jeudi 3 octobre 2013

L'utilité d'une réforme



A la fin de la séance du conseil municipal de lundi dernier, Xavier Bertrand s'est livré à une critique très serrée de la réforme des rythmes scolaires, en avançant trois arguments : elle est coûteuse, compliquée, contestée. Je veux lui répondre, en présentant à mon tour des arguments que je crois rationnels, en reconnaissant que le maire de Saint-Quentin a cependant en partie raison, mais en essayant de démontrer qu'il a au final tort. Ce débat autour des rythmes scolaires est d'autant plus important qu'il sera au coeur des prochaines élections municipales.

Cette réforme est-elle coûteuse ? Oui, elle l'est, et je m'en réjouis, car c'est de l'avenir de nos enfants dont il est question. Tout investissement dans l'avenir et dans la formation est bon. Une réforme à coût nul, en quelque sorte gratuite, n'aurait strictement aucune valeur. Ce serait un gadget, une réformette. Je ne connais aucune réforme structurelle, un tant soit peu ambitieuse, qui n'exige un financement conséquent. Et puis, l'Etat a prévu cette dépense, en versant dès cette année une aide financière aux collectivités locales. Enfin, la politique est affaire de choix : c'est de la responsabilité des élus de dire où vont leur préférence, leur priorité. En certains domaines, sportifs, festifs, environnementaux, les financements importants ne soulèvent aucun problème. Pourquoi hésiterait-on lorsqu'il s'agit d'éducation ? Mais encore une fois, on ne peut pas tout financer, il faut faire des choix. Les miens, en tant que citoyen, vont à la réforme des rythmes scolaires.

Cette réforme est-elle compliquée ? Oui, elle est compliquée, comme toute réforme d'envergure est compliquée. Changer les habitudes, les organisations, les contenus, c'est forcément compliqué. Et alors ? En quoi la difficulté serait-elle un obstacle à l'application d'une réforme ? La vie est compliquée, la politique est encore plus compliquée que la vie : ça n'empêche ni de vivre, ni de faire de la politique, ni de réformer la société. C'est compliqué parce que c'est un travail, ça exige des efforts. Je ne connais aucune réforme qui soit simple, facile. Ou alors, ce n'est pas une véritable réforme, c'est un simple aménagement. De plus, cette réforme, comme celle des 35 heures il y a quinze ans, n'est pas imposée autoritairement, avec des contenus et des horaires définis au préalable : elle mise sur la concertation entre tous les partenaires et bénéficiaires de la réforme, enseignants, parents, municipalités, associations. Faire travailler tout le monde ensemble, en faire surgir, dans chaque commune de France, un projet pédagogique, oui, c'est compliqué, mais c'est souhaitable et faisable, et quand on s'y attelle, c'est moins compliqué qu'on ne le croit.

Cette réforme est-elle contestée ? Oui, par beaucoup de personnes, mais pas par tout le monde. On a connu le même phénomène avec les 35 heures : la critique était encore plus vive et massive. Et aujourd'hui ? Demandez à n'importe quel salarié s'il veut qu'on lui enlève ses RTT : aucun, absolument aucun ne vous dira oui. La droite a critiqué violemment les 35 heures ; elle a gouverné pendant dix ans, elle n'a pas touché aux 35 heures : CQFD. La réforme des rythmes scolaires, il en sera de même. Et c'est normal : nous vivons dans une société individualiste, où chacun se préoccupe légitimement de ses intérêts personnels. L'intérêt d'un enseignant, c'est de regrouper ses heures de cours ; l'intérêt d'un parent, c'est d'avoir tout le week-end et le mercredi entier pour ses enfants ; l'intérêt d'un maire, c'est de ne pas avoir de dépenses supplémentaires. Et l'intérêt des enfants ? Et la cohérence d'un parcours pédagogique ? Pendant longtemps, tout le monde convenait que la semaine scolaire de quatre jours était une folie. Elle serait aujourd'hui devenue une solution sage et idéale ? Un peu de sérieux et de cohérence, tout de même ...

Xavier Bertrand a donc raison : coûteuse, compliquée, contestée, oui, la réforme des rythmes scolaires l'est. Et ça ne me dérange pas du tout. Ce sont même des critères d'ambition, d'exigence et d'intérêt général qui me satisfont, qui me rassurent sur l'ampleur et la valeur de cette réforme. Mais ce qui me fait fondamentalement la soutenir, c'est une quatrième question, qui n'a pas été soulevée l'autre soir en conseil municipal : cette réforme est-elle utile ? Oui, trois oui. Utile parce qu'elle a été demandée depuis longtemps ; utile parce qu'il est raisonnable d'étaler le temps de travail des élèves sur la semaine ; utile parce qu'elle ouvre à des activités périscolaires nécessaires à l'éveil et au développement de l'enfant. Dans quelques années, tout le monde sera d'accord avec ça, puisque déjà, une fois écartés les intérêts particuliers et corporatistes, tout le monde est d'accord avec ça. Même Xavier Bertrand y viendra. Je l'attends.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Comme DDEN et ayant enseigné en zone prioritaire, sur ce sujet, entièrement d'accord avec vous.
Vous ne devriez pas être sans savoir que sur l'École quand on parle de l'intérêt des enfants, c'est bien souvent un argument qu'on est loin de partager, en toute hypocrisie.

Anonyme a dit…

Et que répondait à l'AMF qui demande une remise à plat des modalités de financement ?

Anonyme a dit…

Vous êtes en train de perdre votre électorat sur cette question qui trouve qu'il paie déjà bien assez et que la qualité du service rendu n'est pas à la hauteur.

Les expériences mises en place sont désastreuses, coûteuses et inefficaces.

Dépenser oui, mais intelligemment et efficacement.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Il n'y a rien à remettre à plat puisque tout est déjà sur la table, prêt à servir, si on en a la volonté politique et pédagogique.

2- Le problème n'est pas de perdre ou de gagner notre électorat, mais de défendre l'intérêt de l'enfant.

Maître Chien a dit…

Sauf que les parents sont globalement mécontents de cette réforme, et que, jusqu'à preuve du contraire, l'intérêt de l'enfant est d'abord défendu par ses parents avant de l'être par un ministre.

Emmanuel Mousset a dit…

Si l'intérêt de l'enfant était défendu par ses parents, ça se saurait, depuis que le monde existe ; et la situation des enfants serait bien différente. Je préfère, sur ce point, accorder ma confiance à un ministre, dont le regard est plus objectif et plus rationnel.

Anonyme a dit…

L'anonyme de 22 h 52 parle d'expériences...il ne s'agit pas d'expérimentation mais de mise en place d'une réforme (sur laquelle il y avait accord de toutes les parties prenantes un an ou deux avant !). De plus sur quoi se base-t-il pour user des qualificatifs qui suivent, sur le battage médiatique actuel, sans plus !

L'anonyme de 8h43