jeudi 17 octobre 2013

Assez d'images, des paroles !



Dans l'affaire Leonarda, je ne peux que désapprouver et condamner l'expulsion de cette jeune fille scolarisée. A différents titres : d'abord en tant que Français, l'image déplorable qui est donnée de mon pays, patrie des droits de l'homme, à ce qu'on dit. Ensuite en tant qu'homme de gauche, qui n'a pas voté François Hollande pour revoir les mauvaises manières de Nicolas Sarkozy. Enfin en tant que membre du parti socialiste, qui se préoccupe de la confusion au sein même de nos rangs, jusqu'au sommet de l'Etat, dans cette triste affaire.

En même temps, je me refuse à condamner Manuel Valls, et je trouve politiquement irresponsable de profiter de cette affaire pour l'accabler. C'est une stratégie d'ensemble qui doit être discutée, une ligne politique en matière d'immigration qu'il faut expliquer, pas un homme à transformer en bouc émissaire. La solidarité gouvernementale joue dans tous les sens ; aucune pièce du dispositif ne doit être sacrifiée. Un ministre de l'Intérieur, de quelque bord qu'il soit, sera toujours l'homme qui fait respecter et appliquer la loi dans toute sa rigueur et sa sévérité. On ne peut pas le lui reprocher. S'il y a eu entorse au droit, l'enquête le déterminera.

Ce que je déplore dans cette affaire, comme dans celle de Lampedusa, c'est la dimension émotive et médiatique. On en reste trop aux images chocs et aux sentiments qu'elles provoquent immédiatement. Il n'y a plus aucune distance, aucune précaution, aucune réflexion : nous sommes dans le réflexe, d'ordre moral ou psychologique, beaucoup plus que dans le jugement politique. Or, ce qu'il faut, ce n'est pas s'attarder sur tel ou tel cas personnel, particulièrement spectaculaire, comme dans l'affaire Leonarda. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une pédagogie claire en matière de ce que doit être une politique d'immigration aujourd'hui.

J'ai envie de dire : assez d'images, passons maintenant aux paroles ! Quant aux sentiments, qu'ils restent dans nos coeurs, dans la sphère privée : comme on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments, on ne fait pas non plus de bonne politique, et même de politique tout court, avec des sentiments, quels qu'ils soient, mais avec de justes principes, qu'il revient à l'Etat de rappeler. Sinon, l'opinion publique est ballottée entre des émotions forcément contradictoires, éphémères, d'amour un jour, de haine le lendemain. Nous sommes saturés d'images et d'actes de toute sorte ; il nous faut au contraire des paroles.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Il n'y a rien à expliquer, tout est clair: manuel vall poursuit la politique de sarkozy en matière d'immigration et avec le plein assentiment du reste du gouvernement.

Emmanuel Mousset a dit…

La loi reste la loi, sous Sarkozy, sous Hollande ou sous n'importe qui. Mais la politique n'est pas la même, quoi que laissent entendre les images qui circulent dans les médias.

Anonyme a dit…

Finalement je ne vois pas ce qu'il faut faire si je suis votre jugement politique.
Vous condamnez l'expulsion mais vous approuvez Valls;
Concrètement on fait quoi?
Faut-il faire revenir Leonarda et donc désavouer Valls?
Ou dire Valls ne fait qu'appliquer la loi et donc il faut respecter la loi, point final?

Emmanuel Mousset a dit…

En République, la loi est faite pour être respectée et appliquée. Ou alors, on change la loi. Dans notre cas, la question est de savoir si la loi a été rigoureusement respectée. C'est pourquoi une enquête est en cours. A l'issue, les décisions qui s'imposeront seront prises. Mais par pitié, n'entrez pas dans l'emballement médiatique et le règlement de comptes politicien.

Anonyme a dit…

Les fameux enfants kosovars seraient italiens ; quelle embrouille et VALLS qui est accusé de tous les malheurs de la nation ... On ne sait plus garder son calme .. et respecter la république en attendant que des magistrats statuent dans la sérénité ... Mais hélas parfois très tardivement dans les affaires administratives car il n' y a pas réellement d'enquêtes ni d'instruction au sens stricte du terme mais on instruit et juge sur pièces comme disent les juristes ...

