dimanche 3 juin 2012

Dur dur



Depuis que je suis Saint-Quentinois, j'ai connu six scrutins locaux. Je peux vous dire que celui que nous sommes en train de vivre est à la fois le plus passionnant et le plus paradoxal. Le plus passionnant parce que, pour la première fois depuis que j'habite dans cette ville, mon parti peut gagner : sur le papier, arithmétiquement, les jeux sont faits. Même si une législative n'est pas une présidentielle, l'écart de voix entre Hollande et Sarkozy est tel dans la deuxième circonscription de l'Aisne qu'on imagine mal qu'en seulement cinq semaines l'électorat se retourne, se déjuge, qu'une partie significative de bulletins PS se transforment en bulletins UMP. Quant à l'impact local, un récent sondage a montré qu'il n'intervenait que pour 20% des électeurs. Tous les autres vont se déterminer sur des choix nationaux.

Tous ces éléments objectifs devraient permettre la victoire d'Anne Ferreira sans trop de difficultés, du moins inspirer une forte confiance et un climat d'optimisme. Or, et c'est là le paradoxe, il y a un doute, une prudence, une incertitude que je sens autour de moi, dans les conversations ordinaires où l'enthousiasme normalement devrait être plus puissant (mais c'est peut-être aussi une forme de sagesse ?). Anne elle-même, dans L'Aisne Nouvelle de ce samedi, prend du recul : "C'est une élection difficile (...) Il y a des gens qui votent pour ceux qu'ils connaissent". Même la perspective pourtant improbable d'une élimination au premier tour n'est pas totalement écartée : "On ne se place pas dans cette hypothèse-là, mais il y a toujours des points d'interrogation quand on fait une campagne".

Jouer profil bas est peut-être, après tout, une stratégie payante, le coup de la modestie face au très connu et très présent Xavier Bertrand. Le paradoxe, c'est que c'est généralement lui que les médias présentent en situation "difficile" ! Libération, dans un article du 29 mai consacré à Saint-Quentin, le dit "pas tout à fait serein" quant à l'issue du vote mais souligne l'atout de sa forte notoriété et sa "stratégie du gars du coin". Pour le reste, dans son entretien avec Jérôme Poinsu de L'Aisne Nouvelle, la candidate socialiste informe que Stéphane Monnoyer (MoDem) l'a assurée personnellement de son soutien, qu'elle attend d'Antonio Ribeiro qu'il se stabilise politiquement, que les candidats de l'Alliance écologiste indépendante la préoccupent et qu'elle ne se représentera pas à un nouveau mandat régional si elle est élue députée. Quant à prendre la tête de liste aux élections municipales, rien n'est décidé.

Le Courrier picard a fait, dans son édition de samedi, quelque chose à ma connaissance de complètement inédit : une enquête (pas véritablement un sondage) sur les intentions de vote dans la circonscription. Les résultats sont donc à prendre avec précaution et relativité. Xavier Bertrand arrive en tête, Anne Ferreira le talonne, sauf à Remicourt, seul quartier où les deux sont à égalité, dans un secteur pourtant électoralement à droite ... mais où réside la candidate (ce qui confirmerait la prime à la notoriété). Cette enquête ne préjuge pas de la suite et surtout de la fin de campagne, mais elle conforte politiquement et psychologiquement la droite. Ce que j'en retiens surtout, c'est la méconnaissance des électeurs et le désintérêt pour l'élection, ce que la gauche a sans doute le plus à redouter.

Un vrai sondage celui-là, c'est dans Le Figaro d'hier, dont les estimations me surprennent : au premier tour, 11 points d'écart entre Xavier Bertrand (41%) et Anne Ferreira (30%). C'est énorme, à tous les sens du terme ! Au second tour, inévitablement avec une telle différence, c'est l'UMP qui l'emporterait (52% contre 48%). En cas de triangulaire, l'échec est encore plus flagrant (UMP : 44% ; PS : 38% ; FN : 18%). Ce dernier résultat confirme ce que j'ai toujours pensé et écrit sur ce blog : contrairement au préjugé, la triangulaire n'est absolument pas profitable à la gauche. En gelant des voix populaires à l'extrême droite, elle prive le PS de sa victoire, qui ne pourra se produire que dans le face à face avec Xavier Bertrand, pas dans l'espoir d'un tiers qui viendrait perturber le jeu.

Dernier élément de réflexion : le reportage de France 2 au journal de 20h vendredi. La "bataille de Saint-Quentin" (c'est le titre) est réduite à un duel UMP-FN, Xavier Bertrand et Yannick Lejeune étant directement interviewés, pas Anne Ferreira qui est présentée, de façon un peu désobligeante, comme "ne faisant pas campagne sur son nom". Des détails sans importance, me direz-vous ? Moi qui m'intéresse à la communication, je ne pense pas que ces petites questions d'image soient négligeables. Mais nous n'y pouvons pas grand chose ...

Il reste encore une semaine avant que les citoyens ne se prononcent. Demain soir sera le prochain rendez-vous déterminant pour les deux principaux candidats qui vont rassembler leurs troupes à Saint-Quentin, à une heure trente d'intervalle. Une nouvelle occasion de mesurer le rapport de forces. Mais le dernier mot revient toujours, en démocratie, à l'électeur dans le secret de l'isoloir. Et ça, on ne peut rien en dire, rien prédire, ni espérer ni redouter : simplement croire, militer et attendre ...

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