mercredi 9 octobre 2013

Notre part de la misère



La tragédie de Lampedousa a ému l'Europe entière et fait comprendre, mieux que bien des discours et analyses, que la question de l'immigration doit être abordée avec gravité et humanisme. Tout le monde a compris, par la violence et la cruauté des images, que ces malheureux qui tentent de rejoindre notre continent sont des victimes, qu'il nous faut autant que possible les accueillir. Nous sommes très loin, et c'est tant mieux, des éructations xénophobes de cette extrême droite que Thierry Mandon a eu mille fois raison de traiter de "fasciste". Non, l'immigré n'est pas un sale profiteur, un dangereux méchant : c'est un homme désespéré qui fuit la misère, ce que ferait chacun d'entre nous, placé dans la même situation.

Reste maintenant que la France et l'Europe doivent trouver des réponses politiques à cette tragédie humaine qu'est l'immigration misérable et forcée. Je déteste tous ceux, hélas parfois de gauche, qui nous balancent à la figure, malhonnêtement, la phrase devenue célèbre de Michel Rocard : "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde", prononcée il y a vingt ans, sortie de son contexte, comme ont l'habitude de procéder tous les gens malhonnêtes. Car la phrase est amputée de ses derniers mots, pourtant les plus importants dans l'esprit de Michel Rocard : "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part". Voyez comme les truqueurs tronquent ! Ils mettent dans leur poche un Rocard qui a toujours été tiers-mondiste, citoyen du monde, et pas du tout pour le repli national, la réaction xénophobe. Le pire des comportements en politique, c'est le mensonge, la manipulation.

Oui, de cette misère qui frappe à notre porte, nous devons en prendre notre part, dans la limite du possible, de la façon la plus rationnelle, la mieux organisée qui soit. Et ne pas attendre la force de l'émotion, telle qu'elle se dégage du drame de Lampedousa, pour s'interroger et proposer des solutions. Triste coïncidence de l'actualité, nous reparlerons de tout cela lundi prochain, lors de la séance du ciné philo à Saint-Quentin, qui se déroulera dans le cadre du festival Les Yeux ouverts sur les migrations, proposé par la Ligue de l'enseignement de l'Oise. Nous passerons, à 20h00, le film de Moussa Touré, La Pirogue (2012), qui porte sur l'émigration entre le Sénégal et l'Espagne, suivi comme d'habitude par un débat. L'entrée sera exceptionnellement gratuite.

Grande misère de l'Afrique, affamée et exploitée, petite misère de l'Occident, confortable et nanti, miné par les bobos (au sens pathologique, sans jeu de mots) de ses classes moyennes, dont le nom est l'insatisfaction. Avez-vous remarqué ? Les Français ne sont satisfaits de rien : la réforme des rythmes scolaires, le retour de Sarkozy, n'importe quel projet gouvernemental, de gauche ou de droite ... jamais contents ! Satisfaction et insatisfaction, sous toutes leurs formes, c'est le thème de la dernière pièce de la Compagnie L'Echappée, Haute Autriche, qui sera l'objet d'une séance exceptionnelle du café philo, jeudi 10 octobre, à partir de 18h30, dans la bibliothèque municipale Guy-de-Maupassant. Les comédiens seront présents et interpréteront des extraits de la pièce. J'animerai le débat avec à mes côtés Didier Perrier, le metteur en scène. Les insatisfaits sont bien sûr conviés, et les satisfaits ne sont pas exclus. L'entrée est gratuite et un pot sera offert à tous.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous éludez les atrocités des puissants locaux , dictateurs opprimants ces peuples , et profiteurs , possédant pignons sur rue à PARIS par exemple ; islamistes de tous poils etc ...

Citez nous un pays d’Afrique indemne de ces fléaux ???

Le cap vert ?? Pas certain et encore ??

Emmanuel Mousset a dit…

Je n'élude rien du tout. Vous ne faites que confirmer mon point de vue : l'émigration Afrique-Europe est un mouvement naturel et légitime, poussé par la faim, la misère et la tyrannie.

Anonyme a dit…

il me semble que la France a depuis plusieurs décénnies pris sa part de misére, je regrette simplement que les nations ne fassent pas assez pour developer l'economie de ces pays pauvres.
le quatar exploite des esclaves pour batir les infratructures necessaires pour la coupe du monde de football,on s'offusque, mais je vous le garantie , aucune nation ne boycotera cet evenement.
l'argent regne en maître sur le monde.
le partage des richesses n'est pas compatible avec le capitalisme.

Emmanuel Mousset a dit…

Quand on voit comment les Roms font réagir, je ne suis pas certain que la France soit prête à prendre sa part de la misère du monde.

Erwan Blesbois a dit…

Moi qui ai enseigné dans le 93 pendant 15 ans, je peux témoigner qu'il y a un rejet de l’éducation républicaine de la part de ces populations défavorisées. Un certain Tobie Nathan affirme que l'on ne peut plaquer les valeurs de la République sur les populations d'origine africaine. Non en raison d'une infériorité de leur part, mais en raison d'une différence culturelle. Tout comme les Bretons ont eu du mal à s'adapter aux valeurs de la République.
De même que Nathan revendique la nécessité d'une ethno psychiatrie pour soulager ces populations, ne faudrait-il pas une ethno école?
Il faut beaucoup de recul pour bien parler de ces questions là. Quand on est dans la mêlée, on ne voit que la violence, la haine, la laideur, la misère.
Je pense qu'il faudrait attribuer aux enseignants du 93, une prime d'au moins 20 % de leur salaire.
La république ne veut pas ouvrir les yeux sur la pluralité de sa population, sur la pluralité de ses territoires. Elle ne consent à aucune différenciation, à aucune excuse. Il est bien évident qu'une telle brutalité républicaine qui nous ramène aux plus mauvais jours de la révolution, avec ses Chouans et sa terrible année, précisément "93"; fait le jeu du FN.

Emmanuel Mousset a dit…

Les valeurs de la République ne sont innées à aucune communauté. Les catholiques, qui étaient beaucoup plus nombreux que les populations défavorisées dont tu parles, ont mis des décennies avant d'intégrer ces valeurs. Il n'y a donc pas à désespérer. Nous avons simplement oublié que la République n'est pas un acquis mais un combat permanent.

D'accord avec toi pour verser une forte prime aux enseignants en milieu "sensible".