dimanche 20 octobre 2013

Coup de com





Il y avait longtemps que j'avais le projet en tête : je l'ai réalisé mardi dernier, au Centre social Saint-Martin à Saint-Quentin, un module de formation sur la communication, à destination des bénévoles et responsables associatifs de l'Aisne. J'ai souvent remarqué que les associations ne savent pas très bien communiquer, ou pire, ont des préjugés sur (ou contre) la presse et les journalistes. Le but de la formation était donc d'informer et de conseiller, sachant que dans une société de communication, toute structure a impérativement besoin de communiquer sur elle-même et ses activités. J'ai voulu situer cette formation dans un cadre assez large, celui du CDOS (Comité Départemental Olympique et Sportif de l'Aisne) et des Fédérations d'Education Populaire de notre département, qui proposent 17 modules de formation (voir le lien à la fin de ce billet). J'avais à mes côtés une journaliste professionnelle.

Dans un premier temps, nous avons expliqué ce qu'est un journaliste. Aussi étrange que cela paraisse, beaucoup de gens méconnaissent ce métier, ses règles professionnelles, sa déontologie, jusqu'à employer parfois des termes très péjoratifs pour le qualifier : journaleux, scribouillard, pisse-copie ... Il est fréquent de rencontrer des personnes qui assimilent le journaliste à une sorte de greffier, chargé de faire des compte-rendus d'événements, de sténographier des propos de réunions. D'autres attendent du journaliste qu'il soit un faire-valoir, que son article soit quasiment un encart publicitaire. Finalement, bien que nous soyons en démocratie, toute une partie de l'opinion publique se fait une conception soviétique de la presse locale.

Nous nous sommes donc attachés à corriger cette image et la réalité : un journaliste est un professionnel de l'information, dont le métier est régi par une déontologie ; il est libre de ses sujets et de la façon de les traiter. Quand il y a problème entre les responsables associatifs et les journalistes, ce n'est pas parce que les journalistes font mal leur métier, mais parce que les associatifs (ne parlons même pas des politiques, où c'est souvent l'horreur, la cata !) ignorent ce métier et ne savent pas communiquer.

Il faut commencer par inverser le théorème de base : les journalistes ne sont pas au service des associations, ce sont les associations qui doivent se mettre au service des journalistes. D'où la nécessité pour elle d'intégrer quelques connaissances de base en la matière. Par exemple, on ne communique pas sur n'importe quel sujet : il faut avoir quelque chose de nouveau et d'important à dire (et pas simplement à répéter), il faut pour la presse locale une information locale (et pas nationale, aussi intéressante soit-elle). Autre exemple : quand un journaliste ne vient pas à un rendez-vous, inutile de le soupçonner, c'est qu'il aura été pris ailleurs, parce que l'actualité tombe sans prévenir (d'où la nécessité d'avoir son téléphone mobile ouvert à côté de soi).

J'ai tenu à dissiper un préjugé tenace : celui du journaliste copain, qui laisse croire qu'il suffit de copiner, tutoyer, offrir des pots pour avoir un papier favorable. J'ai connu cette manie détestable il y a une quinzaine d'année, en arrivant à Saint-Quentin. Les journalistes de l'ancienne génération pouvaient éventuellement, pour quelques-uns, y être sensibles. Mais les nouvelles générations, trentenaires, y sont totalement imperméables, parce que souvent beaucoup plus professionnelles que leurs aînés. Et c'est une bonne chose pour tout le monde, car le journaliste copain était largement un mythe, une illusion (de même qu'il n'y a pas de prof copain pour les élèves). Un responsable associatif ne doit pas choisir son journaliste, il doit les aborder tous à égalité, avec professionnalisme et sans volonté de copinage.

Deuxième volet de la formation, la pratique : comment composer une invitation à la presse ? Comment rédiger un communiqué ? Sur ce point, des associations se plaignent que leurs communiqués ne passent jamais ou sont tronqués : mais quand ils font plusieurs pages, c'est inévitable ! Comment organiser un point-presse ? A déconseiller : la salle de bar bruyante, canettes de bière sur la table, intervenants multiples, oreilles indiscrètes, intrus inopportuns. Comment répondre à une interview ? A ce niveau, c'est le must : plus besoin d'aller vers la presse, c'est la presse qui vient vers vous. Mais il faut éviter le second degré, l'humour mal placé (qui passe à l'oral, mais plus à l'écrit), les propos alambiqués. Le pire des comportements, l'anti-communication absolue, pourtant très répandue : ne pas répondre à l'appel d'un journaliste. Si on n'est pas obligé de tout lui dire, il faut avoir la courtoisie de le rappeler, et le plus rapidement possible (dans les deux ou trois heures qui suivent l'appel, à défaut dans la journée, mais pas plus tard).

