ralliements peuvent porter la poisse. Macron a eu un mot très drôle : "Je n'ai pas fondé une maison d'hôtes". Même pour les copains, nouveaux ou anciens.

jeudi 16 mars 2017

Un nouveau contrat social


En Marche ! Saint-Quentin a présenté hier soir le programme d'Emmanuel Macron, sous forme participative, chacun exprimant son point de vue, posant des questions, avançant des propositions, faisant part de ses critiques ou réserves. Il n'a pas été question du programme des concurrents ou adversaires : l'important est d'expliquer et défendre son projet. Après, ce sont les citoyens qui choisiront. Ainsi le veut l'esprit d'En Marche !

Valentin a ouvert le débat, en rappelant la genèse de ce programme : une vaste consultation des Français, il y a quelques mois. Yann a présenté les membres de l'équipe départementale. Puis Jean-Marc a exposé le volet économique de notre projet. Enfin Maxence s'est fixé sur les mesures d'Emmanuel Macron en matière d'éducation. Ce que je retiens de ces divers exposés et des interventions qu'ils ont suscitées, c'est que la démarche politique de Macron est fortement contractuelle : c'est un nouveau contrat social qu'il propose aux Français.

Par exemple, une marge de manœuvre plus grande sera laissée aux syndicats dans les négociations d'entreprise. Les collectivités locales, ces dix dernières années, ont été assommées par des baisses de dotations de l'Etat. Bien sûr qu'il leur faut faire des économies, mais en contractualisant avec l'Etat, pas en subissant par en haut. Un signe lancé en leur direction par Emmanuel Macron : la réforme des rythmes scolaires sera librement décidée par les villes et communes. Cette logique du contrat vaut aussi au sommet, au sein du gouvernement : pas question d'imposer des économies drastiques, brutales, par exemple dans la réduction du nombre de fonctionnaires. Mais donner à chaque ministère des objectifs à appliquer librement, en les adaptant, sans contrainte ni consigne.

Les grandes idées n'interdisent pas les activités pratiques. Matthieu a terminé la réunion en parlant du porte à porte, de sa nécessité. Dans l'après-midi, Mike et Karim en ont eu un petit aperçu dans le quartier Europe : les gens sont très remontés contre la classe politique, le vote Le Pen s'affiche sans complexe. Si on ne fait rien, si le terrain est laissé au FN, on court à la catastrophe. Présence sur le terrain, chacun à sa façon, comme il l'entend : c'est le mot d'ordre.

Demain, l'équipe départementale accueillera Emmanuel Macron à Villers-Cotterêts, dans l'après-midi. Le soir, un grand meeting est prévu à Reims. En Marche ! ... je veux dire : en route !

mercredi 15 mars 2017

Le Tour arrive à St-Quentin





Salvador Dali prétendait que la gare de Perpignan était le centre du monde. Dans les prochaines semaines, le marché de Saint-Quentin pourrait bien être le centre du monde politique local. Ce matin, les marcheurs étaient présents en nombre (vignette 3, Mike installe le kiosque). Mais les fillonistes ont distribué aussi, et par n'importe qui : Nicolas Fricoteaux en personne, le président du conseil départemental de l'Aisne, notamment entouré par Christophe Coulon et Thomas Dudebout.

En Marche ! Le Tour a garé son van devant le palais des sports (vignette 3), venant de Sedan, se rendant demain à Cambrai (voir billet de samedi dernier). La chaîne de télévision C8 nous suivra toute la journée dans la ville, pour un reportage destiné à l'émission "La nouvelle édition", tous les jours à midi (vignette 1, l'interview). Rendez-vous ce soir, à partir de 19h00, salle Saint-Martin, 132 rue de Ham, pour un café-débat autour du programme d'Emmanuel Macron.

mardi 14 mars 2017

Ecoutez la différence



Ecoutez la différence : c'était le slogan de France Inter. Le magazine économique Challenge a eu la bonne idée de comparer, dans son dernier numéro, les programmes de Macron et Fillon : c'est éclairant, la différence est nette, manifeste. Elle porte un démenti à ceux qui, par facilité ou démagogie, tente d'assimiler les deux candidats, en un seul homme, un même projet. La critique politique ne doit pas se faire au détriment de la vérité.

Rappelez-vous 2002. Jean-Pierre Chevènement représentait alors la gauche du Parti socialiste, qu'il avait depuis longtemps quitté, même s'il était redevenu membre du gouvernement. Candidat à la présidentielle, que disait-il de Chirac et de Jospin ? Que c'était "du pareil au même". La chanson n'est pas nouvelle. Résultat : nous avons eu Le Pen au second tour ! Quand comprendra-t-on que cette identification indue ne profite qu'à l'extrême droite ?

Bien sûr, la différence entre Macron et Fillon n'est pas absolue, il est toujours possible de les rapprocher, plus ou moins, sur certains points. Quand on vise le même poste, qu'on dispose des mêmes instruments gouvernementaux, qu'on est confronté à la même situation, qu'on vit dans un même monde, comment n'y aurait-il pas des similitudes ? Mais elles n'effacent pas la différence globale des projets.

