vendredi 22 septembre 2017

La démocratie et la rue



Les manifestations contre la réforme du code du travail ont connu hier une baisse d'affluence sensible, sans surprise en ce qui me concerne : le temps et les circonstances ne sont pas à l'explosion sociale. On peut certes en rêver, mais la réalité ne suit pas forcément. D'autant que ce mouvement est accompagné de signes baroques qui ne plaident pas en sa faveur : la dernière fois, c'était le ralliement des forains, qui ne sont tout de même pas l'avant-garde du prolétariat ; cette semaine, ce sont les ... CRS, qui font grève en se mettant en arrêt-maladie (on aura tout vu !).

Demain, en revanche, à la grande marche de la République insoumise, je pense qu'il y aura du monde, parce que l'opposition à Macron ne peut mobiliser que si elle est politique, pas seulement syndicale. Le thème de l'antilibéralisme est tellement à la mode qu'il ne peut qu'être porteur. Ceci dit, je ne crois pas non plus que le président de la République ait de quoi s'inquiéter : le positionnement de Mélenchon est tellement extrême qu'il ne peut que coaliser les gros bataillons de la gauche radicale, pas plus. Ca fait bien sûr du monde, mais pas une majorité, même pas relative (voir le résultat des dernières élections).

Une opposition est dangereuse pour le pouvoir en place qu'à partir du moment où elle représente une alternative, où elle constitue une possible relève : ce n'est pas le cas avec Mélenchon. Ses slogans sont si outranciers (le "coup d'Etat social", par exemple, déplacé, grotesque) qu'ils ne peuvent entrainer que les radicalisés. Cette opposition-là ne sait que s'opposer.

Il y a bien sûr, plus préoccupante, la théorie de la coagulation : dans les jours qui viennent, la grogne des retraités, fonctionnaires, chauffeurs routiers, agriculteurs et surtout étudiants pourrait faire boule de neige. Je n'y crois pas non plus : ces revendications sont trop disparates pour se retrouver dans un front commun, un front de classes, comme on disait à la grande époque.

La force de Macron, c'est qu'il fait ce qu'il a promis, ce pour quoi il a été élu, rien de moins, rien de plus. En démocratie, c'est du béton : personne ne peut aller contre ça. La preuve : on vient le chercher sur des mots, des bouts de phrase. C'est assez lamentable, c'est un signe de faiblesse. Dernière polémique en date : "La démocratie ne se fait pas dans la rue", a-t-il dit. Et alors ? Cette formule est banale, évidente de vérité. La démocratie, ce sont les élections, pas les manifestations.

Quand je défilais contre les réformes de Sarkozy, j'exprimais un mécontentement, légitime en démocratie. Mais jamais il me venait à l'idée de contester la légitimité du gouvernement en place, de le taxer de "coup d'Etat" lorsque ses mesures ne me convenaient pas. Je suis trop républicain pour réagir ainsi ! De même, quand plus d'un million de personnes sont descendues dans la rue pour refuser le mariage homosexuel, ce n'était pas une raison pour renoncer à cette réforme.

Le pouvoir doit écouter la rue, prendre la mesure de ses revendications, mais c'est lui, le pouvoir, qui a, qui doit avoir le dernier mot, parce qu'un mandat irrévocable le lie au peuple, à l'issue de l'élection où une équipe gouvernementale a été préférée à toutes les autres. Je ne bouge pas de là. C'est pourquoi Emmanuel Macron a totalement raison de solenniser la signature des ordonnances aujourd'hui. C'est une excellente pédagogie, pas un vulgaire coup de com' : rappeler en République où est le pouvoir, quelle autorité impose le respect et d'où elle tire sa légitimité. Oui, mille fois oui, et pardon pour la banalité du propos, la démocratie ne se fait pas dans la rue.

13 commentaires:

Tchernobog a dit…

Qu'en sera-t-il dans 5 ans quand l'injustice sociale rongera la société jusqu'à la moelle, que le taux de pauvreté aura explosé et que la précarité sera la règle, les millions investis dans les outils du maintien de l'ordre suffiront-ils à contenir la fureur populaire ?

poutnache a dit…

La démocratie ne se fait pas dans les rues ? Comment ont été instaurés les congés payés ? après une grève qui paralysait la france ? mais aussi le droit de vote des femmes ? pour le 2e c'était les militantes pour le droit de votes des femmes dans la rue (au départ en tout cas), il me semble. ? Il y a aussi des manifestations qui ont amené à le droit à l'avortement en France . Beaucoup de notre démocratie se fait en fait dans la rue.

