mercredi 14 décembre 2016

Pianotissime



Quand Francis Crépin n'est pas dans le carillon de l'hôtel de ville, il est quelque part en train de faire autre chose. Vendredi dernier, il était au piano, mais dans un lieu inhabituel : le cinéma de Saint-Quentin, pour une nouvelle séance de ciné-concert, où il accompagnait en musique un film muet. Cette fois, c'était le célébrissime "Mécano de la Général" de Buster Keaton qui était à l'affiche (sans "e", a-t-il corrigé, car ce n'est pas la femme du militaire ou la représentation théâtrale, mais le nom donné à une locomotive).

Francis Crépin a cité Claude Baugée, animateur du ciné-débat, présent dans la salle : "Le film n'est pas parlant, mais il est loin d'être muet". Avec les notes de piano, il devient même chantant ! La rencontre célébrait aussi un double anniversaire : le "Mécano de la Général" est sorti en 1926 et son réalisateur nous a quittés en 1966.

Est-ce un film comique ? Pas d'abord, en tout cas pas dans ma perception. Et puis, on ne rit plus aujourd'hui à ce qui faisait rire hier. Non, ce que je retiens, ce qui m'a marqué, comme certainement à l'époque, c'est le film à grand spectacle, les prouesses techniques et humaines, les mouvements de caméra éblouissants (les travellings, notamment). C'est drôle, bien sûr, mais on est surtout impressionné.

Le cinéma nous a habitués à des chasses à l'homme, des courses en voiture, mais là, ce sont des locomotives qui se poursuivent ! Le clou, c'est le train précipité dans la rivière, sous un pont en flammes qui s'effondre ! Oui, on a fait mieux depuis, mais en maquette ou aujourd'hui en numérique. Chez Keaton, c'est du vrai, pas du chiqué ! Saviez-vous que la machine est toujours au fond de l'eau et que les touristes viennent encore visiter l'endroit ?

C'est aussi, évidemment, un film très américain. Le cheval de fer, comme on l'appelle là-bas, est à la hauteur d'un mythe dans l'imaginaire des States. Ce moyen de circulation a présidé à la naissance et au développement de cette grande nation. Mais le film s'inscrit aussi dans la tragédie du pays : la guerre de Sécession, Civil War, qui aurait pu l'entraîner à disparaître. Dans son récit, le personnage joué par Buster Keaton est du côté des Sudistes, des vaincus de l'Histoire (une préférence politique de sa part ?). C'est enfin un film d'amour, où notre héros, dans sa loco, faillit bien étrangler sa belle, juste avant de l'embrasser !


En vignette, Francis Crépin ouvre la séance. Sous l'écran, on aperçoit la petite lumière qui éclaire le clavier durant la projection.

Aucun commentaire: