vendredi 11 novembre 2016

Les terroristes passent à l'attaque



Hier matin, je venais de commencer un sujet de dissertation avec les élèves, sur la question : faut-il se méfier de la conscience ? quand nous avons entendu la sonnerie, à 10h40, alors que la fin du cours est à 11h00. Pas normal. Pas normal non plus sa durée, beaucoup trop longue. Et là, c'est le signal : alerte intrusion ! Des terroristes ont pénétré dans l'établissement, nous devons appliquer les consignes. C'est un exercice, bien sûr, mais qu'est-ce qui distingue la fiction de la réalité ? Rien du tout. Dans ce genre de situation, il faut faire comme si.

Mes élèves (20 filles et 1 garçon) ont joué avec sérieux le jeu, qui n'est pas un jeu. D'abord, je verrouille les deux portes de la salle et je baisse les volets des fenêtres. Puis des élèves poussent le bureau contre une porte et une armoire contre l'autre, très rapidement, presque avec plaisir. Ensuite, nous renversons les tables sur le côté, et nous les disposons en cercle au milieu de la pièce, comme les chariots dans les westerns, pour se protéger de l'attaque des Indiens. Nous nous allongeons à terre, derrière les tables. Pour les poètes, je dirais que la disposition des corps formait une sorte de corolle.

Toute lumière éteinte, nous étions dans une presque parfaite pénombre ... sauf que j'avais oublié de fermer l'ordinateur : son éclat bleuté nous rendait repérable aux terroristes. Pour les poètes, je dirais que c'est un peu comme un aquarium éclairé dans une chambre obscure. Clic : le noir total. De plus, dans le couloir, l'électricité a été coupée. Le silence et la nuit tombent en plein jour sur le lycée. Nous nous sentons invisibles et invulnérables. Que peut un terroriste contre nous ? Il ne peut pas entrer, il ne sait même pas que nous sommes là. Il ne peut pas tirer par le hublot de la porte, parce qu'il ne nous voit pas. Et s'il fait feu en aveugle, nous sommes à l'abri des tables. Que lui reste-t-il ? Se faire exploser au milieu du couloir, débarrasser l'humanité de sa personne ...

Nous sommes restés ainsi allongés dix minutes. Un élève a suggéré qu'on poursuivre le cours dans cette position (j'ai de bons élèves). Je sais bien qu'une assemblée d'aveugles pourrait philosopher, que les seuls outils requis sont le cerveau et la voix, mais tout de même ... Un visage tout rond est apparu dans le rond du hublot : un barbu, pas terroriste du tout, puisqu'il s'agissait de monsieur l'intendant, qui supervisait l'opération. Nouvelle sonnerie, retour de la lumière, fin de l'exercice.

Jusqu'à hier matin, j'étais légèrement sceptique sur ce genre d'entrainement. On se dit qu'on fait ça pour la forme, que si des terroristes passaient réellement à l'attaque, tout serait différent. Et puis, j'avais en tête qu'on ne peut rien contre un dingue qui veut tuer ou tout faire péter. Enfin, à quoi bon apeurer les élèves, qui le sont suffisamment par la télévision ...

Mais non ! Au contraire : ces gestes simples, à la portée de tous, que mes élèves ont répétés dans un grand calme, sont d'une efficacité redoutable, quand on y réfléchit. Les terroristes ne sont pas des militaires ou des mercenaires, mais des fanatiques : les attentats ont montré qu'ils commettaient un tas d'erreurs, parfois grossières. Des citoyens vigilants, organisés et méthodiques, ont les capacités de réduire considérablement l'impact des attentats, jusqu'à dissuader de les perpétrer. Je crois à la force du nombre contre la folie de quelques-uns. Une société qui fait corps ne craint plus grand-chose. Surtout, elle est armée psychologiquement. L'état d'urgence doit être dans les têtes, tranquillement préparées. C'est bien supérieur à toutes les lois sécuritaires qu'on pourra imaginer. A méditer, un an après les terribles attentats.

