vendredi 12 octobre 2012

Leader en République



J'étais invité ce soir par la Jeune chambre économique de Laon à animer un débat autour de la notion de leader, dans la brasserie Les Arcades. A gauche, le mot est mal porté, difficilement assumé. Pourtant, le leader n'est pas réservé à l'économie : un leader politique, ça existe. Il y a aussi les leaders d'opinion. Questions et réflexions ont été passionnantes. Un leader solitaire, est-ce que c'est concevable ? Forcément non, puisque la définition du leader est d'avoir du monde derrière lui. En même temps, être leader est une question de tempérament : Daniel Cohn-Bendit a l'âme d'un leader, sa puissance et sa rhétorique ; néanmoins, dans son parti, il n'est pas suivi. Leader un jour (un mois pour Dany, en mai 1968) ne signifie pas leader toujours !

Et quand un leader rencontre un autre leader, que se passe-t-il ? Des étincelles ! Mais non, deux crocodiles dans le même marigot, c'est un de trop : des deux, l'un sera plus leader que l'autre et l'emportera sur lui. Pour moi, le leader est celui qui a la capacité de régler les problèmes d'un groupe, ce qui explique que ce dernier se reconnaisse en lui : pas de leader autoproclamé, c'est l'action, les résultats qui font le leader (et parfois le défont, quand ils sont négatifs).

Le vrai leader ne cesse jamais de l'être, au lit avec sa femme ou quand il enfile ses chaussettes. Etre leader du haut d'une tribune est trop facile : ce n'est pas à cet endroit qu'on les reconnaît, mais dans des circonstances plus triviales, où la présence d'un leader en apparence ne s'impose pas tout en se révélant nécessaire. Je pense à la sortie au restaurant entre de nombreux amis : comment faire au moment de l'addition ? C'est l'hésitation, l'embarras ; chacun paie sa part, mais il faut retrouver les plats dans le menu ; on divise la note entre tous, certains qui ont moins consommé se sentent lésés. C'est là où le leader intervient, comme Bonaparte se saisit du drapeau pour foncer sur le pont d'Arcole : se lever, prendre les choses en main, trancher. Voilà le leader : sa qualité principale, c'est le sens de la décision.

Le leader a aussi une face cachée, sombre : il ne cherche pas à se faire aimer ou apprécier, il ne vise qu'à l'efficacité, il est prêt à mentir ou à manipuler pour voir triompher la cause qu'il défend. Un leader gentil, sympa, sincère, ça n'existe pas. Il faut oser, prendre des risques, sentir en soi une part de supériorité pour se porter à la tête d'un groupe et prétendre l'incarner, lui apporter la victoire. Pour poursuivre la réflexion, j'ai conseillé la lecture d'un ouvrage récemment paru, du philosophe Jean-Claude Monod, "Qu'est-ce qu'un chef en démocratie ?" ou comment concilier l'autorité du leader avec le système égalitaire et populaire qui est à la base de la République. Le leader en République, ça existe aussi, ce n'est pas un concept réservé au régime autocratique. Un chef n'est pas nécessairement un leader, un petit chef encore moins. Le monarque absolu n'est pas un leader. Il faut se battre pour le devenir, faire ses preuves, mobiliser le groupe, lui insuffler de l'énergie. Pas facile d'être leader, pas facile de trouver un leader.

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