jeudi 28 juin 2012

Brouter le khat



Je voudrais commencer ce billet d'aujourd'hui par un grand merci a mes lecteurs djiboutiens, qui ont fait s'envoler les statistiques de frequentation de ce blog. Ordinairement, je plafonne a une centaine de visiteurs uniques par jour. Depuis mon texte sur le "printemps djiboutien", j'ai atteint les 287 visiteurs, et encore 247 hier. Je ne peux pas croire que ce soit mon lectorat de Saint-Quentin qui se passionne a ce point pour mes aventures africaines (quoique il ne faille jurer de rien). J'en deduis plutot que vous etes nombreux ici a vous interesser au regard que porte un Francais sur votre pays. Sachez que mes reflexions assument totalement leur part de subjectivite et donc d'erreur, ma seule regle etant la sincerite, non pas la pretention a la verite. Merci en tout cas pour votre attention, et n'hesitez pas a me faire parvenir vos remarques et critiques, que je publierai bien sur en commentaires.

Brouter le khat ? Je suis a peu pres certain que cette etrange expression ne dit rien aux Francais de la metropole, pas plus qu'elle ne me disait quoi que ce soit avant que je ne vienne a Djibouti. Pourtant, des le premier jour de mon sejour, j'en ai entendu parler, je l'ai meme lue dans certaines dissertations de philosophie. Le khat (prononcez khate) est une herbe que beaucoup de Djiboutiens machouillent dans l'apres-midi, a la facon dont autrefois on chiquait le tabac. D'ou cette image du ruminant qui malaxe dans sa bouche ... Mais les effets sont tout autres, pas du tout nutritifs : il s'agit en realite d'une drogue qui met, comme toutes ces substances, dans un etat second, detendu, agreable, au gre de l'humeur du consommateur.

Attention : je ne me suis pas laisse aller moi-meme a khater, je ne parle que par oui-dire et sur la foi de mes observations. De fait, dans les rues, on peut croiser des regards anormalement brillants, des visages passablement eclates, on peut entendre des paroles qui ne semblent pas toujours relever d'un etat normal. Tout cela n'est d'ailleurs absolument pas genant pour la vie sociale, je n'ai pour le moment rencontrer personne s'en plaindre vraiment. On pourrait certes reprocher une forme d'inertie, mais la chaleur pousse elle aussi au crime. Le khat est une forme de sociabilite, un rituel qui atteint toutes les couches de la societe, une habitude qui peut passer pour chic, pas une defonce pour marginaux et paumes. Il me faut vous preciser que les effets euphorisants ne sont perceptibles qu'au bout d'environ trois heures de mastication pas tres agreable, amere, ce qui laisse suffisamment de temps pour discuter et agir en toute lucidite.

En matiere de drogues, je ne vois rien de comparable. Le khat est passe completement dans les usages et les moeurs. Je vais jusqu'a me demander si je ne commettrai pas une impolitesse a le refuser ! Il va falloir que je me prepare a cette circonstance ... Les consommateurs se reperent facilement aux mouvements de leur machoire, a la boule verdatre fluo qui circule tres visiblement entre les joues. Personne non plus ne m'a evoque un quelconque danger sanitaire, sauf la dentition tres attaquee par cette pratique (les dents s'abiment, jaunissent fortement). Le paradoxe, c'est qu'une societe musulmane qui est stricte en matiere d'alcool tolere et meme, semble-t-il, valorise une pratique dont les consequences reviennent au meme, un certain oubli de soi dans un paradis artificiel qui est loin d'etre celui d'Allah.

Brouter le khat est essentiellement une affaire d'hommes, meme si quelques femmes s'y adonnent. On dit meme que ses effets seraient aphrodisiaques ! Mais que ne dit-on pas, sous toutes les latitudes, quand il s'agit de reactiver les fantasmes ...

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