mardi 21 mars 2017

Débat cata



Porter un commentaire sur un débat politique est un exercice difficile. Celui d'hier soir n'échappe pas à la règle. Objectivement, il est difficile d'en tirer des leçons, encore plus de désigner un vainqueur et un perdant. Que reste-t-il à faire ? Donner ses impressions, qui valent ce qu'elles valent. Même l'audience, excellente, puisque près de dix millions de Français étaient devant leur poste, est sujette à discussion : que signifie-t-elle vraiment ? Est-ce une assurance contre l'abstention de masse ? Je n'en suis pas trop sûr. La politique est devenue un spectacle : on vient voir les grands fauves se battre. Mais le devoir électoral en sort-il renforcé ?

Ma première impression confirme ce que j'avais écrit dans le billet du 22 février : un débat avant le premier tour est une mauvaise idée, parce qu'il ne peut tourner qu'à la confusion. La démonstration a été faite, selon moi, hier soir. On compare les candidats comme des lessives, et on ne voit pas trop les différences. Bien sûr, quand on est militant, le jugement est faussé : on soutient son champion, on le trouve forcément bon puisqu'on se reconnaît dans ses idées, on le juge meilleur que les autres puisqu'on souhaite qu'il gagne. Je ne veux pas tomber dans cette facilité. Quand on est militant, on comprend aussi aisément les clivages, on repère les lignes, on identifie les projets. Mais il faut se mettre à la place de la plupart des gens, qui ne connaissent pas grand-chose à la politique, qui souvent font des confusions : qu'ont-ils pu retenir du débat d'hier ? A mon avis, surtout une cacophonie, où l'on avait du mal à s'y retrouver.

C'était couru d'avance : tant de sujets à aborder avec autant de candidats, et une durée d'émission totalement folle, 3h30 de direct (j'ai tenu jusqu'au bout, presque par devoir, mais j'ai eu du mal). Qui a tiré son épingle du jeu, qui va profiter de cette confrontation ? Il m'est pénible d'avoir à le dire : je crois que c'est Marine Le Pen. Elle était à l'aise, très claire, offensive. Son avantage, c'est de parler en toute irresponsabilité, dans une parfaite démagogie. Ses concurrents s'efforcent d'argumenter en tenant compte de la complexité des dossiers ; Le Pen pratique la simplification outrancière. Ce qu'elle propose est dangereux et intenable ; elle n'a aucune maitrise de la technique gouvernementale, mais je crains que ces défauts ne se retournent en attraits au regard de l'opinion. Tous les grands leaders fascistes ont usé de cette facilité, de cette rouerie. Le Pen exerce sûrement une part de fascination, par sa présence physique et verbale à l'écran. C'est effrayant.

Tous les autres candidats n'hésitaient pas, même Mélenchon, à reconnaître parfois des convergences entre eux sur certains points. Le Pen était la seule à ne jamais acquiescer, à conserver son quant à soi, à marquer sa différence de brute blonde devant et contre les hommes en costard bleu. Même sa grosse voix de fumeuse tranchait : elle assénait avec arrogance ses certitudes, qu'elle accompagnait régulièrement de son sourire de rongeur. Quand elle s'exprime, on comprend tout et ça fait peur. Les autres exigent notre effort, qui n'est pas toujours récompensé. Le Pen joue d'autant plus sur du velours que personne ne l'attaque : qui, hier soir, a rappelé que c'était la candidate de la xénophobie, que son projet n'était pas républicain ? Personne ...

De Macron, cible de toutes les critiques, j'ai aimé sa réplique : "Si je n'étais pas là, vous vous ennuieriez". Et j'ai trouvé dégueulasse l'insinuation de Benoit Hamon, chafouin, faisant son malin, à propos du financement de la campagne de Macron, laissant entendre qu'elle serait sous influence des lobbies. Ce genre de soupçon, totalement infondé, est indigne d'un candidat à la présidentielle. Hamon est vicieux : il réclame à Macron quelque chose que celui-ci ne peut pas lui donner, les noms de ses donateurs, que la loi interdit de dévoiler. Qu'on affronte tant qu'on voudra Macron sur ses convictions, mais qu'on ne fasse pas de la politique de caniveau. Mélenchon a bien des défauts, mais il est honnête : ce serait justice qu'il coiffe au poteau le candidat que je n'ose plus qualifier de socialiste.

A l'issue de ce débat pour moi catastrophique, je suis très pessimiste. Une consolation tout de même, qui contredit mon appréhension : Emmanuel Macron a été jugé le plus convaincant dans deux sondages effectués juste après, et Benoit Hamon arrive en bon dernier. C'est parfois un bonheur d'avoir tort dans ses impressions.

