dimanche 18 juin 2017

577 bons perdants



Il y aura ce soir 577 heureux et 577 malheureux : les gagnants et les perdants du second tour des législatives. Les 577 premiers ne m'intéressent pas : je les laisserai tout à leur joie de la victoire. C'est aux 577 éliminés que je veux dès maintenant m'adresser. C'est un vieux réflexe d'enseignant : se préoccuper des moins bons élèves (qui ont besoin de mon soutien), pas des meilleurs (qui se débrouilleraient très bien sans moi ou avec un autre). A ces 577 battus, je veux leur crier : soyez de bons perdants ! (de cette façon, vous serez au moins bons en quelque chose, la défaite, puisque vous n'avez pas réussi à l'être dans la victoire).

Mon cri se justifie par le lamentable (car il y a eu des plaintes et des gémissements) spectacle donné par certains candidats disqualifiés dès le premier tour, étrangers, dans leurs réactions, à tout sentiment de dignité, d'honneur, je ne parle même pas d'élégance. Parmi eux, beaucoup ont trouvé "injuste", "immérité" leur échec : comme si la politique, en République, fonctionnait à la justice et au mérite ! Non, le principe de l'élection, et lui seul, c'est le suffrage universel : le peuple décide, choisit ou rejette. Ce sont des préférences politiques, pas un acquiescement à des qualités personnelles ou la récompense d'une activité. Il y a sans doute des candidats ou des élus du FN qui sont compétents, actifs et même sympathiques : pour jamais rien au monde je ne voterais pour eux !

Des députés sortants, que le suffrage universel a sorti, se sont publiquement préoccupés de leur avenir professionnel, la difficulté d'une réinsertion, l'incertitude à retrouver un emploi. Ils promettaient au peuple des jours meilleurs et les voilà qui maintenant s'inquiètent de leurs fins de mois difficiles ! Est-il besoin d'expliquer longuement que cette attitude est indécente, dans une société française où des millions de personnes vivent des existences autrement plus douloureuses ? Jamais autrefois un parlementaire déchu n'aurait osé s'exprimer de la sorte, chercher à apitoyer sur son triste sort.

Je ne doute absolument pas de la sincérité de ces élus : leur anxiété vient du cœur et du portefeuille. Mais c'est justement cette sincérité qui aggrave leur cas. Je ne nie pas non plus qu'ils puissent se retrouver dans des situations personnelles délicates, problématiques, après avoir été battus : ce que je leur demande, c'est de garder leurs problèmes pour eux, parce que la mission d'un homme public est de se pencher seulement sur les problèmes des autres.

Lors de la soirée électorale qui vient, je fais donc le vœu de voir sur nos écrans des perdants qui seront à la hauteur de leur fonction, qui sauront s'effacer en silence parce que le peuple l'aura voulu ainsi, qui féliciteront les vainqueurs et se demanderont pourquoi, eux, ont été vaincus, qui ne chercheront aucune pitoyable excuse à leur défaite, ni illusoire consolation. Je sais, ce n'est pas facile, c'est même contraire à la nature humaine : mais qui a forcé nos candidats et nos élus à faire de la politique ?

3 commentaires:

R J a dit…

Sur le fond... Rien à redire.
Mais on verra bien ce qu'il adviendra de notre Président si dans moins de cinq maintenant, le corps électoral de l'époque en vient à lui refuser un second tour de piste...
Nos sortants ne sont pas robotisés, pas encore.
Vous voudriez que nous soyons représentés par des robots ?

Emmanuel Mousset a dit…

Les robots, c'était sous De Gaulle. On appelait ça les "godillots". Nous n'en sommes plus là, ne vous inquiétez pas. Quant à ce qui se passera dans cinq ans, laissez venir, ne vous en préoccupez pas : chaque jour suffit à sa peine. Sachons nous délecter de l'instant présent, et des résultats qui tomberont dans deux heures. Inch' Allah !

Philippe a dit…

Le masque tombe.
http://elections2017.actu.orange.fr/news/commemoration-de-l-appel-du-18-juin-les-badauds-n-etaient-pas-les-bienvenus-au-mont-valerien-CNT000000JQIyP.html