Mon souhait le plus cher, c'est que le deuxième tour de l'élection présidentielle se joue entre Emmanuel Macron et François Fillon, un débat entre républicains, sans l'extrême droite, qui n'apporte rien. D'un côté le social progressiste, de l'autre le libéral conservateur : voilà la confrontation que nous attendons. Un choc Le Pen-Macron serait un leurre, car le vrai désaccord n'est pas entre soi-disant patriotes et prétendus mondialistes.

Regardez bien la couverture du magazine (en vignette) : vous avez remarqué ? Un Macron souriant, triomphant, en avant, fixant du regard le lecteur ; un Fillon tristounet, bouche fermée, en retrait, observant en biais Macron, comme s'il semblait l'envier. Une photo qui en dit long ...

lundi 13 mars 2017

Lui et le chaos ?



La responsabilité d'un macronien est désormais de prendre en compte les critiques qu'on peut faire à son candidat, à son projet, et d'y répondre le plus sérieusement possible. Il n'y a pas à ignorer les reproches ou à ironiser sur les attaques. N'entrant dans aucune polémique, nous devons cependant relever et résoudre les questions qui nous sont posées, d'où qu'elles viennent et quelles que soient leur formulation ou leur intention. Nous sommes en tête dans les sondages, Emmanuel Macron est aux portes du pouvoir, ces partisans doivent être à la hauteur de l'enjeu.

Aujourd'hui, je voudrais aborder une nouvelle critique qu'on lui fait : avec Macron président, la majorité serait introuvable et la France ingouvernable. Sa victoire entrainerait un désordre constitutionnel. Lors de la présidentielle de 1965, la position du général de Gaulle avait été ainsi résumée : Moi OU le chaos. En 2017, avec Macron, faudrait-il dire : Lui ET le chaos ? Non, pour trois raisons :

1- Sous la Vème République, aucun chaos institutionnel n'a procédé d'une quelconque élection, législative ou pas. La France n'a jamais été ingouvernable parce que nos institutions sont faites pour gouverner, pour faire émerger une majorité. Celle-ci peut être courte : elle existe toujours. Et quand elle est menacée de l'intérieur, comme avec les frondeurs socialistes, le 49-3, d'heureuse nature, permet de rétablir la stabilité. En mai prochain, nous aurons un président et en juin une majorité parlementaire, que le gagnant soit Macron ou un autre. Aucune instabilité n'est donc à craindre. Depuis le rapprochement des deux scrutins, législatif et présidentiel, il y a un effet d'automaticité entre les votes, qui exclut encore plus l'imaginaire désordre.

2- Des soutiens autour de Macron qui vont de Robert Hue à Alain Madelin ne peuvent pas constituer une majorité, tellement ces ralliements sont hétérogènes, entend-t-on dire. L'argument est irrecevable ; il est même retournable : puisque le rassemblement est très large, des communistes aux libéraux, la majorité est d'autant plus facile, immédiate, presque naturelle. François Fillon et Benoit Hamon auront beaucoup plus de mal à avoir une majorité, puisque des pans entiers de leur parti respectif les abandonnent.

3- Le plus intéressant dans ce reproche qu'on fait à Macron sur son impossible majorité, c'est qu'il trahit des schémas de pensée anciens, qu'En Marche ! tient justement à dépasser, en proposant à la France une nouvelle gouvernance. Non pas une chimérique et inutile VIème République, qui n'est pas dans nos thèmes de campagne, mais au contraire un retour initial à l'esprit de la présente Constitution, qui n'exige pas l'existence d'un parti majoritaire. Lorsqu'on titille Macron sur le problème de sa majorité, c'est en réalité la question du parti majoritaire qu'on pose. Or, un président peut fort bien s'en passer. Une majorité lui suffit.

Le principe de parti majoritaire est d'ailleurs en crise, on l'a vu avec la majorité socialiste, où les députés appartenant au même parti ne partageaient pas les mêmes idées et exprimaient des votes différents. La nouvelle gouvernance que propose Emmanuel Macron n'est pas si nouvelle, mais elle n'a jamais été pratiquée : ce sont les majorités d'idées, déjà imaginées par Edgar Faure dans les années 70. Le Parlement y gagnerait en liberté, en sincérité et en efficacité. Avec cette perspective, nous sommes très loin de la polémique sur le prétendu chaos qui suivrait l'élection d'Emmanuel Macron.

dimanche 12 mars 2017

Histoire de marchepied



Macron est riche. Macron n'a pas de programme. Macron est de droite. Macron n'aura pas de majorité pour gouverner : aucun de ces "arguments" ne fait mouche, le candidat continue à progresser dans les sondages, il fait maintenant jeu égal avec Marine Le Pen. Benoit Hamon a donc lancé, jeudi soir, une nouvelle salve : "Le projet d'Emmanuel Macron, c'est le marchepied du Front national". Répondons calmement à cette grave attaque :

1- Ce n'est pas une critique, légitime, à laquelle on peut d'abord rationnellement répondre ; c'est une injure : accuser Macron de faire le lit de l'extrême droite, de lui dérouler le tapis, de l'aider à accéder au pouvoir. Car c'est bien ce que veut nous dire ou nous faire comprendre l'image du marchepied. Quand on en vient à l'injure en politique, c'est mauvais signe.

