mercredi 10 octobre 2012

Les électrons libres



C'est une expression qui fait partie des lieux communs en politique : les électrons libres. Je n'aime pas l'employer parce qu'un domaine doit avoir son vocabulaire propre, sans aller chercher dans un autre registre : en l'occurrence, la politique n'a pas à s'inspirer des sciences physiques. Mais la formule existe, je l'utilise à mon tour : 20 députés, en choisissant de se désolidariser de la majorité parlementaire socialiste sur un texte important (le traité budgétaire européen), sont devenus des électrons libres.

C'est peu par rapport à la masse des députés PS, mais c'aurait été suffisant pour faire capoter le projet : le gouvernement l'a échappé bel ! Car s'il lui avait fallu s'appuyer sur des voix de droite, c'en était bien fini de sa majorité de gauche ... 20 députés, c'est plus que ce que laissaient espérer les pressions de toutes sortes qui se sont exercées ces derniers jours sur ces électrons aussi irréductibles que les Gaulois du village d'Astérix !

On peut en sourire, pousser un ouf de soulagement, c'est tout de même un problème. Tout électron libre est un danger potentiel pour le corps dont il se dissocie. Mais la liberté, n'est-ce pas une belle chose, y compris pour les électrons ? Non, si elle s'exerce dans l'incohérence et si elle provoque le désordre. Laurent Fabius l'a dit ce matin au micro d'Apathie : le choix de ces 20 députés n'est "pas logique". C'est le projet, l'histoire et les décisions du parti socialiste qui sont contredites par ce vote négatif.

Et puis, un électron libre ne le reste pas très longtemps : il se détache de son noyau pour en rejoindre un autre, comme un satellite quitte l'attraction d'une planète pour succomber à une autre. A Saint-Quentin, l'histoire de la gauche est pleine d'électrons libres : chez les socialistes, en 1995, aux élections municipales, certains se sont éloignés de leur parti pour se laisser capter par la force de gravitation du parti communiste ; en 2008, le principe majoritaire a été bafoué et c'est l'orbe de l'extrême gauche qui a aimanté les électrons socialistes déboussolés. Chez les communistes, la section locale s'est affranchie du Front de gauche pour s'agréger en une planète singulière, à part.

Encore une fois, je n'ai rien contre la liberté, mais pas celle-là. L'appartenance à un parti, comme à un syndicat ou à une association, exige un minimum de discipline, dont la première est le respect du vote majoritaire. Ce qui n'empêche pas l'existence de débats, dont un congrès est l'occasion. De même, adhérer à un parti ne signifie pas être d'accord sur tout ; mais il faut s'accorder sur l'essentiel, sinon on s'en va (car l'électron a beau se dire libre, il continue à tourner comme un fou autour de son atome !). Il y a des points secondaires qui prêtent à discussion mais des engagements fondamentaux qui n'en souffrent pas (les socialistes peuvent éventuellement débattre autour du projet de canal Seine nord, ils doivent se rassembler sans exception derrière le traité européen). Personnellement, je me sens plus atome qu'électron.

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