12 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

On te voit venir, ce que tu préconises au fond, c'est une société à l’israélienne. Seulement voilà, la société française est beaucoup plus fragmentée, plurielle, traversée par des clivages bien trop profonds, pour avoir la capacité de "faire corps" comme la population israélienne, qui elle est unie, peu hétérogène d'un point de vue ethnique et religieux. C'est un peuple armé et soudé, qui se définit spirituellement par une identité cimentée essentiellement, mais pas seulement, par le souvenir d'une altérité malveillante issue de l'épisode très douloureux de la Shoah, ce dernier qui aura eu au moins cette "vertu", de permettre à une société et un peuple de "faire corps" (si l'on peut parler de "vertu", quand il s'agit des conséquence d'un tel crime sans précédent, et puisqu'aucun cynisme - qui pourrait être illustré par un certain esprit de récupération... mais dont ne se privent pas certains, cyniquement... ce que dénoncent certains par le terme de Shoah business - ni esprit de relativité propre à la science, n'est permis lorsqu'on parle de la Shoah, qui est le paradigme spirituel à partir duquel la modernité post-1945, a défini les valeurs du bien et du mal).
On se construit et l'on s'unit toujours contre un ennemi commun. L'ennemi en France est multiforme, l'ennemi n'est pas seulement le djihadiste, mais aussi le Français de souche toujours suspect de dérives identitaires et xénophobe. comme si l'ennemi en France pouvait aussi être le résidu de cette altérité malveillante, à partir de laquelle les juifs modernes, ont eu la nécessité, l'obligation, si ils voulaient survivre... de faire corps contre. Seuls les fruits du multiculturalisme font consensus en France, et on leur attribue toutes les vertus pour sauver la France de ses penchants xénophobes, illustrés par l'épisode pétainiste. La France ne se fait plus confiance, elle est dans l'auto flagellation permanente. Un parti comme le FN, se propose comme ambition de lui redonner sa confiance, mais évidemment on ne lui accorde pas de crédit, sans doute à juste titre, car on lui reproche ses penchants xénophobes structurels, et puisqu'en même temps, il représente une colère populaire dont le malaise est précisément essentiellement d'origine identitaire, à l'instar de ce qui s'est passé aux Etats-Unis avec l'élection de Donald Trump... fruit d'une colère d'origine identitaire, de la part de ce qu'on appelle déjà les "petits blancs", qui se vivent comme les laisser pour compte de la mondialisation et du multiculturalisme heureux. Que cela nous serve de leçon ! En retiendrons nous ses éléments positifs, tel le rejet du néolibéralisme et de la mondialisation, ou ses aspects négatifs, comme le rejet xénophobe des minorités ethniques ? Sachant cependant, que tout est lié et qu'on ne peut pas séparé les problèmes, qui ont au fond une origine commune. Un phénomène aussi massif que l'exode des migrants et des réfugiés vers les pays riches, est aussi une conséquence du néolibéralisme cosmopolite et de la mondialisation, on pourrait dire un effet pervers non maîtrisable, dont les éléments anthropologiques les plus faibles sociologiquement et économiquement, ceux qui se sentent le plus menacés pour leurs emplois et leur sécurité (réflexe sécuritaire dénoncé par Emmanuel Mousset dans le billet que je commente), réagissent par un rejet, alors même que la "doxa" dominante les culpabilise d'un tel choix... seulement voilà, la société américaine a pris une décision, et désormais elle est irrévocable...

Erwan Blesbois a dit…

...Si l'on veut trouver la matrice spirituelle d'un tel monde et de sa "doxa" officielle, qui définit les valeurs du bien et du mal, il faut aller chercher du côté de la Shoah, mais les juifs ne sont en rien responsables, le responsable in fine de la Shoah, c'est Hitler. C'est donc Hitler qui est responsable de phénomènes tels que le néolibéralisme et la mondialisation. Mais Hitler lui-même n'était pas responsable, c'était un enfant maltraité par son père, et il s'est identifié ensuite à l'agresseur dans sa façon d'envisager les rapports géostratégiques entre les pays. c'est donc le père d'Hitler le responsable du monde où nous vivons, du plus particulier, nous sommes arrivés au plus général, je ne suis pas en plein délire, rassurez-vous. Mieux encore, le père du père d'Hitler, le grand-père d'Hitler, était certainement juif, c'est une hypothèse très crédible avancé par la psychanalyste Alice Miller, et le père d'Hitler vécu cela comme une humiliation, dans l'Autriche corseté de la fin du XIXème siècle. C'est donc l'humiliation ressenti d'avoir un juif dans sa famille, dans une société globalement antisémite, qui entraîna les atrocités que l'on sait et "in fine" le monde où nous vivons. Certains parmi les lecteurs de ce blog vont penser que je suis en plein délire, je ne le pense pas, je m'appuie sur les travaux réputés d'une grande psychanalyste juive américaine d'origine d'Europe de l'Est, pour étayer mes propos... Mais passons sur ces considérations qui nous éloignent de notre sujet... Et Emmanuel va me dire qu'une fois de plus, je psychologise à outrance, pour le coup, sur cet aspect là, je lui donne entièrement raison, à ce niveau là, on pourrait même parler d'une "Kolossal" psychologisation, mais j'ai voulu m'approcher de l'origine de l'origine, un psy dirait de la "scène primitive"... Cependant dans cette matrice originaire qu'il faut aussi aller chercher la surexposition des juifs, car ils sont les premiers concernés, dans les médias français en général. Il ne s'agit pas de dénoncer ni de stigmatiser une telle surexposition, à l'instar d'un Dieudonné, ou d'un Soral, des cerveaux au fond pas si malades que ça, car ils ont une intuition les poussant à chercher la cause du mal, mais dans la mauvaise direction selon moi... et qui réagissent finalement de façon trop émotive et brutale... mais de la comprendre, et même de la justifier et légitimer, car il s'agit de la concrétisation d'une soif de réparation et de justice, au fond. C'est aussi pour cette raison que j'ai une fille juive, choix non conscient et non délibéré de ma part, non par mode je l'espère, mais pris par le flot de l'histoire... et que je partage dans ma chair, le destin de notre époque... J'espère être tout sauf un opportuniste cynique.
Pour conclure et revenir à notre sujet : ce que tu préconises au fond c'est une forme de patriotisme inspiré du modèle israélien, et ce qui est important là-dedans c'est le mot "patriotisme". Mais tu joues un jeu dangereux, sur le fil du rasoir, quelle sera la limite à ne pas dépasser pour que la société française ne tombe pas du patriotisme spirituel, c'est-à-dire la capacité de "faire corps", au nationalisme xénophobe, se définissant contre l'altérité que représente l'étranger ?

