mardi 22 décembre 2015

Etre ou ne plus être Français



A la suite des attentats du 13 novembre dernier, le président de la République avait promis d'inscrire dans la Constitution le principe de la déchéance de nationalité, pour les citoyens binationaux nés en France et condamnés pour terrorisme. Le Parlement unanime avait applaudi. La mesure sera examinée demain en Conseil des ministres. Je souhaite que François Hollande y renonce, pour plusieurs raisons :

C'est une proposition injuste. Si on estime que le terrorisme est une atteinte grave à la France, pourquoi déchoir de leur nationalité les seuls binationaux ? Le principe d'égalité exige que tout citoyen français soit identiquement puni, si on pense que la sanction est juste. A tout prendre, il est même plus condamnable moralement de s'en prendre à son pays quand on a uniquement la nationalité française que lorsqu'on a une double nationalité.

C'est une proposition inutile, puisqu'elle existe déjà, dans la loi, applicable à la demande du ministère de l'Intérieur. Elle est d'ailleurs régulièrement utilisée. Il ne sert à rien de l'inscrire dans la Constitution.

C'est une proposition inefficace. Un terroriste emprisonné se moque de perdre sa nationalité française. Cette mesure n'est même pas dissuasive : on ne va pas renoncer à commettre un attentat pour ne pas risquer de perdre sa nationalité ! C'est pourquoi la procédure est rarement appliquée.

Pourquoi François Hollande a t-il proposé une mesure aussi mauvaise ? Parce qu'après le traumatisme des attentats, il a voulu coller à l'état d'esprit de l'opinion. A t-il tort, a t-il raison ? Je n'en sais rien. Je sais seulement que je ne suis pas d'accord, pour les raisons que je viens de donner. Mais il y a plus grave : c'est la symbolique qui se dégage de cette proposition injuste, inutile et inefficace, là encore pour plusieurs raisons :

D'abord, on relance le débat sur l'identité nationale, que certains intellectuels sont libres d'exploiter, mais qui n'a pas sa place en politique, où il s'agit de trouver des solutions concrètes à des problèmes concrets, pas de disserter sur des points d'idéologie. Le terrorisme n'a rien à voir avec les interrogations théoriques sur l'identité française.

Surtout, la nationalité, en République, c'est la naissance, pas la culture ou la volonté. Est Français celui qui est né en France, point. On reste français toute sa vie, comme on est fils ou fille de jusqu'à sa mort. Toucher à ça, faire un tripatouillage dans la nationalité, même pour de louables raisons, c'est symboliquement dangereux, c'est la porte ouverte à d'autres dérives autrement plus inquiétantes. Quand une logique est initiée, on ne sait pas où elle nous conduit, il est difficile de l'arrêter. Vous me direz peut-être que l'exception confirme la règle ? Oui, sauf lorsqu'il s'agit d'une mesure inscrite dans la Constitution, qui prend alors un caractère universel, exemplaire et sacré.

Bien sûr, on peut se faire plusieurs conceptions de la France et de la nationalité française. Il y a la France éternelle de Maurras, la France charnelle de Barrès, la France nationaliste de Le Pen (avez-vous remarqué que lorsqu'elle parle de ses électeurs, elle ne dit pas "les citoyens" mais "les nationaux" ?). Il y a aussi la France millénaire d'Ancien Régime, et la France de demain, dans quelques siècles, dont nous ignorons ce qu'elle sera. "Ma France", comme chantait Jean Ferrat, c'est la République et ses valeurs. Ai-je raison, ai-je tort ? Je n'en sais rien, je n'ai même pas choisi : je vis en République, j'aime ses principes, ils ont le mérite de la simplicité, j'en reste là. Si certains veulent changer de système, voir la France autrement que républicaine, soumettre la nationalité à d'autres critères, c'est leur droit. Mais je ne vais pas dans cette direction-là.

12 commentaires:

Marc a dit…

Mais pour moi la gauche et la droite ça ne veut plus rien dire. Ils s'amusent entre aux pour les places bien au chaud !!! Tout le chantage anti-FN c'est du bidon. Même Jospin avait dit qu'il n'y avait jamais eu de danger fasciste en France ... tout ça c'est pour mieux manipuler les Français et on voit que ça marche. Le premier parti de France qui n'obtient aucune région !!! Heureusement ils auront de très nombreux conseillers régionaux. Le partage se fait entre les mondialistes, soumis à Bruxelles et Washington (les RPS en gros) et les souverainistes dont le principal parti en France est le FN avec la gauche du PS ... Vive la France et les vrais Français !!!
Acte de Foi :
Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités que vous avez révélées et que vous nous enseignez par votre Eglise, parce que vous ne pouvez ni vous tromp er ni nous tromper.

Emmanuel Mousset a dit…

Si je vous comprends bien, Dieu vote Le Pen. Vous faites un drôle de paroissien !

Anonyme a dit…

((Le principe d'égalité exige que tout citoyen français soit identiquement puni)) ?
Le principe d'égalité exigerait plutôt que tout citoyen français soit d'abord identique à lui-même... Donc, soit tous les français seraient des binationaux soit aucun. Donc tous les français, uniquement français.
Cette "différence" là n'est guère admise en milieu populaire.

