lundi 8 octobre 2012

Roger Pigot



La dernière fois où j'ai discuté politique, assez longuement, avec Roger Pigot, c'était il y a deux ans, à l'ouverture de la fête du timbre au palais de Fervaques (c'était un passionné de philatélie) : situation du PS à Saint-Quentin, alliance avec l'extrême gauche, etc. Depuis, je le voyais parfois, en ville, avec son épouse Elisabeth, 42 ans de vie commune, enseignante comme lui. Roger était affable, discret et socialiste. Le connaissais-je vraiment ? Ce sont les plus proches que souvent on connaît le moins. Il nous a quittés, c'est à l'occasion de ses obsèques ce matin que je l'ai, paradoxalement, découvert. Ca ne l'aurait pas trop surpris, lui que je connaissais tout de même suffisamment pour apprécier son ironie. Il venait, un peu comme moi, de l'école Pilote et Hara-Kiri, des lectures de jeunesse qui forment pour la vie.

Son père était cheminot, à Beautor, il est devenu instituteur. Son fils était ce matin à la cérémonie en grand habit de militaire, se refusant à tout éloge, Roger n'aimant pas ce genre-là. C'était un esprit curieux de tout : son métier bien sûr, le goût de transmettre aux autres le savoir, les classes de découverte qui l'ont beaucoup marqué, mais aussi la politique, conseiller municipal à Homblières durant un mandat, préoccupé essentiellement des questions sociales. L'équipe d'alors, il la trouve trop conservatrice, il arrête, mais les logements sociaux pour lesquels il s'est bien battu ont fini par voir le jour. Mais la science rencontre aussi son intérêt, ainsi que l'art lyrique.

Roger était un gros lecteur, un abonné du "Monde" comme il n'en existe peut-être plus guère aujourd'hui, faisant de la fréquentation du quotidien une manière de formation personnelle. Avec la télé, beaucoup de choses ont changé. C'était aussi un passionné de cinéma et de chanson : moment poignant de la cérémonie, quand Elisabeth a repris à haute voix un air de Brel, inhabituel en ce genre de lieu. Pink Floyd aussi était à son palmarès. La lumière dans la salle mortuaire s'est éteinte, comme pour nous faire rejoindre à notre tour la nuit, mais c'est la vie qui s'est imposée, à travers une série de photos de Roger Pigot, ses moments d'amour et de bonheur.

Un homme honnête et convaincu, un camarade s'en est allé. Avec son épouse, il formait quelque chose de très beau et qui se fait maintenant plutôt rare, un couple engagé, toujours ensemble, dans la vie et sur le terrain. J'aurais aimé qu'il voit gagner la gauche à Saint-Quentin. Il y a des rêves comme ça qu'on dit qu'on ne fera jamais. Heureusement qu'il n'y avait pas que la politique dans sa vie, que l'utilité sociale d'un homme peut se manifester autrement ! Ces dernières années, il s'était porté volontaire dans la recherche sur les tumeurs cancéreuses, la maladie qui a fini par l'emporter. Au pied de son cercueil, des disques et un numéro du "Monde", toute une existence résumée en quelques objets. Et 70 personnes environ pour l'accompagner à sa "dernière demeure", comme on dit. Des chants, des applaudissements, les obsèques d'aujourd'hui ne ressemblent plus guère à ceux d'hier. Mais dans tous les cas on cherche à saluer quelqu'un qu'on ne reverra pas, s'arrangeant comme on peut avec la symbolique. Il faudrait simplement qu'on n'oublie pas Roger Pigot.

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