Anonyme a dit…

Vous avez recemment ecrit un billet sur le ressenti qu on peut avoir suivant le type de manifestation auxquelles on participe. Un ressenti d etre avec ou pas le peuple de gauche.
Et bien le peuple de gauche ressent fortement que son ministre de l interieur, par ses paroles et ses actes est tres eloigne des valeurs defendues par l electorat de gauche. Son image, son attitude et son discours deplaisent au peuple de gauche, il doit quitter ce gouvernement puisqu il ne se remet pas en question alors que depuis sa prise de fonction on ne cesse de lui reprocher de trop ressembler a ses predecesseurs de droite..
Ce nest peut etre qu un problemeb d images mais c est insuportable pour l electorat de gauche qui a vote pour ce president. Mr valls ne nous ressemble pas .

Emmanuel Mousset a dit…

Qui peut se permettre de parler et de penser au nom du peuple de gauche ? Ni vous, ni moi. Ce que je note, c'est que les sondages ne confirment pas vraiment vos propos.

Erwan Blesbois a dit…

Je pense qu'aujourd'hui le racisme est discrédité, non parce qu'on le juge mauvais, par rapport à des valeurs bonnes. Mais parce qu'on l'assimile à une maladie. Le raciste est un malade, un pervers, c'est pour cela qu'il fait peur. Le racisme et l'antisémitisme sont des tâches. On ne les juge plus par rapport à la morale, mais d'après la santé.


On ne dit pas de Dieudonné, que cet homme est mauvais, on dit qu'il est devenu malade. C'est toujours par rapport aux notions de normalité ou d'anormalité que l'on juge que les choses sont bonnes ou mauvaises. Car ce qui fait le plus peur l'exclusion du groupe.


Mais n'oublions pas que ce qui est reconnu comme"vrai" aujourd'hui, le "normal", pourrait être reconnu comme "faux" demain.


C'est à la condition d'appartenir au groupe que l'on est normal, et les valeurs du groupe peuvent changer du jour au lendemain. Ce qui est "normal" aujourd’hui sera peut-être "anormal" demain. L'on n' est pas "normal" par l'opération des valeurs que l'on a choisi, on est "normal" par l'opération d'appartenir au groupe et d'avoir choisi les valeurs de ce groupe.

Ceux qui croient encore au bien et au mal du point de vue des valeurs sont des fanatiques, des militants. nous savons bien que ce sont des fables pour enfants.

Erwan Blesbois a dit…

Il y a dans la normalité d'aujourd'hui une certaine forme de haine de soi, puisque l'on attribue à l'étranger bien souvent, et notamment par le biais du militantisme, plus de vertus qu'à l'autochtone. L'autochtone est perçu comme moyen, mesquin, minable, il ne s'aime même pas lui-même. Par contre l'étranger est drapé d'une aura, on lui attribue des vertus qu’il ne possède sans doute pas. Lorsqu'il est malin il saura utiliser cette naïveté des militants, pour obtenir plus de droits que les autochtone eux-mêmes.
D'où la colère de certains autochtones qui se haïssent eux-mêmes, mais qui haïssent encore plus les autres. Bientôt contre cette catégorie d'autochtones dont le nombre augmente sans cesse, les militants vont prendre les armes, et affirmer de ces autochtones qu'ils sont anormaux, malades, pervers.
L'étranger n'a pas encore vraiment d'identité propre, il dépend beaucoup de ce qu'on dit de lui; il y a les discours qui le salissent, et ceux qui lui attribuent plus de vertus qu'il n'a réellement. L'étranger a tout intérêt à se tourner vers le discours des militants, mais bien souvent il en profite pour exercer sa propre perversité. C'est-à-dire faire du mal.
En réalité l’autochtone et l’étranger sont exactement pareils, minables lorsqu’ils sont normaux. Pervers lorsqu’ils sont anormaux.