Et une démocratie à coup d'éléctions, où il y a eu un énorme nombre d'absention, ou à coup d'ordonnances, j'appelle pas ça une démocratie ,

Si il ne veut pas une démocratie par la rue, pourquoi ne pas demander un référendum sur ses lois (qui , vu que le record était l'absentetion ou les votes blancs-qu'on était pas tous d'accord sur son programme et pourrait clairement prouver que tout le monde ne veut pas de SA* réforme

* et non pas les réformes :On a bien aimé les réformes qui ont créé les congés pays, la sécurité sociale, etc . On veut des réformes où c'est pas encore les grands patrons qui gagnent...

F M a dit…

La rue, ce n'est pas la démocratie ?
OK...
Pourtant on a tous en tête si on veut bien s'en souvenir des exemples français où le pouvoir en place, légitimement formé, a reculé parce que dans la rue, ça défilait...

Philippe a dit…

La démocratie a toujours été améliorée à l’initiative de la rue … je ne vais pas rappeler à un prof l’histoire de notre pays depuis le 14 juillet 1789 !!!!!!!!!!!!
Les citoyens qui n'ont pas voté pour E Macron au 1er tour ont voté évidemment contre M Le Pen au second tour.
Il n’est donc absolument pas assuré que E Macron ait l’adhésion d’une majorité de la population en ce qui concerne son programme.
Dans le cadre juridique de la Vème, dont la Constitution a été élaborée pendant la guerre d’Algérie il y a 1/2 siècle, E Macron est légitime.
Cependant nombreux sont ceux qui pensent que cette Constitution n’est pas adaptée à la complexité des techniques de plus en plus pointues et multiples bouleversant/malmenant sans cesse les acquis économiques et politiques qui irriguent la mondialisation.
Un « honnête homme » du 17ème siècle avec une fine teinture très superficielle de modernité donnée par l’ENA n’est plus apte à appréhender seul perché sur un trône notre Monde.
Notre Constitution positionne le leader en haut d’une pyramide très vite constituée de courtisans, souvent issus du même moule, qui lui brouille rapidement le peu de réalité qu’il avait pu percevoir.
Cette Constitution n’est pas réformable en profondeur de l’intérieur car elle est pétrifiée par ceux qui en vivent … royalement …
Faut-il souhaiter des événements qui comme pour la IV en 1958 la dynamiterait de l’extérieur ?
Pour la Nation France sans doute, pour les destins individuels c’est moins sûr !

Anonyme a dit…

Dans 5 ans comment sera la France? Comme l’Allemagne aujourd'hui, moteur de l'Europe, faible chômage, budget équilibré, président réélu...Certes tout ne sera pas encore parfait mais cela ira beaucoup mieux!

tourtinet a dit…

Ah ,et la démocratie dans la rue, vous ne me sembliez pas si contre que ça quand j'étais dans votre classe en 2009 et en 2010, Mr Mousset, puisqu'il suffisait d'une gréve des enseignants pour que vous ne vienez pas en cours...
C'est plutôt "contre la démocratie dans la rue" , quand elle va contre mes idées, mais "pour" quand elle va dans mon sens non?
(Il suffit de revoir vos posts sur profstory, pour voir que les gréves et les manifs vous dérangeaient moins à l'époque)

Philippe a dit…

J'ai entendu une énormité.
Décidèrent le pouvoir rend crétin !
En 1789 "la rue" n'y aurait été pour rien c'est les bourgeois qui ont tout fait.
Erreur les bourgeois ont tiré les marrons du feu mais dans la rue c'était bel et bien le "populo"qui agissait ... hélas parfois ... en découpant sauvagement en morceaux leurs victimes.
Je doute que nos petits bourgeois "en marche" acceptent cet héritage atroce et sanglant.

Anonyme a dit…

c'est que Mélenchon fait partie des populos et non des bobos, il faut vraiment tout lire. Macron a été élu par des millions de citoyens on va pas y revenir! Mélenchon et ses "soumis à lui" devront s'y faire et non tenter de prendre le pouvoir par la force. Qui a la légitimité pour dire ce qui est bon pour le peuple. Des petits bourgeois qui s'auto proclame défenseur de la plèbe ou l'élu du peuple!

