jeudi 17 décembre 2015

Un monstre parmi les monstres



La publication de scènes de torture et de décapitation par Marine Le Pen sur son compte twitter révèle la véritable nature de cette responsable politique, à ceux qui l'ignoreraient encore. Aucun homme public digne de ce nom ne ferait ça, pour quelque raison que ce soit. Cette femme n'est pas comme les autres : c'est un constat, c'est surtout une volonté de sa part. Elle vit dans la transgression, elle pratique la subversion permanente, elle sape les bases de la morale ordinaire, elle brise les tabous et elle s'en vante.

On ne montre pas ainsi la mort, on n'exhibe pas le malheur, on respecte les victimes, on pense aux proches : Le Pen ne pense qu'à elle-même. Elle a érigé l'obscénité en système, l'indécence en mode d'action. Son père ne s'en cachait pas : "je dis tout haut ce que les Français pensent tout bas". Le vote FN, c'est le défouloir des pensées honteuses : enfin pouvoir exprimer le pire qui est en nous, sans pudeur ni retenue. Le mal se vautre dans le mal. Eros et Thanatos : le FN, c'est la pulsion de mort, de destruction.

A-t-elle au moins des raisons qui pourraient en partie expliquer son acte ignoble ? Aucune ! L'origine est dans une réflexion de Gilles Kepel, qui n'est pas un politique, un polémiste mais un intellectuel, un universitaire qui nous livre sa pensée, qui est libre de le faire comme nous sommes libres de la discuter. Son idée, je la partage, je l'ai d'ailleurs déjà exprimée sur ce blog : à l'ère de la mondialisation, nous voyons se constituer des replis identitaires, dont les contenus peuvent être très différents, jusqu'à s'opposer, mais dont les ressorts sont identiques. Le nationalisme du FN et l'islamisme de Daech obéissent à cette même logique fondamentaliste, intégriste, quoique les motifs soient incomparables (la nation pour l'un, la religion pour l'autre) et les effets sans commune mesure (l'un est dangereux, l'autre est criminel). Voilà ce que Kepel, spécialiste du monde arabe, a voulu dire. J'ajoute que l'islamisme de Daech a aussi peu à voir avec la religion musulmane que le nationalisme du FN avec le patriotisme français.

On peut parfaitement être en désaccord avec la thèse de Kepel. Alors, on y répond par des arguments, une réflexion : pas par des photos horribles rendues publiques, qui essaient de discréditer grossièrement un chercheur réputé, de le faire passer pour quelqu'un qui dit n'importe quoi. Si c'était réellement le cas, il suffirait de hausser les épaules et d'en sourire. "Il n'y a que la vérité qui blesse", dit-on. En politique, les attaques injustes, dégradantes sont le lot commun : on n'y fait pas attention. Si Le Pen s'est sentie piquée au vif, n'est-ce pas parce que Kepel a visé juste, sans d'ailleurs particulièrement le vouloir (ce n'est pas un militant anti-FN, à ma connaissance) ?

En prenant la mouche, Le Pen a perdu la tête. Au fond, pourquoi ? Parce qu'elle est folle, en rage d'avoir perdu ses chères régions qui lui étaient promises, qui l'auraient crédibilisée et ouvert le chemin vers l'Elysée. Sa dynamique a été cadenassée par ce qu'elle redoute et déteste le plus : ce front républicain qui l'empêche de gagner, qui désespère son électorat, qui lui bouche l'avenir. Ces photos sonnent aussi comme une forme de vengeance : le leader du FN déverse ainsi toute sa haine envers cette société, ces intellectuels, ces médias qu'elle n'aime pas (l'establishment, comme disait son père).

Au sens propre du terme, le FN est un parti monstrueux, hors-normes, extrême, radicalement étranger à la culture pacifique, tolérante, égalitaire qui est celle de la démocratie française contemporaine. Il est étranger aussi à notre éthique ordinaire, aussi bien laïque qu'évangélique, faite de charité, d'hospitalité, de compassion. Ce monstre, par sa pitoyable défense qui est en réalité une attaque, nous inflige la propagande d'autres monstres, ajoutant de la terreur à la terreur. Heureusement que la grande majorité des Français ne s'y laissent pas prendre.