14 commentaires:

Philippe a dit…

D’accord sur l’analyse concernant les foires d’empoigne TV mais élargissons la critique !
Retour sur les fondamentaux un peu tordus de notre République très très approximativement … démocratique.
Et pour peut être ????? trouver une explication à la décomposition de plus en plus malodorante du monde politique.
1-la présidentielle
Toutes nos élections présidentielles présentent au plan électoral quelques fondamentaux souvent oubliés car nous préférons ne pas voir nos tares !
Quelque soit l’élu (e) des présidentielles il ou elle le sera par une très faible partie de l’électorat.
C’est encore plus vrai si l’on tient compte de l’abstention, des votes blanc, des votes nuls.
Le premier tour va se rapprocher (se rapproche seulement!) d’un vote d’adhésion aux thèses verbalisées par le candidat.
Le chiffre des bulletins sera proche des « vrais » supporters de Mrs Mme X,Y,Z etc.
Les deux candidats du deuxième tour n’ajouteront chacun au nombre de leurs « vrais » supporters que ceux qui votent, les plus nombreux, contre l’autre candidat.
On s’éloigne considérablement d’un vote d’adhésion.
Nos Présidents ne représentent qu’un croupion des citoyens français quelque soient les pirouettes langagières et littéraires que l’on fasse à l’issue de telle ou telle élection.
On va m’opposer de Gaulle mais ce dernier n’a eu au premier tour que 44,65 % des suffrages « exprimés » … même lui après avoir débarrassé et soulagé les français du fardeau mortifère de la guerre d’Algérie n’a pas un vote d’adhésion de la majorité des citoyens !
A l’issue de ces élections pour faire mine d’accepter cette adhésion minoritaire surgit la phrase ritournelle en trompe œil « je suis Président de tous les français ».
2-les législatives
Jusqu’en 2016 … le Président élu était associé à un puissant parti politique et le jeu du scrutin uninominal majoritaire à deux tours lui donnait une majorité dans laquelle une nouvelle fois la majorité des électeurs n’a aucun représentant. (plus de 50 % des électeurs n’ont de représentants selon Bayrou)
Ajoutons à cela qu’au stade présidentiel ou législatif pour obtenir des bulletins en sa faveur il faut tenir des discours ou populiste de bon aloi ou populiste de mauvais aloi (voir NB) nous aurons plus ou moins fait le tour du « french bordel ».
3-la rue
Dans ce bordel la « rue » est tout aussi légitime que 1 et 2.
Elle se manifeste dès les premières mesures qui sortirons du chapeau de nos mal élus.
Défilés des syndicats/collectifs syndicaux, violences « en marge », voitures brûlées, vitrines fracassées, bavures policières, policiers blessés etc..
4-absence de conclusion
Ah quand nous avions un Roi de droit divin …. mais bon çà n’allait pas mieux pour autant c’était un autre bordel !
NB populisme de mauvais aloi expression du 1er ministre néerlandais Mark Rutte pour qualifier celui de Geert Wilders, le bon étant sans doute le sien … quel aveu implicite concernant la généralisation du populisme !
Le vin...aigre de service

patriote a dit…

Macron c’est Oui-Oui, la poupée des çons, même pas jolie, à qui on n’a jamais appris à dire non.

Anonyme a dit…

Comme je vous l'avais déjà dit sans que vous ne compreniez, Macron a bien été la cible de ses interlocuteurs et il a eu du mal à résister à la contradiction qui lui a été porté de façon normale comme dans tout débat dans une démocratie. Votre mentor a eu bien du mal à s'imposer et a souvent parlé pour ne rien dire. C'est bien pourquoi vous n'avez pas apprécié ce débat. Macron préfère les monologues avec des journalistes complaisants.

E B a dit…

Oui, c'est un spectacle, maintenant la politique !
La faute à qui ?
Aux politiques !
Qui ne pensent plus essentiellement au fond...
Qui croient que la forme est au moins aussi importante que le fond...
Or ce n'est pas vrai.
Vous même, Monsieur Mousset, vous privilégiez depuis des années la communication à l'information.
Qu'est ce qu'on a à faire de savoir que l'une est blonde et a une voix de fumeuse et que les autres sont en costard bleu...
Rappelez ce que les uns et les autres ont dit ou fait, rien d'autre.
Là vous êtes dans le commentaire, toujours le commentaire, encore le commentaire et vos peurs, vos émois, vos frayeurs, vos appréhensions.
Pour ma part, j'ai tout suivi et même les suites : ça ne me fait pas peur d'aller jusqu'à 2 ou 3 heures du matin, quand on aime, on ne compte pas et on ne s'ennuie pas.
Les gagnants du jour ou plutôt de la soirée : les six qui n'ont pas pu participer !
Ceux-là au moins n'ont déçu personne et ils peuvent espérer recueillir quelques miettes perdues, quelques osselets égarés par le club des cinq auquel il ne manquait que Dagobert pour faire ouah ouah de temps en temps !

