mercredi 22 mars 2017

Familles, je vous hais



Nous vivons une drôle d'époque, et la folie de cette campagne présidentielle n'en est que l'expression parfois grotesque. Il y a 40 ans, à l'issue de Mai 68, la famille était brocardée. Depuis quelques années, elle est portée aux nues. C'est l'ultime valeur refuge. Même les homosexuels, qui ont obtenu le mariage, rêvent de fonder une famille. Et pourtant, après Fillon, avec Le Roux, on se déchaîne contre ceux qui n'ont fait que le geste de solidarité filiale le plus banal : employer quelqu'un de sa famille.

Quoi d'ailleurs de répréhensible ? L'embauche serait ouverte à tous, à l'exception des proches ? On comprend bien, en politique comme dans le commerce ou l'entreprise, la commodité qu'il peut y avoir à travailler avec les siens. Je vois une contradiction entre cette condamnation et la défense de la famille. J'y vois aussi beaucoup d'hypocrisie : dans la société, depuis toujours, nombreux sont ceux qui privilégient leurs parents ou leurs amis : quoi de plus normal, quoi de plus humain ? En vérité, ce n'est pas tant la famille qu'on vise, c'est l'homme politique.

Au nom de quoi ? De la morale. On n'arrête pas de nous dire que dans ces affaires, il n'y a rien d'illégal (du moins tant que la justice n'a pas tranché), mais que le problème est moral. Mais quelle morale ? Il y a 40 ans, à l'issue de Mai 68, la morale était brocardée, au bénéfice de la liberté individuelle. La page est-elle en train de se tourner ?

Et puis, il y a cette folie des mots, qui tournent les têtes. Deux m'amusent beaucoup, souvent répétés ces temps-ci. "Emploi fictif" : quelle drôle d'expression ! Un emploi, un travail, c'est toujours faire quelque chose. Un emploi ne peut pas être fictif. Ou alors ce n'est pas un emploi, c'est autre chose, et le mot ne convient pas. "Emploi fictif", c'est un oxymore, comme l'"obscure clarté" de Corneille. De même, le fameux "enrichissement personnel", qui n'est qu'un pléonasme : tout enrichissement est personnel, par définition, dans sa réalité. S'enrichir, c'est pour soi ou pour ses proches, rarement pour les autres.

Vous me direz peut-être que ces termes sont purement juridiques : c'est bien ce que je leur reproche ! La politique et la vie, ce n'est ni le droit, ni la morale. Or, notre drôle d'époque a décidé de faire prévaloir les seconds contre les premiers. C'est une catastrophe. Le langage public, de moins en moins maîtrisé, est désormais truffé d'oxymores, de pléonasmes et d'hyperboles. Le mot juste a tendance à disparaître. La première des corruptions, c'est celle du vocabulaire, dans un régime, la démocratie, qui ne repose pas sur la force mais sur la parole. En politique, il ne faut parler que de politique ; le reste n'a aucune importance.

6 commentaires:

Le futur a dit…

Ouais enfin bon les gamines de Bruno Leroux avaient 15 ans quand elles étaient employées et grassement payées.

Anonyme a dit…

Solidarité filiale ou familiale......... OK.
Vous avez peut-être oublié un détail: on parle d'argent public!!!
Et ça change tout.

Anonyme a dit…

Je souscris entièrement à votre diagnostic sur le vocabulaire.
S'agissant de la morale en politique, ou de l'éthique puisqu'il s'agit bien de la même chose, je crois utile de rappeler que toute justice, même humaine, même imparfaite, même immanente, même électorale - si tenté qu'elle puisse exister -, se doit d'honorer la vertu et de jeter l’opprobre sur le vice.
L'oublier, c'est entrer en décadence. Vous savez combien les Grecs et les Romains ont dénoncé le relâchement des mœurs qui conduisent à la ruine d'un pays et l'asservissement de sa population.
68 a tout simplement marqué la décadence d'une génération, malgré toute la "générosité" que l'on peut reconnaître çà et là.

citoyen a dit…

voila qui s'appelle écrire pour rien..reposez-vous;vous filez un mauvais coton:j'espère que vous avez "apprécié" les critiques concernant vos billets fielleux contre Benoit Hamon ;curieusement nous n'avons rien trouvé en votre faveur;auriez-vous, comme le disait Mélenchon, vous aussi des pudeurs de gazelle en ne publiant pas ces commentaires appuyant votre réflexion? allons ça doit exister ,faites nous en profiter;merci
mea culpa: mon propos lui aussi ne sert peut-être à rien mais ça défoule

Emmanuel Mousset a dit…

Ce qui est intéressant, c'est la contradiction, pas l'approbation. Profitez-en : défoulez-vous.

C I a dit…

Ce qui devrait compter, c'est la bonne comme la mauvaise foi.
Pas question de vice, de vertu, de morale, d'éthique et autres...
Il est arrivé à la majorité des gens arrivés à l'âge adulte de se tromper.
Se tromper ? Pas grave puisqu'on apprend de ses erreurs.
Distinguer se tromper de tromper...
Cependant, il peut arriver quand même qu'on apprenne en trompant autrui.
Mais quand on se trompe de bonne foi, quand on trompe mais qu'ensuite, de bonne foi toujours, on le reconnaisse...
Alors, il est possible de s'amender.
Ce qui est reproché à certaines personnalités connues, ce qui sera reproché à d'autres lorsque ce sera dévoilé, c'est le déni, l'absence de volonté de s'amender, reconnaître les erreurs et tenter de les réparer.
Quand on ne le fait de sa propre volonté, il est normal que la justice citoyenne s'empare des faits pour obtenir un amendement correspondant au degré des fautes ou erreurs commises intentionnellement comme sans volonté de nuire.
"Bien mal acquis ne profite jamais" dit l'adage.
Trompeurs, rendez l'argent et vous obtiendrez la mansuétude citoyenne !