2- Cette injure repose sur un jeu de mots, dont chacun appréciera la finesse : En Marche ! et marchepied. Quand on renonce à la démonstration pour se retrancher derrière un jeu de mots, c'est un aveu de faiblesse.

3- Après la forme, venons-en au fond. Le seul marchepied du Front national, ce n'est pas la gauche, ce n'est pas la droite, ce n'est pas Macron, c'est l'électorat qui vote pour ce parti. Depuis que je tiens ce blog, je n'ai pas cessé de le répéter, me refusant à déculpabiliser cet électorat. Même la situation économique et social n'est pas un marchepied, mais un prétexte, car les électeurs pourraient se tourner vers bien d'autres candidats protestataires, d'extrême gauche par exemple.

4- Comment peut-on oser parler de marchepied, alors que les idées d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen sont complètement opposées ? L'extrême droite attaque continuellement Macron, en le présentant comme le candidat des banques, de la mondialisation, de l'immigration et de la mort de la France ! Il a une drôle de tête, le marchepied ... Hamon a le droit de critiquer, il ne devrait pas avoir le droit d'être malhonnête.

5- Plus subtilement, Hamon essaie une analogie entre Clinton-Trump et Macron-Le Pen : ceux qu'on donne gagnants finissent par perdre. Faire le malin rend maladroit : Trump n'est pas Le Pen, l'Amérique n'est pas la France mais Benoit Hamon pourrait bien être Bernie Sanders, disqualifié dès le soir du premier tour.

6- Il faut être aveugle ou vicieux pour ne pas voir que le seul a pouvoir battre Marine Le Pen, c'est pour l'instant Emmanuel Macron, et pas Benoit Hamon. Image pour image, je préfère, au marchepied, celle du barrage ou du contrefeu.

Que Benoit défende son projet : nous l'écouterons avec respect, nous discuterons ses propositions, nous lui répondrons en argumentant. Mais qu'il cesse d'être ce qu'il a toujours été au sein du Parti socialiste : un opposant, avec une psychologie de minoritaire, ne se sentant bien que dans l'attaque. Quand on prétend à la présidence de la République, le niveau change, s'élève, on passe même à une autre dimension. Le débat politique gagnerait à ce que lui comme chacun en prennent conscience.

samedi 11 mars 2017

Mercredi, c'est notre Tour



Ne vous étonnez pas si, mercredi prochain, une camionnette blanche circule toute la journée dans Saint-Quentin. C'est EM ! Le Tour, de passage dans notre ville. A 11 heures, vous pourrez rencontrer les marcheurs devant le Palais des sports et, dans l'après-midi, du côté du parvis de la basilique. En début de soirée, à partir de 19 heures, un café-débat vous accueillera au quartier Saint-Martin, 132 rue de Ham, pour discuter librement du programme d'Emmanuel Macron.

Ce matin, comme dans toutes les villes de France, En Marche ! a organisé son opération kiosque. C'est tout simple : un kit avec ballons tricolores frappés de la devise républicaine, drapeau national et européen, affiche "Emmanuel Macron président", prospectus à distribuer. L'objectif est de nous rendre visible, et ça fonctionne (en vignette).

L'accueil des passants est majoritairement favorable. Bien sûr, il y a des indifférents, et quelques remarques hostiles. Mais le positif l'emporte. Il y a aussi ces réactions inattendues ou contradictoires, qu'on ne sait trop comment interpréter, qui prouve que l'électorat est déstabilisé et qu'il faut rester prudent jusqu'au bout de l'élection. Des socialistes nous ont assurés voter Macron, quelques fillonistes (qui ne le sont plus) aussi. Des personnalités politiques, pas forcément d'accord, sont venues nous saluer ou échanger : Pierre André, Olivier Tournay, Freddy Grzeziczak ... Ce n'est pas parce qu'on ne partage pas les mêmes idées qu'il faut s'ignorer ou se faire la guerre.  

Une grande aspiration est perceptible, sur laquelle à peu près tout le monde semble s'accorder : le renouvellement. Longtemps, à gauche notamment, on a prôné le changement, en croyant qu'on pouvait le mener en gardant les mêmes. Non, le changement politique passe aussi par le renouvellement de la classe politique, ce qui signifie aussi son rajeunissement. Ce matin, sur le marché, l'air était doux et le soleil présent : un air de printemps plein de promesses.

vendredi 10 mars 2017

Hamon, un futur indésirable



J'ai suivi hier soir, de bout en bout, "L'Emission politique", dont l'invité était Benoit Hamon. Sur la forme, je l'ai trouvé à l'aise, plutôt bon. Il a cependant un petit côté gamin rieur, qui ne fait pas très président de la République. C'est surtout quand il s'oppose qu'il prend de l'étoffe, contre Emmanuel Macron par exemple. Sur le fond, je ne suis évidemment pas d'accord avec lui. Pas sur tout : nous avons en commun d'être de gauche ! Sur la laïcité (face à Laurent Wauquiez) et sur les rythmes scolaires, je l'approuve. Mais c'est sur son projet économique que ça coince.

