lundi 21 octobre 2013

Erreur de jeunesse



Il y a trente ou quarante ans, personne n'en aurait parlé, ou bien seulement la rumeur, dont on sait qu'il faut se méfier. La presse n'en aurait probablement fait aucun gros titre, sinon peut-être une brève, quelques lignes anodines dans la rubrique des faits divers. L'opinion publique n'y aurait porté aucune attention, sauf de curiosité, et nulles conséquences politiques ne s'en seraient suivies. Je veux bien sûr parler de l'accident de voiture de Julien Dive, jeune responsable UMP et conseiller municipal d'Itancourt, dans la nuit de vendredi à samedi, à Saint-Quentin, contrôlé ensuite positif.

Les temps ont changé, en bien ou en mal, chacun jugera. Aujourd'hui, vie publique et vie privée se mêlent, la médiatisation des hommes publics est permanente, jusque dans des événements de l'existence personnelle qui autrefois n'en sortaient pas. Influencée par la démocratie américaine, notre société est devenue beaucoup plus exigeante en matière de comportements individuels de ses responsables politiques, versant parfois dans le puritanisme. A bien des égards, la morale est maintenant supérieure à la politique, et l'image qu'on donne de soi l'emporte sur l'action qu'on mène.

Il y a quelques années, c'est Jean-Luc Tournay, alors secrétaire de la section communiste de Saint-Quentin et conseiller régional, qui avait été conduit en cellule de dégrisement, sans cependant avoir provoqué d'accident. Qui n'est pas menacé de tomber dans de telles erreurs ? Le taux d'alcoolémie légalement permis est rapidement dépassé, sans qu'on s'en rende compte. J'ai connu une époque, dans mon Berry natal, où il y avait une tolérance générale à l'égard de la consommation d'alcool, où le facteur acceptait volontiers, en hiver, le petit verre qu'on lui offrait (dans de multiples maisons !), où même les gendarmes avaient la réputation de boire, sans que la population en soit plus que ça choquée. Aujourd'hui, c'est terminé : les écarts ne sont plus acceptés, les erreurs sont considérées comme des fautes. Le personnage public n'a plus le choix, il doit faire attention et se contenter du jus d'orange dans les inaugurations.

Julien Dive a bien compris tout ça je crois, il a eu la bonne réaction, dans les 48 heures qui ont suivi l'accident : démissionner de ses mandats de responsable départemental des Jeunes Populaires et de secrétaire national de l'UMP. Je retiens deux expressions dans son commentaire sur sa page Facebook : "erreur de jeunesse", un terme familier qui porte plus facilement à pardonner, et "assumer", répété trois fois en quelques lignes. Oui, ce qu'on retiendra de cet accident spectaculaire mais pas si grave que ça, qui n'a entraîné que des pertes matérielles, qui aurait pu arriver à beaucoup d'entre nous, c'est que Julien a "assumé", qu'il en a tiré les conséquences qui s'imposaient. Je comprends les réactions de ses amis sur Facebook, qui regrettent majoritairement cette décision et souhaitent que Julien Dive se maintienne à ses postes de responsabilité. Comme quoi l'amitié est mauvaise conseillère en politique ! Les militants UMP devraient plutôt le féliciter d'avoir fait ce choix qui en réalité le sauve.

Et puis, Julien Dive n'en a pas fini avec la politique ! Il retrouvera vite des responsabilités, car ce qui lui est arrivé dans la nuit de vendredi à samedi sera vite oublié. C'est un militant exemplaire, très présent dans la vie locale, garçon sympathique, que j'avais salué pas plus tard que vendredi soir, lors de l'inauguration du 115 rue d'Isle, quelques heures avant le funeste accident. D'ailleurs, a-t-on besoin de titres pour faire de la politique ? Je suis persuadé que nous continuerons de voir Julien engagé, investi, comme si de rien n'était, comme s'il ne s'était rien passé, ce qui est encore la meilleure façon de répondre à la fatalité. Julien Dive est jeune, plein de talents et d'enthousiasme : il a tout l'avenir politique devant lui, qu'une voiture renversée ne compromettra pas.

L'accident en lui-même n'est pas grave, mais aurait pu, si les conséquences n'avaient pas seulement été matérielles : je crois que c'est surtout cela que Julien Dive doit méditer personnellement. Je veux terminer en me réjouissant que Julien en soit sorti indemne et qu'il n'y ait eu aucune victime. Ce fait divers ne changera évidemment rien à la campagne des municipales, et il va de soi que son exploitation politique, en public ou en privé, serait particulièrement détestable. L'avertissement est nécessaire, quand on sait à quel point l'action politique fait hélas parfois feu de tout bois.

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