mercredi 12 octobre 2016

Macron marche plus vite



Hier soir au Mans, Emmanuel Macron a organisé le deuxième meeting de sa démarche originale : contrairement aux politiques traditionnels qui avancent d'abord leur candidature personnelle, puis déroulent une liste souvent trop longue de propositions, il fait un état des lieux de la maison France, à partir des remontées de la Grande Marche, et esquisse quelques pistes de réflexion.

Ainsi, un projet se dessine peu à peu, sans tomber dans les travers d'un programme, dont les promesses sont rarement tenues, non par mauvaise volonté, mais impossibilité. La méthode de Macron repose sur la durée, en contradiction avec notre univers médiatique, qui réclame (en opposition avec son adjectif !) de l'immédiat. Mais il nous faut absolument rompre avec la technique sarkozienne de la réaction pavlovienne à tout événement, jusqu'aux faits divers, qui a fait tant de mal à notre vie politique (encore trop nombreux sont ceux qui la pratiquent aujourd'hui, y compris à gauche).

Hier soir, Emmanuel Macron a principalement traité des questions économiques. La semaine dernière à Strasbourg, il avait dénoncé notre système politique ; au Mans, c'est le système social qui a été l'objet de ses critiques, résumables en une formule : "le système social n'est plus le protecteur des plus faibles". Quand j'entends parler, depuis longtemps déjà, jusque dans les rangs de la gauche, de notre "modèle social français", je suis partagé entre l'éclat de rire et l'indignation.

Un "modèle" prétend à la perfection et à l'exemplarité. Que notre système social soit incomparablement supérieur à celui du Burundi ou de la Mongolie intérieure, je n'en doute pas, mais c'est un peu trop facile. Le système doit être jugé pour lui-même : des millions de chômeurs depuis 40 ans, des inégalités qui s'accroissent, des rémunérations qui stagnent dans bien des secteurs d'activité, un système de formation qui forme mal, ah ! il est joli, notre "modèle social français" ... Macron le secoue, comme il secoue le système politique, et sortir du conformisme ambiant fait du bien.

Il revient sur la loi El Khomri, rejoint ce que j'ai senti dès le début de ce conflit : la première mouture était excellente, le refus de négocier affiché par les syndicats radicaux a conduit à des reculs, le texte aujourd'hui adopté ne satisfait plus personne. Macron, cohérent, estime qu'il aurait fallu aller beaucoup plus loin dans l'inspiration initiale. Il assume la logique gouvernementale, mais la pousse à son terme : l'inversion des normes entre la loi et la négociation, celle-ci étant élargie aux minima sociaux en matière d'heures supplémentaires ou d'organisation du travail, celle-là se limitant à être le socle" des grandes règles générales.

Cette révolution des normes, que la deuxième gauche rocardienne a toujours défendue, n'est concevable que dans le renforcement des droits individuels (notamment en matière de formation) et collectifs (le pouvoir des sections et représentants syndicaux). La philosophie sociale de Macron se résume là aussi en une formule : "tant qu'il y aura de l'uniformité, il y aura de l'inégalité". Son projet est celui d'une "société du choix", qui passe par une proposition spectaculaire : élargir l'assurance-chômage aux salariés démissionnaires, afin d'encourager cette "société de la mobilité", qui fait aussi partie de ses objectifs. L'idée générale est de déconnecter les droits du salarié du poste qu'il occupe et de les rattacher à sa personne plutôt qu'à son travail.

Si l'on me dit qu'Emmanuel Macron n'est qu'une bulle sans consistance, que ses propos sont flous et vagues, je n'y comprends plus rien ... ! Mais il y a des formes de déni qui prouvent un embarras ou la facilité de ne pas se confronter à des idées qui dérangent. La présidentielle approche, les propositions de l'ancien ministre ne demandent qu'à être débattues : une élection et sa campagne, c'est fait pour ça, non ? Mardi prochain, troisième et dernier meeting du diagnostic, à Montpellier, cette fois sur le vivre ensemble et l'intégration.

7 commentaires:

C a dit…

"tant qu'il y aura de l'uniformité, il y aura de l'inégalité"... On pourrait même aller juste un peu plus loin, marcher encore un peu plus et dire : "tant qu'il y aura des hommes, il y aura de l'inégalité" tant c'est évident que les hommes ne naissent ni libres ni égaux.
Voir l'horizon, c'est une chose, y arriver, c'est autre chose...
Déclarer les hommes libres et égaux en droit, c'est une chose, les rendre effectivement libres et égaux, ce n'est même pas autre chose, c'est une blague.
Et quand on fait une blague à quelqu'un il arrive qu'il y croit, il marche, dit-on !
Et Monsieur Mousset marche !
Heureusement qu'il n'est pas trop sportif, sinon il courrait !

Emmanuel Mousset a dit…

Pas besoin d'être sportif pour courir. Sur la liberté et l'égalité, vous confondez le fait et le droit. Et puis, lutter contre l'inégalité, ce n'est pas vouloir la stricte égalité, mais aspirer à la justice.

Anonyme a dit…

Bravo ! trés bonnes remarques sur le " modèle social" et l'uniformité.
Quelle bonne bouffée d'oxygène loin des petites phrases, qui font les mauvaises campagnes électorales des uns et des autres.

Anonyme a dit…

J'ai assisté à une conférence de l'économiste Frédéric Farah, le coauteur d'un livre "introduction inquiète à la Macron économie". Ce fût un régal parce qu'il démontrait le profond conformisme, les vieilles recettes de l'économiquement correct depuis plus de 30 ans. Celles qui ont toutes échoué depuis 30 ans mais cela ne fait rien, comme du temps de l'URSS on disait que si le socialisme ne marche pas c'est qu'on n'a pas fait assez de socialisme. Donc c'est parce que tous les dirigeants n'ont pas fait assez de libéralisme que cela ne marche pas, en conséquence il faut faire plus de libéralisme. Macron s'inscrit totalement dans cette trajectoire. Macron, un jeune déjà vieux.

Emmanuel Mousset a dit…

Qu'est-ce que vous avez contre les vieux ?

Philippe a dit…

Communistes et libéraux ... bonnets blancs et blancs bonnets
Errare humanum est, perseverare diabolicum (« Se tromper est humain, persévérer dans l'erreur est diabolique) ...
Les humains politiques ou autres mettent en paroles la sagesse mais n'en tiennent pas compte dans leur vie ...
curieux animaux ces bipèdes !

Anonyme a dit…

Contre les vieux qui se prétendent jeunes et neufs comme votre mentor Macron, je n'aime pas les impostures. J'aime les vieux quand ils ne jouent pas au neuf, j'ai toujours eu une certaine admiration pour le vieux général de Gaulle devenu président à 68 ans et l'archaïque Mitterrand, face au "jeune" Rocard, devenu Président à 65 ans.