Le gros désaccord, c'est sa conception du travail. Tout part de là et me fait condamner le reste. Hamon part du postulat, selon lui accrédité par les faits et les études, que le travail va "se raréfier" (il l'a répété plusieurs fois). Non, je n'y crois pas : c'est du défaitisme, une vision bien peu progressiste de l'activité humaine. Il y a énormément de travail à accomplir dans notre société. Le problème est de créer les emplois qui correspondent, et le financement qui va avec. Se résoudre à un chômage de masse, comment l'accepter quand on est de gauche ? Impossible !

Bien sûr, Benoit Hamon prévoit un filet de sécurité : son fameux revenu minimum d'existence. Mais ça ne remplacera jamais le travail, ce ne sera jamais suffisant. Sans même parler du problème de son financement. Dans la même logique, Hamon propose les 32 heures : mais ce n'est pas moins de travail, c'est plus de travail et de meilleures rémunérations que demandent les salariés ! Et puisque les hommes, dans la société de Benoit Hamon, seront moins nombreux à travailler, ce sont les robots qui paieront à leur place ! Le candidat appelle ça "un futur désirable". Non, je ne le désire pas.

Dans sa critique d'Emmanuel Macron, Hamon lui reproche d'être "un homme de droite". Comment se fait-il alors que beaucoup d'électeurs de gauche se reconnaissent en lui ? Il lui reproche aussi de n'avoir aucune majorité sur laquelle s'appuyer, s'il était élu. C'est fort de café : car lui, Hamon, qui voit une bonne moitié du PS le lâcher et Mélenchon l'éconduire, où est sa majorité ? Il y a des reproches qu'on fait aux autres parce qu'on en souffre soi-même. Quand Macron sera président, il s'appuiera tout simplement sur la majorité que lui donneront les Français lors des élections législatives qui suivront.

mercredi 8 mars 2017

Les Bartolone et les Delanoë



Les socialistes se divisent en deux catégories : il y a les Bartolone, il y a les Delanoë. Les premiers sont des prudents, des moitiés de malins : ils attendent. Les seconds sont des audacieux et des convaincus : ils s'engagent. Vous m'avez compris : je méprise les uns, j'admire les autres. Pourquoi de mêmes socialistes sont-ils si différents ? Parce que les Bartolone, toute leur vie, ont suivi quelqu'un, ont été n°2 de quelque chose. Quand il n'y a plus personne à suivre, ou pire, quand ils sont écartelés entre deux, ils sont paumés. Les Delanoë, eux, ont été premiers : ce sont des hommes libres, qui ne se déterminent que par rapport à eux-mêmes.

Dans Le Monde paru hier, Claude Bartolone donne un triste spectacle : il est en désaccord de fond avec Hamon, il ne se reconnaît pas dans son projet. C'est bien, tout socialiste normal ne peut que réagir ainsi. On le sent tenté par Macron. Mais il n'ose pas encore. Barto n'a pas fait son choix, nous dit-il. Il hésite. Eh oui : d'habitude, ce sont les autres qui choisissent pour lui. Pour le moment, il attend de voir.

Oh ! ils sont nombreux au PS, les Bartolone, qui attendent de voir. De voir quoi ? Le point d'irréversibilité où Hamon ne pourra plus rattraper son retard, où Macron sera le seul en capacité de l'emporter. A ce moment-là, tous les Bartolone de France et de Navarre se mettront en marche vers Macron. Il nous faudra les accueillir généreusement, salués du léger mépris que méritent tous les ralliés de la dernière heure, comme un peu de piment relève un plat fade. Bartolone a cette phrase remarquable : "On est tous ballotés par les événements". Oui, c'est le destin des ballots. A sa décharge, il faut rappeler que c'est un homme humilié, en souffrance : Hollande a dit de lui, dans un fameux bouquins à sensations, qu'il était "sans envergure".

Sur France Inter, ce matin, Bertrand Delanoë nous a fait du bien. Ce socialiste est une lame. Son jugement est tranchant, son analyse affutée. Il a plié, vite fait, Hamon en trois : ce n'est pas un rassembleur, son projet ne va pas dans le sens du progrès social, il n'est pas crédible. Delanoë n'attend pas, n'hésite pas : il vote Macron. Parce que le projet de celui-ci est sérieux, social-démocrate et le mieux à même de contrer Le Pen. Qui se souvient qu'il y a dix ans, Bertrand Delanoë était un Macron avant l'heure ? Il se proclamait alors "libéral", ce qui avait fait trembler dans les chaumières. Pourquoi a-t-il alors échoué là où Macron est en passe de réussir ? Parce que Delanoë a cru qu'on pouvait rénover le PS de l'intérieur. Macron s'est vite détaché de cette illusion.

Au Parti socialiste, il y a beaucoup de Bartolone et seulement quelques Delanoë. Mais les autres partis sont logés à la même enseigne.

mardi 7 mars 2017

Macron, fils à papa ?



Contre Emmanuel Macron, pour stopper son irrésistible ascension, on a tout essayé : l'argent, le sexe, le programme. On a invoqué sa mystérieuse "liste de donateurs", que la loi lui interdit de publier. On a supputé sur son homosexualité dissimilée, ce qui l'a bien fait rigoler, et nous avec. On a déploré son absence de programme, au fur et à mesure qu'il exposait un programme riche et étoffé. On a tout essayé, mais on cherche encore, parce que Macron au pouvoir, ce serait trop grave pour tous ceux qui ont envie d'être au pouvoir. Macron juif, on n'a pas encore osé. Mais dans la lie des réseaux sociaux, on va sans doute tenter, puisqu'on tente tout ici.