22 commentaires:

Anonyme a dit…

Pourquoi voter ci c'est pour toujours avoir le droit à la même rengaine à chaque second tour: le front républicain?
Droite comme gauche, ils se partagent le pouvoir.
D'ailleurs, je vais renvoyer ma carte d'électeur à l'Elysée.

Emmanuel Mousset a dit…

Personnellement, je souhaite que l'alternance se fasse entre républicains. Quant à vous, militez en faveur des antirépublicains, puisque tel est votre choix. Pour la carte d'électeur, je me réjouis de votre décision : une voix de moins pour le FN !

Bil36 a dit…

Vous avez oublié de dire l'essentiel M Meousset : Marine lepen mange les enfants, les électeurs du fun font des messes sataniques et torturent des personnes âgées dans des caves, après les avoir empoisonnés...

Emmanuel Mousset a dit…

Votre réaction est intéressante : c'est la même technique que Marine Le Pen avec les photos. L'objectif est de discréditer la critique, en la faisant passer pour outrancière, donc ridicule. Mais à aucun moment ne sont proposés des arguments rationnels. En fait, votre réponse est la meilleure illustration à ma démonstration.

Bil36 a dit…

Gilles kepler est universitaire, ça impose le respect, surtout lorsque l'on sait comment sont donnés les titres a l'université (ceux qui comprendront comprendront...), moi même professeur agrégé je n'ai pas eu le droit d'entrer dans cette institution fermée que l'on nomme Université française, ou la cooptation est la norme, de même que le consensualisme. Finalement M kepler est bien comme ces politiciens du nouveau parti que vous appelez "front républicain ": quelqu'un qui a faisant honneur au système sans faire de vague, sans audace n'ai aucune idée nôuvelle. Un carriériste en somme, que le système saura dignement recompenser par une place de recteur ou de chancelier des universités pourquoi pas ? En ces temps de conformisme,politique, il est bon de mettre en valeur tous les agents du système qui pourront sauver Feu l'UMPs

R a dit…

Ce qui est venu perturber un ordonnancement possiblement compréhensible de tous, c'est la dénomination actuelles des gens de droite dure... Les Républicains... Comme si les autres qui se réclament de la République ne l'étaient pas ou plus ou moins qu'eux...
Si on passe l'Atlantique, c'est plus clair depuis deux siècles : les républicains sont à droite des démocrates et les démocrates sont à gauche des républicains... C'est compréhensible, même si d'autres entités politiques résiduelles existent ici ou là.
Chez nous, au lieu de parler de front républicain on aurait fait (et on ferait encore) mieux de parler de front démocratique.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Kepel, par Kepler l'astronome. Mais je suppose que vous êtes autant agrégé que je suis archevêque.

2- Républicain ou démocrate, peu importe la dénomination, chacun comprend de quoi il retourne.

Erwan Blesbois a dit…

Même quand le FN fera 48 %, diras-tu que la majorité écrasante des Français fait front républicain contre les idées répugnantes et nauséabondes du FN ?