Emmanuel Mousset a dit…

1- Par méthode, je n'aime pas les comparaisons, et celle-là ne m'est pas venue à l'esprit. Mais oui, pourquoi pas le "modèle" israélien, sur ce point en tout cas.

2- Tu sais que je n'aime pas la psychologie, et tu fais tout ce matin pour m'en dégoûter !

Philippe a dit…

le modèle israélien nécessiterait un changement complet idéologique concernant la défense de soi et d'autrui.
Si j'ai bien compris le système israélien mais peut ai-je mal compris ... : j'ai le port d'arme, je vois quelqu'un donner un coup de couteau, je le stoppe d'une balle pour qu'il n'aille pas plus loin agresser une autre personne car je suis armé comme beaucoup de mes concitoyens.
En France je ne peut rien, je me tire, et à l’abri j’appelle Police secours qui arrive quand elle peut.
A ce sujet au Bataclan malgré le silence médiatique, sans doute voulu, on peut se poser des questions sur les délais 2H40 environ et sur le pourquoi on a pas plongé les assassins dans le noir comme dans votre exercice !!!!

H a dit…

Bravo pour ce genre d'exercice qui paraît tellement bien réalisé qu'il serait à imiter.
Dans les hôpitaux par exemple...
Dans les maisons de retraites, pourquoi pas aussi...
Dans les crèches...
Dans les maternités...
Avec les malades retournant leurs lits...
Les vieillards aussi...
Les bébés derrière leurs chaises...
Et les parturientes avec le personnel, on ne sait comment...
Il n'est pas question de chercher à ridiculiser, il est ici question de montrer les limites à ce type de manifestation dont il y a à douter de l'efficacité.
Mais si ça vous convient, pourquoi pas ?

Emmanuel Mousset a dit…

1- Le rapprochement avec Israël est plus dans l'état d'esprit que dans les modalités pratiques, qui sont en effet totalement différentes (ainsi que le contexte géopolitique).

2- Votre critique est trop facile. Vous prenez des exemples de personnes qui, de toute façon, terroristes ou pas, sont incapables de se défendre par elles-mêmes. Et vous en concluez que l'exercice est inefficace ! C'est ce qu'on appelle un sophisme.

H a dit…

Et vous en concluez que l'exercice est inefficace !
Pas du tout !
C'est peut-être efficace !
Je pointe le fait suivant : qu'est-il proposé pour les plus à même d'être à protéger des fous de Dieu ?

Emmanuel Mousset a dit…

Chaque lieu de vie aura sa méthode et son exercice. Un hôpital ou une maison de retraite, c'est différent d'un lycée.

Anonyme a dit…

Et ma réponse sur le point précis ... Si pas de réponse je vous fais une pub de ouf pour incompétence et corruption active ....

Emmanuel Mousset a dit…

Ne vous en privez pas. Il faut toujours dire ce qu'on pense.

Anonyme a dit…

Encore une fois vous avez traité une problématique sans en connaitre une seule ligne , dans ce cas sans connaitre les instructions ministérielles et leur adaptation à la situation locale , vous êtes pourri jusqu'à l'os et une puanteur nocive et permanente exhale de votre affreuse personne ......

Emmanuel Mousset a dit…

Dans l'exercice de simulation d'une intrusion, vous seriez parfait dans le rôle du terroriste.