samedi 25 mars 2017

Suicide en direct



J'ai regardé François Fillon jeudi soir à la télévision. L'émission m'a fait penser à une scène de film d'aventure : un type est pris dans un marécage, il s'enfonce doucement, on ne voit plus que la tête qui dépasse, bientôt la vase va lui entrer dans la bouche, il agite la main, essaie désespérément de se raccrocher à n'importe quoi. Les spectateurs savent qu'il va mourir, comme les électeurs savent que l'élection présidentielle est perdue pour François Fillon. Je le dis sans plaisir : d'abord pour l'homme, mais surtout pour la dignité du débat présidentiel, qui exigerait que la droite gouvernementale soit présente au second tour, avec un candidat valable, au lieu de l'extrême droite.

Encore mon image de l'enlisement n'est-elle pas complètement juste, tant j'ai l'impression que c'est Fillon lui-même qui s'est mis dans ce bourbier, et que chacun de ses gestes le condamne encore plus. Il y a quelque chose de suicidaire dans ce comportement. Pourquoi être allé chercher, pour expliquer ses déboires, cette histoire de "cabinet noir", cousue de fil blanc ? Fillon se réfère à un bouquin dont les auteurs eux-mêmes démentent ce qu'il prétend ! Quelques heures plus tard, Fillon revient sur ses accusations, en disant qu'il n'en sait rien, qu'il faut enquêter. C'est gamin !

On n'a jamais vu ça, dans cette présidentielle vraiment pas comme les autres : un candidat qui s'en prend violemment à quelqu'un qui n'est pas candidat ! Si j'étais Fillon, j'en resterais à la défense de mon programme, j'essaierais de faire oublier les affaires. Eh bien non ! Et puis, il y a chez lui cette suite de maladresses, la dernière en date étant de dire qu'il a rendu les costumes qu'on lui a offerts : mais c'est ne pas les prendre qu'il aurait fallu ! Fillon a encore perdu une occasion de se taire ... Remarquez bien que ça m'arrange plutôt : pendant que Fillon attaque Hollande, Macron continue de progresser, personne ne s'en prenant vraiment à lui sur le fond.

Quand je parle de suicide, je n'exagère pas : François Fillon dégage volontairement une odeur de mort autour de sa campagne, à tort il me semble. Qu'est-il allé évoquer la fin de Pierre Bérégovoy ? Déjà, bien avant, à la télévision, il s'était référé à une fausse rumeur portant sur le suicide de son épouse. Son vocabulaire est volontiers morbide : "c'est un assassinat", avait-il déclaré après sa mise en examen. Et hier, en meeting : "On veut me tuer". Je comprends la stratégie : c'est celle de la victimisation, pour sauver ce qui peut l'être, le noyau dur de son électorat. Mais ce n'est pas comme ça qu'on gagne une élection présidentielle.

L'essentiel, pour moi, jeudi soir, était encore ailleurs. Car je ne juge pas la personne de François Fillon, n'étant ni moraliste, ni juge, encore moins justicier. Ce qui m'intéresse, ce à quoi je m'oppose, c'est son programme politique. Jeudi soir, c'était très clair, et le candidat n'a pas démenti : un pouvoir d'achat qui progressera de 1,3% pour les familles modestes et de 21,6% pour les familles fortunées. Je ne doute pas de la bonne intention : relancer l'économie en donnant plus à ceux qui en sont les acteurs. C'est sans doute ce qui fait de Fillon un homme de droite et de moi un homme de gauche : je ne crois pas qu'un projet inégalitaire puisse être la condition de la relance de notre économie. Qu'on aide tant qu'on voudra les entreprises, parce qu'elles sont les principales créatrices d'emplois, oui, mille fois oui : c'est ce qui fait que je suis social-démocrate et partisan de Macron. Mais favoriser ceux que la vie (et pas forcément le travail) a déjà favorisé, non, mille fois non.

4 commentaires:

albert a dit…

Les montres et les costumes ne sont pas une affaire... Des mesquineries à la limites mais en aucun cas une affaire.
Pénélope à l'assemblée et ses enfants, c'est plus contestable mais dans le contexte général politique ça n'a rien de scandaleux comme on essaie de nous le faire croire, même si moralement c'est répréhensible.
Je voterai pour un programme - même si je suis probablement le dernier à le faire à ce stade - et donc je voterai FILLON.
Les "esprit simples" me diront que je suis immoral, mais je pense que si l'on savait tout sur tout aucun des ces hommes politiques ne serait éligible, surtout Macron...
Aussi, ce qui me choque le plus depuis 5 ans ce sont les fuites dans la presse sur TOUTES les affaires qui concernent la droite (Bettencourt en particulier) et il faut que cela cesse.

patriote a dit…

Enfin, pour les nostalgiques, un vrai come-back vintage : cette campagne nous ramène au regretté temps de l'ORTF.
Toutes les chaînes d'information, toutes les émissions d'informations des autres chaînes délivrent la même prescription sans nuance : « Il n'y a que Macron ».
On s'y interroge même sur le fait que les autres ne se retirent pas.
Un pas de plus et ce n'est plus l'ORTF, c'est le Second empire !

Emmanuel Mousset a dit…

1- Je confirme, Albert, vous êtes immoral.

2- Patriote de mes deux, de fait il n'y a que Macron.

Anonyme a dit…

Le problème n'est pas la fuite dans la presse mais la mise en examen du présumé coupable. Si pas de délit pas de mise en examen et une éventuelle fuite dans la presse qui tournerait au ridicule! Cela ne me paraît pas plus compliqué que cela. Ce sont les faits qui alimentent durablement la presse et les faits dans le cas de Fillon sont têtus! Les supporter de Fillon souffrent, je comprends leurs désarrois mais pourquoi s'accrocher a un projet soit disant sérieux "car axé sur l'austérité" de surcroît porté par un candidat a la moralité douteuse et dont l'expérience comme premier ministre fut très médiocre! On peut revenir sur son choix initial dans l'intérêt du pays. Soutenir un candidat ne doit pas relever du même processus que soutenir l'équipe de foot de sa ville!!