Non, il faut trouver autre chose, et à force de chercher, motivé par la détestation, on finit par trouver : Emmanuel Macron ne serait pas lui-même. Pire que le hologramme de Mélenchon, il porterait un masque, un peu comme les héros du film et de la série "Mission Impossible". Et quand on l'arrache, qu'est-ce qui apparaît ? François Hollande ! Macron serait sa créature, sa marionnette, son drone. Mieux que tout cela : son fils caché ! On comprend la grosse astuce : Hollande est impopulaire, Macron le sera à son tour quand on découvrira qui il est vraiment, quel est son papa. Tout cela bien sûr est cousu de fil blanc, pour quatre raisons :

1- En République, il n'y a pas de dauphin, pas d'héritier. Chaque candidat se présente pour lui-même, avec son projet, n'est le porte-parole de personne. Pompidou n'était pas le fils caché de de Gaulle, ni Jospin celui de Mitterrand. En démocratie, la politique n'est pas une histoire de famille ou de filiation.

2- Quand on est candidat, c'est pour proposer un autre avenir, pas justifier le récent passé. On se présente sur un projet, pas sur un bilan. Macron ne se détermine par rapport à un gouvernement auquel il a participé, mais par rapport à un programme qu'il veut appliquer.

3- Si Emmanuel Macron a démissionné de son poste important de ministre, c'est qu'il avait des désaccords, c'est qu'il lui semblait qu'une autre voie, différente, autonome, était souhaitable et possible. En matière de paternité, on fait quand même mieux que quitter le domicile familial !

4- Les désaccords et l'éloignement n'empêchent pas la fidélité, et surtout l'honnêteté : Macron a non seulement été membre du gouvernement Valls-Hollande, mais il en a inspiré, depuis le début du quinquennat, les grandes lignes de la politique économique. Son attitude de différenciation n'a rien à voir avec le dénigrement de Benoit Hamon, qui est plus qu'une infidélité, mais une trahison : soutenir une équipe, contribuer à la mise en place d'une politique, qu'on se met ensuite à critiquer dans sa quasi totalité.

Macron assume ses fidélités, Hamon non. Si Macron se porte candidat, ce n'est pas pour dézinguer la politique de Hollande : c'est pour dire qu'elle aurait dû aller beaucoup plus loin, se montrer plus audacieuse, et aussi plus claire, plus lisible. Si Hamon est le fils maudit, qui doit tout à Hollande avant de se retourner contre lui, Macron n'est pas le fils caché, ni du président, ni de personne d'autre. Macron est simplement lui-même. On appelle ça un homme libre. Ce n'est pas si fréquent. Je suis  désolé pour ses adversaires : je viens de leur enlever un argument supplémentaire pour le discréditer. Il va leur falloir trouver autre chose. La rage donne de l'imagination. Ils trouveront, j'en suis certain. Et ils me trouveront aussi devant eux, contre eux, afin de dénoncer leurs nouveaux mensonges.

lundi 6 mars 2017

J'y suis j'y reste



La crise politique que traverse la droite est impressionnante et inattendue. Avec le recul, on constate qu'elle n'est pas si exceptionnelle : tous les grands partis subissent régulièrement ce genre d'épreuve. En politique, il y a deux plaies : la défaite et la division, la seconde entrainant généralement la première. Ce sont des maux endémiques, dont il ne sert à rien de se plaindre, mais qu'il faut traiter et soigner, sachant que le travail est toujours à recommencer. La crise actuelle nous rappelle six règles :

1- Le pouvoir est la réalité première. Celui qui le détient à toutes les cartes en main. Il est difficile à déloger. François Fillon est le maître du jeu. S'il ne veut pas partir, il restera, et nul ne pourra l'évincer.

2- La base est motivée par des réactions identitaires, presque de survie. Hier, au Trocadéro, Fillon a mobilisé beaucoup plus qu'on ne pouvait le penser. Tant qu'il n'y a pas d'autre chef, les troupes suivent le chef. Tout ce qui, de l'extérieur, s'attaque à lui ne fait que le renforcer.

3- Le sommet pense à préserver ses intérêts, c'est-à-dire ses mandats, essentiellement les sièges de députés, qui vont tomber, avec les conséquences de la catastrophe annoncée. Pas d'amis fiables en politique : quand le pouvoir s'éloigne, les soutiens s'éloignent.

4- Le parti n'est pas l'opinion, les adhérents ne sont pas les sympathisants, encore moins les électeurs. Il n'y a pas plus mauvais conseil qu'un militant. Au Trocadéro, leur mobilisation est dans un rapport inverse à celle de l'électorat : plus celui-ci s'affaiblit, plus les militants se tiennent les coudes. L'effet est trompeur.

5- Il n'y a pas de "boulevard" en politique. Fillon croyait avoir le sien après la primaire. Son affaire a tout mis par terre. Le destin est fragile, aléatoire, hasardeux. Ce qui laisse encore une chance à la chance. Qui est à terre se relève plus vite que prévu.

