mardi 7 août 2012

Michel Polac, une époque



Il faut avoir eu comme moi vingt ans au début des années 80 pour savoir quel choc a été la découverte, quand on est encore jeune, de Michel Polac à la télévision. Le journaliste, écrivain et animateur, qui nous a quittés aujourd'hui, a littéralement révolutionné le petit écran. En 1981, avec la victoire de François Mitterrand, un nouveau monde semblait naître, non seulement en politique mais dans le monde de la culture et des médias : Polac, homme de gauche quoique esprit indépendant, libertaire, s'inscrivait dans ce changement, a même longtemps incarné, aux yeux d'une certaine droite, ce changement tant redouté, tant détesté.

Avant Polac, les émissions de débat à la télé étaient contrôlées et compassées, politiquement correct comme on dit maintenant. Giscard avait entre-ouvert les portes et fenêtres, mais les limites étaient tout de même strictes. Michel Polac, avec cette émission vite culte "Droit de réponse", a fait exploser tout ça. Fini les échanges courtois, de bon ton, autour d'une table basse, où les invités attendent sagement qu'on leur donne la parole pour parler d'eux-mêmes et de leurs livres, genre "Apostrophes" ou "Les Dossiers de l'Ecran". Dans la forme, Polac disperse son monde dans un décor de type bistro, qui préfigurait les cafés philo d'aujourd'hui.

La liberté de parole était la règle, qui tournait parfois à la foire d'empoigne. On se croyait dans un amphi enfumé et bavard de Mai 68, avec des intervenants qu'on n'avait pas l'habitude de voir jusque là à la télé. Il est même arrivé qu'on en vienne aux mains, entre les journalistes de Charlie hebdo et ceux du torchon d'extrême droite Minute. Je me souviens du titre d'un quotidien du lendemain : "On s'est battu à la télé". Quelle époque ! C'était avant la vogue des débats superficiels et psychologisant, à la Delarue ou à la Dechavanne. Polac était un vrai journaliste, qui travaillait sur dossiers, qui lançait des débats de société, plus guère présents actuellement sur le petit écran.

Je suis triste ce soir, parce que Polac est mort, parce qu'une époque se termine avec lui, mais disparue depuis longtemps déjà. Ce qu'est devenue ensuite notre télévision est bien souvent effrayant. De Polac, je veux aussi souligner ce qui est moins connu, son oeuvre d'écrivain, notamment la publication de son journal intime, qui est passionnant, qui nous apprend beaucoup sur cet homme et sa philosophie personnelle de la vie. Michel Polac est mort mais il a bien vécu, il a créé, il a été utile : son existence est pleinement justifiée, et cette pensée me rend un peu moins triste.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

"il a été utile : son existence est pleinement justifiée"
je n'apprécie pas du tout ce passage.
s'il faut être utile pour justifier son existence, c'est inquiétant.
je ne savais pas que j'avais à justifier mon existence , la naissance me rend elle redevable de quelque chose à la société ?
Les handicapés sont ils des citoyens à part à classer dans les inutiles ?
Je pense que ce n etait pas le sens de votre phrase mais méfiez vous de son interprétation.

Emmanuel Mousset a dit…

C'est un point de vue. Pour moi, nous naissons pour faire quelque chose de notre vie, qui se mesure à ce que nous apportons à autrui. Hitler et tant d'autres n'ont pas été utiles, et même nuisibles. Ils n'ont pas justifié leur existence. Auraient-ils pu ne pas naître, l'humanité s'en serait mieux portée. L'utilité n'est pas liée à notre condition physique (handicapés ou en bonne santé) mais à nos choix.