Erwan Blesbois a dit…

Quand je discute avec des plus jeunes de moins de 20 ans ils n'ont aucun tabou vis-à-vis du FN, il n'y a pas eu le même boulot sur eux que sur nous à l'époque, de la part de nos profs, peut être qu'il faudra beaucoup de temps, mais que finalement un parti qui pose le problème de l'immigration et de l'identité française parviendra au pouvoir. Sachant que le grand impensé est le libéralisme économique qui avec la mondialisation comprime les droits sociaux, favorise la concurrence, le mouvement vers le plus bas des salaires de la majorité, donc la disparition de la classe moyenne dans nos vieilles nations à long terme, et quelque part qui permet la revanche de certaines nations jusqu'ici défavorisées, comme la Chine, l'Inde, le Brésil.
Nous vivons sur des acquis, nous avons un vieil héritage qui permet encore de ne pas couler : droits sociaux, argent accumulé, force de travail accumulée, compétences et savoir-faires, mais globalement nous sommes plutôt dans la pente descendante ; car nous ne sommes pas compétitifs face à des pays émergents qui ont comprimés au maximum leur coût du travail. La droite la plus libérale voudrait nous aligner sur le même modèle, c'est pour cela qu'elle encourage l'immigration et se fout de l'identité, la seule chose qui l'intéresse est le profit. Je pense que Sarkozy est un peu dans cette ligne, un peu d'opportunisme "identitaire", mais aucune conviction dans ce domaine, une ligne directrice ; le profit.
Je ne vois pas les dirigeants actuels du FN comme capables d'assumer la direction du pays, il faudrait qu'un chef émerge, capable de montrer l'exemple, capable de s'appliquer à lui même et plus encore, ce qu'il exige de son peuple comme le faisait De Gaulle ; or les élites actuelles sont plutôt à la recherche de privilèges, de reconnaissance sociale et d'enrichissement personnel, plus que du grand sacrifice qu'impose à soi-même la direction d'un Etat. Et qu'on n'aille pas me dire que les classes moyennes sont encore plus corrompues, les classes moyennes ne sont que le résultat de l'exemple que donnent les dirigeants du pays et non l'inverse.
Puisque la démocratie directe est en réalité un idéal inapplicable, car impossible à mettre en œuvre à l'échelle d'une nation comme la France au vue de sa taille, mais aussi de son histoire, alors que c'était possible pour une Cité comme Athènes ; la France a besoin d'un chef qui incarne l'identité de la France et qui fédère au maximum. De Gaulle avait un sens de l'honneur tellement développé qu'il mettait parfois en jeu sa légitimité personnelle par la voix de référendums populaires, et lorsqu'il fut désavoué sur un référendum sur les régions, il quitta le pouvoir, fait unique dans la cinquième république. Quand on voit les opportunistes de droite, Chirac puis Sarkozy en comparaison et leur fourberie sur le référendum européen, essai finalement transformé en deux temps. Au moins Hollande a un côté ridicule mais je trouve qu'il a un peu plus de hauteur, je le trouve assez conforme à sa fonction à la différence de Sarkozy, suragité, anxiogène et clivant, et auquel Valls ressemble un peu malheureusement, mais passons. Non la France a besoin d'un chef incarnant son identité, par delà les clivages partisans, capable de fédérer la grande majorité des Français dans la lignée de la monarchie, sur le modèle de laquelle De Gaulle bâti la cinquième république, car le président de la République a pour vocation d'être une sorte de monarque républicain. Le pouvoir au peuple par le biais d'un chef qui serait son incarnation, sinon c'est l'anarchie.

Erwan Blesbois a dit…

Le FN est un parti pirate, anarchiste de droite, il n'y a aucune cohérence interne à ce parti, fait de multiples râleries petites bourgeoises identitaires et mesquines, ce n'est pas avec ça qu'on gouverne un Etat. Pourtant c'est dans ce parti qu'il faut chercher la dynamique populaire capable de conduire à l'avènement d'un chef par delà les clivages partisans, et capable de fédérer la majorité des Français en tenant compte de l'identité profonde du pays. C'est vrai cela peut nous conduire à Hitler, c'est une option mais il faut compter sur la dynamique populaire prendre des risque et une réplique de De Gaulle est une autre option plus probable, car il faut voir que le fascisme est une alternative qui n'a jamais réussie à prendre racine en France, concernant le gouvernement du pays. L'épisode Pétain est un cas à part, car nous vivions sous occupation et n'avions pas précisément notre souveraineté. Chirac a fait un contresens en mettant l'Etat français sous Vichy, sur le même plan qu'un Etat jouissant de sa pleine souveraineté, il n'y avait aucune excuse à faire au nom du peuple français, car cet Etat ne représentait pas le peuple français.

Bil36 a dit…

Mes culpa M,Mousset, j'ai confondu l'orthographe d'un gran homme avec celui d'un plus petit, mais chaque époque a les héros qu'elle mérite...

Unknown a dit…

Lorsque le cadavre d'un réfugié pubien est filmé par la télévision française on ne traite pas les journalistes de fascistes, mais j'oubliais M. MOusset, il y a deux poids deux mesures. Certaines personnes de certaines communautés ont quelques privilèges (cf les origines de filet)

Emmanuel Mousset a dit…

- Monsieur, vous vous trompez : j'ai dénoncé sur ce blog l'utilisation médiatique de cette photo. Et la faute des uns n'excuse pas la faute des autres.