6- Le génie politique, c'est l'art du compromis. Tous les grands l'ont pratiqué et sont sortis d'une crise par le haut. Ici, la droite doit dépasser l'entêtement de Fillon et l'amertume de Juppé. Si elle ne veut pas aller dans le mur, il lui faut trouver une solution. C'est à souhaiter, car une élection présidentielle minée par cette crise de la droite ne profiterait qu'à l'extrême droite.

dimanche 5 mars 2017

Etiez-vous Averty ou Carpentier ?



Parce que je parle beaucoup de politique sur ce blog, ceux qui ne me connaissent pas croient que je ne m'intéresse qu'à ça. Pourtant, la politique ne représente qu'à peu près 20% de mes centres d'intérêt, et je n'ai jamais eu aucune ambition personnelle dans ce domaine, qui exigerait un souci et un engagement exclusifs et constants. Tout le reste est consacré à d'autres choses et à ce qui me regarde. Aujourd'hui, par exemple, je n'ai pas trop envie de parler politique. Pour dire quoi ? Que la manifestation organisée cet après-midi par Fillon à Paris est une mauvaise idée ? Qu'Hamon hier soir chez Ruquier m'a convaincu de son absence de stature présidentielle ? Non, pas la peine.

En revanche, il me semble plus utile d'évoquer la disparition du réalisateur de télévision Jean-Christophe Averty, qui n'a fait qu'une ligne de commentaire en bas de l'écran de BFMTV. Mais la chaîne d'information continue nous a habitués à ce genre de scandale ... Averty, c'est surtout les années 60 et 70. A la même époque, dans les émissions de variétés, il y avait aussi les Carpentier. Je crois qu'on était l'un ou l'autre, selon les goûts, les tempéraments, les milieux. Pourtant, et c'est ce qui est intéressant, les mêmes chanteurs se retrouvaient souvent dans les deux.

J'étais Carpentier parce que ma famille était Carpentier. C'était du pur divertissement, agréable à regarder, fort joli, parfois surprenant (les duos inattendus). Pourquoi pas Averty ? Parce que c'était intello, bizarre, déconcertant. Il y avait autant de différence entre Averty et Carpentier qu'entre Jacques Chancel et Guy Lux. Jean-Christophe Averty, je l'ai découvert et apprécié bien après ces années-là. Un documentaire, diffusé sur France 3 il y a quelques semaines, nous a restitué tout le patrimoine légué par Jean-Christophe Averty.

A ceux qui doutaient de la télévision et de sa valeur artistique, il a prouvé qu'on pouvait concevoir et pratiquer un art télévisuel, certes mineur, mais un art quand même, c'est-à-dire quelque chose de beau, d'original, de créatif. Comme tout œuvre d'art, la description ou le commentaire sont impossibles, difficiles. Il faut aller voir les clips d'Averty, leur inventivité, leur fantaisie. Son génie, c'est qu'il pouvait transformer un mauvais chanteur et une médiocre chanson en un petit bijou de télévision, en un temps où le numérique n'existait pas. Le contenu perdait de son importance, c'est la forme qui primait : n'est-ce pas la définition de l'art ?

Autre aspect important chez Averty : sa personnalité. Il y a des artistes qui sont aussi intéressants que leur œuvre. Averty remuait, zozotait, provoquait. Il était surréaliste comme l'étaient ses oeuvres. Dans la France de de Gaulle et Pompidou, c'était quelque chose ! Jean-Christophe Averty avait auprès de lui le professeur Choron, du futur Charlie hebdo. L'humour était aussi grinçant que la moulinette qui écrasait les baigneurs, marque de fabrique d'Averty. Le plus drôle, c'était que le pouvoir, n'hésitant pas à manier la censure, laissait faire, parce que c'était culturel, et pas directement politique. Louis XIV aussi tolérait Molière et La Fontaine. Et puis, les masses ne se précipitaient pas pour regarder Averty !

Jean-Christophe Averty, depuis pas mal d'années, nous avait hélas quittés. Je doutais même, à certains moments, qu'il était encore en vie. Aujourd'hui, nous le perdons pour de bon. Mais comme le privilège de l'art est d'être éternel, j'invite les jeunes générations, qui ne le connaissent pas forcément, à le retrouver sur internet. C'est la revanche d'Averty sur les Carpentier !

samedi 4 mars 2017

Déterminés à gagner




L'apéro citoyen d'En Marche ! hier soir à Saint-Quentin (vignettes 1 et 2) ne pouvait pas mieux tomber pour nous motiver. Dans la journée, nous apprenions qu'un sondage mettait Emmanuel Macron en tête de tous les candidats, dès le premier tour. Bien sûr, les enquêtes d'opinions donnent des tendances variables, mais c'est une indication forte et un encouragement. Et puis, quel que soit le sondage, notre candidat est dans le trio de tête depuis plusieurs semaines. L'élection a lieu le mois prochain, rien n'est certes joué, mais le paysage politique commence à se stabiliser et les grandes tendances ne vont pas substantiellement se modifier.