Emmanuel Mousset a dit…

Ne faites pas parler le "milieu populaire" ; restez-en à votre propre opinion. La binationalité est précieuse pour certains de nos concitoyens qui, tout en étant Français, souhaitent demeurer fidèles à leurs origines. C'est un sentiment très louable. Je ne vois pas pourquoi on l'interdirait. Quant à l'appliquer à tous, c'est stupide, puisque la grande majorité n'est pas concernée. Vous avez une conception singulièrement tordue de l'égalité. Un droit n'est pas une obligation pour tous.

Anonyme a dit…

((Ne faites pas parler le "milieu populaire" ; restez-en à votre propre opinion.))
Je suis d'un milieu populaire (fratrie de onze tous nés en France, père ouvrier agricole né de maman flamande et de père français, mère française née de père et mère français, restée au foyer jusqu'à ses quarante sept ans puis distributrice de prospectus : ce n'est un milieu populaire, ça ?) et j'exprime ainsi mon opinion : jamais il ne serait venu à l'idée pour mon père de demander à être belge en même temps que français.
Les "tordus" ne seraient-ils pas plutôt du côté de ceux qui ne se satisfont pas tout bonnement d'être français ? Toujours plus ? Même processus avec les noms patronymiques (déclarations des naissances à l'état civil)...

Emmanuel Mousset a dit…

Votre vie personnelle ne m'intéresse pas. Vos choix familiaux n'ont pas à être imposés aux autres. Vous proposez de supprimer la binationalité : c'est une proposition politique à quoi je m'oppose.

Anonyme a dit…

Je suis venu ici pour voir votre avis sur ce sujet. Ouf !!! Il reste encore de l'homme de gauche en vous. Manuel Valls ne l'a pas totalement effacé.

Emmanuel Mousset a dit…

Ce n'est pas vous qui décidez ce qui est de gauche ou pas en moi ou chez les autres.

Philippe a dit…

La double nationalité avec des pays dont la religion d’État est la religion musulmane est une bêtise.
Les personnes de religion musulmane sont « mécréanophobes ». (ne pas confondre avec « les personnes de culture musulmane » qui peuveent être athées ou agnostiques)
Sur un site musulman un converti explique :
« On constate – avec une immense tristesse en ce qui me concerne – qu’une fois en position de pouvoir et de domination majoritaire (fût-ce au sein d’une unité organisationnelle entrepreneuriale, donc privée), « les » musulmans n’échappent pas au tropisme du rapport de force. Cela se reflète, notamment, au travers de la construction de l’autre (le mécréant, kâfir) comme une espèce différente, avec laquelle il serait interdit de se mélanger, de sympathiser, de s’identifier – en particulier en respectant et en faisant une place à la célébration de ses fêtes. Nous retrouvons ainsi les mêmes mécanismes organisationnels discriminants, ceux-là mêmes qui sont légitimement combattus avec ferveur lorsqu’il s’agit des minorités musulmanes. »
L'article complet :
http://www.saphirnews.com/Mecreanophobie-pour-une-critique-interne-salutaire_a21740.html
Ce ressenti correspond au mien (mécréant) lorsqu'il y a longtemps j'ai séjourné plusieurs années en Algérie pour y travailler, donc en immersion complète.
Ces mœurs, de croyants, sont actuellement importées en Europe et créent de fait un bi-culturalisme.
En favorisant la création de ce bi-culturalisme nous rendons probable ou possible la survenue d'une guerre civile dont nous commençons à ressentir les premiers effets.
Les européens d'origine judéo-chrétienne devront choisir entre deux solutions :
La solution douce (pour les mâles, pas douce pour les femmes) : la soumission décrite par Michel Houellebecq, celle que je préfère ... pour l'avoir observée la vie rêvée pour les mecs !
La solution violente ayant pour objectif la remigration des musulmans dans les pays de leurs ancêtres, l'inverse de celle subie par les pieds noirs. Quant aux convertis ils pourront faire le chemin en sens inverse !

Emmanuel Mousset a dit…

Réserver la double nationalité aux non musulmans est pire qu'une bêtise : une mesure anticonstitutionnelle et antirépublicaine. Mais peut-être que vous n'en êtes pas à ça près, étant donnée la tonalité de votre commentaire.

Philippe a dit…

"La double nationalité avec des pays dont la religion d’État est la religion musulmane est une bêtise."
à la place de "est une bêtise", ma pensée aurait été mieux traduite par "fut une bêtise".
Il est trop tard pour changer quoique ce soit !
Nous avons programmé pour la génération à venir l'une des deux solutions : soumission ou remigration.
Avec les dettes que nous avons et les atteintes à la nature faites nous laissons un bel héritage !

Anonyme a dit…

Je conçois la bi-nationalité comme établie il y a bien longtemps lorsqu'un "picard" est devenu "français", lorsqu'un "breton" est devenu "français" et lorsqu'un "corse" ou un "niçois" sont devenus "français" ou encore un "flamand" et un "alsacien" sont devenus "français" et même aussi lorsqu'un "algérois", un "oranais" ou un "constantinois", voire un "cochinchinois" et autres moult exemples possibles sont devenus "français". Lorsque l'Algérie ou le Vietnam ont pris leur indépendance, celles et ceux qui voulaient conserver leur bi-nationalité l'ont fait savoir de la manière que tout un chacun connaît (et quelquefois notre état n'a pas tout fait pour ceux là), quant aux autres, ils sont restés chez eux et c'était leur droit légitime. La bi-nationalité est un non sens si on l'applique aux immigrés qu'ils soient réfugiés politiques ou réfugiés économiques. Et le prix à payer est encore inconnu.