Emmanuel Mousset a dit…

J'écris ce que je ressens et je n'oblige personne à me lire.

patriote a dit…

Si le FN n’est pas un parti républicain qu’il soit interdit ! S’il ne l’est pas : taisez-vous à tout jamais...

Emmanuel Mousset a dit…

Patriote de mes deux, la preuve que nous sommes en République, c'est qu'on n'interdit pas les partis non républicains.

Anonyme a dit…

La France ressemble à un poulet sans tête qui coure dans tous les sens

Emmanuel Mousset a dit…

C'est vous qui tenez la hache ?

Philippe a dit…

Sur la forme de la note évoquant le physique des candidats
L’embonpoint pré-ménopausique et la voix grave deviennent deux critères de brutalité.
Il me semble avoir lu ici que la politique est un monde de brutes !
Faut-il donc que les femmes pour avoir le droit de faire de la politique soit des planches à pain ou/et des anorexiques sans tétons, sans fesses … et cerise sur le gâteau la voix dans les aigus, voire dès leur naissance des remèdes contre l’amour ?
Vous l’avez compris j’ai horreur du sexisme.
Sur cette question et vu la valeur sûre qu’est la bêtise humaine le couple Macron va beaucoup souffrir … souffrance qu’ils ne pourront jamais exprimer … sous peine de faire jubiler la crasse humaine.

patriote a dit…

Vous n'avez toujours rien compris, Emmanuel Mousset !
Par aveuglement idéologique, vous refusez de comprendre que la fameuse "ouverture" prônée par Macron est déjà là : ouverture de Schengen à l'islamisme, ouverture aux travailleurs détachés, ouverture aux textiles turcs fabriqués par des enfants dans des conditions innommables, ouverture aux grandes banques et aux multinationales, pour imposer à tous leurs copies remarketées, et la fin de l'innovation. Car l'innovation ne peut s'épanouir que dans des Nations fières de leur identité et confiantes dans leur destin. Le gloubi-boulga mondialiste de Macron signe la fin de toute créativité, comme on le voit en UE, ou aucun grand projet coopératif n'a émergé depuis la fameuse "ouverture". Marine Le Pen veut faire rentrer la France dans l'Europe des Nations. Ça n'est pas une sortie, mais une création, un projet coopératif , fondé sur le respect mutuel des identités créatrices : un beau projet après cet échec flagrant de l'UE "ouverte" à tous les vents mauvais...

Emmanuel Mousset a dit…

Un projet de facho, oui.

I C a dit…

Il est certain que la façon dont fonctionne l'Europe interfère dans la façon de penser la politique nationale de chacune de ses composantes.
Et il est tout aussi certain que la mondialisation forcenée qui sévit depuis une bonne trentaine d'années n'améliore pas cette façon de penser.
La mondialisation ne reculera pas.
Comme le projet européen même tout aussi insatisfaisant qu'il puisse être fait forcément partie de la mondialisation, il est illusoire d'espérer pouvoir se retirer de l'Europe, Brexit, Grexit ou Frexit compris.
Sauf en cas de conflit militaire, ce dont je m'imagine, aucun démocrate, aucun humaniste ne ressent ni la nécessité ni les vertus.
Les grandes orientations que les citoyens espèrent voir développer de leurs candidats à élire doivent traiter de ces choses européennes et internationales, projet européen, projet altermondialiste, projet de coopération internationale, traités internationaux du genre NATO, organisations internationales du type ONU, UNESCO et tutti quanti.
Du reste, les projets franco-français, chacun peut toujours trouver moyen de s'accommoder...

Philippe a dit…

Additif à mon commentaire 1
Lire avant :

http://www.lesinrocks.com/2017/03/news/un-livre-accuse-francois-hollande-de-basses-manoeuvres-pour-detruire-ses-adversaires-politiques/

Il est évident que la "fine équipe de vieux amis" entourant Hollande n'est pas à l'origine des faits.
Mais cette "équipe" a-t-elle pu résister à l'envie d'utiliser les moyens de surveillance de l'Etat pour nuire ?
Mitterrand n’avait pas hésité sur les moyens écoutes etc.
Donc résumons :
Les élus ... le sont sur des votes d’adhésion très minoritaires en nombre de bulletins (commentaire 1)
Ils le sont dans un climat délétère embaumant la m…. fait de manipulations financières-judiciaires-médiatiques … et je ne parle pas des interventions directes et indirects de lobbyistes « mondialisés » sur les candidats.
Qui pourra dire que « la rue »  sera moins légitime que ce qui va sortir « démocratiquement » de ce mic-mac ?
Il ne faudra pas se lamenter beaucoup l’auront comme on dit : cherché !