Faut-il utiliser le off, c'est-à-dire des propos non destinés à être publiés mais dont le journaliste peut faire l'usage de son choix, pourvu que la source ne soit pas citée ? Les avis sont partagés, le mien est très tranché : non au off ! D'abord parce que c'est un sujet à confusion : à force de parler, on ne sait plus très bien ce qui relève du off et ce qui n'en relève pas. Surtout, le off est sujet à manipulation, sans vérification possible. Un homme public doit assumer tous ses propos, quels qu'ils soient, en quelque endroit que ce soit (ou alors il se tait). La communication n'est pas le lieu des messes basses ou des confidences.

Dernier sujet, sensible lui aussi : la photo dans le journal ! Elle génère beaucoup de fantasmes. Des gens me disent parfois : pourquoi on te voient tout le temps dans la presse ? Leur question est au fond accusatrice : je serais coupable du péché de narcissisme. C'est faux. D'abord, je ne suis pas "tout le temps" dans la presse, mais il suffit d'y passer régulièrement depuis plusieurs années pour donner l'impression qu'on couche dans les salles de rédaction ! Ensuite, c'est la décision des journalistes : on ne choisit pas d'avoir "sa" photo dans le journal. Mais quand on organise pas mal d'activités (en moyenne deux par semaine en ce qui me concerne), le relais médiatique est indispensable et inévitable. Là encore, par rapport à la photo, il faut réagir en professionnel, pas en moraliste ou en psychologique (ou alors, il ne faut pas faire le choix d'être un personnage public).

Même la photo se prépare, tout comme une conférence ou un communiqué de presse. Je vais pinailler, mais tant pis, c'est dans les détails qu'on juge de la qualité de ce qu'on fait. A proscrire : les pulls à losanges ou autres motifs décoratifs, qui ressortent dans le journal et vous donnent des allures d'arlequin ou de polichinelle. A enlever : les lunettes noires. Sur la page Facebook d'un candidat aux élections municipales, un homme et une femme se baladent devant l'Hôtel de Ville avec des yeux de mouche, qui font bad boy pour lui et frime de fille pour elle. Non, pas de lunettes teintées pour les photos, trop mauvais genre.

Il y a une dizaine d'années de cela, un conseiller municipal d'opposition pestait devant moi qu'on le "coupe" systématiquement sur les photos de groupe. Il y voyait une forme de censure à l'égard de son éminente personne. Dans ce genre de situation, je n'explique pas, je conseille : mets-toi au milieu du groupe, tu ne seras pas coupé ! Il n'y avait jamais pensé, mais je ne sais pas s'il l'a fait. Quoi qu'il en soit, il faut savoir qu'un lecteur retient surtout deux choses d'un article : le gros titre et la photo. On me dit rarement : on a lu ce que vous avez dit dans le journal, mais le plus souvent : on a vu votre photo dans le journal.

Je vous invite à participer, si le sujet de la communication associative et locale vous intéresse, à la deuxième session, qui aura lieu à Saint-Quentin le 03 décembre prochain, de 18h00 à 20h00, dans un lieu qui vous sera indiqué après inscription (le module reprendra, élargira et approfondira les thèmes seulement évoqués dans ce bille). L'inscription se fait en ligne, à l'adresse suivante : http://aisne.franceolympique.com , rubrique "formation des bénévoles". Cette formation est gratuite, le nombre de places par session est limité à douze.

Pour terminer, je vais vous livrer un secret, qui ne vous dispense pas de vous inscrire à ce module : la première des formations à la communication, c'est d'acheter, de lire et d'aimer la presse locale.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

POURQUOI dans votre formation , vous ne parlez pas des interviews par les télés locales , c'est fréquent et assez couru par les populations ???

Emmanuel Mousset a dit…

On ne peut pas traiter de tout en deux heures. Il y a déjà fort à faire avec la communication écrite, qui est basique.