Hier, Cyril Thirion nous a présenté l'état de la campagne. Puis Michel Amiri a traité du problème majeur de la confiance à l'égard de la classe politique, qui fait actuellement défaut dans l'opinion publique. Emmanuel Macron échappe à cette défiance. Olivier Leroy nous a présenté succinctement les grands lignes du programme économique, dont la philosophie est de rééquilibrer l'effort de solidarité entre capital et travail, afin de mettre à contribution le premier au profit du second. Enfin, Gaël Dazin a développé les positions d'Emmanuel Macron en matière de sécurité et de défense.

Il s'agit maintenant de continuer à diffuser toutes ces propositions (le programme d'Emmanuel Macron fait 150 pages !) autour de nous, sur internet, dans des distributions et des porte à porte. Ce que nous sentons, c'est que la victoire est à notre portée, parce que la gauche se cherche, parce que la droite se perd, parce qu'une majorité de nos concitoyens aspirent fortement à un renouvellement. Nous sommes prêts et déterminés.

vendredi 3 mars 2017

Macron est notre Kennedy



Je ne crois pas aux vertus de l'âge. Vieux sage et jeune inexpérimenté, ce sont des foutaises. Ma ligne est celle de Brassens : "L'âge ne fait rien à l'affaire, quand on est con on est con". Le jeunisme m'horripile. Je n'ai pas aimé avoir 20 ans, j'attends avec impatience d'en avoir 60, pour voir ce que ça fait. La vieillesse me semble pleine de promesses, malgré la maladie et la mort. La jeunesse, c'est pendant trop longtemps l'âge ingrat.

En revanche, d'un point de vue politique, c'est différent. Dans notre histoire, ce sont les jeunes qui font bouger le monde. Les grands révolutionnaires de 1789 étaient incroyablement jeunes. Bonaparte était surtout intéressant avant qu'il ne devienne Napoléon, grassouillet, la main dans le gilet et son chapeau ridicule sur la tête. En mai 68, c'est la jeunesse qui est descendue dans la rue. On l'a oublié, mais en 1965, Mitterrand aspire à être un "jeune président" face au vieux de Gaulle. L'âge finira par le rattraper, et c'est en vieux qu'il se fera élire, en 1981.  Giscard, en 1974, c'est la jeunesse au pouvoir ! L'horrible contre-exemple, c'est Pétain : un vieillard aura présidé aux plus sombres années de notre histoire.

La jeunesse a mille défauts, et je ne regrette vraiment pas la mienne. Mais il y a une qualité qu'on ne peut pas lui enlever : sauf accident ou maladie, elle a l'avenir devant elle, et souvent l'enthousiasme qui va avec. Si je soutiens Emmanuel Macron, ce n'est pas parce qu'il est jeune, c'est parce qu'il est le seul social-démocrate assumé, décomplexé et cohérent (ce qu'on appelle aujourd'hui, le terme est récent et souvent polémique, un social-libéral). Mais sa jeunesse est incontestablement un formidable atout.

Notre classe politique est vieillissante, intellectuellement percluse de rhumatismes. Ses prothèses idéologiques la soulagent mais n'arrangent rien. Sa prostate la chatouille et la fait bouger, mais c'est pour revenir à la même place après s'être vidée. Elle a le vice luxurieux des vieillards impuissants. Le temps qui passe, la maladie qui menace, la mort qui approche : il faut s'appeler Mitterrand ou de Gaulle pour affronter ça avec panache.

La France d'aujourd'hui se remplit de retraités et a des réflexes de vieux. Elle regrette le passé, se plaint du présent, redoute l'avenir, ne croit plus en rien, a peur de tout, comme arrivée en fin de vie. Beaucoup de Français craignent de basculer dans la misère, consomment des médocs et finissent par penser que le suicide est un mode de protestation sociale. On en vient même à réfléchir à une loi qui mettrait fin volontairement à la vie. Partout, il n'est question que de souffrance. L'extrême droite, qui est notre plus ancienne famille politique, bat des records, en vieille pute fardée mais toujours aussi malodorante. Tant que la France était ce "cher et vieux pays" chéri par de Gaulle, tout allait bien. Mais elle est devenu un pays vieux, et là tout va mal. 

Oui, à la France, pour la sortir de sa torpeur, de son pessimisme et de sa désespérance, il faut un président jeune. Je suis persuadé que ça nous fera un bien fou. Et il n'y en a qu'un seul : Emmanuel Macron. Il a l'énergie, la clarté et le charme de la jeunesse. Il en a aussi l'audace, l'impertinence. Et une forme de naïveté, de sincérité, d'innocence, jusque ce qu'il faut, pas trop, pour en faire un président, et même un grand président. Emmanuel Macron, c'est notre John Fitzgerald Kennedy. La France de 2017, c'est l'Amérique de 1961. EM, comme JFK, peut nous emmener sur la Lune, j'y crois. Mais il ne faudrait pas que ça se termine par Dallas. Cette semaine, nous avons assisté à un "assassinat" politique, au dire même de la victime. Deux dans une même présidentielle, c'est peu probable.

jeudi 2 mars 2017

Venez à l'apéro Macron



Emmanuel Macron a présenté ce matin la totalité de son programme. Beaucoup de ses propositions étaient déjà connues, annoncées au fur et à mesure de sa campagne depuis plusieurs semaines. Aujourd'hui, à deux mois du premier tour, nous avons le projet complet, comme il est normal.