- Erwan, une majorité de Français voteraient-ils FN que je continuerais à dénoncer cette monstruosité, d'autant que nous ne serions plus alors en République. Le suffrage universel n'est pas une machine à laver les idées sales. Un fascisme populaire reste un fascisme. Quant à qualifier le régime de Vichy d' "épisode", je ne voudrais pas être désobligeant avec toi, cher ami, mais quelqu'un avait parlé de "détail" pour relativiser une tragédie de la même époque.

Erwan Blesbois a dit…

Pétain n'a précisément jamais été élu au suffrage universel, c'est l'assemblée qui lui a donné les pleins pouvoirs, ce qui jette le discrédit sur la classe politique, une fois de plus, et pas sur le peuple français qui ne lui a jamais accordé son suffrage. Du strict point de vue de la représentation de la souveraineté populaire, il s'agit d'un non-évènement, d'un épisode et d'une aventure, puisqu'il ne représentait pas, Pétain, la souveraineté populaire, mais fut l'expression de la lâcheté de nos élites, une fois de plus. Chirac aurait dû demander pardon au nom de sa caste politique et pas salir l'honneur du peuple français.

Emmanuel Mousset a dit…

La popularité du maréchal, les foules qui se sont pressées autour de lui jusque dans les derniers mois de son gouvernement valent représentation. Il n'y a pas de "parenthèses" dans l'histoire.

Erwan Blesbois a dit…

Si il y a mai 68 que l'on nomme la "parenthèse enchantée", une parenthèse qui dure depuis près de 50 ans, puisque la France n'en est jamais vraiment sortie ; ou alors si avec les attentats de "Charlie Hebdo", et le vote FN depuis un certain nombre d'années ; réveil douloureux pour un peuple qui croyait être sorti de l'histoire et pouvoir afficher aux yeux du monde sa superbe irresponsabilité collective, à travers tous les héros qu'elle s'est choisie au cours de ces cinquante années ; pour en faire l'inventaire, il suffit de lire le livre d'Eric Zemmour "Le suicide français."

Emmanuel Mousset a dit…

Il n'y a que les suicidaires qui parlent de suicide.

V a dit…

"Le FN est un parti pirate"
Le parti Pirate existe bel et bien et n'a strictement rien à voir avec les communautaristes et les obédiences d'extrême droite.

Emmanuel Mousset a dit…

C'est qu'Erwan a un bandeau sur les deux yeux ...

Anonyme a dit…

Erwan n'est pas un démocrate, qu'il s'engage dans l'armée si il veut un chef, la démocratie c'est la souveraineté du peuple, pas une espèce de mystique fasciste de culte du chef.

Erwan Blesbois a dit…

Il y a une dernière chose qui joue en faveur du FN, j'ajouterais malheureusement, c'est que l'on trouve ses plus féroces opposants parmi le grand patronat, Stéphane Richard le PDG d'Orange a proposé que : "les dix premières fortunes de France, créent ensemble un fonds d’un milliard d'euros pour financer les projets des jeunes, de la déradicalisation, des campagnes anti-FN". Toujours cette collusion suspecte entre les idéaux libertaires post soixante-huitards, antiracistes notamment, et la vision la plus libérale de la mondialisation, qui conduit au chômage de masse dans les pays d'Europe. Or la vision la plus libérale de la mondialisation est-ce une voie non critiquable, et pourquoi craignent-ils autant le FN ?certainement pas par philanthropie.

Erwan Blesbois a dit…

A anonyme 09:29
Disons que je n'ai pas toujours un comportement béni oui-oui de démocrate, que je me laisse aller à des débordements car je constate la collusion entre la vision la plus libérale de la mondialisation et les idéaux libertaires "droits de l'hommistes", anitracistes ; je me pose la question de pourquoi une telle collusion, car je pense que la vision la plus libérale de la mondialisation est en réalité et en profondeur contraire aux droits de l'homme et à la préservation de l'environnement. Non je ne m'engagerai pas dans l'armée, car finalement mon métier dans l'éducation nationale me plaît, le contact avec la société civile me plaît. Je devrai tout simplement veiller à ce que l'outrance occasionnelle de mes propos ne dépassent pas ma pensée, et ne heurte pas la susceptibilité des uns et des autres. Pour ma part c'est la vision la plus libérale de la mondialisation que l'on doit réformer, et ce ne sont pas les réformes qui doivent se faire au nom de la vision la plus libérale de la mondialisation.