Philippe a dit…

à "Anonyme 23 septembre 2017 à 21:44"
Mousset sort de ce commentaire

Erwan Blesbois a dit…

De 1789 jusqu'à Waterloo, le peuple a fait la sale besogne durant la Terreur, puis il s'est fait massacrer, envoûté qu'il fut par le génial stratège, chargé de répandre l'idéologie bourgeoise à travers l'Europe, cela n'eut pour seul effet à long terme que de réveiller les velléités de l'Allemagne. Sur le plan militaire jusqu'à 1945, sur le plan économique au moins jusqu'à maintenant.
A cela s'est ajouté le réveil de la Russie, et les millions de morts engendrés par la volonté de rattraper d'un seul coup tout son retard économique. Sacrifice de la population au service de cette cause, un peu en vain d'ailleurs, mais pas totalement !
Les décisions de massacrer la noblesse, le clergé, les Vendéens et les Chouans, ainsi que de décapiter le roi furent prises par la bourgeoisie. Le bras armé de la bourgeoisie fut le peuple, illettré et inculte. Le peuple à cette époque était incapable de "penser", il était entièrement manipulé par la bourgeoisie. Mais le peuple est-il davantage capable de "penser" de nos jours ? Le "peuple" aujourd'hui s'est embourgeoisé, mais il n'a pas conscience de ce qui le distingue de la véritable bourgeoisie, qui elle est véritablement active et virulente, alors que le "peuple" récemment embourgeoisé est globalement passif et endormi, donc manipulable.
La véritable bourgeoisie puise ses racines idéologiques et matérielles directement à l'esprit de 1789, et aux richesses volées également. La petite bourgeoisie n'est que le fruit d'un peuple qui peu à peu s'est embourgeoisé, surtout sous l'effet des "Trente Glorieuses".
La véritable bourgeoisie est au commande, et il faut bien voir que l'élection de Macron fut un tour de passe-passe magistralement interprété, une manipulation de la bourgeoisie virulente.
De 1789 à Waterloo, les richesses de la noblesse et du clergé sont allées directement dans les poches de la bourgeoisie, qui n'a rien partagé avec les gueux. De cet absence de partage initial, on en paie encore le prix, dans la rue !
Mélenchon et Le Pen représentent les deux facette opposées en apparence, de cette volonté du "peuple" qui malgré son embourgeoisement récent n'en a pas perdu le sens de l'injustice et de l'inégalité, de retrouver une forme de souveraineté, qu'elle soit matérielle ou sociétale. Mais la bourgeoisie virulente et manipulatrice, qui a propulsé au devant de la scène un jeune banquier, ne l'entend pas de cette oreille. Après avoir détruit la noblesse et le clergé, elle veut désormais détruire ce qu'il reste de "peuple" succinctement embourgeoisé, et les velléités de lutte contre l'injustice et l'inégalité qui lui sont rattachées comme par nature.
Quant à la bourgeoisie virulente et manipulatrice, elle a pour principes depuis 1789, l'injustice et l'inégalité en sous-main, malgré un discours officiel inverse. L'idéologie des droits de l'Homme lui sert à camoufler son crime initial, crime qui se perpétue désormais depuis 200 ans sous des formes diverses et variées, uniquement destinées à lui permettre de conserver et même de faire fructifier son pactole initial.
Macron est le bras armé de la bourgeoisie virulente, chargé de répandre l'inégalité et l'injustice dans la société française, car cela constitue le plus sûr moyen de museler l'opposition.
Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour finalement bouffer tous les jours au resto, et se taper les femmes les plus vénales de Paris !

L a dit…

A essayer de comprendre les laïus de M Blesbois, chez nous, il y aurait tant de sortes de bourgeoisies qu'on en arrive à se demander s'il reste autre chose d'autre en France que des bourgeois comme ci et des bourgeois comme ça...
Lui-même serait donc aussi un bourgeois, du type logorrhéïque certainement.

Anonyme a dit…

Les débats sont mobilisés ici par l'éducation sociale et donc une vision décalée de la realite sociale.Tout enseignant devrait passer une année dans un autre champ professionnel.

D. a dit…

Tout enseignant devrait passer une année dans un autre champ professionnel.
Et pourquoi pas aussi tous les autres ?
C'est une manière d'essayer de discréditer des avis ou des opinions qui ne parviennent qu'à discréditer celles et ceux qui les profèrent dont ici un vaillant anonyme.
CQFD à l'anonyme d'onze heures trente cinq du 30 septembre 2017 ?...