Soulignons d'abord l'originalité de la démarche, qui est inédite dans la vie politique française. Elle a été lancée il y a presque un an, avec une série de porte à porte, chargés de faire remonter les aspirations et revendications des Français. Puis, les collectifs En Marche ! ont débattu des propositions issues de cette vaste consultation. Le programme porté par Emmanuel Macron est donc le résultat de cette procédure. C'est pourquoi bon nombre de Français devraient se reconnaître en lui.

Parmi les multiples mesures, j'en retiendrais deux : l'instauration d'une cogestion à la française dans les entreprises, en attribuant la moitié des sièges aux organisations syndicales dans les comités de surveillance. Ce système existe en Allemagne : il est le meilleur héritage d'une très puissante social-démocratie. Il est dans le droit fil de l'intention de Macron : redonner des marges de manœuvre aux syndicats.

Dans un tout autre genre, je note la loi de moralisation de la vie publique (par les temps qui courent, nous en avons bien besoin !) : réduction du nombre de parlementaires, alignement de leur retraite sur le régime général, interdiction d'embaucher de la famille ou des proches, fin de leurs activités de conseil. La classe politique, les élus sont trop discrédités, et c'est l'extrême droite, comme toujours, qui en tire profit : il faut donc frapper un grand coup, marquer les esprits pour assainir la vie politique.

De tout cela, nous reparlerons demain, au premier étage du Carillon, 7 rue Croix Belle Porte, à Saint-Quentin, lors d'un apéro citoyen. C'est ouvert à tous, à partir de 18h30. Vous pourrez rencontrer et discuter avec les équipes locales et départementales d'En Marche ! A demain.

mercredi 1 mars 2017

Fillon fait de la politique



Nous avons sans doute été nombreux ce matin à penser que François Fillon allait renoncer à la présidentielle. Annuler sa visite au salon de l'agriculture, ne pas prévenir ses proches, annoncer une déclaration pour midi : la surprise, la solennité, tout présidait pour un retrait. On comprend pourquoi : les concerts de casseroles, la caisse de résonnance des médias, les suites judiciaires, sa famille mise en cause, son parti affaibli, la baisse dans les sondages, tout allait dans le sens d'un renoncement. Les justifications étaient faciles à prévoir. Mieux vaut un sacrifice qu'un naufrage.

Midi trente nous a détrompés : nous avions tout faux. Fillon tient bon, persiste et signe, reprend de l'assurance, poursuit le combat. Je m'en veux un peu d'avoir pu penser un instant qu'il allait fléchir : suis-je bête ! Un homme politique ne fléchit jamais. Je le sais, pourtant. Quand Tapie, traqué par la justice, est allé demander des conseils à Mitterrand, celui-ci lui a répondu, en substance : "tenez-bon, ne lâchez pas ! La justice, personne n'y comprend rien et les Français ne l'aiment pas. Sortez des arguties juridiques, jouez à la victime, désignez un adversaire et dénoncez-le. Dramatisez, cognez fort. Bref, faites de la politique !"

Un homme normal aurait jeté l'éponge. Mais François Fillon n'est pas un homme normal. Il nous est plus étrange et plus étranger qu'un extraterrestre : Fillon est un homme politique. Il y a consacré toute sa vie, a détenu tous les mandats et fonctions qu'on peut détenir, sauf celui de président de la République. Chacun d'entre nous fait ce qu'il sait faire : Fillon, c'est la politique. Aujourd'hui, Fillon a fait de la politique.

Est-ce une folie ? Non, c'est très réfléchi, et de son point de vue, c'est son intérêt. Imaginez qu'il ait lâché : à deux mois du premier tour, la droite se retrouvait sans candidat, et il est trop tard pour en désigner et lancer un nouveau. L'effondrement aurait profité au Front national. Le pire en politique, c'est de changer de canasson au milieu de la rivière ; alors on perd tout. Quitte à crever, autant pousser la bête au bout de la course. Et puis, on ne sait jamais : un sursaut est toujours possible, dans une vie politique qui va de surprise en surprise.

François Fillon continue. L'affaire qui le poursuit, je n'en parle pas ; sur ce blog, je ne l'ai jamais évoqué : les démagogues et les populistes sont assez nombreux sur le coup, et je n'en suis pas. C'est la justice qui décidera. Mais je conteste le candidat sur deux points : d'abord, ses attaques contre les magistrats, alors qu'il brigue le poste de premier magistrat de France. La justice est mal-aimée de nos concitoyens, incomprise : un responsable politique ne devrait pas l'affaiblir encore plus. Cette institution n'est pas n'importe laquelle : c'est un pilier de la République. Fillon fait donc une mauvaise action, pour se sortir d'une mauvaise passe. Ensuite, il renie son engagement de n'être pas candidat s'il était mis en examen, ce vers quoi on va avec sa convocation devant les juges. Quand on se fait élire aux primaires sur le thème de la probité, qu'on donne des leçons à ses concurrents, il faut veiller soi-même à être d'une probité inattaquable. Là, c'est raté.

François Fillon a choisi de mourir debout. Ce n'est pas sans grandeur ni courage. D'un certain point de vue, il ne pouvait pas faire autrement Oui, il fait de la politique. Mais sait-il ce que la politique va faire de lui ?